Déclaration à la presse faite par le Conseil de sécurité sur la situation en Colombie à l’issue de la séance tenue le 15 octobre 2024
On trouvera ci-après le texte de la déclaration à la presse faite, aujourd’hui, par la Présidente du Conseil de sécurité pour le mois d’octobre Mme Pascale Baeriswyl (Suisse):
Les membres du Conseil de sécurité ont réaffirmé leur appui plein et unanime au processus de paix en Colombie. Ils ont souligné qu’il importait de veiller à l’application intégrale de l’Accord de paix final de 2016. Ils ont salué l’énergie renouvelée que déploie le Gouvernement pour appliquer rapidement l’Accord de 2016, notamment la nouvelle impulsion donnée par le Ministère de l’intérieur, et dit compter que l’attention portée par le Ministre, M. Cristo, à la coordination de l’application de l’Accord de 2016 permettrait d’accélérer les efforts et de faire bénéficier la population des dividendes de la paix. Ils ont également indiqué qu’il était essentiel de renforcer la présence de l’État dans les régions touchées par le conflit. Le Conseil a accueilli avec la plus grande satisfaction le fait qu’il incombait au Ministère de l’intérieur de poursuivre la mise en œuvre du plan d’intervention rapide et salué l’accent qui était mis sur la répartition des terres et les garanties de sécurité, entre autres, au service de la transformation des territoires.
Le Conseil s’est dit confiant que la juridiction agraire serait bientôt opérationnelle et a demandé la mise en œuvre intégrale des 16 plans nationaux de réforme rurale, dont il a souligné l’importance pour la transformation territoriale dans les zones les plus touchées par le conflit. Les membres du Conseil ont salué la démarche conjointe lancée par la nouvelle Ministre de l’agriculture et la Ministre de l’environnement concernant la mise en œuvre d’activités paysannes dans les zones de réserve forestière. Ils ont pris note avec satisfaction du dialogue entamé entre le Gouvernement, les plateformes paysannes nationales et le secteur privé pour répondre aux demandes de progrès tangibles dans la distribution des terres.
Les membres du Conseil se sont félicités de l’adoption formelle du Système national de réintégration et du Programme global de réintégration, ainsi que de la mise en place officielle de zones spéciales de réintégration collective. Toutefois, ils se sont de nouveau déclarés préoccupés par le fait que la sécurité restait le principal obstacle aux efforts de réintégration et notamment par les menaces persistantes qui ciblaient les ex-combattants et la tendance au déplacement des secteurs de réintégration (TATR).
Le Conseil a souligné l’importance des garanties de sécurité, qui constituaient un élément essentiel de l’Accord de paix de 2016, et s’est félicité de la participation du Président, M. Petro, à la Commission nationale des garanties de sécurité. Il a réaffirmé sa vive préoccupation quant à la persistance de la violence et de l’insécurité qui touchaient la population au niveau local, en particulier dans les zones rurales, et qui se manifestaient notamment par des assassinats ciblant des ex-combattants, des chefs de file de mouvements autochtones et des figures de la société civile, y compris des femmes, et par des assassinats motivés par des questions territoriales et environnementales. Dans ce contexte, les membres du Conseil ont demandé que soit rapidement publié le décret gouvernemental établissant le programme global de protection des ex-combattants, se sont félicités que la conception du deuxième plan d’action du Programme complet de protection des femmes leaders et des défenseuses des droits de l’homme ait été achevée et ont demandé que ce plan soit mis en œuvre rapidement, avec un financement adéquat. Ils ont également souligné qu’il fallait appliquer la politique publique de démantèlement des groupes armés illégaux et des organisations criminelles dans les régions touchées par le conflit. Le Conseil a salué le renforcement de la Cellule spéciale d’enquête du Procureur général et exhorté le Gouvernement et les entités publiques à donner la priorité au renforcement des capacités du système judiciaire au niveau local afin de lutter contre l’impunité dans les régions les plus touchées par la violence.
