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Tenir, ensemble, la promesse du développement durable: le Secrétaire général exhorte chaque gouvernement à prévoir « engagements et plans clairs »

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du forum politique de haut niveau pour le développement durable, à New York, aujourd’hui:

En 2015, les États se sont engagés à l’unanimité en faveur du Programme de développement durable à l’horizon 2030 – un plan d’action pour aider la marche du monde vers la paix, la prospérité et la dignité pour tous.  Aujourd’hui, cette promesse est en péril.  À mi-chemin de l’échéance de 2030, le monde est terriblement mal parti. L’édition spéciale du rapport sur l’état d’avancement de la réalisation des objectifs de développement durable dresse un tableau très sombre. 

Il montre la faiblesse et l’insuffisance des progrès réalisés pour une bonne moitié des cibles de développement durable.  Près d’un tiers de ces cibles sont au point mort ou enregistrent une régression.  Les émissions continuent d’augmenter.  Les inégalités béantes persistent.  La faim atteint à nouveau les niveaux de 2005.  Au rythme actuel, il faudra encore 300 ans pour parvenir à l’égalité des genres.  Et près de 600 millions de personnes seront encore enlisées dans l’extrême pauvreté en 2030.  La pandémie de COVID-19, une crise climatique en pleine expansion, des conflits généralisés et les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont entravé des progrès fragiles et limités. 

Mais soyons clairs: bien avant ces bouleversements, notre monde n’était déjà pas bien engagé.  Le manque d’ambition, le sentiment d’urgence et la solidarité ont fait défaut.  Il en va de même des financements.  De nombreux pays sont au bord du gouffre financier.  Le déficit annuel de financement des Objectifs de développement durable est désormais estimé à 4,2 trillions de dollars – contre 2,5 trillions avant la pandémie. 

Les promesses faites en matière d’aide internationale au développement et de financement de l’action climatique n’ont pas été tenues.  Les gouvernements croulent sous les dettes, les pays en développement devant faire face à des coûts d’emprunt très élevés.  Et 52 pays sont en défaut de paiement ou près de l’être, sans qu’aucun système efficace d’allègement de la dette ne soit en vue. 

Ceci est le forum politique de haut niveau pour le développement durable.  Et le monde réclame une action politique de haut niveau, visant à faire des objectifs de développement durable une réalité, pour tous, partout.  Sans cela, la promesse de 2030 risque de nous échapper, ce qui sèmera la désillusion, la méfiance et le ressentiment mettra en danger la planète, trahira les femmes et les filles, et privera d’avenir et d’espoir des millions de personnes. 

Dans notre monde dangereux et divisé, aucun pays ne peut se permettre un tel résultat.  Il y va de notre intérêt à tous de choisir une voie différente.  Le Programme 2030 représente cette voie-là.  Elle comble les écarts, rétablit la confiance et resserre la solidarité.  J’exhorte chaque pays à faire en sorte que 2023 compte. 

Préparons-nous dès à présent à coordonner notre action pour mettre les objectifs de développement durable sur la voie, en tirant le meilleur parti du bilan du Sommet sur les systèmes alimentaires, du Sommet sur l’ambition climatique, des trois réunions sur la santé, de la réunion préparatoire du Sommet de l’avenir, du G20, des réunions annuelles des institutions de Bretton Woods, de la COP28 et, bien sûr, du Sommet sur les objectifs de développement durable. 

J’exhorte tout particulièrement chaque gouvernement à se rendre au Sommet sur les objectifs de développement durable muni d’engagements et de plans clairs, pour renforcer l’action dans leur pays d’ici à 2030.  Il nous faut des promesses et des interventions nationales ambitieuses pour réduire la pauvreté et les inégalités d’ici à 2027 et 2030.  Et des politiques, des plans d’investissements et des partenariats clairs, pour faire progresser les transitions majeures liées aux objectifs de développement durable. 

Le Sommet sur les objectifs de développement durable doit également inciter la société civile, les entreprises et d’autres acteurs à mettre tout leur poids dans la balance pour faire avancer les objectifs et renforcer ainsi la mobilisation afin d’obtenir des résultats concrets.  Je salue l’engagement et la voix morale des jeunes et des représentants de la société civile qui sont parmi nous, cette semaine, et vous exhorte à continuer de lutter en faveur des objectifs de développement durable.  Il faut par-dessus tout que le Sommet soit l’occasion, pour les dirigeants mondiaux, d’envoyer un message clair au moyen d’une déclaration politique forte. 

Alors que les négociations en sont à leurs derniers jours, j’invite chaque délégation à faire preuve de souplesse et d’ambition afin qu’ensemble, nous soyons à la hauteur de la situation.  Nous avons besoin d’une déclaration politique qui renouvelle et revitalise la promesse des objectifs de développement durable, ouvre la voie à des progrès plus rapides pour opérer des transitions majeures dans des domaines allant de la protection sociale et de l’emploi à l’énergie, à l’éducation et bien plus, et envoie un message clair sur la question du financement, en exigeant une action urgente pour concrétiser le Plan de relance des objectifs de développement durable et préparer la voie à des réformes indispensables de l’architecture financière internationale.  Pourquoi? Parce que c’est le financement qui fera progresser les objectifs de développement durable. 

