SC/15814

Déclaration publique de la Présidente du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés en Colombie

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du sixième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé en Colombie (S/2024/161), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa présidente, les messages suivants:

À toutes les parties au conflit armé en Colombie, y compris l’Armée de libération nationale (ELN); les groupes dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée du peuple (FARC-EP) et le Clan del Golfo/Autodefensas Gaitanistas de Colombia (AGC);ainsi que les forces armées colombiennes et les autres parties mentionnées dans le rapport du Secrétaire général:

  • Salue la série de mesures positives prises par le pays depuis la signature de l’Accord de paix de 2016, qui fixe comme principes directeurs l’intérêt supérieur de l’enfant, le devoir de traiter avant tout comme des victimes les enfants qui ont été séparés des groupes armés, et l’accent mis sur la réadaptation, la réintégration et l’éducation au niveau communautaire, marquant le septième anniversaire de l’Accord de paix et demande que sa mise œuvre se poursuive et qu’il soit pleinement appliqué et qu’il continue à servir de référence pour la protection de tous les enfants dans le cadre d’autres processus de paix; 
  • Accueille avec satisfaction l’annonce de la politique de « Paix totale » visant à rechercher une paix plus large par le dialogue, qui comprend des engagements en faveur de la sécurité humaine, de la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix, de la reprise des négociations de paix avec l’ELN et des dialogues avec d’autres groupes armés et groupes criminels; se félicite également des négociations de paix en cours avec le groupe dissident des FARC-EP connu sous le nom d’Estado Mayor Central (EMC FARC-EP) en vue de renforcer le cessez-le-feu bilatéral temporaire, ainsi que de la mobilisation du Haut-Commissaire colombien pour la paix auprès des groupes armés et du début des cessez-le-feu bilatéraux entre le Gouvernement et d’autres groupes armés, ainsi que des groupes criminels organisés; 
  • Encourage la recherche d’éventuelles solutions négociées au conflit armé avec les autres groupes armés; appelle à intégrer à un stade précoce et dans l’intérêt supérieur des enfants concernés les dispositions relatives à la protection de l’enfance, notamment celles qui concernent la libération et la réadaptation et la réintégration des enfants, ainsi que les dispositions relatives aux droits et au bien-être des enfants et à obtenir que toutes les parties s’engagent à prévenir et à faire cesser le recrutement d’enfants en Colombie, en particulier des enfants autochtones et des enfants d’ascendance africaine, dans tous les pourparlers de paix, les accords de cessez-le-feu ou de paix et dans les mesures de surveillance du cessez-le-feu, en tenant compte, dans la mesure du possible, des vues des enfants, et engage tous les acteurs participant aux processus de paix et de médiation à faire autant que possible usage, dans ces processus, du « Guide pratique à l’intention des médiateurs pour la protection des enfants dans les situations de conflit armé »; 
  • Se félicite de la diminution des affrontements entre le Gouvernement et les groupes armés au cours de la période considérée; exprime toutefois sa vive inquiétude face à l’expansion continue du contrôle territorial et social exercé par certains groupes armés sur les communautés de certaines régions, dans lesquelles la présence de l’État, est limitée et dans certaines zones urbaines, ainsi que face au recrutement d’enfants et de jeunes par ces groupes pour étoffer leurs rangs; 
  • Exprime son inquiétude face aux grèves armées orchestrées par des groupes armés, principalement dans les zones rurales, au cours desquelles ces groupes ont interdit les déplacements le long des routes et des rivières, isolé de force les habitants et empêché l’approvisionnement en nourriture ainsi qu’en carburant et l’accès aux services de santé ou d’éducation, y compris pour les enfants, ainsi que face à la poursuite des déplacements d’enfants et aux violations et atteintes dont ils sont victimes, et note avec inquiétude que les enfants autochtones et les enfants d’ascendance africaine sont touchés de manière disproportionnée par ces dynamiques de conflit; 
  • Se déclare gravement préoccupé par la détérioration de la situation des enfants touchés par le conflit armé en Colombie et par l’augmentation considérable du nombre d’occurrences des six violations graves commises contre des enfants, et demande à toutes les parties de faire cesser immédiatement et d’empêcher toutes les violations des droits humains et atteintes à ces droits et toutes les violations du droit international, notamment le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les conflits armés, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, les viols et autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques dirigées contre les écoles et les hôpitaux et les refus d’accès humanitaire, et à s’acquitter pleinement des obligations que leur impose le droit international; 
  • Se déclare gravement préoccupé par le fait que la situation des enfants autochtones et des enfants d’ascendance africaine s’est aggravée au cours de la période considérée et qu’ils restent touchés de manière disproportionnée, note que les enfants de ces communautés vivent souvent dans les zones les plus touchées par les conflits, qui sont généralement aussi caractérisées par des niveaux élevés de pauvreté, une présence limitée de l’autorité de l’État, des services limités et des investissements limités, notamment dans les domaines de la santé de base, de l’éducation, de l’eau et de l’assainissement, des situations d’urgence liées au climat, des économies illicites et de la présence de groupes armés; exprime également sa vive inquiétude face à l’augmentation des six violations graves commises contre des enfants d’autres nationalités, des enfants réfugiés et des enfants migrants qui ont un accès limité aux systèmes de protection de l’État; 
