Aperçu des travaux de la soixante-dix-huitième session
AG/12579

Assemblée générale: une soixante-dix-huitième session assombrie par l’aggravation d’anciennes tensions et l’émergence de nouveaux risques

Multiplication des conflits dont l’agression russe en Ukraine et plus récemment, la guerre entre Israël et le Hamas, dysfonctionnements de l’architecture financière internationale, chaos climatique, retards dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Tel est l’échantillon des crises qui ont assombri les trois premiers mois de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, alors que son Président et Représentant permanent de la Trinité-et-Tobago, M. Dennis Francis, a invité les États Membres à embarquer vers le cap de « la paix, la prospérité, le progrès et la durabilité ». 

La traversée sera houleuse.  Dès le premier jour du débat général, le 19 septembre, le Secrétaire général, M. António Guterres, faisait une déclaration à la tonalité sombre: nous semblons incapables de rassembler nos forces pour répondre aux tensions géopolitiques qui s’accentuent et aux défis mondiaux qui se multiplient. 

La série de veto au Conseil de sécurité sur le conflit entre Israël et le Hamas a d’ailleurs justifié la reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale au cours de laquelle cette dernière a exigé, à une très large majorité, un cessez-le-feu humanitaire immédiat, la libération inconditionnelle des otages ainsi que l’assurance d’un accès humanitaire à la bande de Gaza.

L’éclatement de ce conflit le 7 octobre est venu envenimer les discours souvent accusatoires qui ont marqué la Première Commission (questions de désarmement et de sécurité internationale) dont les travaux se sont déroulés dans un environnement international au moins aussi défavorable au désarmement que l’année précédente en raison de la guerre en Ukraine et des tensions en Asie-Pacifique.  Les 61 projets de résolution adoptés ont été soumis à un nombre inégalé de mises aux voix.

Des textes parallèles, voire concurrents, ont été adoptés en matière de prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique et de comportement dans le cyberespace, alors que les applications militaires de l’intelligence artificielle suscitaient des inquiétudes croissantes, en particulier s’agissant des systèmes d’armes létales autonomes.

L’impact des nouvelles technologies a aussi préoccupé la Troisième Commission (questions sociales, humanitaires et culturelles) qui a adopté un projet de résolution inédit appelant à une meilleure protection des personnes contre les violations des droits humains dans l’environnement numérique.  Centré sur la responsabilité des plateformes en ligne, ce texte est complété par celui sur les droits de l’enfant, qui, dans sa version remaniée, exhorte les États à interdire la surveillance illégale des enfants et à gérer au mieux le traitement et le partage de leurs données personnelles. 

Si le consensus a prévalu pour 45 des 62 projets entérinés, l’adoption de la résolution sur le droit au développement, qui fait état d’un projet de pacte international soumis à l’Assemblée générale pour négociation et adoption, a vu les délégations afficher des positions divergentes.  Les divisions se sont encore creusées sur les questions sociétales, notamment sur la conception de la famille et la définition du genre, et les accusations de politisation des droits humains se sont intensifiées, poussant un nombre croissant de pays à plaider pour que le traitement de ces questions se fasse dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’homme. 

À la Deuxième Commission (questions économiques et financières), c’est la réforme de l’architecture financière internationale et l’idée d’une « convention-cadre sur la coopération fiscale internationale » qui ont été le plus débattues.  Il a finalement été recommandé de créer un comité intergouvernemental spécial pour élaborer un tel instrument d’ici au mois d’août 2024, malgré des réserves de certains pays craignant un doublon avec les travaux en cours à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). 

Sur le financement du développement, au cœur des débats de la Commission, l’Espagne a proposé d’accueillir en 2025 la quatrième Conférence internationale, 10 ans après celle d’Addis-Abeba.  La Commission s’est également concentrée sur les pays en développement sans littoral, dont la prochaine conférence se tiendra à Kigali, du 18 au 21 juin 2024, après celle sur les petits États insulaire en développement, à Antigua-et-Barbuda du 27 au 30 mai 2024.  Pour ces derniers, des progrès ont été enregistrés par le Groupe de haut niveau sur l’élaboration d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle, outil devant permettre de mieux évaluer leurs besoins.

Comme à son habitude, la Quatrième Commission (questions politiques spéciales et de la décolonisation) a auditionné plus de 150 pétitionnaires de certains des 17 territoires non autonomes toujours inscrits à son ordre du jour, la question du Sahara occidental ayant largement dominé les échanges.

Elle a en outre entériné son texte phare sur les politiques et activités de l’ONU en matière de communication globale, dans lequel elle fait notamment part de sa « grande inquiétude » face à la montée de la désinformation et de la mésinformation, y compris dans le contexte des opérations de maintien de la paix de l’ONU.  Elle a par ailleurs reconnu la place des missions politiques spéciales dans les pourparlers visant à donner suite au Nouvel Agenda pour la paix. 

Le rapport annuel de la Commission du droit international (CDI) a dominé sans surprise les délibérations de la Sixième Commission (questions juridiques), la CDI ayant notamment adopté 11 projets de conclusions relatifs aux principes généraux du droit. La Commission a proposé de poursuivre en 2026 l’examen des sujets de l’expulsion des étrangers et de la responsabilité des organisations internationales sur lesquels la CDI a déjà élaboré des projets d’articles. 

Par ailleurs, le principe de compétence universelle a continué de diviser les délégations, une partie d’entre elles reprochant à d’autres de politiser le concept.  En revanche, la recherche d’une approche constructive se poursuivra pour arriver à un consensus sur un instrument dédié à la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, lors de la deuxième reprise de session sur ce thème en avril prochain.  Enfin, pour la première fois, l’examen de la question de la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale se fera en deux parties, dès l’ouverture de la session en 2024, puis de nouveau vers la fin des débats, afin de mieux réfléchir aux méthodes et au programme de travail. 

Dernière à clore ses travaux, avec deux semaines de retard, pour rester fidèle à sa réputation, la Cinquième Commission (questions administratives et budgétaires) a recommandé de doter l’ONU d’un budget de 3,6 milliards de dollars en 2024, lequel prévoit l’ajout de 20 postes temporaires à la Section de la couverture des réunions du Département de la communication globale (DCG) pour la production des communiqués de presse dans les six langues officielles de l’ONU.  Le budget prévoit aussi la création, en janvier 2025, d’un compte spécial de 50 millions de dollars par an pour le Fonds de consolidation de la paix et celle d’un bureau technique de la protection des données et de la vie privée.

La soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale s’achèvera au mois de septembre 2024.

PLÉNIÈRE

C’est dans un climat marqué par une « multitude de menaces existentielles » -de la crise climatique aux technologies de rupture- et une « recrudescence de conflits, de coups d’État et de chaos » que l’Assemblée générale a ouvert les travaux de sa soixante-dix-huitième session avec l’ambition affichée de son nouveau Président de « rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale ».

Regrettant une forme de scepticisme à l’égard du système multilatéral du fait des coups de boutoir des crises du climat, des conflits et de la pauvreté, M. Dennis Francis a appelé l’Assemblée générale à rendre le système multilatéral plus inclusif.

Débat général

Face aux tensions géopolitiques qui s’accentuent et aux défis mondiaux qui se multiplient, « nous semblons incapables de nous rassembler pour répondre », s’est lamenté le Secrétaire général de l’ONU dès l’ouverture du débat général qui avait pour thème cette année « Rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale pour accélérer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité ».

Les 136 chefs d’État et de gouvernement qui se sont succédé à la tribune à partir du 19 septembre ont eux aussi battu le rappel pour que les États Membres relèvent les multiples défis, plus que jamais complexes et interdépendants.  La salle de l’Assemblée générale a résonné d’appels à l’intensification de l’action climatique, à la réforme de l’architecture financière internationale, à l’accélération du développement et à une meilleure gestion des flux migratoires.

En outre, il a été beaucoup question de la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie en Ukraine, d’aucun y voyant le symptôme de la « fragmentation de la gouvernance mondiale ».  Le Ministre russe des affaires étrangères a d’ailleurs prédit la naissance d’« un nouvel ordre mondial », la conséquence, selon lui, du mépris des États-Unis et du « collectif occidental qui leur est subordonné » vis-à-vis du reste du monde.  Ces pays ont dénoncé, pour leur part, la guerre de l’information à laquelle se livrerait la Russie pour tenter de façonner l’opinion publique internationale en construisant une vision erronée de la réalité.

Le moment est venu « d’infléchir l’arc de l’Histoire », a déclaré le Président des États-Unis.  Celui de l’Ukraine, présent en personne pour la première fois depuis le début de l’invasion de son pays, a appelé de ses vœux un dialogue pour la paix non pas « derrière des portes closes » mais par un travail « ouvert » de toutes les nations. 

Du côté de l’Afrique, la Guinée, le Gabon, le Burkina Faso et le Mali se sont livrés à de fermes mises au point sur la prétendue « épidémie » de coups d’État qui s’abattrait désormais sur le continent, dénonçant dans la foulée le fait que le Niger « ait été interdit d’accès » à la tribune de l’Assemblée.

Le Premier Ministre israélien a déclaré pour sa part que son pays était appelé à devenir un « pont pour la prospérité entre les continents », dans la foulée des accords d’Abraham conclus en 2020. « La paix entre Israël et l’Arabie saoudite va véritablement façonner un nouveau Moyen-Orient », a-t-il prédit, en rejetant l’idée « erronée » que les Palestiniens détiendraient un « droit de veto » sur les relations entre l’État hébreux et ses voisins arabes.

Mais tout allait basculer le 7 octobre après l’attaque massive lancée par le Hamas contre Israël et la riposte de ce dernier dans la bande de Gaza.

Reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence

Cette situation ayant entraîné l’exercice du droit de veto au Conseil de sécurité par les États-Unis le 18 octobre, puis par la Chine et la Fédération de Russie le 25 octobre, l’Assemblée générale a convoqué à trois reprises sa dixième session extraordinaire d’urgence consacrée aux « mesures illégales prises par les autorités israéliennes, à Jérusalem-Est occupée ainsi que dans le reste du Territoire palestinien occupé ».  Ses travaux ont débouché sur l’adoption de deux résolutions. 

La première, adoptée le 27 octobre par 120 voix pour, 14 contre et 45 abstentions, centrée sur la « situation humanitaire catastrophique » régnant dans la bande de Gaza, appelle à une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, menant à la cessation des hostilités, ainsi qu’à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les civils retenus illégalement en captivité.  Ce texte demande également l’annulation de l’ordre donné par « Israël, Puissance occupante », aux civils palestiniens et au personnel des Nations Unies d’évacuer toutes les zones de la bande de Gaza situées au nord de Wadi Gaza.

Le 12 décembre, toujours « gravement préoccupée » par cette situation humanitaire, l’Assemblée générale adoptait par 153 voix pour, 10 contre (Autriche, États-Unis, Guatemala, Israël, Libéria, Micronésie, Nauru, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Tchéquie) et 23 abstentions une deuxième résolution exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat, la libération inconditionnelle des otages ainsi que l’assurance d’un accès humanitaire.  En présentant ce texte, l’Égypte mettait en garde, au nom du Groupe des États arabes, contre le risque de « génocide » et d’embrasement de la région.

En vertu de la résolution A/RES/76/262, datant du conflit entre la Russie et l’Ukraine, la reprise de cette session extraordinaire d’urgence a tenu lieu de séance que l’Assemblée générale est tenue de convoquer dans les 10 jours ouvrables suivant l’exercice du droit de veto au Conseil de sécurité. 

Réforme et mobilisation

La question du veto a par ailleurs de nouveau nourri les débats sur la réforme du Conseil de sécurité.  Inscrite à l’ordre du jour depuis plus de 40 ans et au centre des « négociations intergouvernementales » depuis 18 ans, la réforme vise notamment à remédier à la sous-représentation des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, à la paralysie en raison de l’exercice du droit de veto, et à l’absence de transparence.  Sans une réforme structurelle du Conseil, sa légitimité continuera d’être écornée, de même que celle des Nations Unies, a prévenu le Président de l’Assemblée générale.

Une autre réforme attendue, concerne le « dossier crucial » de la revitalisation de l’Assemblée générale, notamment ses rôle, pouvoirs et méthodes de travail, de même que le processus de sélection du Secrétaire général.  De nombreuses délégations ont profité de la réunion biennale dédiée à cette question pour exprimer leur souhait de voir l’Assemblée jouer un rôle plus important en matière de paix et de sécurité internationales.

La santé mondiale a été un autre sujet mobilisateur avec l’adoption de trois déclarations politiques portant respectivement sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies; la couverture sanitaire universelle; et la lutte contre la tuberculose.  De vives critiques ont cependant été soulevées, par le Groupe des 77 et la Chine notamment, au sujet de l’absence de toute référence à l’impact délétère des mesures coercitives unilatérales sur le droit à la santé. 

Des critiques similaires ont été également exprimées lorsque l’Assemblée générale a fait sienne, le 29 septembre, la « déclaration politique issue du forum politique de haut niveau pour le développement durable » qui vise à accélérer la mise en œuvre du Programme 2030.

Alors qu’à peine 15% des cibles des objectifs de développement durable (ODD) sont en voie d’être atteintes et que les progrès accomplis dans les priorités les plus fondamentales -réduire la pauvreté et la faim- ont enregistré un recul, les leaders mondiaux réaffirment, dans ladite Déclaration, leur détermination à revitaliser le Partenariat mondial pour le développement durable en prenant des mesures ciblées pour éliminer la pauvreté tout en accélérant les initiatives d’éradication de l’insécurité alimentaire. Ils appellent également à une refonte de l’architecture financière internationale, en améliorant les mécanismes d’allégement de la dette et en réorientant les droits de tirage spéciaux (DTS) vers les pays qui en ont le plus besoin.

Durant ce début de session, la plénière a par ailleurs décidé de faire du 7 septembre la « Journée mondiale de sensibilisation à la myopathie de Duchenne », une maladie rare qui se traduit par la dégradation progressive des os et ne fait pas l’objet de suffisamment de travaux de recherche. 

Outre l’appel, pour la trente et unième année consécutive, à la levée de l’embargo imposé à Cuba par les États-Unis, la plénière a adopté plusieurs résolutions liées à l’aide humanitaire, ainsi qu’un texte qui demande aux États Membres d’observer la Trêve olympique pendant la période qui s’étend du septième jour précédant l’ouverture des Jeux de la XXXIIIe Olympiade au septième jour suivant la clôture des XVIIes Jeux paralympiques, qui se tiendront à Paris en 2024. 

PREMIÈRE COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS DE DÉSARMEMENT ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE

Les travaux de la Première Commission, présidée par M. Rytis Paulauskas (Lituanie), se sont déroulés dans un environnement international au moins aussi mauvais qu’en 2022, du fait principalement des tensions entre les pays occidentaux et la Fédération de Russie liées à la guerre en Ukraine d’une part, entre les États-Unis et leurs alliés en Asie-Pacifique, et la Chine d’autre part, ainsi que de la situation dans la péninsule coréenne.  La reprise sanglante du conflit israélo-palestinien en octobre a contribué à envenimer les déclarations, sans avoir de conséquences sur les textes adoptés, en raison des positions antérieures déjà tranchées des États les plus impliqués.

Ce climat s’est traduit dans les résultats des 29 séances de travail tenues du 2 octobre au 3 novembre, marquées par 151 déclarations lors du débat général et 375 autres lors des discussions sur les sept chapitres du débat thématique.  Si les 61 projets de résolution présentés ont tous été adoptés, 37 ont dû être mis aux voix -proportion à peine moindre qu’en 2022- et les textes ont fait l’objet de 102 votes séparés -un nouveau record- ainsi que de 178 explications de vote ou de position.  Autre signe des tensions, 178 droits de réponse ont été exercés.

Trois textes entièrement nouveaux ont été soumis à la Commission, portant respectivement sur l’assistance aux victimes et la réparation de l’environnement à la suite de l’utilisation ou d’essais d’armes nucléaires; l’interdiction d’armes radiologiques; et les systèmes d’armes létaux autonomes.  Aucun n’a fait l’objet de consensus, alors qu’une autre conséquence des tensions entre « Occident global » et Fédération de Russie et Chine a été la présentation de projets de résolution concurrents, tant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique qu’à propos du comportement dans le cyberespace.  Des projets finalement tous adoptés du fait des autres États, notamment les membres du Mouvement des pays non alignés, au nom de l’impératif supérieur du désarmement et malgré les contraintes que les structures parallèles, voire concurrentes, mises en place feront peser sur les plus petites délégations.

Armes de destruction massive, armes de division massive

Les armes de destruction massive ont cette année encore dominé le débat général de la Commission et suscité le plus grand nombre de projets de résolution, avec 26 textes.

L’échec de la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, en 2022, a continué de jeter une ombre sur les débats, d’autant que la première réunion du Comité préparatoire de la onzième Conférence d’examen, tenue au printemps, s’est, elle aussi, achevée sans qu’un document final de consensus ait pu être adopté.  La suspension par la Fédération de Russie du Traité entre les États-Unis d’Amérique et la Fédération de Russie sur des mesures visant de nouvelles réductions et limitations des armements stratégiques offensifs Nouveau Traité START et l’annonce du retrait de sa ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), s’ajoutant au déploiement d’armes nucléaires russes au Bélarus, ont suscité de multiples critiques.  Pour leur part, les États-Unis se sont vu reprocher la modernisation en cours de leur arsenal nucléaire, la Chine son manque de transparence, la RPDC ses essais balistiques et l’Iran son manque de coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans le cadre du Plan d’action global commun.

Ces multiples tensions se sont retrouvées lors de l’adoption des projets de résolution.  Les 22 textes portant sur les armes nucléaires ont fait l’objet de 19 mises aux voix et 60 votes séparés.  Le seul nouveau texte, présenté conjointement par Kiribati et le Kazakhstan et portant sur « le lourd héritage des armes nucléaires: assistance aux victimes et remise en état de l’environnement dans les États Membres touchés par l’emploi ou la mise à l’essai d’armes nucléaires », qui met l’accent sur les dommages physiques des victimes, mais aussi leur santé mentale ou encore les bouleversements des pratiques culturelles ou les déplacements à long terme de populations entières, a bien recueilli 171 voix en sa faveur, mais les neuf puissances nucléaires -officielles ou non- ont voté contre ou se sont abstenues.  C’est toutefois une fois encore le texte présenté par le Japon consacré aux « Mesures visant à établir un plan d’action commun pour l’avènement d’un monde exempt d’armes nucléaires », qui a le plus illustré les dissensions de la communauté internationale, en faisant l’objet de 17 votes séparés avant d’être finalement adopté à une très large majorité.

Les trois seuls textes adoptés sans vote portaient respectivement sur l’« interdiction de déverser des déchets radioactifs » et les traités créant des zones exemptes d’armes nucléaires en Afrique et en Asie du Sud-Est, avec toutefois un vote séparé sur ce dernier.

Quatre textes étaient consacrés cette année aux autres armes de destruction massive, dont un nouveau, présenté les États-Unis et portant sur une « interdiction de l’emploi d’armes radiologiques », visant à en faire une catégorie d’armes à part, adopté à une large majorité.  Les profondes divisions de la Commission se sont en revanche illustrées dans le texte annuel consacré à l’application de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, objet de huit votes séparés avant d’être adopté par 154 voix pour, 7 voix contre -dont celles de la Chine, l’Iran, la Russie et la Syrie- et 18 abstentions.

