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Un nouveau Bretton Woods: le Secrétaire général renouvelle son appel à réformer l’architecture financière mondiale et à sauver les ODD

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée à l’occasion du Dialogue de haut niveau de l’Assemblée générale sur le financement du développement, à New York, aujourd’hui:

De toutes les questions que nous aborderons cette semaine, la finance est peut-être la plus cruciale. 

Car le financement du développement est le carburant qui fait avancer le Programme 2030 et l’Accord de Paris. 

Aujourd’hui, ce carburant s’épuise et le moteur du développement durable a des ratés, cale, s’enflamme. 

Alors que nous arrivons à mi-parcours de l’échéance fixée pour la réalisation des Objectifs de développement durable, nous constatons, pour la première fois depuis des décennies, un recul des progrès accomplis dans la réduction de la pauvreté et de la faim, nos priorités les plus fondamentales. 

La pandémie de COVID-19 et la crise climatique ont un effet dévastateur et durable sur les économies en développement. 

L’invasion russe de l’Ukraine a exacerbé la volatilité et augmenté les prix des denrées alimentaires, de l’énergie et du financement.

Une crise mondiale du coût de la vie affecte des milliards de personnes. 

Les États croulent sous la dette.  La flambée des taux d’intérêt étrangle les pays en développement.

Les engagements en matière d’aide publique au développement et de financement de l’action climatique ne sont pas respectés.

Le fossé se creuse entre les pays qui peuvent accéder à des financements à des conditions raisonnables et ceux qui ne le peuvent pas et se retrouvent encore plus à la traîne.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.  En voici trois exemples. 

  • Le déficit de financement des Objectifs de développement durable est devenu un gouffre, estimé à 3,900 milliards de dollars par an. 
  • Les pays en développement se trouvent face à des coûts d’emprunt jusqu’à huit fois supérieurs à ceux notamment des pays européens et c’est le piège de l’endettement.
  • Et un pays sur trois dans le monde est aujourd’hui exposé à un risque élevé de crise budgétaire.  Plus de 40% des personnes vivant dans l’extrême pauvreté se trouvent dans des pays confrontés à de graves problèmes d’endettement.

Plusieurs mesures de bonne foi ont été prises pour aider les économies en développement à survivre à cette crise du financement, comme l’Initiative du G20 pour la suspension du service de la dette et l’allocation de droits de tirage spéciaux par le Fonds monétaire international. 

Mais cela n’a pas suffi.

Il est évident que les problèmes systémiques du financement du développement durable exigent une solution systémique: une réforme de l’architecture financière mondiale.

Cette architecture a été créée à une époque où de nombreux pays en développement étaient encore sous domination coloniale.  Elle est profondément déséquilibrée en faveur des pays développés.

Et elle n’a pas évolué au même rythme que la croissance de l’économie mondiale.  Le capital versé de la Banque mondiale, par exemple, exprimé en pourcentage du PIB mondial, représente un cinquième de ce qu’il était en 1960.

Je renouvelle mon appel en faveur d’un nouveau Bretton Woods, une occasion pour les pays de se réunir pour convenir d’une architecture financière mondiale qui reflète les réalités économiques et les rapports de force d’aujourd’hui.

Je compte sur vous pour soutenir ces propositions de réformes, tout au long du Sommet de l’avenir et par la suite.

Mais ces réformes structurelles essentielles prendront du temps.  Or, le temps presse.

Le Programme 2030 risque d’être hors de notre portée avant de pouvoir porter ses fruits.

C’est pourquoi j’exhorte les États à prendre immédiatement des mesures pour sauver les objectifs de développement durable.

Le plan de relance des objectifs que je propose permettrait de dégager au moins 500 milliards de dollars par an de financements à long terme abordables au profit du développement durable et de l’action climatique.

L’augmentation du capital des banques multilatérales de développement et la modification de leur modèle économique permettraient aux États d’accroître considérablement les investissements dans les domaines du climat et du développement.

La recapitalisation et un engagement plus fort auprès des agences de notation de crédit permettraient aux banques de transformer leur approche du risque, en améliorant leurs conditions de prêt et en mobilisant des quantités massives de financements privés à un coût raisonnable pour les pays en développement.

Les États pourraient mettre en place un mécanisme efficace de renégociation de la dette qui permette les suspensions de paiement, associe les créanciers privés et soit ouvert aux pays à revenu intermédiaire.

Ils peuvent également accroître les financements d’urgence lorsque les pays rencontrent des difficultés. Je préconise la réorientation de 100 milliards de dollars supplémentaires de droits de tirage spéciaux, principalement par l’intermédiaire des banques multilatérales de développement, ainsi que la mise au point d’autres moyens innovants d’aider les pays dans le besoin.

Les pays développés doivent respecter leurs engagements financiers à l’égard des pays en développement, y compris en ce qui concerne le climat.

Ils doivent tenir la promesse de mobiliser 100 milliards de dollars, augmenter considérablement le financement de l’adaptation, reconstituer les ressources du Fonds vert pour le climat, et rendre opérationnel le fonds pour les pertes et les préjudices d’ici à la COP28.

Et tous les pays doivent aligner les budgets nationaux sur les objectifs de développement durable et s’attaquer aux problèmes du dégrèvement fiscal et des flux financiers illicites.

De Bridgetown à Paris en passant par Delhi, la réforme de l’architecture de financement est au cœur des discussions.

Je me félicite du soutien que le G20 a apporté au plan de relance des objectifs de développement durable, au renforcement des banques multilatérales de développement et à l’augmentation du financement du développement et de l’action climatique.

La déclaration du Sommet sur les objectifs de développement durable traduit un appui retentissant en faveur de mesures de financement solides pour sauver les objectifs.

Il nous faut maintenant passer d’urgence des paroles aux actes.

Parce que les Objectifs de développement durable – cette promesse faite aux peuples du monde – ne peuvent pas attendre.

Un monde à deux vitesses, partagé entre nantis et démunis, est déjà à l’origine d’une crise de confiance à l’échelle mondiale.

Je vous demande instamment de faire de ce dialogue de haut niveau une plateforme d’engagement constructif, en mettant l’accent sur des solutions de financement créatives et pratiques qui peuvent être mises en œuvre dans les mois et les années à venir.

Ensemble, nous devons transformer la crise actuelle en opportunité, trouver des solutions de financement communes pour rebâtir la solidarité mondiale et insuffler un nouvel élan en faveur du développement durable et de l’action climatique.

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