En cours au Siège de l'ONU

SC/15894

Déclaration publique de la Présidente du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du sixième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé aux Philippines (S/2022/569), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa présidente, les messages suivants:

À toutes les parties au conflit armé aux Philippines, et notamment aux chefs du Front de libération islamique Moro, des Combattants islamiques pour la libération du Bangsamoro, de la Nouvelle Armée populaire, du Groupe Abou Sayyaf, du Front de libération nationale Moro et du Groupe Daoula Islamiyé-Maute, ainsi qu’au Gouvernement philippin

  • Se félicite de la diminution du nombre de violations et d’atteintes commises contre des enfants confirmées par l’équipe spéciale de pays (surveillance et information) par rapport à la période précédente, malgré les entraves à la collecte de preuve et à la communication de l’information dues aux restrictions d’accès, mais note avec une vive préoccupation les violations et les atteintes qui continuent d’être commises sur la personne d’enfants aux Philippines, y compris des violations multiples, et engage instamment toutes les parties à prévenir et faire cesser immédiatement toutes les violations, notamment le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et atteintes à l’intégrité physique, le viol et les autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux et le refus d’accès humanitaire, ainsi qu’à honorer leurs obligations au regard du droit international;
  • Demande à toutes les parties de continuer de donner suite aux conclusions qu’il a déjà formulées au sujet des Philippines (S/AC.51/2008/10, S/AC.51/2010/5, S/AC.51/2014/1 S/AC.51/2017/4, S/AC.51/2020/9 et S/AC.51/2022/4);
  • Souligne que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale et que les besoins spécifiques et les vulnérabilités des filles et des garçons, ainsi que des enfants ayant un handicap et des enfants issus de populations autochtones, doivent être dûment pris en compte lors de la planification et de l’exécution d’actions concernant les enfants dans les situations de conflit armé, notamment en prenant toutes les mesures de prévention et d’atténuation nécessaires pour éviter et réduire au minimum les dommages et pour mieux protéger les enfants pendant les hostilités et contre les effets des engins explosifs;
  • Souligne qu’il importe de faire appliquer le principe de responsabilité concernant l’ensemble des violations et exactions commises contre des enfants en temps de conflit armé en faisant appliquer la loi relative à la protection particulière des enfants en période de conflit armé (loi de la République no 11188) de 2019, et que tous les auteurs de tels actes doivent être traduits en justice et rendre des comptes sans retard indu, dans le cadre d’enquêtes exhaustives, indépendantes, impartiales, rapides et systématiques et, le cas échéant, de poursuites, de condamnations et de fixation de peines à l’aide des mécanismes de justice appropriés, afin de lutter contre l’impunité et de veiller à ce que toutes les victimes aient accès à la justice et bénéficient d’une protection complète, adaptée à leur âge, tenant compte des questions de genre et de la situation au regard du handicap et non discriminatoire, et à ce qu’elles aient également accès aux services d’appui dont elles ont besoin, y compris les services psychosociaux et de santé, l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle et une aide aux moyens de subsistance et à la réinsertion sociale, ainsi qu’à des services spécialisés pour les enfants ayant survécu à des violences sexuelles et fondées sur le genre;
  • Note avec préoccupation que les entraves imposées à l’équipe spéciale de pays par certaines parties pour accéder aux zones reculées en proie au conflit au cours de la période considérée ont rendu difficile la vérification des six graves violations commises contre des enfants et que les informations figurant dans le rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé aux Philippines (S/2024/626) ne reflètent donc pas pleinement l’ampleur des violations commises contre des enfants dans ce pays;
  • Condamne le recrutement et l’utilisation d’enfants comme combattants ou auxiliaires, y compris comme informateurs ou à des fins sexuelles, demande instamment à toutes les parties, en particulier aux groupes armés, de libérer immédiatement et sans conditions tous les enfants qui leur sont associés et de les remettre aux civils chargés de la protection de l’enfance, et les prie instamment de faire cesser et de prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, s’il y a lieu;
  • Constate avec préoccupation que des enfants sont privés de liberté en raison de leur association, réelle ou présumée, à des groupes armés ou du fait que des membres de leurs familles appartiennent à des groupes armés; exhorte toutes les parties au conflit armé à considérer les enfants associés à des groupes armés, y compris ceux qui auraient commis des crimes, avant tout comme des victimes de ceux qui les ont recrutés et utilisés, à s’employer à assurer leur libération et à contribuer à leur pleine réinsertion et réadaptation au moyen de programmes spécialisés de protection de l’enfance, notamment de réintégration familiale et locale qui tiennent compte des questions de genre, en prévoyant un accès aux soins de santé, aux soins de santé mentale et au soutien psychosocial et des programmes d’éducation, ainsi qu’en sensibilisant les populations, en travaillant avec elles, en vue de prévenir la stigmatisation de ces enfants et de faciliter leur retour, et à veiller à ce que la détention ne soit envisagée qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, et à ce que les mesures de substitution à la détention soient privilégiées, conformément au droit international; prie instamment le Gouvernement de respecter les obligations que lui font la Convention relative aux droits de l’enfant et le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;
  • Exprime sa profonde préoccupation devant les meurtres d’enfants et les atteintes à leur intégrité physique, y compris les meurtres et atteintes causés par des tirs croisés ou des restes explosifs de guerre, sachant que 16 % de ces enfants étaient âgés de moins de 5 ans, exhorte toutes les parties à prendre des mesures pour prévenir et faire cesser ces meurtres et ces atteintes, et leur demande de respecter les obligations que leur fait le droit international, en particulier le droit international humanitaire;