Intelligence artificielle: un nouveau texte pour tenter de répondre à des inquiétudes croissantes

Les évolutions majeures qu’entraînent les progrès de l’intelligence artificielle dans le domaine militaire ont été jugées susceptibles de remettre en question la représentation du domaine des armements. C’est à ce titre que la Commission a adopté un texte inédit, présenté à l’initiative de l’Autriche et consacré aux « systèmes d’armes létaux autonomes », qui prie le Secrétaire général de solliciter les vues des États, organisations internationales, société civile, communautés scientifiques et professionnelles du secteur et de remettre un rapport de fond à l’Assemblée générale lors de sa prochaine session.  Plusieurs États, même favorables au texte, ont toutefois fait valoir les risques d’interférences avec les travaux du Groupe d’experts gouvernementaux chargé de discuter de cette question au sein de la Convention sur certaines armes classiques et la Fédération de Russie y a même vu un doublon. Au contraire, la France, coautrice de la résolution, a estimé qu’elle permettra de donner à la Convention sur certaines armes classiques l’élan nécessaire pour entamer des négociations, l’enjeu -éthique- étant le maintien d’un contrôle humain sur toute décision d’emploi de la force létale.

Armes classiques: progrès dans la gestion des munitions et exception russe

En matière d’armes classiques, la Première Commission a, sans rencontrer d’opposition, invité l’Assemblée générale à entériner l’adoption, au printemps, du Cadre relatif à la « gestion des munitions classiques tout au long de leur cycle de vie » et à lancer un processus devant aboutir à une réunion d’États en 2027 chargée d’examiner l’application du Cadre. Élaboré au sein du Groupe de travail à composition non limitée pertinent, ce dernier a été salué comme un progrès important lié à la lutte contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre (ALPC), objet de deux autres textes adoptés sans vote, de même que le texte relatif à la Convention sur certaines armes classiques.

Les autres textes annuels relatifs aux armes classiques, qui portent sur le « Traité sur le commerce des armes », la « mise en œuvre de la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction » et l’« application de la Convention sur les armes à sous-munitions » ont comme d’habitude été adoptés avec l’abstention de certains pays rappelant leurs réserves habituelles, mais sans opposition, à l’exception de celle de la Fédération de Russie sur les deux derniers.  La question des armes à sous-munitions a d’ailleurs provoqué de vifs échanges entre ce pays et les États-Unis à propos de la livraison de telles armes à l’Ukraine, aucun des trois pays n’étant partie à la Convention qui les interdit.

Cyberespace et espace extra-atmosphérique: « Guerre des blocs » et projets concurrents

Face à des risques similaires de militarisation dans ces deux espaces bien distincts, les États Membres s’accordent sur la nécessité d’une coopération internationale, mais s’opposent sur sa forme et sa portée, d’autant que, dans les deux cas, certaines délégations expriment des réticences face au risque d’un cadre trop contraignant dans des domaines considérés comme des « catalyseurs du développement ».  L’opposition entre Occidentaux d’une part, Russes et Chinois de l’autre, s’est manifestée par la présentation de projets concurrents reflétant deux approches différentes: l’adoption de normes de « comportement responsable » pouvant éventuellement mener à des normes plus contraignantes pour les premiers; l’élaboration directe de traités contraignants au sein d’organes intergouvernementaux pour les seconds.

Dans l’espace extra-atmosphérique, l’approche progressive a été défendue par le Royaume-Uni dans son projet « Réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable », qui actualise la résolution 76/231 en prévoyant la constitution, pour la période 2024-2025, d’un nouveau groupe de travail à composition non limitée chargé de bâtir sur les acquis de son prédécesseur.  La Fédération de Russie lui a opposé principalement ses « Nouvelles mesures concrètes de prévention d’une course aux armements dans l’espace », un texte basé sur la résolution 77/250, qui vise à élaborer rapidement, à la Conférence du désarmement, un traité prohibant la militarisation de l’espace et demande pour cela la constitution, pour la période 2024-2028, d’un autre groupe de travail à composition non limitée prolongeant les travaux de celui du Groupe d’experts gouvernementaux créé en 2023.  Les Occidentaux reprochent aux propositions sino-russes de ne pas définir clairement ce qu’est une « arme dans l’espace », à quoi Russie et Chine rétorquent que c’est la notion de « comportement responsable » des États qui manque de substance.

La situation est similaire dans le cyberespace, où, comme en 2022, la Première Commission s’est retrouvée face à deux textes: celui de la Fédération de Russie sur les « Progrès de l’informatique et des télécommunications et sécurité internationale –une reprise actualisée de la résolution 77/36– et celui sur un « Programme d’action destiné à promouvoir le comportement responsable des États en matière d’utilisation du numérique dans le contexte de la sécurité internationale », porté par la France, version considérablement remaniée de la résolution 77/37 qui prévoit, d’ici à 2026, l’établissement d’un groupe de travail permanent.

Dans un climat d’affrontement entre Russie et « Occident », ces textes concurrents ont tous été adoptés grâce aux votes favorables des pays « non alignés », soucieux de bénéficier des ressources offertes par les deux domaines et d’y prévenir toute forme de course aux armements.  Dans les deux cas toutefois, plusieurs délégations ont déploré d’être confrontées à des textes présentés comme concurrents sur des sujets essentiels et ont appelé à réfléchir, dans un esprit de consensus, à l’instauration d’un processus unique de négociations.

Désarmement régional et mécanisme de désarmement: consensus incomplet

Les cinq projets de résolution présentés au titre des « Désarmement et sécurité sur le plan régional » ont été adoptés sans vote ou en rencontrant peu d’opposition.  Israël s’est abstenu sur le texte relatif au renforcement de la sécurité et de la coopération dans la région de la Méditerranée, porté par plusieurs pays arabes, estimant pendant les débats qu’il ne reflète pas la réalité de la situation au Moyen-Orient.

Alors que le mécanisme onusien de désarmement reste largement en panne, en particulier la Conférence du désarmement, un seul des projets de résolution sur sa revitalisation a été mis aux voix.  Intitulé « Interdiction de mettre au point et de fabriquer de nouveaux types et systèmes d’armes de destruction massive: rapport de la Conférence du désarmement », et corédigé par le Bélarus, la Chine, Cuba et la Russie, il a été adopté par 174 voix pour, 3 voix contre, celles des États-Unis, Israël et Ukraine, et une abstention.  La délégation américaine a expliqué ne pas voir l’utilité de détourner l’attention de la communauté internationale de la prolifération des armes connues de destruction massive, alors qu’il n’est pas apparu de nouvelles armes de destruction massive depuis 1948.  Ce qui n’a pas empêché le même pays de présenter son projet de résolution sur les armes radiologiques au titre, justement, des armes de destruction massive.

DEUXIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES

Lors de cette soixante-dix-huitième session, qui s’est déroulée du 28 septembre au 22 novembre 2023, la Deuxième Commission a mené ses travaux avec une intensité particulière. Dans son discours de clôture, l’Uruguayen Carlos Amorín, qui en assurait la présidence, s’est félicité des résultats obtenus dans un contexte géopolitique mondial particulièrement difficile, après avoir encouragé les délégations à adopter des résolutions orientées vers l’action et visant à accélérer la mise en œuvre, à mi-parcours, du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de ses 17 objectifs (ODD).  Après 15 journées de débats et 23 jours de négociations, la Commission chargée des questions économiques et financières s’est entendue sur 43 projets de résolution que l’Assemblée a entérinés.

Un contexte géopolitique et économique mondial très difficile

La Deuxième Commission a entamé ses travaux par deux jours de débat général sur le thème « Œuvrer à un relèvement durable pour toutes et tous » en faisant un désolant constat: les multiples crises auxquelles le monde est confronté ont fait reculer la mise en œuvre du Programme à l’horizon 2030.  Le Président de l’Assemblée générale, M. Dennis Francis, s’est alarmé d’un « monde pétri d’inégalités », dans lequel plusieurs crises continuent de s’aggraver, « alors que la guerre en Ukraine et d’autres conflits aux quatre coins du globe se poursuivent, comme le montre, une fois de plus, l’inquiétante escalade de la situation au Moyen-Orient ».

Le conflit israélo-palestinien s’est en effet invité, à partir du 7 octobre, tant dans les débats sur les répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne que dans les discussions sur les projets de résolution.  Ainsi, le texte relatif aux technologies agricoles au service du développement durable proposé par Israël a suscité une fronde des États arabes, non pas sur le fond mais du fait qu’il émanait de la « Puissance occupante ».  À l’occasion de l’adoption du texte consacré à la souveraineté du peuple palestinien et de la population arabe dans le Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles, Israël a accusé le Hamas de détourner les ressources dont il dispose afin d’alimenter sa machine de guerre, tandis que le Liban a dénoncé, lors de l’examen du texte sur la marée noire sur les côtes libanaises, des agressions d’Israël au moyen de phosphore blanc.  Les répercussions de la guerre en Ukraine, en particulier sur la sécurité alimentaire et énergétique, ont également été mises en avant.

Autre point de friction dans le contexte international: les sanctions unilatérales.  Les pays les plus vulnérables ont fait remarquer que ces multiples crises les touchent gravement, et encore davantage lorsqu’ils sont soumis à des sanctions.  Malgré l’opposition de quelques pays, à commencer par les États-Unis et le Royaume-Uni, qui les jugent légitimes, la Deuxième Commission a condamné les mesures économiques unilatérales utilisées pour exercer une pression sur les pays en développement.  Un autre texte sur le commerce international et le développement invite également à lever les mesures coercitives unilatérales.

Redoubler d’efforts pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD)

Prenant acte du bilan inquiétant fait en septembre lors du Sommet sur les ODD, qui a révélé que seuls 15% avaient été atteints jusqu’ici, la Deuxième Commission a consacré une grande partie de ses travaux à l’accélération du Programme 2030.  Lors du débat général, les pays les moins avancés (PMA) se sont inquiétés du fait que si les tendances actuelles se poursuivent, ce ne sont pas moins de 775 millions de personnes, soit 7% de la population mondiale, qui vivront dans l’extrême pauvreté en 2030.  L’élimination de la pauvreté, premier des 17 ODD et clef de voûte de l’édifice, a ainsi fait l’objet de deux projets de résolution.

