Avant le Sommet de l’avenir, le Secrétaire général se dit confiant en des « percées » afin de réformer des institutions internationales « totalement inadaptées »
À quelques jours du Sommet de l’avenir et de l’ouverture du débat général de l’Assemblée générale, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a, lors d’une conférence de presse donnée au Siège à New York, exhorté les États Membres à faire montre d’un esprit de compromis afin de réformer des institutions internationales « totalement inadaptées aux défis complexes et existentiels » qui sont les nôtres. Il s’est dit confiant en des « percées potentielles » sur certains sujets lors de ce Sommet. Le Secrétaire général a également passé en revue les principaux dossiers internationaux, n’hésitant pas à exprimer sa « frustration » sur nombre d’entre eux.
Le Secrétaire général a indiqué que les discussions quant au résultat du Sommet de l’avenir sont entrées dans leur dernière ligne droite. « Montrez au monde ce que nous pouvons faire lorsque nous travaillons ensemble », a-t-il lancé aux États Membres. Il a rappelé que l’idée de ce Sommet est née du constat selon lequel les défis internationaux sont de plus en plus « incontrôlables » et qu’ils évoluent plus vite que notre capacité à les résoudre. Nos institutions sont dépassées, a tranché M. Guterres, en rappelant que les crises se nourrissent l’une l’autre. « Les institutions internationales sont le produit d’une époque et d’un monde révolus. »
Le Secrétaire général a rappelé que nombre des défis internationaux n’avaient pas été identifiés il y a 80 ans. « Les pères fondateurs savaient néanmoins que, si les valeurs qui sous-tendent nos institutions internationales sont éternelles, ces dernières ne peuvent pas rester figées. » L’architecture de résolution des défis n’avait pas vocation à être conservée dans l’ambre, a appuyé M. Guterres. Il a rappelé l’ampleur des changements qui ont balayé le monde ces huit dernières décennies, citant, parmi eux, les mouvements d’indépendance, les changements climatiques, l’exploration spatiale ou bien encore l’intelligence artificielle.
Il n’est pas besoin de posséder une « boule de cristal » pour voir que les défis de notre siècle exigent des mécanismes de résolution plus efficaces, reliés et inclusifs, a-t-il poursuivi. « Si le changement ne se fera pas en une nuit, il peut commencer aujourd’hui. » Au nombre des « percées » possibles, M. Guterres a mentionné le « langage le plus robuste depuis une génération sur une réforme du Conseil de sécurité », les mesures des plus concrètes depuis 1963 sur un élargissement de cet organe et le premier ensemble de mesures de gouvernance des nouvelles technologies, y compris l’intelligence artificielle.
Le Secrétaire général a également mentionné une avancée majeure s’agissant de la réforme de l’architecture financière internationale, avec des éléments de langage solides sur le renforcement du rôle des pays en développement. « Ce serait tragique si tout cela était perdu. » M. Guterres a donc espéré que les États Membres feront ce qui est nécessaire pour que le Pacte pour l’avenir, le pacte numérique mondial et la Déclaration sur les générations futures « franchissent la ligne d’arrivée ». « Nous ne pouvons pas bâtir l’avenir de nos petits-enfants avec des systèmes construits pour nos grands-parents. »
Répondant aux questions des correspondants de presse, M. Guterres a évoqué l’explosion de bipeurs qui s’est produite hier au Liban. Il a souligné les risques graves d’escalade, en indiquant que cette explosion pourrait être le prélude d’une opération terrestre d’envergure. « Tout doit être mis en œuvre pour prévenir l’escalade », a-t-il supplié. Le Secrétaire général a milité pour un cessez-le-feu à Gaza et la mise en place des conditions nécessaires pour que l’Autorité palestinienne assure la gouvernance à Gaza et en Cisjordanie. C’est un élément de base pour réaliser la solution des deux États, a-t-il souligné.
Le Secrétaire général a ensuite demandé une reddition de comptes pour les quelque 200 membres du personnel onusien tués depuis le début de la guerre à Gaza. « C’est intolérable. » Il a indiqué, en revanche, ne se faire aucune illusion quant à un embargo sur les livraisons d’armes à Israël. Plus globalement, M. Guterres a estimé que la situation à Gaza découle d’un sentiment d’impunité qui prévaut en d’autres endroits du monde, notamment au Soudan. M. Guterres a dit sa « totale frustration » face à la situation dans ce pays et souligné les souffrances de la population civile.
Autre sujet d’irritation pour le Secrétaire général, la situation en Haïti. Il a dit son incompréhension devant le soutien insuffisant, notamment financier, apporté à la récente mission déployée dans ce pays sous la direction du Kenya. Seuls six pays l’ont appuyée, a-t-il relevé. Il a également reconnu les difficultés qui se posent pour remédier au sort imposé par les Taliban aux femmes afghanes. Plus largement, M. Guterres a reconnu qu’en sa qualité de Secrétaire général il n’a « ni pouvoir, ni argent ». En revanche, il a indiqué posséder deux atouts: sa voix que « personne ne fera taire » et sa capacité à réunir les acteurs clefs.
Enfin, M. Guterres s’est félicité que les lignes aient commencé à bouger s’agissant de la réforme du Conseil, se rappelant que cette question était encore taboue au début de son premier mandat. Il est inacceptable que le Conseil compte trois pays européens comme membres permanents et aucun pays africain, a-t-il déclaré. Il a ajouté que les membres permanents reconnaissent désormais la nécessité d’une présence africaine permanente, les États-Unis étant en faveur de deux membres africains. S’il s’est dit sceptique sur l’élimination du droit de veto, le Secrétaire général a de nouveau misé sur le Sommet de l’avenir pour aboutir à un changement concret s’agissant de la composition du Conseil.