  • Se déclare gravement préoccupé par les cas de viols et d’autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants, notamment des filles, au cours de la période considérée, tout en notant que les viols et autres formes de violence sexuelle continuent d’être peu signalés en raison de la stigmatisation, de la peur des représailles, de normes sociales préjudiciables, de l’absence de services ou du manque d’accès à ces services, de l’impunité et des problèmes de sécurité; engage vivement toutes les parties à prendre immédiatement des mesures concrètes pour prévenir et faire cesser les viols et les autres formes de violence sexuelle que subissent les enfants; souligne qu’il importe que les auteurs de violences sexuelles et de violences fondées sur le genre commises contre des enfants aient à répondre de leurs actes et reconnaît à cet égard que la loi interdisant la pratique du mariage d’enfants et imposant des sanctions en cas de violation (loi de la République no 11596) de 2021 et la loi relative à la protection particulière des enfants en période de conflit armé (loi de la République no 11188) de 2019 sont des mesures importantes prises par le Gouvernement philippin face aux actes pouvant conduire au viol et à d’autres formes de violences sexuelles; souligne également qu’il importe de garantir aux personnes rescapées de violences sexuelles liées au conflit l’accès à des services spécialisés, intégrés et sans distinction, qui soient adaptés à l’âge et tiennent compte des questions de genre et de la situation au regard du handicap, notamment en ce qui concerne la santé mentale et le soutien psychosocial, la santé, y compris les services de santé sexuelle et procréative, ainsi qu’une assistance juridictionnelle et des aides à la subsistance;
  • Condamne énergiquement les attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux, en violation du droit international, ainsi que les attaques et les menaces dirigées contre des personnes protégées et la fermeture forcée d’une école, note que les populations autochtones ont été particulièrement touchées, demande à toutes les parties de se conformer aux dispositions applicables du droit international, de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux, y compris leur personnel, et de prévenir et faire cesser immédiatement les attaques ou menaces d’attaque contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international applicable; note avec inquiétude que la proximité de conflits armés avec des écoles a entraîné des suspensions de cours; note également l’effet néfaste que les attaques contre les écoles et leur utilisation peuvent avoir sur l’exercice du droit à l’éducation, demande à toutes les parties de prendre des mesures concrètes pour atténuer et éviter l’utilisation des écoles à des fins militaires, conformément à la résolution 2601 (2021) et de garantir l’application du principe de responsabilité et la réparation des attaques portées contre l’éducation, et prend note à cet égard de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles;
  • Condamne vigoureusement les enlèvements d’enfants, qui se sont traduits par d’autres violations graves contre des enfants, et demande à toutes les parties concernées de mettre un terme à ces enlèvements, de libérer immédiatement tous les enfants qu’elles détiennent et de les confier aux acteurs civils compétents de la protection de l’enfance;
  • Exhorte toutes les parties à continuer d’autoriser et de faciliter, dans le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire, un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, notamment aux enfants, et rappelle les principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance et les principes directeurs de l’ONU relatifs à l’aide humanitaire adoptés par l’Assemblée générale dans sa résolution 46/182, afin de faire respecter le caractère exclusivement humanitaire et impartial de l’aide humanitaire et de faire respecter également le travail de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires, sans distinction préjudiciable;
  • Encourage le Gouvernement philippin et le Front démocratique national des Philippines à faire une place aux questions de protection de l’enfance dans les négociations et les accords de paix, comme suite au communiqué conjoint d’Oslo en date du 23 novembre 2023 et à l’aide, entre autres, du Guide pratique à l’intention des médiateurs pour la protection des enfants dans les situations de conflit armé;
  • Encourage également l’application intégrale de l’annexe sur la normalisation de l’Accord global sur le Bangsamoro, en particulier en ce qui concerne le démantèlement et la dissolution des groupes armés privés; se félicite de la réalisation du plan d’action 2017 entre l’ONU et le Front de libération islamique Moro et de la poursuite de l’exécution d’un programme de suivi par l’administration régionale du Bangsamoro, prévoyant la fourniture d’une assistance psychosociale et d’une formation aux compétences à la vie courante aux enfants sortis des rangs du Front de libération islamique Moro;
  • Demande à toutes les parties qui ne l’ont pas encore fait de renforcer leur dialogue avec l’ONU en vue d’élaborer et d’adopter des instructions permanentes aux fins de la libération et de la réintégration des enfants associés aux parties au conflit, et de coopérer avec les acteurs civils de la protection de l’enfance pour faciliter la libération et la réintégration de ces enfants dans la société, ce qui est essentiel pour leur avenir, ainsi que celui de leur famille, et pour prévenir les risques de nouvel enrôlement;
  • Demande à tous les groupes armés inscrits sur la liste, notamment la Nouvelle Armée populaire, d’engager un dialogue avec l’ONU afin d’adopter des plans d’action visant à prévenir et faire cesser le recrutement et l’utilisation d’enfants.

Aux notables locaux et aux chefs religieux

  • Souligne la contribution importante des notables locaux, des chefs religieux et des dirigeants autochtones dans le renforcement de la protection des enfants touchés par le conflit armé, et s’est dit conscient du rôle important qu’ils jouent dans la mobilisation destinée à mettre fin aux violations et aux atteintes commises contre les enfants et de leur influence dans les efforts de réconciliation;
  • Les encourage à condamner publiquement les violations et les atteintes commises sur la personne d’enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, le viol et autres formes de violence sexuelle, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques visant des écoles et des hôpitaux et le refus de l’accès humanitaire, tout en continuant de se mobiliser pour faire cesser et prévenir ces violations et atteintes, et à se concerter avec le Gouvernement, l’ONU et les autres parties prenantes compétentes pour favoriser la réintégration, au sein de leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par des activités de sensibilisation et par une action visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.
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