SG/SM/21805

Le Secrétaire général annonce une note d’orientation sur le Nouvel Agenda pour la paix, une méthode globale, adaptée à un monde en mutation

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du débat public du Conseil de sécurité consacré à la protection des civils en période de conflit armé, à New York, aujourd’hui:

Je remercie le Gouvernement suisse d’avoir organisé ce débat important.  Et la Présidente Spoljaric ainsi qu’Aïchatou Mounkaila de se joindre à nous. 

Moins de six semaines se sont écoulées depuis que la guerre a éclaté au Soudan.  Durant cette période: des centaines de civils ont été tués, y compris des membres du personnel des Nations Unies; 250 000 personnes ont dû fuir le pays; des hôpitaux ont été occupés et attaqués; le prix des marchandises aurait quadruplé dans certaines régions du pays; et des entrepôts d’aide humanitaire ont été massivement pillés. 

Aussi terrible soit-elle, cette réalité est loin d’être unique en son genre. 

Mon rapport sur la protection des civils en période de conflit armé en 2022 montre que la guerre détruit des vies dans le monde entier. 

Les armes explosives continuent de faire des ravages, notamment dans les villes.

L’an dernier, 94% des victimes qu’elles ont faites dans les zones peuplées étaient des civils.

Celles et ceux qui ont pu fuir les combats l’ont fait en nombre record. 

En tout, le nombre de personnes contraintes de quitter leur foyer en raison des conflits, de la violence, des violations des droits humains et des persécutions a atteint 100 millions des réfugiés.

Des établissements de santé et d’enseignement ont été ravagés, et des personnes qui y travaillaient ont été blessées, enlevées ou tuées. 

Au moins 2 000 écoles ont été détruites rien que dans trois régions d’Éthiopie. 

Les travailleurs humanitaires ont aussi été régulièrement menacés. 

Leur travail a été entravé par la violence, la bureaucratie et des considérations politiques, ainsi que par des sanctions et des mesures antiterroristes bien trop vastes.

En Afghanistan, l’interdiction faite aux femmes par les autorités de fait de travailler dans le secteur de l’aide humanitaire met en danger la vie des femmes et des filles. 

La guerre est synonyme de faim.

Les conflits armés sont un facteur déterminant de l’insécurité alimentaire dans le monde.

L’an dernier, plus de 117 millions de personnes ont souffert de faim aiguë, principalement en raison de la guerre et de l’insécurité.

C’est une aberration.

Les dommages causés aux infrastructures critiques entravent la production alimentaire, empêchent l’acheminement des denrées et privent les populations d’eau salubre:

En Syrie, les ressources en eau potable sont aujourd’hui 40% moins importantes qu’au début du conflit. 

Les combattants détruisent les cultures et volent du bétail; les explosifs contaminent les terres fertiles; les marchés ne peuvent plus fonctionner et les prix s’envolent. 

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a contribué à la hausse des prix des denrées alimentaires, de l’énergie et des engrais dans le monde entier – une situation aux conséquences effroyables pour les populations les plus pauvres.

Et lorsque les conflits viennent s’ajouter à la crise climatique, les récoltes diminuent et les populations ont faim.

Je l’ai constaté de mes yeux lors de ma récente visite en Somalie.  Après des années de guerre, les Somaliennes et les Somaliens font face à la pire sécheresse que le pays ait connue depuis des décennies. 

Rien qu’en 2022, elle a provoqué la mort de quelque 43 000 personnes, dont la moitié étaient des enfants, et des millions de personnes ont été contraintes de partir.

Au cours de l’année qui s’est écoulée, des mesures ont été prises pour atténuer les effets des conflits sur les civils: certaines parties ont notamment œuvré pour protéger les enfants et permettre aux intervenants humanitaires d’avoir accès aux populations démunies. 

La Coordonnatrice de la prévention de la famine et de la réponse, que j’ai récemment nommée, pilote l’action du système face à la montée de l’insécurité alimentaire. 

Et notre Programme d’action sur les déplacements internes vise à apporter des solutions pour faire face au nombre record de personnes déplacées et prévenir d’autres crises.

L’Initiative de la mer Noire et le mémorandum d’accord sur la promotion des produits alimentaires et engrais russes sur les marchés mondiaux ont contribué à stabiliser les marchés, à faire baisser les prix et à atténuer la crise alimentaire.

L’Ukraine a pu exporter plus de 30 millions de tonnes de denrées alimentaires. 

Le Programme alimentaire mondial a ainsi acheminé des céréales vitales pour les populations à l’appui d’opérations humanitaires menées en Afghanistan, en Éthiopie, au Kenya, en Somalie et au Yémen.

