En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/22372

Pour éviter l’échec du multilatéralisme, le Secrétaire général met l’accent sur trois textes porteurs de chances et de possibilités nouvelles, dont le Pacte pour l’avenir

On trouvera ci-après l’allocution faite aujourd’hui par le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à l’occasion de l’ouverture du Sommet de l’avenir:  

Bienvenue au Sommet de l’avenir.  Je remercie les cofacilitateurs, l’ancien et l’actuel président de l’Assemblée générale, tous les États membres, pour leur engagement fort, leur créativité et leur esprit de compromis, ainsi que tous mes collègues pour leurs efforts inestimables au cours des trois dernières années. 

Nous sommes ici pour préserver le multilatéralisme des affres de l’échec.  J’ai demandé que le présent Sommet envisage des réformes profondes visant à rendre les institutions mondiales plus légitimes, plus justes et plus efficaces, sur la base des valeurs énoncées dans la Charte des Nations Unies.  J’ai convoqué ce sommet parce que les défis du XXIe siècle requièrent des solutions du XXIe siècle : des cadres en réseau et inclusifs, qui s’appuient sur les compétences de l’humanité tout entière. 

J’ai convoqué ce sommet parce que notre monde perd le nord et qu’il nous faut prendre des décisions difficiles pour le remettre sur la bonne voie.  Les conflits font rage et se multiplient, du Moyen-Orient à l’Ukraine en passant par le Soudan, sans qu’une fin soit en vue. Notre système de sécurité collective est menacé par les dissensions géopolitiques, les prises de positions face au nucléaire, la mise au point de nouvelles armes et l’apparition de nouveaux théâtres d’hostilités. 

Les ressources qui pourraient se traduire en potentialités et être porteuses d’espoir sont investies dans la mort et la destruction.  Des inégalités colossales freinent le développement durable. De nombreux pays en développement, croulant sous la dette, sont incapables de subvenir aux besoins de leur population.  Nous n’avons pas, à l’échelle mondiale, de réponse efficace aux menaces émergentes et complexes, voire existentielles. 

La crise climatique détruit des vies, dévaste des communautés et ravage des économies.  Nous connaissons, toutes et tous, la solution – l’élimination progressive des combustibles fossiles – et pourtant, les émissions ne cessent d’augmenter.  Les nouvelles technologies, y compris l’intelligence artificielle, se développent dans un vide éthique et juridique, sans gouvernance ni garde-fou.

En somme, nos institutions et instruments multilatéraux sont incapables de relever efficacement les défis politiques, économiques, environnementaux et technologiques d’aujourd’hui.  Et les défis de demain seront encore plus difficiles et plus dangereux à relever. 

À sa création, il y a près de 80 ans, l’Organisation des Nations Unies comptait 51 États Membres.  Aujourd’hui, elle en compte 193.  L’économie mondiale représentait, à l’époque, moins d’un douzième de sa taille actuelle. Nos instruments et institutions de paix et de sécurité, tout comme notre architecture financière mondiale, sont donc le reflet d’une époque révolue. 

Le Conseil de sécurité de l’ONU est dépassé et son autorité s’érode.  Sans une réforme de sa composition et de ses méthodes de travail, il finira par perdre toute crédibilité.  L’architecture financière mondiale a été créée à une époque où de nombreux pays en développement se trouvaient sous domination coloniale. 

Elle ne représente pas les réalités de l’économie mondiale d’aujourd’hui et n’est plus en mesure de relever les défis économiques mondiaux que sont la dette, l’action climatique ou le développement durable.  Elle ne fournit pas le filet de sécurité mondial dont les pays en développement ont besoin. 

Pendant ce temps-là, la technologie, la géopolitique et la mondialisation ont transformé les rapports de force.  Notre monde traverse une période de turbulences et de transition. 

Pour autant, nous ne pouvons attendre l’avènement de conditions parfaites. Nous devons prendre – dès à présent – les premières mesures décisives pour actualiser et réformer la coopération internationale afin de la rendre plus interconnectée, plus équitable et plus inclusive.  Et aujourd’hui, grâce à vos efforts, c’est chose faite. 

Le Pacte pour l’avenir, le Pacte numérique mondial et la Déclaration sur les générations futures sont porteurs de chances et de possibilités nouvelles. 

En ce qui concerne la paix et la sécurité, ces instruments promettent une percée dans les réformes visant à rendre le Conseil de sécurité plus représentatif du monde d’aujourd’hui, en remédiant au problème de la sous-représentation dont ont longtemps souffert l’Afrique, l’Asie-Pacifique et l’Amérique latine. 

Ils jettent les bases d’une Commission de consolidation de la paix plus agile et d’une révision fondamentale des opérations de paix visant à les adapter aux conditions dans lesquelles elles se déroulent.  Ils représentent le premier soutien multilatéral convenu en faveur du désarmement nucléaire depuis plus d’une décennie. 

