Entre « besoin de paix » et rétablissement d’une « confiance brisée », le Secrétaire général présente ses priorités pour l’année 2024
Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a présenté aujourd’hui ses priorités pour l’année 2024 lors d’une conférence de presse donnée au Siège de l’Organisation, à New York. Il a insisté sur le « besoin de paix » qui est en filigrane de tous les défis que le monde doit relever, avant d’abondamment commenter la situation au Moyen-Orient. Il a ainsi réclamé, une nouvelle fois, un cessez-le-feu humanitaire à Gaza et appuyé la solution des deux États. Sur note plus personnelle, il a évoqué le lien particulier qui l’unit à Israël.
Nous avons besoin de paix parce que la paix est ce qui nous lie, mais trop souvent nous sommes face à un nœud gordien, a déclaré le Secrétaire général, à l’entame de son propos. Il a vivement déploré les divisions géopolitiques, la polarisation accrue, la montée des inégalités ou bien encore la hausse des températures et des émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes à l’heure de vérité, mais la confiance dans les institutions, les dirigeants et les institutions multilatérales est « brisée », a-t-il dit. « Le seul moyen de rétablir la confiance est de résoudre les problèmes des peuples. »
Le Secrétaire général a énuméré les défis existentiels que le monde doit relever, tels que la menace nucléaire, l’urgence climatique, une intelligence artificielle hors de contrôle ou bien encore la multiplication des conflits. Nous devons faire beaucoup plus et la réponse à ces défis passe par une réforme des institutions, lesquelles ont été construites pour un monde et une époque révolus, y compris le Conseil de sécurité et les institutions de Bretton Woods.
M. Guterres a rappelé que le monde n’est plus ni unipolaire, ni dominé par deux superpuissances. Mais lorsque la multipolarité ne s’accompagne pas de mécanismes efficaces, renouvelés et inclusifs d’une gouvernance multilatérale, alors les risques se multiplient. Évoquant le Sommet de l’avenir prévu au mois de septembre, il a appelé à se concentrer sur les défis des peuples et à adapter les institutions aux temps qui sont les nôtres. Nous avons des principes pour nous guider, lesquels doivent être respectés en toutes circonstances, dont la Charte et le droit international, a-t-il dit.
Le Secrétaire général a évoqué la situation en Ukraine et réclamé une paix juste et durable, avant de reconnaître que la situation à Gaza ne fait qu’empirer. Il a déploré les obstacles à l’accès humanitaire et s’est alarmé des informations selon lesquelles les forces israéliennes se tourneraient maintenant vers Rafah, où la moitié de la population de Gaza s’est réfugiée. « Ils n’ont nulle part où aller. Ils n’ont pas de toit et pas d’espoir. »
Nous avons été clairs dans notre condamnation des odieuses attaques du Hamas, nous sommes également clairs dans notre condamnation des violations du droit international humanitaire à Gaza, a dit M. Guterres. Il a demandé un cessez-le-feu humanitaire, la libération des otages et des mesures concrètes en vue de réaliser la solution des deux États. Au Moyen-Orient comme dans le reste du monde, nous avons besoin de la paix sous tous ces aspects.
La situation à Gaza a d’ailleurs été au centre des questions que les journalistes ont posées. Le Secrétaire général a souhaité l’aboutissement des négociations en cours, en insistant sur la nécessité d’une cessation des hostilités et de la libération des otages. D’un point de vue humain, la libération des otages est absolument cruciale, a-t-il affirmé . « Il est de la responsabilité de tous d’assurer le succès de ces négociations. »
Évoquant l’affaire portée devant la Cour internationale de Justice (CIJ) par l’Afrique du Sud contre Israël, il a appelé à la mise en œuvre des décisions prises. Le Secrétaire général a tenu à envoyer au peuple de Gaza un message de « totale solidarité » et de « total engagement », en vue d’aboutir à un cessez-le-feu humanitaire. Rappelant les déclarations des responsables israéliens selon lesquelles ils font la guerre au Hamas, non pas au peuple palestinien, il s’est demandé comment expliquer le bilan actuel de plus de 28 000 morts et la fuite de 75% de la population. « Quelque chose ne va pas. »
Il a également transmis un message au peuple israélien, en rappelant sa longue relation avec Shimon Peres et Yitzhak Rabin. Le Secrétaire général a souligné qu’en tant que Premier Ministre du Portugal, il avait fait voter la loi abrogeant l’édit d’expulsion des Juifs du Portugal, au début du XVIe siècle. Cet édit est l’une des décisions les plus injustes et « stupides » de l’histoire de mon pays. Le Secrétaire général a raconté qu’il a porté la nouvelle à la synagogue d’Amsterdam, une loi qui a permis à près de 10 000 descendants d’acquérir la nationalité portugaise.
Je suis en faveur d’une sécurité garantie pour Israël et pour la création d’un État palestinien, a déclaré M. Guterres. Je suis un combattant de l’antisémitisme mais je suis engagé pour que les Palestiniens aient leur État et qu’il soit mis un terme à l’occupation. Le Secrétaire général est longuement revenu sur les allégations « crédibles » contre 12 membres du personnel de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
Le renvoi des personnes concernées dans l’intérêt de l’Organisation était la bonne décision à prendre, a-t-il tranché. Nous agirons immédiatement, à la suite à toute allégation présentée par Israël sur une infiltration de l’UNRWA par le Hamas. Le Secrétaire général a aussi dit que l’UNRWA, forte de ses 3 000 employés dédiés à la distribution humanitaire à Gaza, joue un rôle irremplaçable dans l'enclave palestinienne. Sur le plan budgétaire, il a rappelé que le salaire d’un membre du personnel de l’UNRWA est le tiers de celui d’un membre du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), par exemple. Il serait extrêmement coûteux de remplacer le personnel de l’UNRWA, a-t-il prévenu.
Le Secrétaire général a admis que tout comme la situation à Gaza, celle de l’Ukraine le plonge dans la tristesse. Il a reconnu la frustration qu’il ressent en tant que témoin de souffrances d’une telle ampleur sans pouvoir y mettre un terme. Je peux donner de la voix mais je n’ai pas le pouvoir de les faire cesser. S’il a convenu que la crédibilité de l’ONU a pu être écornée, M. Guterres a rappelé que, selon un récent sondage, celle-ci était encore bien supérieure à celle des gouvernements.