Le premier se concentre sur la pauvreté en milieu rural, qui concerne aujourd’hui plus d’1,4 milliard d’individus.  Ce texte a été critiqué par une cinquantaine d’États, dont ceux de l’Union européenne (UE), qui lui ont reproché d’être « idéologique » dans certaines de ses formulations et de faire doublon avec d’autres textes plus consensuels, comme celui sur les activités relatives à la troisième Décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté.

La Deuxième Commission a par ailleurs encouragé la transition énergétique pour garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable (ODD 7).  Elle a aussi appelé à renforcer les liens entre tous les modes de transport et décidé de proclamer la Décennie des Nations Unies pour le transport durable, à partir de 2026.

L’ODD 9, qui consiste à mettre en place une infrastructure résiliente, a également été promu par deux projets de résolution.  L’un demande de renforcer les investissements dans la recherche et le développement de technologies écologiquement rationnelles, l’autre se concentre sur les technologies de l’information et des télécommunications pour les rendre plus abordables, fiables et inclusives.  Ce qui passe notamment par leur intégration aux systèmes éducatifs (ODD 4), qui ont fait l’objet d’un texte appelant à des efforts particuliers pour l’éducation des filles, encore en retard dans de nombreuses régions du monde.  Enfin, la consommation et la production durables (ODD 12) ont été encouragées, car jugées efficaces pour atteindre le développement économique tout en réduisant les incidences sur l’environnement et en garantissant le bien-être de la population.

Protéger les plus vulnérables pour ne laisser personne de côté

La Deuxième Commission a accordé toute son attention aux pays en situation particulière, où les résultats de la mise en œuvre du Programme 2030 sont très insatisfaisants.  « Tracer la voie vers une prospérité résiliente » sera donc le thème de la quatrième Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement (PEID), qui se tiendra à Antigua-et-Barbuda du 27 au 30 mai 2024.  Les délégations ont également placé beaucoup d’espoirs dans la prochaine Conférence des Nations Unies sur les pays en développement sans littoral(PDSL), qui se tiendra peu après à Kigali, du 18 au 21 juin 2024.  Le Qatar, qui a accueilli la cinquième Conférence sur les pays les moins avancés (PMA) en mars 2023, s’est dit convaincu que le Programme d’action de Doha permettra de définir une feuille de route pour réaliser les ambitions de ces pays.

Malgré le contexte difficile, des progrès ont néanmoins été enregistrés, notamment les travaux du Groupe de haut niveau sur l’élaboration d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle pour les petits États insulaires en développement.  Un tel indice est en effet attendu pour aller au-delà de l’utilisation du produit intérieur brut (PIB) dans l’évaluation de l’aide nécessaire aux pays en développement, a relevé M. Li Junhua, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales.  La coopération pour le développement des pays à revenu intermédiaire, qui font face à des obstacles structurels uniques, n’a pas été oubliée.

La majorité de ces pays étant producteurs et exportateurs de produits de base, un projet de résolution est venu souligner un autre défi auxquels ils sont confrontés: la difficulté à dégager suffisamment de ressources pour financer la réalisation des ODD.  Il s’agit de transformer la « malédiction des ressources naturelles » en bénédiction, a souligné M. Joseph Stiglitz, lauréat 2001 du prix Nobel d’économie, invité lors du débat conjoint avec le Conseil économique et social (ECOSOC).

L’égalité entre les sexes (ODD 5) a fait l’objet d’intenses débats et négociations lors de l’examen d’un projet de résolution qui appelle les États Membres à garantir aux femmes des chances égales, à prendre des mesures efficaces pour éliminer toutes les formes de violence de genre et à promouvoir une répartition équitable des soins non rémunérés et du travail domestique.  Un autre texte s’attache plus précisément à l’amélioration de l’accès aux services financiers, relevant que 1,4 milliard de personnes n’ont pas accès aux services financiers formels et que les femmes ne bénéficient toujours pas du même accès à ces services que les hommes.

Réformer l’architecture financière internationale

Les nombreux appels à réformer l’architecture financière internationale semblent avoir été entendus par la Deuxième Commission, qui a recommandé à l’Assemblée générale de créer un comité intergouvernemental spécial à composition non limitée, chargé d’élaborer « une convention-cadre sur la coopération fiscale internationale » d’ici à août 2024.  Il s’agit là d’un « bond en avant » pour une coopération fiscale « efficace et inclusive », s’est félicité M. Li.

Proposé par le Groupe des États d’Afrique, ce projet de résolution n’a toutefois pas été adopté sans difficulté, un tiers des États Membres s’y étant opposé.  Ils ont fait valoir, à l’instar du Royaume-Uni, de l’Union européenne, des États-Unis ou de la Türkiye, que ce futur comité, en plus de n’être pas consensuel et donc peu « efficace », risque de faire double emploi avec les travaux déjà en cours à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  En outre, un texte en faveur de l’élimination des paradis fiscaux a été voté.

Sur le front de l’aide au développement, l’Espagne a proposé d’accueillir en 2025 la quatrième Conférence sur le financement du développement, afin de contribuer à accélérer la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba.  Le déficit d’investissement pour réaliser les ODD dans les pays en développement étant estimé à 4 000 milliards de dollars, un appel à augmenter les investissements étrangers directs a par ailleurs été lancé. Et en complément de cette aide, la coopération Sud-Sud a été une nouvelle fois promue.

Enfin, en ce qui concerne la soutenabilité de la dette extérieure, la Deuxième Commission a recommandé au Fonds monétaire international (FMI) l’allocation de 500 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS) supplémentaires en faveur des pays qui en ont le plus besoin.  Cela s’ajouterait aux sommes déjà mises à disposition par le FMI en 2022 et 2023 via le Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité.  Venue présenter ses travaux lors du débat général, l’économiste indienne Jayati Gosh a fait savoir que le service de la dette des pays à faible revenu s’élève à 171% de leurs dépenses de santé, d’éducation et de protection sociale, tandis que celui des pays à revenu intermédiaire atteint 104%.  Impossible dans ces conditions d’atteindre les ODD, s’est-elle alarmée. 

Renforcer la résilience face aux chocs climatiques

Peu avant la Conférence des parties sur les changements climatiques à Dubaï (COP28), fin novembre, les délégations ont insisté sur le principe de « responsabilités communes mais différenciées » et la nécessaire coopération internationale pour en atténuer les effets a été maintes fois soulignée, en particulier par l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), qui a proposé de mettre en œuvre pour de bon le fonds pour les pertes et les préjudices, décidé lors de la COP27.

Comme chaque année, la Deuxième Commission a adopté des projets de résolution sur la sauvegarde du climat pour les générations présentes et futures, sur la réduction des risques de catastrophe, qui sont de plus en plus complexes et généralisés, sur la lutte contre la désertification, en particulier en Afrique, sur la lutte contre les tempêtes de sable et de poussière ou sur la diversité biologique.  La solidarité régionale a été mise en avant dans un texte sur l’Asie centrale face aux défis environnementaux.  Comme l’a dit Mme Yongyi Min, du Département des affaires économiques et sociales, il « n’est pas encore trop tard pour éviter les pires effets de la crise et garantir la justice climatique ».

TROISIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS SOCIALES, HUMANITAIRES ET CULTURELLES

Arrivée le 16 novembre au terme de sa soixante-dix-huitième session, la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a fait siens 62 projets de résolution, dont 3 inédits.  Autre statistique signalée par le Président de la Commission, M. Alexander Marschik, de l’Autriche, les États Membres ont échangé avec 76 titulaires de mandat et responsables d’organes conventionnels ainsi qu’avec 17 hauts fonctionnaires de l’ONU, soit 93 dialogues interactifs, contre 88 l’an dernier.  Pour preuve de la mobilisation des délégations au long de ces huit semaines de travaux, 199 consultations informelles ont eu lieu et pas moins de 523 explications de position ou de vote ont été recensées lors de l’examen des textes transmis à l’Assemblée générale.

En cette année marquant le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et le trentième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne, les débats ont porté sur l’évolution des droits humains à l’aune des évolutions sociétales, des crises multiples et des conflits toujours plus nombreux, le dernier d’entre eux, au Moyen-Orient, ayant éclaté en tout début de session.

Une approche innovante axée sur le numérique

Face au risque accru de violence, de harcèlement, d’exploitation, de diffusion de la haine en ligne et d’atteintes au droit à la vie privée, la Commission a entériné un projet de résolution inédit qui demande aux États Membres de prévoir des sanctions effectives et des voies de recours pour protéger les personnes contre les violations des droits humains dans l’environnement numérique. Ce texte engage aussi les plateformes en ligne à veiller à ce que leurs opérations commerciales, leur collecte de données et leurs pratiques soient conformes aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.  Dans le même ordre d’idées, le projet sur les droits de l’enfant exhorte les États à interdire la surveillance illégale des enfants et à prendre des mesures appropriées concernant le traitement et le partage des données personnelles des enfants.

La question de l’impact des nouvelles technologies sur les droits humains a également été abordée, en cours de session, sous l’angle des opportunités.  Tout en indiquant que l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne a augmenté de 35% l’an dernier et que le trafic cybernétique de drogues contrôlées se développe à l’échelle mondiale, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a dit recourir à l’intelligence artificielle, notamment pour aider les forces de l’ordre à traiter les cas de violence à l’égard des femmes.  Il a aussi fait état de l’avancement des négociations visant à élaborer une convention globale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) à des fins criminelles.