Or, le système financier international est défaillant.  Il ne parvient pas à fournir aux pays en développement un financement à long terme et abordable en faveur du développement et de l’action climatique, ou encore à fournir à ces pays un filet de sécurité, face aux chocs. 

J’ai appelé à un nouveau Bretton Woods.  J’ai présenté une note d’orientation sur la façon de réformer l’architecture financière internationale afin qu’elle puisse opérer comme un filet de sécurité pour tous les pays et donner accès à un financement abordable à long terme. 

En attendant, nous pouvons et devons agir dès maintenant pour apporter une aide immédiate aux économies en développement ou émergentes.  C’est pourquoi j’ai proposé un Plan de relance des objectifs de développement durable de 500 milliards de dollars par an en vue d’investissements dans le développement durable et l’action climatique. Il nous faut une augmentation massive du financement, notamment par l’accroissement des fonds propres des banques multilatérales de développement, qui doivent modifier leur modèle économique afin de pouvoir mobiliser beaucoup plus de fonds privés à un coût raisonnable pour les pays en développement. 

Le Plan de relance consiste également à agir au niveau de la dette, en exhortant les dirigeants à mettre en place un mécanisme d’allègement de la dette rapide et effectif, prévoyant des suspensions de paiements pour les pays subissant des chocs graves, des durées de prêt plus longues et des taux plus bas. Il prévoit aussi une extension des financements pour imprévus dans les pays qui en ont besoin, notamment en réorientant les droits de tirage spéciaux, en particulier par la voie des banques multilatérales de développement.  Tous ces résultats sont réalisables aujourd’hui, si l’on mobilise la volonté politique nécessaire. 

Il nous faut progresser considérablement dans la bonne direction, d’ici à la fin de 2023.  J’exhorte donc les pays du G20 à établir un calendrier, cette année, en vue de la création d’un nouveau mécanisme de règlement de la dette, et les pays développés à tenir leurs engagements de financer l’action climatique, à fournir les 100 milliards de dollars promis, cette année, à réapprovisionner le Fonds vert pour le climat et à doubler le financement en vue d’une adaptation. Cela ne peut plus attendre. 

Chacun de nos objectifs de développement durable exige une accélération de l’action climatique.  D’après la Banque mondiale, 130 millions de personnes pourraient basculer dans la pauvreté d’ici à 2030 en raison de la hausse des températures.  Déjà, aujourd’hui, les fumées des incendies de forêts asphyxient les habitants de l’Amérique du Nord.  Des gens meurent, faute de nourriture, dans la Corne de l’Afrique.  Les inondations et les ouragans détruisent des habitations et des moyens de survie dans le monde.  Tout ceci alors que les températures ont augmenté de 1,1 degré Celsius.  Or, les politiques actuelles nous mènent vers une hausse de 2,8 degrés.  C’est de la folie. 

Il n’est cependant pas trop tard pour changer de cap.  Il est possible de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré, si le monde fait un prodigieux bond en avant en faveur d’une action climatique conjointe.  J’ai proposé à cette fin un Pacte de solidarité climatique par lequel tous les grands émetteurs redoubleraient d’efforts pour réduire leurs émissions, et les pays les plus riches appuieraient les économies émergentes à cette fin. 

J’ai également proposé un programme d’accélération pour intensifier ces efforts. Les pays doivent accélérer leur calendrier de zéro émission nette, conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales.

Les pays développés doivent donc s’engager à parvenir à zéro émission nette, le plus près possible de 2040, et les économies émergentes d’ici à 2050.  Ils doivent prendre des mesures concrètes pour éliminer progressivement les combustibles fossiles, apporter la justice climatique et accélérer une transition juste et une révolution des énergies renouvelables. 

Nous devons faire preuve de fermeté, pour pouvoir instaurer à nouveau la confiance entre les nations.  D’ici à la fin de la COP28, je compte sur tous les dirigeants du G20 pour qu’ils s’engagent à verser de nouvelles contributions ambitieuses déterminées au niveau national.  J’exhorte toutes les parties à veiller à ce que la COP28 mette en place le Fonds pour les pertes et les préjudices. 

Le tableau est bien sombre et comporte des obstacles à chaque tournant. Mais alors que nous sommes à mi-parcours de l’échéance de 2030, une vérité primordiale s’impose à moi: Le changement est possible.  Une régression n’est pas une fatalité.  La pauvreté, la pollution et l’inégalité des genres ne sont pas gravées dans le marbre. Il s’agit de tendances qui peuvent être inversées, de problèmes qui peuvent être réglés, de tragédies qui peuvent être évitées, de vies qui peuvent être sauvées. 

Ensemble, nous pouvons parvenir à des résultats.  Faisons en sorte que cette année compte.  Tenons notre promesse. 

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