Le Secrétaire général estime que le multilatéralisme peut devenir un instrument de paix encore plus puissant s’il adopte les solutions offertes par le Pacte pour l’avenir
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du débat du Conseil de sécurité sur le thème: « Pratiquer le multilatéralisme, réformer et améliorer la gouvernance mondiale », à New York, aujourd’hui:
Je remercie le Ministre Wang Yi et la Chine d’avoir organisé cet important débat.
Cette année marque le quatre-vingtième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies. Née des cendres de la Seconde Guerre mondiale, notre Organisation est le fruit de l’engagement pris à l’échelle mondiale de « préserver les générations futures du fléau de la guerre ».
Sa création a également marqué un engagement en faveur d’un niveau de coopération internationale entièrement nouveau, ancré dans le droit international et dans notre Charte fondatrice. L’engagement d’aider les pays à dépasser les horreurs du conflit pour instaurer une paix durable. De lutter contre la pauvreté, la faim et la maladie. D’aider les pays à progresser sur l’échelle du développement. De fournir une aide humanitaire en cas de conflit ou de catastrophe. D’ancrer la justice et l’équité grâce au droit international et au respect des droits humains. D’œuvrer, dans le cadre de ce Conseil, pour faire avancer la paix par le dialogue, le débat, la diplomatie et la recherche d’un consensus.
Huit décennies plus tard, on peut établir un lien direct entre la création de l’Organisation des Nations Unies et la prévention d’une troisième guerre mondiale. Huit décennies plus tard, l’ONU reste un lieu de rencontre unique en son genre et indispensable à la promotion de la paix, du développement durable et des droits humains. Mais huit décennies, c’est long. Et parce que nous croyons à la valeur et à l’objectif de l’ONU, qui lui sont propres, nous devons en permanence nous efforcer d’améliorer l’institution et notre façon de travailler.
Le dispositif de coopération internationale est opérationnel, mais une refonte du système d’exploitation s’impose. Une refonte de la représentation, pour rendre compte des réalités d’aujourd’hui. Une refonte de l’aide apportée aux pays en développement, afin de réparer les injustices historiques. Une refonte visant à s’assurer que les pays adhèrent aux objectifs, principes et normes qui fondent le multilatéralisme sur la justice et l’équité. Et une refonte de nos opérations de paix.
La solidarité mondiale et des solutions globales sont plus que jamais nécessaires. La crise climatique fait rage, les inégalités se creusent et la pauvreté augmente. Comme ce Conseil le sait bien, la paix est de plus en plus hors de portée – du Territoire palestinien occupé à l’Ukraine, en passant par le Soudan, la République démocratique du Congo, etc.
Les fléaux que sont le terrorisme et l’extrémisme violent persistent. Nous voyons se répandre une sombre culture de l’impunité. La menace d’une guerre nucléaire demeure un danger clair et présent, ce qui est révoltant. Les possibilités illimitées offertes par les technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle s’accompagnent d’un risque également illimité d’affaiblissement, voire de remplacement de la pensée humaine, de l’identité humaine et du contrôle humain.
Ces problèmes mondiaux demandent des solutions multilatérales.
Le Pacte pour l’avenir que vous avez adopté en septembre vise à renforcer la gouvernance mondiale pour le vingt et unième siècle et à rétablir la confiance – confiance dans le multilatéralisme, confiance dans les Nations unies et confiance dans ce Conseil. Au fond, le Pacte pour l’avenir est un pacte pour la paix – la paix dans toutes ses dimensions.
Il propose des solutions concrètes pour renforcer les mécanismes de paix, s’inspirant des propositions du Nouvel Agenda pour la paix qui donnent la priorité à la prévention, à la médiation et à la consolidation de la paix. Le Pacte vise à renforcer la coordination avec les organisations régionales et à garantir la pleine participation des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés aux processus de paix. Il appelle au renforcement de la Commission de consolidation de la paix afin de mobiliser le soutien politique et financier nécessaire à la mise en œuvre des stratégies de prévention et de consolidation de la paix pilotées par les pays.
Il contient également le premier accord multilatéral sur le désarmement nucléaire conclu depuis plus de dix ans... Présente de nouvelles stratégies visant à mettre fin à l’emploi d’armes chimiques et biologiques... Ainsi que des mesures revitalisées visant à prévenir une course aux armements dans l’espace et à faire avancer les débats sur les armes létales autonomes.