Appels pour le droit au développement et l’égalité d’accès à la justice

La Commission a adopté à l’issue d’un vote un projet de texte sur le droit au développement, qui note que le Conseil des droits de l’homme a soumis à l’Assemblée générale « pour examen, négociation puis adoption » le projet de pacte international, instrument juridique contraignant qui consacrerait ce droit encore controversé.  Au cours d’un dialogue avec la Commission, le Président-Rapporteur du Groupe de travail intergouvernemental sur le droit au développement a rappelé que certains États du Nord ne reconnaissent pas ce droit comme un droit humain, d’autres estimant qu’il est individuel et non collectif ou relève des États et non du droit international.  Cette position a été dénoncée par de nombreux pays du Sud, qui, par la voix de Cuba, ont évoqué une responsabilité historique devant être assumée par les pays développés en raison de siècles d’exploitation et de colonialisme.

Ce clivage Nord-Sud s’est reconstitué autour du projet de résolution sur les mesures coercitives unilatérales présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés et soumis à une mise aux voix.  Les États-Unis ont jugé ces mesures appropriées pour demander des comptes en cas de violations des droits humains, l’Union européenne assurant que celles qu’elle impose tiennent compte du droit international humanitaire.  Pour sa part, la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme a mis en cause le respect excessif des sanctions par les entreprises, qui contribue à élargir des mesures présentées comme « ciblées ».

Le consensus a, en revanche, prévalu sur le nouveau texte relatif à l’égalité d’accès à la justice pour tous et toutes, qui encourage l’assistance juridique, notamment pour les plus vulnérables, et l’application de la loi sans discrimination.  Axé quant à lui sur la justice réparatrice, le projet de résolution sur la Déclaration et le Programme d’action de Durban, adopté par vote au terme d’un débat à nouveau houleux, prie l’Assemblée générale de proclamer, à compter de 2025, une deuxième Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

Coup de projecteur sur des catégories sujettes aux violations 

Alors que le nombre des personnes forcées à fuir dans le monde s’élève désormais à plus de 114 millions et que les défis liés à la migration vont croissant, la Commission s’est montrée sensible à l’appel à l’action lancé par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.  Elle a adopté par consensus deux textes en relation directe avec cette problématique, l’un sur l’aide et la protection en faveur des personnes déplacées, qui demande aux États de résoudre les problèmes liés aux situations prolongées de déplacement, l’autre sur la protection des migrants, centré sur la prévention des violences et des refoulements.  Les projets de résolution sur la violence à l’égard des travailleuses migrantes et sur l’amélioration de la coordination de l’action contre la traite des personnes ont également été entérinés sans vote.

Tout aussi consensuel, le texte relatif aux défenseurs des droits de l’homme condamne toutes les attaques commises contre ces derniers et exige des États qu’ils prennent des mesures concrètes pour les protéger, en ligne et hors ligne.   Il souligne aussi le rôle « légitime et précieux » que jouent les défenseuses en matière de promotion des droits humains des femmes et des filles.  Celles-ci, comme l’a rappelé la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, sont particulièrement ciblées par la désinformation genrée, stratégie destinée à faire taire les femmes et les personnes non conformes au genre.  S’agissant de cette dernière catégorie, l’Expert indépendant chargé de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre a dénoncé la criminalisation « aberrante » à laquelle restent confrontées les personnes LGBTI, indiquant que 64 pays sanctionnent encore pénalement les relations entre individus de même sexe et que 11 les punissent de la peine capitale.

Divisions toujours plus profondes autour des questions sociétales

Si aucun vote n’a été requis pour adopter les projets de résolution portant sur les filles, les droits de l’enfant, les politiques et programmes mobilisant les jeunes et l’amélioration de la vie des femmes et des filles en milieu rural, leur examen a néanmoins révélé de profondes dissensions, et ce, jusqu’à la clôture des travaux de la Commission.  Au cœur de ces désaccords grandissants d’année en année: le statut de l’enfant, le rôle des parents, la conception de la famille et la définition du genre.

Le genre n’est autre que la différence biologique entre l’homme et la femme, ont martelé un grand nombre de délégations, qui, pour la plupart, se sont dissociées de termes jugés non consensuels comme « formes multiples et croisées de discrimination ».  Inversement, d’autres États ont regretté que des libellés plus progressistes n’aient pas été retenus, insistant notamment sur les droits à la santé sexuelle et reproductive.  Ces concepts seront interprétés à l’aune de nos lois et coutumes, ont prévenu de nombreux pays, africains et arabes en majorité.  Un vif débat a également opposé les tenants de valeurs familiales et éducatives traditionnelles aux partisans de l’éducation complète à la sexualité pour les enfants.

Accusations de politisation des droits humains sur fond de guerre à Gaza

Déclenché le 7 octobre par l’attaque du Hamas en Israël, le conflit dans la bande de Gaza est devenu le fil rouge de cette session.  À l’affirmation du droit d’Israël à la légitime défense, largement appuyée par les pays occidentaux, a été rétorquée une dénonciation massive des bombardements israéliens sur l’enclave palestinienne et de la politique de deux poids, deux mesures.  Témoin de l’âpreté des échanges, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 a été accusée d’antisémitisme par la délégation israélienne.  Cette tension n’a toutefois pas empêché l’adoption du projet de résolution sur le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, malgré l’opposition de quelques pays, dont Israël et les États-Unis, ces derniers dénonçant un texte « politique », qui « divise au lieu de rassembler ».

Rappelant une guerre presque occultée par les événements de Gaza, le projet de texte sur la situation des droits humains dans les territoires ukrainiens temporairement occupés a été entériné à l’issue d’un vote. La Fédération de Russie a fustigé un texte qui « n’a rien à voir avec les droits humains », après avoir déjà dénoncé un « désir de politiser » le projet de résolution sur la lutte contre la glorification du nazisme adopté tel qu’amendé.  Comme l’an dernier, un groupe de pays occidentaux a obtenu l’insertion d’un paragraphe accusant la Fédération de Russie de « chercher à justifier son agression territoriale contre l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme ».

Un vote a également été nécessaire pour adopter le texte sur la situation des droits humains en République islamique d’Iran.  Contestant un texte « politiquement motivé », qui condamne les violations consécutives à la répression des manifestations organisées depuis la mort en détention de Jina Mahsa Amini, la délégation iranienne a invité les coauteurs du projet, le Canada et la France entre autres, à balayer devant leur propre porte.

Résolument hostile à ces résolutions spécifiques, qui selon lui procèdent d’une « instrumentalisation des droits humains à des fins politiques », le Mouvement des pays non alignés, soutenu par le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a plaidé à nouveau en faveur de l’Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’homme, mécanisme permettant de traiter de ces questions avec le consentement et la coopération des pays concernés.

QUATRIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS POLITIQUES SPÉCIALES ET DE LA DÉCOLONISATION

Cette année, il a fallu 26 séances à la Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation (Quatrième Commission) pour mener à bien l’examen de tous les points inscrits à son ordre du jour.  Sous la présidence de Mme Mathu Joyini, de l’Afrique du Sud, elle a adopté 33 résolutions et 3 décisions.  Fidèle à son éclectisme, la « Quatrième » a couvert un large éventail de questions, allant des processus de décolonisation aux opérations de paix et missions politiques spéciales, en passant par l’information à l’ONU, les rayonnements ionisants, l’espace extra-atmosphérique, et les pratiques israéliennes dans les territoires occupés.

Questions de décolonisation relatives aux 17 territoires non autonomes

Cette année, la Commission a adopté 21 résolutions et une décision relatives aux questions de décolonisation, auditionnant pas moins de 158 pétitionnaires et 6 représentants de certains des 17 territoires non autonomes toujours inscrits à son ordre du jour.  Quatre-vingt-deux délégations se sont exprimées sur ce point à sa tribune, où la question du Sahara occidental a, comme par le passé, largement dominé les échanges, opposant toujours les partisans du Front POLISARIO à ceux du plan d’autonomie pour les « provinces du Sud » proposé par le Maroc; les défenseurs du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui à ceux du développement économique et de la légitimité des urnes des représentants élus du « Sahara marocain ».

Pour le Maroc, « le Sahara marocain est définitivement et de façon irréversible ancré dans son Maroc, et le Maroc définitivement enraciné dans son Sahara » et la question de la décolonisation désormais « close ».  Cette position n’a pas empêché le Front POLISARIO de faire valoir, une nouvelle fois, le droit inaliénable et non négociable à l’autodétermination et à l’indépendance de son peuple, un droit qui ne saurait être altéré ni par le passage du temps, ni par la politique de fait accompli menée depuis 1975 par l’État occupant du Maroc. L’Algérie a appuyé cette revendication, arguant que les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale la réaffirment. La raison pour laquelle le Maroc ne veut plus entendre parler du référendum d’autodétermination, est que, même après un demi-siècle « d’occupation », ce dernier n’a toujours pas été en mesure de gagner le cœur du peuple sahraoui, qui reste attaché à son droit à l’émancipation.  Au lieu de quoi, la « Puissance occupante » propose magnanimement l’octroi d’une autonomie limitée sous souveraineté marocaine.  « Personne n’y croit, et surtout pas le peuple sahraoui. »  
L’Algérie, a contré le Maroc, ferme les yeux sur le fait que les résolutions du Conseil de sécurité recommandent une solution politique durable et mutuellement acceptable pour le règlement de ce conflit « artificiel », depuis que le Secrétaire général a, en 2001, déclaré l’inapplicabilité du plan de règlement au Sahara et « l’obsolescence » d’un référendum d’autodétermination.

Comme à l’accoutumée, le différend de souveraineté relatif aux Îles Malvinas, aux Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et aux zones maritimes environnantes a mobilisé les États membres de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), du Marché commun du Sud (MERCOSUR) et du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), qui ont réitéré leur ferme soutien aux « droits légitimes » de l’Argentine sur cet archipel, appelant à la reprise des négociations entre ce pays et le Royaume-Uni.  La délégation britannique n’a pourtant toujours aucun doute quant à sa souveraineté sur l’archipel ou sur le droit à l’autodétermination des habitants des « Falkland ». De manière générale, Londres a défendu la relation moderne qu’elle entretient avec ses territoires d’outre-mer et les avantages dont bénéficient leurs populations, libres de choisir leur propre statut.