Ils prennent en compte la nature évolutive des conflits et prévoient des mesures visant à empêcher la militarisation des nouvelles technologies et des nouveaux domaines, notamment l’espace extra-atmosphérique.  Ils prévoient des mesures visant à mettre en place une riposte immédiate et coordonnée face à des chocs mondiaux complexes. 

En ce qui concerne le développement durable, ces accords représentent un progrès majeur vers une grande réforme de l’architecture financière internationale. Ils contribueront à rendre ses institutions plus représentatives du monde d’aujourd’hui, capables d’apporter une réponse plus résolue aux défis actuels, et aptes à fournir un filet de sécurité mondial efficace pour les pays en développement – alors que nombre de ces pays, croulant sous la dette, ne peuvent progresser dans la réalisation des objectifs de développement durable. 

Le Pacte pour l’avenir vise à revitaliser les objectifs de développement durable et l’Accord de Paris, à accélérer une transition juste vers un monde affranchi des combustibles fossiles et à garantir un avenir pacifique et vivable à tous les habitants de notre planète. 

Il comprend un engagement inédit des gouvernements à écouter les jeunes et à les faire participer à la prise de décision, aux niveaux national et mondial. Il s’engage également à renforcer les partenariats avec la société civile, le secteur privé, les autorités locales et régionales, et plus encore. 

Le Pacte numérique mondial repose sur le principe selon lequel la technologie doit profiter à toutes et tous.  Il inclut le premier accord véritablement universel sur la gouvernance internationale de l’intelligence artificielle.  Il engage les gouvernements à créer un groupe scientifique international indépendant sur l’intelligence artificielle et à entamer un dialogue mondial sur la gouvernance de l’intelligence artificielle, au sein de l’ONU. 

Le Pacte numérique mondial représente le premier effort entrepris à l’échelle collective pour mettre au point des normes d’interopérabilité convenues – essentielles pour la cohérence des mesures et la normalisation.  Il encourage, en outre, les réseaux et les partenariats visant à renforcer les capacités en matière d’intelligence artificielle dans les pays en développement. 

La Déclaration sur les générations futures fait écho à l’appel lancé dans la Charte des Nations Unies, à savoir, préserver les générations futures du fléau de la guerre, engageant pour la première fois les gouvernements à prendre en compte les intérêts de nos descendants dans les décisions prises aujourd’hui. 

Le respect des droits humains, la diversité culturelle et l’égalité des genres sous-tendent le contenu des trois accords.  Face à la montée de la misogynie et au recul des droits des femmes en matière de procréation, les gouvernements se sont expressément engagés à lever les obstacles sociaux, économiques et culturels qui empêchent les femmes et les filles de s’épanouir dans tous les domaines.

Je salue ces trois accords historiques – qui marquent un tournant vers un multilatéralisme plus efficace, plus inclusif et fonctionnant plus en réseaux. Je me suis battu pour les idées portées par ces accords depuis le tout premier jour de mon mandat.  Et je serai pleinement engagé dans leur mise en œuvre jusqu’au tout dernier jour. 

Nous avons ouvert la porte.  Il nous incombe désormais –à toutes et à tous– de la franchir.  Car il ne s’agit pas seulement de s’entendre – mais aussi d’agir. Aujourd’hui, je vous mets au défi de passer à l’action. 

De mettre en œuvre le Pacte pour l’avenir – en privilégiant le dialogue et la négociation, en mettant fin aux guerres qui déchirent le monde, et en réformant la composition et les méthodes de travail du Conseil de sécurité.

D’accélérer la réforme du système financier international, notamment à l’occasion de la Conférence sur le financement du développement qui se tiendra l’année prochaine.  De placer les nouvelles technologies au service de l’intérêt supérieur de l’humanité. Ce qui détermine notre succès – ou échec, ce n’est pas l’adoption d’accords, mais bien nos actions et leur impact sur la vie des populations que nous servons. 

Tout au long de ma vie – que ce soit en tant que militant politique ou aux Nations Unies – j’ai appris que les gens ne sont jamais d’accord sur le passé.  Pour rétablir la confiance, nous devons partir du présent et regarder vers l’avenir.  Partout dans le monde, les gens aspirent à la paix, à la dignité et à la prospérité.  Ils réclament une mobilisation mondiale pour régler la crise climatique, lutter contre les inégalités et faire face aux risques nouveaux et émergents qui menacent l’humanité.  Et ils considèrent que l’ONU est indispensable pour résoudre ces défis. 

Le Sommet de l’avenir trace la voie pour une coopération internationale qui soit à la hauteur de leurs attentes.  Alors que nous franchissons ensemble cette première étape cruciale, je tiens à féliciter tous les États Membres pour leur contribution.  Maintenant, mettons-nous au travail. 

 

 

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