  • Insiste sur le fait que, lors de la planification et de la mise en œuvre des mesures en faveur des enfants dans les situations de conflit armé, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale et les vulnérabilités et les besoins particuliers des filles et des garçons doivent être dûment pris en compte, notamment par l’adoption de toutes les mesures de prévention et d’atténuation voulues pour éviter et minimiser tout tort aux enfants et pour mieux les protéger; 
  • Demande à toutes les parties de poursuivre la mise en œuvre de toutes ses conclusions précédentes (S/AC.51/2022/2);  
  • Souligne qu’il importe de réprimer toutes les violations et atteintes commises contre des enfants en temps de conflit armé et que tous les auteurs de crimes doivent être traduits en justice sans retard pour répondre de leurs actes, notamment au moyen de la conduite d’enquêtes exhaustives, indépendantes, rapides et systématiques et, s’il y a lieu, de l’ouverture de poursuites judiciaires, de l’établissement des culpabilités et de la prononciation de peines, y compris par le recours, selon qu’il convient, aux mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord de paix; prend note, à cet égard, du rapport final de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition créée dans le cadre de l’Accord de paix et accueille avec satisfaction son chapitre sur les enfants et ses recommandations relatives à la protection des enfants et au rétablissement de leurs droits; 
  • Exprime sa profonde inquiétude face à l’augmentation considérable du nombre de cas de recrutement et d’utilisation d’enfants, en particulier par les groupes dissidents des FARC-EP, par l’ELN et par l’AGC, y compris d’enfants autochtones et d’enfants d’ascendance africaine, ainsi que d’enfants réfugiés et migrants, et condamne ce phénomène; note que presque tous les cas ont été imputés à des groupes armés, et note que les enfants ont été utilisés au combat, ainsi que dans des rôles d’appui, en tant par exemple qu’informateurs, messagers, cuisiniers, nettoyeurs, extorqueurs, cueilleurs de coca, ainsi qu’à des fins sexuelles; engage instamment toutes les parties à faire cesser et à prévenir tout nouveau recrutement et toute nouvelle utilisation d’enfants et à relâcher immédiatement, sans conditions préalables, tous les enfants se trouvant dans leurs rangs; 
  • Se déclare également gravement préoccupé par l’augmentation du nombre de cas de recrutement et d’utilisation d’enfants, y compris au cours de la période considérée, notant que la quasi-totalité des cas ont été imputés à des groupes armés, avec plus de cas de recrutement et d’utilisation au cours des six premiers mois de 2023 que pendant toute l’année 2022; par le fait que le recrutement et l’utilisation d’enfants conduisent souvent à d’autres violations et atteintes, notamment à des meurtres et à des atteintes à l’intégrité physique et à des violences sexuelles, et par l’augmentation du nombre de filles recrutées et utilisées, 43% d’entre elles étant âgées de moins de 15 ans; 
  • Exhorte l’ELN, l’EMC FARC-EP et les autres groupes dissidents des FARC-EP à adopter des plans d’action en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies, et à relâcher immédiatement tous les enfants, c’est-à-dire toutes les personnes âgées de moins de 18 ans, qui se trouvent dans leurs rangs.     
  • Se déclare gravement préoccupé par les meurtres et atteintes à l’intégrité physique d’enfants qui ont été victimes de coups de feu, soit parce qu’ils ont été pris directement pour cibles ou parce qu’ils ont essuyé des tirs croisés ou en raison de leur association avec des groupes armés, à cause de mines terrestres, d’engins explosifs improvisés et de munitions non explosées, de frappes aériennes et de tortures, et exhorte toutes les parties, en particulier les groupes armés, à cesser immédiatement de tuer ou de porter atteinte à l’intégrité physique d’enfants et à prendre des mesures appropriées pour protéger les enfants conformément aux principes de distinction et de proportionnalité et à l’obligation de prendre toutes les précautions possibles, et à éviter les affrontements dans les zones où se trouvent des civils et des enfants; et exhorte tous les groupes armés à mettre fin, immédiatement et définitivement, à l’utilisation indiscriminée d’engins explosifs qui causent la mort ou des blessures aux enfants, et à collaborer en vue de l’identification des zones contaminées par les mines terrestres et des infrastructures clés, telles que les écoles, en vue d’un processus de déminage efficace; 
  • Condamne fermement les viols et autres formes de violence sexuelle perpétrés contre les enfants et exhorte toutes les parties à prendre des mesures immédiates et spécifiques pour y mettre fin et les prévenir, note avec inquiétude l’augmentation considérable du nombre des violences sexuelles contre les enfants, y compris lors de leur association avec des groupes armés, que les filles sont touchées de manière disproportionnée, en particulier les filles autochtones et les filles d’origine africaine et de nationalités vénézuélienne et équatorienne, et que toutes les violences, les cas d’exploitation et les atteintes sexuelles contre les enfants ne seraient pas signalés, la documentation de ces violations et de ces atteintes restant un défi, car les victimes et les personnes survivantes craignent de subir des représailles si elles les signalent et qu’elles ont peur d’être stigmatisées, en raison de l’absence de systèmes appropriés de soins et de réponse de la part des institutions locales et nationales, et à cause des problèmes d’accès rencontrés par l’équipe spéciale chargée de la surveillance et de la communication d’informations pour la Colombie; et souligne qu’il importe de proposer des services de protection de l’enfance complets et non discriminatoires, qui tiennent compte du genre et de l’âge et soient inclusifs du handicap, y compris des services spécialisés au niveau local pour les enfants qui sont des victimes ou qui ont survécu à des violences de genre; et demande aux autorités de conduire des enquêtes, de poursuivre en justice les auteurs de violences sexuelles contre des enfants et de les amener à rendre des comptes; 