Aide aux réfugiés de la Palestine - Droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé et dans le Golan syrien

Alors que la soixante-dix-huitième session a eu pour toile de fond le conflit entre Israël et le Hamas, les six projets de résolution consacrés aux pratiques et activités d’implantation israéliennes dans les territoires palestiniens occupés et aux activités de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), adoptés à une très large majorité, n’ont pourtant été que des reconductions techniques des textes des années précédentes, sans faire référence à la crise en cours.

Il est à noter qu’Israël, qui vote systématiquement contre ces textes, a demandé cette année à ceux qui sont « épris de paix et de démocratie » d’en faire de même, arguant qu’ils ne mentionnent ni l’attaque lancée par le Hamas contre Israël le 7 octobre et ses 1 400 victimes israéliennes ni les infrastructures terroristes construites souterrainement à Gaza, et pas davantage la libération des otages toujours détenus par le Hamas.   Cuba, entre autres délégations, a, au contraire jugé injuste de s’opposer à ces textes sur la base de leurs lacunes, rappelant qu’ils passent également sous silence la mort de plus 10 000 Palestiniens et de 100 employés de l’UNRWA, tués au cours du premier mois du conflit.

Sur la base du dernier rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, nombreuses ont été les délégations qui se sont indignées du niveau sans précédent de violences, de morts et de destructions que les Palestiniens doivent endurer, y voyant le résultat direct de l’occupation.  L’Afrique du Sud, en dénonçant un « régime institutionnalisé d’oppression systématique » et une « oppression raciale » qui visent à asseoir la domination des Israéliens sur les Palestiniens, y a même vu une « caractéristique du crime d’apartheid ».

La délégation israélienne a rejeté toutes ces allégations, en accusant le Comité spécial d’être biaisé et de répéter des mensonges sans vérifier les faits, tandis que l’État de Palestine a reproché à Israël de faire l’amalgame entre le peuple palestinien et le Hamas.

Assistance à la lutte antimines

La Commission a adopté un texte ambitieux concernant l’Assistance à la lutte antimines, qui fait état de l’impact de la dissémination d’engins explosifs sur l’agriculture et la résilience locale, tout en soulignant l’importance d’inclure cette question dans les discussions concernant le Nouvel Agenda pour la paix. Cette résolution note également la nomination d’un mandataire mondial des Nations Unies pour les personnes handicapées dans les situations de conflit ou de consolidation de la paix, afin de donner voix aux victimes d’engins explosifs.  Outre le renforcement des capacités nationales de déminage, les pays les plus touchés par les mines et les restes explosifs de guerre ont mis en exergue l’importance des campagnes de sensibilisation nationales aux risques posés par les engins explosifs, notamment en signalant les zones affectées.

Questions relatives à l’information 

Initiative phare du Secrétaire général, le code de conduite pour l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques destiné à contrer la désinformation, en cours d’élaboration, a retenu l’attention des délégations.  Le Département de la communication globale (DCG) a ainsi lancé des consultations avec la participation des États Membres, des plateformes numériques, des médias et de la société civile.  En cas d’urgence ou de conflit, la Secrétaire générale adjointe à la communication globale, Mme Melissa Fleming, a indiqué que le Département a recours à des « cellules de crise » afin d’assurer une réponse coordonnée et stratégique du système onusien en matière de communication.  Si elle s’est félicitée de la hausse de la fréquentation des plateformes d’information de l’ONU, plusieurs délégations ont néanmoins encouragé le DCG à assurer un usage équilibré des six langues officielles sur ses sites Web.

Coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace

La dépendance avérée de notre monde aux systèmes spatiaux étant devenue « critique », le Président du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) a noté que les défis auxquels nous sommes confrontés ne peuvent être relevés qu’au moyen d’une coopération internationale et d’une gouvernance mondiale de l’espace renforcées.  Inquiète, pour sa part, de l’utilisation « provocatrice » de satellites civils à des fins non déclarées, la Fédération de Russie a néanmoins renoncé à présenter un projet de résolution intitulé « Les technologies spatiales au service de la paix », plusieurs délégations ayant considéré que ce texte s’écartait de l’approche consensuelle du COPUOS et qu’il portait sur des questions de sécurité spatiale ne relevant pas du mandat de la Commission.

Opérations de maintien de la paix 

Alors que cette année marque le soixante-quinzième anniversaire des opérations de maintien de la paix de l’ONU, celles-ci sont confrontées à des défis multiformes exacerbés par les divisions géopolitiques.   Dans ce contexte, le Département des opérations de paix (DPO) s’efforce d’améliorer l’efficacité et l’adaptabilité des opérations de paix en mettant en œuvre les recommandations de l’examen stratégique indépendant de la réponse aux menaces liées aux munitions explosives.  Le plan d’action pour améliorer la sécurité des Casques bleus a en outre favorisé des progrès dans la protection des forces et la lutte contre les engins explosifs improvisés.  Afin d’améliorer les soins d’urgence, toutes les missions disposent désormais d’une procédure opérationnelle d’évacuation sanitaire primaire (EVASAN primaire) actualisée.  Signe des progrès notables enregistrés depuis 2019 afin de traduire en justice les responsables des crimes commis contre les soldats de la paix, 72 individus ont été condamnés pour les meurtres de Casques bleus dans plusieurs pays de déploiement.  Toutefois, face aux restrictions à la liberté de mouvement des missions, à la désinformation, aux violations des accords sur le statut des forces ou encore aux attaques perpétrées contre le personnel onusien, pays hôtes comme pays fournisseurs de contingents ont demandé la poursuite des réformes.

Missions politiques spéciales 

La résolution portant sur l’étude d’ensemble des missions politiques spéciales a été actualisée, cette année, afin de reconnaître la place de celles-ci dans les pourparlers visant à donner suite au Nouvel Agenda pour la paix.  Ce texte note également que le financement de la consolidation de la paix demeure un défi crucial puisque l’Assemblée générale n’a toujours pas trouvé de moyen consensuel de fournir des ressources additionnelles.   Le Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques au sein du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DPPA) et du Département des opérations de paix (DPO), M. Miroslav Jenča, a insisté sur le renforcement de la coordination et de la coopération entre les missions et les organisations régionales et sous-régionales, aspect largement soutenu par les délégations, dont plusieurs ont exprimé leur préoccupation face au sous-financement des missions politiques spéciales.

CINQUIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS ADMINISTRATIVES ET BUDGÉTAIRES

Cinquième Commission: un budget-programme et plusieurs innovations pour 2024 

Cette année encore, la Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, n’a pas pu, au grand dam de son président, démentir sa réputation bien établie de retardataire.  Si ces dysfonctionnements persistent, dans quelques années, personne ne voudra plus diriger les travaux de cette commission, a dit non sans humour, M. Osama Mahmoud Abdel Khalek Mahmoud, de l’Égypte. 

Ce n’est que le 22 décembre, après trois séances de nuit consécutives, comme se sont désolés les États-Unis, que la Commission a enfin recommandé à l’Assemblée générale plusieurs innovations dans ses 23 projets de résolution dont un sur un budget ordinaire de 3,6 milliards de dollars pour le Secrétariat de l’ONU, ses 10 415 fonctionnaires et la mise en œuvre de 28 programmes.  Le « succès des négociations », salué par les États-Unis, est arrivé avec une semaine de retard mais, se sont réjouies toutes les délégations, deux jours avant le réveillon de Noël, contrairement aux cinq dernières années. 

L’on serait presque tenté d’attribuer cet exploit au Président de la Commission.  Le 13 décembre, soit deux jours avant la fin prévue des travaux, après une première prolongation d’une semaine, M. Mahmoud se montrait ferme.  Pressant les coordonnateurs des négociations de commencer « leur marathon », il prévenait: ne prenez pas le risque de douter de ma parole, je ne demanderai pas une autre prolongation car après tout, nous ne faisons pas de la physique nucléaire, nous examinons le budget.  Le lendemain, il apparaissait comme résigné face à « la dynamique et la complexité de la situation ».  Nos méthodes de travail demeurent déficientes, diagnostiquait-il. 

Le 22 décembre, l’Union européenne dénonçait, à son tour, la tendance croissante à reporter des points, à ne prendre aucune décision ou à adopter des résolutions sommaires.  Cette année, s’alarmait-elle, a battu un nouveau record de déception et de votes. La Commission a dû trop souvent renoncer à ses responsabilités et se rabattre sur les recommandations du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), ajoutaient les États-Unis.  Si c’est la manière dont nous voulons désormais travailler, pourquoi passer trois mois à les examiner plutôt que les adopter directement?  

Un budget-programme innovant pour 2024 

Lorsqu’il a présenté, le 10 octobre, son projet de budget-programme de 3,3 milliards de dollars, qui après l’actualisation des coûts et le tamis du CCQAB et de la Commission s’élève exactement à 3 588 280 100 dollars (A/C.5/78/L.21), le Secrétaire général, M. António Guterres, a d’abord tiré la sonnette d’alarme: sans une amélioration drastique de la trésorerie avant la fin de l’année, l’exécution des programmes en 2024 sera fortement compromise, compte tenu de « l’absurdité » des règles financières qui exigent que l’ONU restitue aux États Membres l’argent qu’elle n’a pas dépensé pendant l’année parce qu’elle l’a tout simplement reçu trop tard. 

Le 17 octobre, la Commission apprenait que sur 193 États Membres, seuls 46 États avaient versé la totalité de leurs contributions statutaires dans les trois catégories, à savoir le budget ordinaire, les opérations de paix et les tribunaux internationaux; les États-Unis devant 954 millions de dollars et la Chine, une dette inédite de 246 millions.  Le 22 décembre, le Contrôleur des Nations Unies, M. Chandramouli Ramanathan, suppliait les États Membres de reporter la restitution des fonds non dépensés. 

