La Commission de la population et du développement réfléchit à sa contribution à la réalisation des ODD au sortir de la pandémie de COVID-19
Au deuxième jour de ses travaux, la Commission de la population et du développement a, ce matin, organisé une table ronde multipartite sur la contribution des problématiques de population et de développement au thème principal choisi cette année par le Conseil économique et social (ECOSOC) pour ses travaux, à savoir l’accélération de la reprise au sortir de la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Dirigée par la Vice-Présidente de la Commission, Mme Sylvia Paola Mendoza Elguea (Mexique), cette discussion a donné aux intervenants l’opportunité de rappeler l’importance de l’éducation, question centrale de cette cinquante-sixième session. La mise en œuvre du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire de 1994 a également été évoquée comme un levier d’action pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD), en particulier les ODD 6 (eau et assainissement), 7 (énergie), 9 (infrastructure), 11 (villes et établissements humains) et 17 (moyens de mise en œuvre). Des objectifs qui seront examinés par le forum politique de haut niveau pour le développement durable cette année.
Pour la Représentante permanente du Guyana auprès des Nations Unies, les liens entre population et développement revêtent une réalité spécifique dans les petits États insulaires en développement (PEID), exposés à la montée du niveau des eaux. Pour Mme Carolyn Rodrigues-Birkett, les PEID font également face à une flambée des prix de l’énergie, qui se traduit par une hausse des coûts de production et une perte de compétitivité de leurs produits sur les marchés internationaux. Dès lors, la déléguée a plaidé pour une architecture financière internationale plus juste, en soulignant la vulnérabilité spécifique des PEID qui ont grandement besoin d’accès à des prêts concessionnels. Elle a aussi appelé les pays développés à respecter leur promesse de consacrer 0,7% de leur revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD), avant d’émettre l’espoir que le Sommet de l’Assemblée générale sur les ODD de septembre prochain donnera lieu à des propositions concrètes et à des engagements clairs.
Une meilleure cohésion des organes subsidiaires de l’ECOSOC traitant de thématiques connexes et interdépendantes est nécessaire afin de le préparer au mieux à apporter sa contribution à ce sommet, a d’ailleurs estimé la Représentante permanente de l’Argentine auprès des Nations Unies. Au-delà, Mme Maria del Carmen Squeff a appelé à jeter des passerelles entre les différents organes du système des Nations Unies dans l’optique de réaliser les ODD, rappelant l’importance de la mise en œuvre du Programme d’action de la Conférence du Caire de 1994. Elle a également plaidé pour transversaliser la dimension du genre dans tous les aspects de la vie sociale, afin de renforcer la place des femmes et des filles dans nos sociétés et le rôle que celles-ci peuvent y jouer.
Pour Mme Seema Bansal, la Directrice de l’impact social au Boston Consulting Group’s India, il est tout aussi crucial d’agir contre le décrochage scolaire, notamment dans le cycle du secondaire. Dans de nombreux pays en développement, les élèves du secondaire recherchent une activité rémunératrice, a relevé l’experte, pour qui il faudrait donc envisager d’adapter les programmes scolaires afin de laisser à ces jeunes la possibilité d’exercer une activité à temps partiel. De même, l’accent devrait être mis sur l’aspect pratique et utilitaire de leur formation en l’adaptant aux besoins du marché de l’emploi. Il faut aussi s’assurer que les adolescents et les jeunes sont parties prenantes aux décisions relatives à leur santé sexuelle et procréative, a quant à elle suggéré Mme Ana Mosiashvili. Originaire de Géorgie, cette défenseuse des droits des jeunes a dénoncé l’insuffisance de la sensibilisation à la santé reproductive des jeunes, alors qu’ils sont 1,8 milliard à travers le monde.
Pour s’engager dans un domaine aussi sensible que la santé sexuelle et reproductive, il faut lutter contre les stéréotypes, a estimé de son côté M. Siswanto Agus Wilopo. Pour le professeur de santé de la population et chercheur à l’Université de Gadjah Mada en Indonésie, dans le contexte de la reprise postpandémique, le renforcement des soins primaires devrait s’accompagner de celui des soins de santé sexuelle et reproductive. Dans certaines sociétés, les parents ne veulent pas qu’une éducation sexuelle soit dispensée à leurs enfants, a remarqué la déléguée du Honduras, qui a appelé à faciliter la poursuite de la scolarité pour les jeunes femmes enceintes ou mères. La sensibilisation du public et des enseignants est donc indispensable, a préconisé son homologue de l’Argentine. M. Wilopo a confirmé l’existence de ces blocages sociétaux, évoquant le fait qu’auparavant dans son pays, le terme « sexuel » était quasiment banni des débats publics, tout en se félicitant que les choses aient évolué entre-temps.
Insistant sur une démarche respectueuse des droits humains, Mme Mosiashvili a fait valoir celui des jeunes à avoir accès aux services de santé sexuelle. Au délégué de la Fédération de Russie qui arguait que l’éducation sexuelle pouvait avoir de possibles conséquences négatives, l’activiste géorgienne a rétorqué que des approches spécifiques aux différents contextes culturels devaient être mises en œuvre. Pour la représentante de l’Argentine, ne pas tenir compte de la multiplicité des modèles familiaux serait un manquement au multilatéralisme.
Le délégué de la Serbie a évoqué les dysfonctionnements du système multilatéral lorsque la pandémie de COVID-19 a débuté, notamment les inégalités d’accès aux vaccins, une représentante de la société civile parlant d’« une ONU en panne qui doit être réparée ». Pour la représentante du Guyana, la communauté internationale doit se préparer aux futures pandémies pour éviter de répéter les mêmes erreurs. Les pays les mieux préparés, a rappelé un représentant de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), disposaient tous d’organismes statistiques efficaces. D’où le besoin de renforcer ces services dans les pays en développement, afin de pouvoir y identifier les vulnérabilités en temps voulu. Aux réserves de Cuba, qui se demandait s’il ne fallait pas sélectionner les cibles les plus urgentes à réaliser avant 2030 parmi les plus de 110 contenues dans les 17 ODD, le Guyana a retorqué qu’étant donné l’interconnexion des objectifs, il revient à chaque pays de sélectionner ceux qui lui paraissent les plus pertinents à mettre en œuvre.