Il exhorte les États Membres à respecter les engagements qu’ils ont pris, consacrés dans la Charte des Nations Unies, ainsi que les principes de respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique des États.
Il réaffirme leur volonté inébranlable à respecter le droit international et à privilégier le règlement pacifique des différends par le dialogue. Il reconnaît le rôle de l’Organisation des Nations Unies dans la diplomatie préventive. Il réaffirme la nécessité de respecter tous les droits humains – civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Il appelle à une véritable inclusion des femmes et des jeunes dans tous les processus de paix.
Il demande en particulier au Conseil de sécurité de veiller à ce que les opérations de paix soient guidées par des mandats clairs et séquencés, réalistes et réalisables, ainsi que des stratégies de sortie et des plans de transition viables.
Mais le Pacte va encore plus loin pour la paix. Il prend acte du fait que nous devons nous attaquer aux causes profondes des conflits et des tensions. Le développement durable passe par l’instauration d’une paix durable. Le Pacte dispose qu’il faut soutenir la mise en place d’un plan de relance des objectifs de développement durable afin d’aider les pays en développement à investir dans leur population et à relever des défis majeurs, notamment à s’orienter vers un avenir ancré dans les énergies renouvelables.
Il comprend un engagement renouvelé de réformer l’architecture financière mondiale afin de représenter de manière plus exacte et plus équitable les besoins des pays en développement. Il comprend également un Pacte numérique mondial qui appelle à la création d’un organe de gouvernance de l’intelligence artificielle associant pour la première fois les pays en développement à la prise de décisions.
Le Pacte reconnaît également que le Conseil de sécurité doit refléter le monde d’aujourd’hui, et non celui d’il y a 80 ans, et énonce des principes importants pour guider cette réforme tant attendue. Ce Conseil devrait être élargi et devenir plus représentatif des réalités géopolitiques d’aujourd’hui. Nous devons aussi continuer à améliorer les méthodes de travail du Conseil afin de le rendre plus inclusif, plus transparent, plus efficace, plus démocratique et plus responsable.
Cela fait plus de dix ans que l’Assemblée générale examine ces questions. Le moment est venu de tirer parti de l’élan donné par le Pacte pour l’avenir et d’œuvrer en faveur d’un consensus plus large entre les groupes régionaux et les États Membres – y compris les membres permanents de ce Conseil – afin de faire avancer les négociations intergouvernementales.
À tous les niveaux, j’appelle les membres de ce Conseil à surmonter les divisions qui bloquent une action efficace en faveur de la paix. Le monde compte sur vous pour contribuer véritablement à mettre fin aux conflits et à alléger les souffrances que ces guerres infligent à des innocents.
Les membres du Conseil ont montré qu’il était possible de trouver un terrain d’entente. Qu’il s’agisse du déploiement d’opérations de maintien de la paix… de l’adoption de résolutions vitales sur l’aide humanitaire… de la reconnaissance historique des problèmes de sécurité rencontrés par les femmes et les jeunes… ou encore de la résolution 2719, qui appuie les opérations de soutien à la paix menées par l’Union africaine à travers des contributions obligatoires.
Même aux heures les plus sombres de la guerre froide, la prise de décisions collégiales et le dialogue vif entretenu au Conseil de sécurité ont permis de préserver un système de sécurité collective, certes imparfait, mais fonctionnel. Je vous exhorte à retrouver cet esprit, à poursuivre vos efforts pour surmonter les divergences et bâtir les consensus nécessaires pour instaurer la paix dont tous les peuples ont tant besoin et qu’ils méritent.
La coopération multilatérale est le cœur battant de l’Organisation des Nations Unies. Guidé par les solutions offertes dans le Pacte pour l’avenir, le multilatéralisme peut devenir un instrument de paix encore plus puissant. Mais la puissance du multilatéralisme dépend directement du niveau d’engagement de chaque pays.
Face aux enjeux du monde qui nous entoure, j’invite tous les États Membres à continuer de renforcer et d’actualiser nos mécanismes mondiaux de résolution des problèmes. Faisons en sorte qu’ils soient à la hauteur de la mission… à la hauteur des besoins des populations… à la hauteur de la paix.