Mais revenons au 10 octobre, quand M. António Guterres a mis l’accent sur le fait que le projet de budget-programme reste globalement au niveau de celui de 2023 et attiré l’attention sur l’investissement dans le développement durable, l’allocation d’un montant supplémentaire à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et une autre allocation supplémentaires pour le Bureau de lutte contre le terrorisme. 

Le Secrétaire général a tout obtenu de la Commission dont la première innovation qu’est la création d’un bureau technique de la protection des données et de la vie privée (A/C.5/78/L.19).  En revanche, n’a pas eu l’écho escompté son ambition de renforcer le multilinguisme, en rendant possible la diffusion simultanée des communiqués de presse dans les six langues officielles de l’ONU pour « faire davantage entendre notre voix, atteindre des publics plus larges et renforcer notre présence sur les médias sociaux et sur le Web ».  

Conformément à la parité linguistique et à l’égalité de traitement avec les deux langues utilisées jusqu’ici, les équipes arabe, chinoise, espagnole et russe auraient nécessité l’ajout de 54 postes à la Section de la couverture des réunions du Département de la communication globale (DCG).  Arguant du potentiel offert par l’intelligence artificielle, le CCQAB a recommandé un projet pilote basé sur la traduction, avec 25 postes temporaires.  Mais la Cinquième Commission a encore revu à la baisse l’ambition du Secrétaire général et n’a créé que 20 postes temporaires. 

Après près de 20 mois de négociations intenses, comme l’a rappelé l’Union européenne, le 22 décembre, la Commission a apporté une autre innovation: le financement du Fonds pour la consolidation de la paix (A/C.5/78/L.25)Elle a convaincu l’Assemblée générale de créer un compte spécial pluriannuel dénommé « Compte pour la consolidation de la paix » pour financer le Fonds, avec une somme de 50 millions de dollars par an, à partir du 1er janvier 2025; une moitié avec le taux de contribution applicable au budget ordinaire et l’autre, le taux des opérations de paix. 

À la grande satisfaction du Groupe des 77 et la Chine et dans une mesure qualifiée d’étape historique par les États-Unis, le 22 décembre, une quatrième innovation a été adoptée: l’officialisation du Bureau de la lutte antiraciste au Secrétariat de l’ONU (A/C.5/78/L.20).  Le 16 novembre, le Groupe des 77 et la Chine rappelaient que l’enquête menée en 2022 a révélé que 25% des personnes interrogées ont dit avoir été victimes de discrimination raciale, ethnique, culturelle ou sexuelle. 

Cinquième innovation, le projet de résolution sur les réfugiés de Palestine (A/C.5/78/L.16), par lequel l’Assemblée générale a été priée de condamner dans les termes les plus vigoureux le fait que des membres du personnel de l’UNRWA et des réfugiés aient été tués alors qu’ils étaient placés sous la protection du drapeau de l’ONU. 

Une session marquée par des votes multiples 

La mise en œuvre des 73 décisions et résolutions du Conseil des droits de l’homme (A/C.5/78/L.8) a donné lieu à de multiples votes.  Le 13 décembre, le Soudan s’étonnait de la résolution intitulée « les effets du conflit actuel au Soudan sur les droits de l’homme » conférant à l’Expert des droits de l’homme le mandat de surveiller les violations commises depuis le 25 octobre 2021, y compris celles découlant directement du conflit actuel.  Pourquoi un tel texte alors que nous avons accepté la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur les crimes commis par les Forces d’appui rapide, « une milice formée de mercenaires jouissant d’appuis extérieurs »? 

La Fédération de Russie, qui s’est retirée du Conseil, rejetait « catégoriquement » l’idée d’inscrire au budget ordinaire la mise en œuvre des résolutions sur la situation des droits de l’homme en Ukraine suite à son agression et sur son propre territoire, rendant, comme l’année dernière, aux pays occidentaux, un diagnostic de cécité et de surdité face aux violations commises par l’Ukraine. 

Le 14 décembre a offert l’occasion d’un premier vote et cette fois, pour faire supprimer du budget-programme le Mécanisme international, impartial et indépendant sur les violations les plus graves commises en Syrie depuis 2011.  Cet amendement, présenté par la Fédération de Russie, a été rejeté alors que la proposition contraire du Qatar a été adoptée. 

Le 22 décembre, au moment de se prononcer sur toutes les recommandations de la Commission à l’Assemblée générale, la Fédération de Russie lançait une autre salve, avec le même résultat, un moment qu’a saisi la Syrie pour dénoncer un gaspillage de ressources au profit d’un mécanisme « illégal et politisé ».  Un autre amendement de la Fédération de Russie a été rejeté, consistant à supprimer du budget-programme huit résolutions du Conseil des droits de l’homme alors que le Soudan, dont l’amendement a également été rejeté, s’opposait à ce que le budget-programme soit ponctionné pour financer la mise en œuvre de la résolution incriminée, le 13 décembre.    

De même, les amendements d’Israël et de Cuba sur la résolution relative aux questions spéciales relatives au budget-programme (A/C.5/78/L.20) ont été rejetés. Israël s’opposait à l’allocation de ressources au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour établir une base de données de toutes les entreprises impliquées dans les colonies de peuplement.  Cuba, de son côté, rappelait que l’Assemblée générale n’a statué ni sur le concept de responsabilité de protéger ni sur son champ d’application et encore moins sur ses implications ou ses formes possibles de mise en œuvre.  L’affectation des ressources au Bureau de la Conseillère spéciale est donc « illégale », tranchait Cuba. 

Les missions politiques spéciales hissées au rang de chapitre le plus budgétivore 

Les 37 missions politiques spéciales autorisées par l’Assemblée générale et/ou le Conseil de sécurité héritent d’une enveloppe de 717,7 millions de dollars alors qu’un autre montant de 2 millions est affecté, pour elles, au Centre des services régional d’Entebbe (A/C.5/78/L.20).  Or dès le 4 octobre, le Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes partageait l’avis du Groupe des 77 et de la Chine et de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN): la grande majorité des missions politiques spéciales tirant leur mandat du Conseil de sécurité, il est temps que les pays, qui ont la plus grande influence sur elles et sur les opérations de paix, assument une plus grande responsabilité financière.  Ces missions doivent être financées par le budget du maintien de la paix et comme chaque opération de paix, par un compte distinct auquel s’appliquerait le barème des quotes-parts agréé. 

Le personnel de l’ONU prié de réinvestir la Maison de Verre 

Le travail à distance ne doit pas être considéré comme un droit, et encore moins la règle, prévenaient le Groupe des 77 et la Chine, le 9 novembre, après le constat que depuis avril 2022, la proportion des membres du personnel qui travaillent en dehors du bâtiment du Secrétariat n’a baissé que de 77% à 67%.  La Commission a donc recommandé à l’Assemblée générale (A/C.5/78/L.20) de prendre note du rapport du CCQAB sur l’évaluation de l’espace de travail à l’ONU (A/78/7/Add.15) qui rappelle que, l’année dernière, le Secrétaire général a été encouragé à aider les supérieurs hiérarchiques à assurer un suivi de la présence du personnel de sorte que l’Organisation continue d’être attentive aux besoins des États Membres et préserve l’efficacité et l’efficience dans l’exécution de ses tâches. 

La présence physique du personnel est « fondamentale », a confirmé l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), en exigeant que le Secrétaire général et les cadres supérieurs surveillent « l’assiduité » du personnel, d’autant plus que le 27 octobre, les délégations se réjouissaient du retour progressif au mode de fonctionnement d’avant la pandémie de COVID-19, grâce à la Stratégie du Secrétaire général pour l’exploitation des données qui a donné lieu au développement de nouveaux savoir-faire en vue d’exploiter et d’améliorer les solutions de gestion des conférences (A/C.5/78/L.5). 

SIXIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS JURIDIQUES

Présidée cette année par M. Suriya Chindawongse, Représentant permanent de la Thaïlande auprès des Nations Unies, la Sixième Commission a examiné 26 questions de fond inscrites à son ordre du jour, au cours de 37 réunions. Elle a adopté, sans mise aux voix, 17 projets de résolution et 10 projets de décision.  La prochaine session se déroulera du 2 octobre au 22 novembre 2024.

Le rapport de la Commission du droit international au cœur des débats

Le rapport annuel de la Commission du droit international (CDI) a dominé sans surprise les délibérations de la Sixième Commission.  Il a été présenté par Mmes Patrícia Galvão Teles et Nilüfer Oral, qui ont présidé à tour de rôle sa soixante-quatorzième session.  La CDI a adopté, en première lecture, 11 projets de conclusions relatifs aux principes généraux du droit.  Elle a aussi provisoirement adopté: 2 projets de directives sur le règlement des différends auxquels des organisations internationales sont parties; 3 projets d’articles sur la prévention et la répression de la piraterie et du vol à main armée en mer; et 3 projets de conclusions sur les moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international.

Si la grande qualité du travail de la CDI a été soulignée, des critiques lui ont été adressées.  Les délégations ont ainsi fustigé la définition d’une organisation internationale, qui diffère de celle retenue par la CDI dans ses travaux antérieurs.  Les commentaires les plus virulents ont été formulés lors de l’adoption du projet de résolution intitulé « Normes impératives du droit international général (jus cogens) », par lequel l’Assemblée générale prend acte du projet de conclusions de la CDI sur la détermination et les conséquences juridiques desdites normes.  La Chine a estimé que ce projet de résolution ne reflétait pas les préoccupations de toutes les délégations.  Même son de cloche du côté du Cameroun, qui a appelé à la vigilance afin que les États soient respectés et leurs sensibilités observées.