Je me félicite que la Fédération de Russie ait confirmé qu’elle continuerait à participer à l’initiative de la mer Noire pendant 60 jours supplémentaires. 

Des questions restent en suspens. 

Mais les représentants de la Russie, de l’Ukraine, de la Turquie et des Nations unies continueront à les aborder. 

À l’avenir, nous espérons que les exportations de denrées alimentaires et d’engrais, y compris d’ammoniac, en provenance de la Fédération de Russie et de l’Ukraine pourront atteindre les chaînes d’approvisionnement mondiales en toute sécurité et de manière prévisible.

C’est ce que prévoient l’Initiative de la mer Noire et le protocole d’accord, dont les Nations unies s’engagent à soutenir la mise en œuvre.

En novembre dernier, les États ont adopté une déclaration politique visant à protéger les civils en limitant l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées ou en s’abstenant d’en faire usage.  J’exhorte tous les États à se rallier à cette déclaration et à la traduire en actes concrets.

En décembre, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2664, qui vise à empêcher que les sanctions de l’ONU nuisent aux civils et entravent l’action humanitaire.

Je demande instamment à tous les États d’appliquer cette résolution et d’exclure les activités humanitaires et médicales du champ d’application de leurs sanctions et de leurs mesures de lutte antiterroriste. 

Ces quelques mesures sont les bienvenues.

Mais la triste vérité est que le monde ne respecte pas ses engagements en matière de protection des civils, pourtant consacrés par le droit international humanitaire. 

Les Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles additionnels s’y rapportant constituent la pierre angulaire de ce cadre juridique. 

Je tiens à saluer le travail du Comité international de la Croix-Rouge, gardien de ces traités: 

Vous affrontez le danger et la brutalité avec bravoure, compassion et humanité.

Sachez que vous pouvez compter sur mon soutien indéfectible. 

Le CICR joue un rôle singulier.  Il a pour mandat d’intervenir. 

Et ce mandat doit être respecté par chaque gouvernement, chaque groupe armé et chaque combattant.

Nous ne devons jamais perdre de vue le sens et l’objet mêmes du droit international humanitaire: c’est ce droit qui fait toute la différence entre la vie et la mort; entre la retenue et l’anarchie; entre céder à l’horreur et préserver notre humanité. 

Mais des lois négligées sont des lois affaiblies. 

Pour qu’elles soient respectées, nous avons besoin d’action et de mécanismes d’établissement des responsabilités. 

Or, cela dépend de la volonté politique. 

La paix est la meilleure forme de protection. 

Nous devons redoubler d’efforts pour prévenir les conflits, protéger les civils, préserver la paix et trouver des solutions politiques à la guerre.

Dans les semaines à venir, je publierai une note d’orientation sur le Nouvel Agenda pour la paix dans la perspective du Sommet de l’avenir qui se tiendra l’an prochain.

Les États Membres pourront ainsi s’appuyer sur une méthode globale, adaptée à l’époque, pour aborder les questions de paix et de sécurité dans un monde en mutation. 

Partout où la guerre se poursuit, toutes les parties doivent respecter le droit international humanitaire, et les membres de ce Conseil ont une responsabilité particulière.

Les États devraient transposer le droit international humanitaire dans leur droit interne et l’intégrer dans la formation et les règles militaires.

Il faut que les intervenants humanitaires bénéficient d’un accès sans danger et que les attaques à leur encontre cessent. 

Il faut aussi faciliter leur travail, notamment en supprimant les obstacles bureaucratiques aux conséquences mortelles.

Il est inadmissible que des produits de première nécessité restent bloqués dans des ports et des entrepôts alors même que des gens meurent. 

Le Conseil de sécurité a un rôle particulier à jouer en exhortant les États à respecter les règles de la guerre.

Les États qui exercent une influence sur les parties aux conflits devraient entamer un dialogue politique et former leurs forces à la protection des civils.

Les pays exportateurs d’armes doivent refuser de faire affaire avec toute partie qui bafoue le droit international humanitaire. 

Les auteurs de crimes de guerre doivent répondre de leurs actes.

Les États doivent enquêter sur les allégations de crimes de guerre, poursuivre les auteurs de ces crimes et renforcer la capacité des autres États à faire de même. 

Et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin au cycle mortel des conflits armés et de la faim: remédier aux causes profondes de la faim en renforçant les économies des pays vulnérables; honorer les engagements pris en faveur des pays qui sont en première ligne de la crise climatique; et augmenter les contributions aux opérations humanitaires, qui sont financées à moins de 15% – ce qui est une honte.

Les civils subissent depuis trop longtemps les effets meurtriers des conflits armés. 

Il est temps que nous tenions notre promesse de les protéger.

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