  • Condamne vigoureusement le fait que le nombre d’attaques perpétrées contre des écoles ou des hôpitaux a été multiplié par six, demande instamment à toutes les parties de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux, y compris de leur personnel, et de faire cesser immédiatement et prévenir les attaques ou les menaces d’attaques contre ces institutions et leurs personnels, qui constituent des violations du droit international en vigueur, se déclare préoccupé par le fait que l’utilisation des écoles à des fins militaires par des forces et des groupes armés met en danger les étudiants et compromet leur éducation et leur protection, invite toutes les parties à prendre des mesures concrètes pour remédier aux utilisations d’écoles à des fins militaires et les éviter, conformément à la résolution 2601 (2021); note avec préoccupation que des écoles sont utilisées pour des activités civilo-militaires par les Forces armées colombiennes, telles que des cirques, des distributions de cadeaux, des célébrations ou des discussions avec des enfants, y compris dans des zones où des groupes armés sont présents, exposant les enfants à des risques de représailles, uniquement en raison de leurs interactions avec elles; prend note de l’approbation de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles par le Gouvernement en novembre 2022 et demande instamment que son plan d’action sur la sécurité des écoles soit mis en œuvre rapidement au niveau local. 
  • Condamne vigoureusement les enlèvements d’enfants et exhorte tous les groupes armés à y mettre un terme et à libérer immédiatement et sans conditions préalables tous les enfants enlevés en les remettant aux acteurs civils compétents de la protection de l’enfance; note que des enfants sont enlevés à des fins de recrutement et d’utilisation, ainsi qu’à des fins d’extorsion, parce qu’ils sont soupçonnés d’être des informateurs, ou en représailles pour avoir enfreint les règles des groupes armés dans les communautés; 
  • Condamne vigoureusement les refus d’accès humanitaire, notamment les cas d’interdiction d’accès des organisations humanitaires, d’incendie de véhicules humanitaires, de vols et d’attaques visant des membres du personnel humanitaire et demande instamment à toutes les parties de permettre et de faciliter l’acheminement rapide, sans entrave et en toute sécurité de l’aide humanitaire aux enfants, conformément aux principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, ainsi qu’aux principes directeurs de l’ONU relatifs à l’aide humanitaire, et de respecter le caractère exclusivement humanitaire et impartial de l’aide ainsi que le travail de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires, sans discrimination; 
  • Souligne la contribution importante des notables locaux, des chefs religieux et des dirigeants autochtones au renforcement de la protection des enfants touchés par les conflits armés, et sait qu’ils jouent un rôle de mobilisation important pour faire cesser les violations et atteintes commises contre les enfants; 
  • Les encourage à condamner publiquement les violations et les atteintes commises sur la personne d’enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, les viols et autres formes de violence sexuelle contre des enfants, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques visant des écoles ou des hôpitaux et les refus d’accès humanitaire, tout en continuant de se mobiliser pour faire cesser et prévenir ces violations et atteintes, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour favoriser la réintégration et la réadaptation, au sein de leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par des activités de sensibilisation et par une action visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants. 

À l’intention des notables locaux, des chefs religieux et des organisations de la société civile:

  • Souligne la contribution importante des notables locaux, des chefs religieux et des dirigeants autochtones au renforcement de la protection des enfants touchés par les conflits armés, et sait qu’ils jouent un rôle de mobilisation important pour faire cesser les violations et atteintes commises contre les enfants; 
  • Les encourage à condamner publiquement les violations et les atteintes commises sur la personne d’enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, les viols et autres formes de violence sexuelle contre des enfants, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques visant des écoles ou des hôpitaux et les refus d’accès humanitaire, tout en continuant de se mobiliser pour faire cesser et prévenir ces violations et atteintes, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour favoriser la réintégration et la réadaptation, au sein de leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par des activités de sensibilisation et par une action visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants. 

 

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