Parmi les chapitres passés au peigne fin, la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international suscite un intérêt croissant auprès des États Membres.  « L’élévation du niveau de la mer constitue une menace pour l’existence même de certains États, particulièrement les petits États insulaires », ont témoigné l’Australie et les Fidji, au nom du Forum des îles du Pacifique, appelant à examiner ce sujet dans le cadre des changements climatiques.  Plusieurs délégations ont rappelé que les dispositions de la CDI doivent être en conformité avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, « Constitution des océans ».  L’Union européenne, appuyée par le Danemark, Singapour, le Brésil, la France ou encore le Royaume-Uni, a indiqué qu’il importe d’interpréter la Convention de manière à préserver les zones maritimes.

Les délégations en quête d’une approche constructive pour trouver un consensus sur la question des crimes contre l’humanité

Ce thème est celui qui devrait connaître les plus grandes avancées.  En avril de cette année, lors de la première partie d’une reprise de session inhabituelle, la Sixième Commission s’est penchée sur le projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité adopté par la CDI en 2019.  Un grand nombre de délégations, telles que la Slovénie, la Slovaquie, la Jordanie, le Royaume-Uni ou bien encore la Colombie, ont réclamé avec force qu’une convention soit élaborée sur la base dudit projet afin de combler une lacune dans le cadre juridique international.  Le Mexique a souhaité l’entame de négociations formelles l’année prochaine, en se félicitant de l’avancement des délibérations, un « succès retentissant » pour le Cameroun.

Les divergences sont néanmoins loin d’être aplanies, comme l’ont rappelé l’Éthiopie, la Chine, l’Inde, l’Égypte, la Fédération de Russie ou bien encore l’Iran.  Ces pays ont mis en garde contre l’inclusion de notions peu consensuelles, déplorant notamment la référence faite au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Pour la Chine, ledit projet « ne constitue pas un avant-projet de convention ».  La deuxième partie de la reprise de session sur ce thème est prévue en avril prochain.

Dissensions marquées sur la compétence universelle

La portée et l’application du principe de compétence universelle ont continué de diviser les délégations, une partie d’entre elles reprochant à d’autres de politiser le concept.  La Fédération de Russie a estimé que ce principe continue d’être utilisé par l’Occident comme outil de lutte contre les régimes qui ne leur conviennent pas.  La République islamique d’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, et la Chine se aussi sont alarmées des « abus » du principe.

Les poursuites engagées par l’Allemagne et l’Autriche contre des dirigeants de Daech ont en revanche été citées en exemple par le Liechtenstein et le Canada, qui s’exprimait aussi au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.  Pour ces délégations, la compétence universelle reste un « outil intéressant » pour rendre justice aux victimes de crimes très graves.

La CNUDCI saluée pour l’adoption de six textes sur le commerce international

Lors de l’examen de son rapport annuel, les délégations ont félicité la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) d’avoir adopté: les Dispositions types sur la médiation pour les différends relatifs à des investissements internationaux et Lignes directrices sur la médiation pour les différends relatifs à des investissements internationaux, le Code de conduite destiné aux arbitres et le Code de conduite destiné aux juges dans des procédures de règlement de différends relatifs à des investissements internationaux; les Recommandations sur l’accès des microentreprises et petites et moyennes entreprises au crédit; et, dans le domaine du règlement des litiges, le texte d’orientation sur le rejet rapide et la décision préalable.  Par ailleurs, les progrès réalisés en matière de commerce électronique et numérique ont été applaudis par plusieurs pays en développement qui en ont souligné les enjeux pour leurs économies.

La protection des personnes en cas de catastrophe, question d’importance pour les relations entre les États

De nombreuses délégations ont souligné leur extrême vulnérabilité face à l’intensification des catastrophes naturelles.  Leurs effets socioéconomiques sont terribles ont ainsi fait remarquer les représentants de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA).  Si une majorité d’intervenants, dont les pays nordiques, se sont montrés favorables à l’élaboration d’une convention internationale sur la base du projet d’articles adopté par la CDI en 2016, qui offre « un équilibre satisfaisant entre les droits et les obligations des différents acteurs », la Chine a pointé du doigt les trop nombreuses obligations qui incombent aux États touchés par des catastrophes.

Craignant une ingérence dans leurs affaires internes, certaines délégations ont en effet insisté sur la responsabilité première des États touchés et sur l’importance de leur consentement pour l’acheminement d’une aide humanitaire.  D’autres ont émis des réserves sur ce que l’on entend par « catastrophe ».  À ce sujet, les Philippines, qui présidaient le groupe de travail sur la protection des personnes en cas de catastrophe, ont mentionné, comme la Suisse, que les catastrophes causées par l’homme, y compris les conflits armés, devraient être exclues de la définition, alors que l’Afrique du Sud a accueilli positivement cette référence dans le projet d’articles.  Les États fédérés de Micronésie ont, quant à eux, souhaité l’inclusion des catastrophes liées aux conséquences des gaz à effet de serre, à condition que les dispositions y afférant n’annulent pas les obligations déjà existantes, notamment celles qui soulignent la responsabilité des pays développés vis-à-vis des pays en développement.  L’Australie, au nom du Canada et de la Nouvelle-Zélande, a appelé à prendre en compte les spécificités des États, notamment ceux du Pacifique.

Poursuite de l’examen de la question de l’expulsion des étrangers 

Appelées à examiner la forme que pourraient prendre les projets d’articles sur l’expulsion des étrangers élaborés par la CDI en 2017, certaines délégations, notamment latino-américaines, ont rappelé l’importance du respect des droits individuels et du maintien de garanties juridictionnelles équitables en toute circonstance.  Plusieurs d’entre elles ont toutefois abordé le débat sous un angle national, insistant sur le pouvoir discrétionnaire des États en matière migratoire, notamment en cas d’immigration irrégulière.  Les États-Unis, par exemple, se sont interrogés sur « l’utilité de chercher à augmenter des règles de droit bien établies qui existent dans des conventions largement ratifiées sur les droits de l’homme et les réfugiés ». Pour leur part, le Bélarus et l’Iran ont jugé que la sensibilité « politique » de cette question rendait difficile pour l’instant une codification du droit international en la matière.

Absence de définition consensuelle sur le terrorisme international

Comme chaque année, de nombreuses délégations ont réclamé l’élaboration d’une convention générale sur le terrorisme international contenant une définition précise du terrorisme.  L’absence d’un tel texte nourrit en effet les perceptions qu’il existe une approche de deux poids, deux mesures dans ce domaine, a argué le Brésil, tandis que l’Iran a dénoncé la « politisation » de la lutte antiterroriste mondiale.  Des désaccords persistent sur l’inclusion de la criminalité organisée, des actes xénophobes ou encore de l’incitation à la haine en ligne. Inquiètes face aux actes islamophobes commis dans certains États occidentaux, plusieurs délégations, dont le Pakistan, le Bangladesh ou les Maldives, ont rappelé que le terrorisme ne devait, en aucun cas, être assimilé à une quelconque religion ou à la lutte légitime pour l’autodétermination des peuples sous occupation coloniale.

L’action de l’ONU dans le domaine de l’état de droit critiquée

Si certaines délégations ont rappelé que l’état de droit était, comme l’a déclaré le Nigéria, la « colonne vertébrale » des sociétés, et que son respect permettait d’accompagner, avec le soutien des Nations Unies, le progrès social et le développement durable, nombreux sont les États qui ont souligné la politique de deux poids, deux mesures qui semble s’appliquer dans de nombreuses régions du monde – à commencer par le Moyen-Orient.  D’autres encore se sont inquiétés des manifestations d’ingérence faites au nom de l’état de droit par certains États et ont souligné, à l’instar de la Fédération de Russie, le rôle souverain de l’État dans ce domaine.  Sur le plan national, l’importance des nouvelles technologies et de la réduction de fracture numérique entre pays pour renforcer l’accès à la justice a été l’un des rares points d’accord du débat sur cette question.

La Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina Mohammed, a présenté le rapport du Secrétaire général qui avertit que nous ne sommes pas loin de basculer dans « l’état de non-droit » dans toutes les régions du monde, en notant le recul global de la démocratie et des droits des femmes.  Fort de ce constat, il propose une nouvelle vision de l’état de droit, centrée sur les personnes, tournée vers l’avenir et enracinée dans la Charte.

Absence d’accord sur la responsabilité des organisations internationales 

Une majorité d’États se sont opposés à l’idée d’un instrument juridiquement contraignant sur la responsabilité des organisations internationales, jugeant « prématurée » l’adoption d’une convention inspirée du projet d’articles élaboré par la Commission du droit international en 2011.  D’autres ont toutefois jugé que ce texte était la « contrepartie » de la responsabilité des États et qu’il pourrait servir de référence aux pratiques de ces organisations, appelant à poursuivre la recherche d’un consensus.

Les TIC au service du renforcement du régime conventionnel

Les bénéfices des nouvelles technologies de l’information et des communications (TIC) ont aussi été évoqués lors des discussions sur le renforcement et la promotion du régime conventionnel international.  Nombre de délégations ont souligné les avantages de ces technologies pour améliorer l’enregistrement et la publication des traités.  Afin de promouvoir « un régime conventionnel fort et inclusif », les pays en développement ont suggéré la mise en œuvre de bonnes pratiques telles que l’assistance technique, la formation, ou encore le multilinguisme.

Rapport du Comité spécial de la Charte: éviter l’érosion de la confiance

Pour la deuxième année consécutive, le rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation n’a pas pu être adopté.  L’Union européenne a notamment blâmé l’opposition « d’une délégation ».  Les échanges ont porté sur le bon usage du régime des sanctions, la « crise d’identité » du Conseil de sécurité, ou encore les blocages au sein du Comité spécial, qu’ont déplorés plusieurs intervenants et vis-à-vis desquels la République de Corée a appelé à « rectifier le tir », pour éviter l’érosion de la confiance dans le travail du Comité.

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