Le Conseil a réaffirmé être vivement préoccupé par le fait que la violence liée au conflit, notamment la violence sexuelle, continuait de frapper de manière disproportionnée les femmes et les filles ainsi que les populations autochtones et afrocolombiennes. Ses membres ont souligné qu’il était essentiel que les femmes participent pleinement et véritablement, en toute égalité et en toute sécurité, aux initiatives de dialogue en faveur de la paix en cours et se sont félicités de la mobilisation des organisations nationales de femmes à cette fin. Le Conseil s’est félicité de l’annonce de la publication, le 9 novembre, du premier plan d’action national de la Colombie pour les femmes et la paix et la sécurité, et a demandé qu’il soit rapidement et intégralement mis en œuvre. Il s’est également félicité de la mobilisation continue du Gouvernement colombien en faveur de la protection de l’enfance et a pris note de l’engagement prévu du Groupe de travail du Conseil de sécurité en Colombie. Les membres du Conseil ont exprimé leur vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de recrutements forcés visant les populations autochtones et afrocolombiennes; ils se sont de nouveau déclarés gravement préoccupés par l’état d’avancement de la mise en œuvre du chapitre de l’Accord consacré aux questions ethniques, ont demandé que ce chapitre soit mis en œuvre plus rapidement et engagé toutes les entités concernées à redoubler d’efforts.
Les membres du Conseil ont mis en avant le rôle essentiel de la Juridiction spéciale pour la paix (SJP), qui a été créée dans l’Accord de 2016. Ils ont souligné qu’il importait que cette entité rende la justice rapidement, pour qu’elle puisse faire respecter les droits des victimes et définir la situation judiciaire des signataires de la paix et des personnes qui étaient soumises à sa juridiction depuis sa création. Ils ont rappelé qu’il appartenait au Gouvernement colombien d’appuyer ce processus et de redoubler d’efforts pour créer les conditions de mise en œuvre des peines restauratives. Ils ont souligné qu’il fallait améliorer la coordination interinstitutionnelle et mettre les informations en commun à tous les niveaux afin d’accélérer le processus et d’améliorer la préparation des acteurs étatiques vis-à-vis des peines qui seront prononcées.
Les membres du Conseil ont mis en avant les mesures prises par le Gouvernement colombien pour élargir la portée de la paix par le dialogue et par la poursuite de l’application intégrale de l’Accord de 2016. Ils ont souligné qu’il importait de transformer les conditions de vie dans les territoires touchés par la violence, parallèlement à la mise en œuvre des cessez-le-feu. Ils ont réaffirmé l’importance des cessez-le-feu, qui ouvraient la voie vers un processus de paix permettant de réduire la violence et d’alléger les souffrances de la population civile. Ils ont déploré que le cessez-le-feu conclu avec l’Armée de libération nationale (ELN) n’ait pas été renouvelé et se sont fait l’écho de l’appel du Secrétaire général, qui a demandé qu’un cessez-le-feu bilatéral soit rétabli dès que possible et qu’il soit suffisamment large pour améliorer la sécurité de toutes les populations touchées par le conflit. Les membres du Conseil se sont déclarés préoccupés par l’impasse dans laquelle se trouvait le dialogue et par l’expiration du cessez-le-feu, mais ils se sont félicités que le Gouvernement colombien et l’ELN aient exprimé leur volonté de se rencontrer pour examiner les moyens de sortir de cette impasse. Ils ont salué les efforts déployés par le Représentant spécial du Secrétaire général, l’Église colombienne et d’autres pays garants et pays accompagnateurs pour encourager les parties à reprendre le dialogue. Ils ont mis en avant le cessez-le-feu en vigueur avec les fronts du groupe appelé État-major central des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (EMC FARC-EP), qui sont restés à la table des négociations pour la paix ; ils ont noté que ce cessez-le-feu avait été prolongé de six mois, jusqu’au 15 avril 2025, ont pris acte des progrès réalisés, et ont exhorté les fronts à continuer de renforcer leur engagement en faveur de la paix et du respect de la population civile.
Les membres du Conseil ont réaffirmé leur volonté de continuer à travailler en étroite collaboration avec la Colombie à l’appui d’une application intégrale de l’Accord final, principale garantie d’une paix et d’une stabilité générales et durables dans le pays, et accueilli favorablement l’engagement constant des deux parties à cet égard. Ils se sont félicités de l’avis écrit de la Commission de consolidation de la paix, qui portait sur la réforme rurale, le chapitre consacré aux questions ethniques et la justice transitionnelle. Ils ont souligné qu’il serait utile d’exploiter davantage le pouvoir fédérateur et le rôle consultatif de la Commission. Ils ont appuyé sans réserve les efforts complémentaires déployés par la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, qui coordonne ses activités avec l’équipe de pays des Nations Unies.