Forum de la jeunesse de l’ECOSOC: les jeunes, agents essentiels de progrès vers la réalisation des ODD, sont vus comme le présent et l’avenir
Le plus grand rassemblement de jeunes personnes aux Nations Unies a commencé ce matin à New York, dans le cadre du forum de la jeunesse du Conseil économique et social. « Cher monde, nous influençons directement ce qui se passe autour de vous », ont déclaré les jeunes dans la vidéo introductive. Saluant tous ceux et celles qui sont venus de loin, la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachezara Stoeva, a dit apprécier de voir une salle pleine d’énergie et d’engagement, « que seuls les jeunes peuvent nous apporter ». Elle les a tous invités à ajouter leur voix à la discussion en utilisant le hashtag #YOUTH2030.
« Vous aurez bientôt un bon partenaire », leur a tout d’abord promis le Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi: le nouveau Bureau des Nations Unies pour la jeunesse, qui garantira l’intégration systématique des voix de la jeunesse à l’ONU. Une promesse confirmée par le Secrétaire général de l’ONU qui, dans son message vidéo, a dit attendre des mesures pour permettre la participation de la jeunesse dans tous les travaux de l’Organisation. M. António Guterres a également insisté auprès des États Membres pour qu’ils fassent participer les jeunes aux décisions des Nations Unies. Et aux jeunes, il a demandé de préparer le sommet de septembre sur les objectifs de développement durable (ODD).
Sur le thème « Les jeunes, agents essentiels d’un changement positif pour la reprise après la COVID-19 et la mise en œuvre des ODD », la session, qui se tient sur trois jours, traitera en particulier des objectifs de développement durable sur l’eau et l’assainissement (ODD 6), les villes et les communautés durables (ODD 11), l’énergie propre et d’un coût abordable (ODD 7), l’industrie, l’innovation et l’infrastructure (ODD 9), et les partenariats (ODD 17) afin d’examiner les progrès et de faire des recommandations pour leur mise en œuvre aux niveaux national, régional et mondial.
« Nous vous voyons comme des combattants », a dit M. Kőrösi aux jeunes en constatant qu’ils luttent avec leurs comptes sur les réseaux sociaux, leurs téléphones portables et leur enthousiasme. « Et vous gagnez, parce que vous êtes impliqués et entendus », s’est-il réjoui. Il a donné l’exemple de la demande d’avis consultatif adressée à la Cour internationale de Justice sur la question des changements climatiques, par une résolution de l’Assemblée générale du 29 mars, après une longue bataille qui a duré plus de 10 ans. C’était un moment historique inspiré par des jeunes étudiants en droit du Pacifique, qui avaient fait entendre leurs préoccupations en 2019 à Vanuatu. Il a encore cité le cas d’un jeune activiste au Ghana ayant fondé une organisation de la jeunesse pour l’Afrique verte, première organisation à mener un programme Zéro déchet en Afrique de l’Ouest.
L’Envoyée du Secrétaire général pour la jeunesse, Mme Jayathma Wickramanayake, qui termine bientôt son congé de maternité, a expliqué qu’être devenue mère lui a redonné de l’énergie et de la détermination pour continuer à lutter pour tous les jeunes du monde entier. Le forum de la jeunesse est organisé sur fond de défis mondiaux complexes, a-t-elle rappelé en soulignant le besoin de solidarité, de coopération et d’engagement ferme. Que les jeunes soient autonomisés, qu’ils aient accès aux ressources et qu’ils participent en tant que partenaires égaux sont les souhaits qu’elle a formés en appelant à un niveau d’engagement plus élevé.
« Nous avons gaspillé la dernière décennie en parlant de la durabilité mais sans la réaliser », a constaté un membre du Groupe consultatif de la jeunesse sur les changements climatiques, M. Jevanic Henry, pour entrer dans le vif du sujet. « Comment soutenir un jeune innovateur africain qui veut utiliser l’intelligence artificielle pour améliorer l’accès à l’eau ou un jeune d’Amérique latine qui souhaite exploiter son idée pour renforcer l’utilisation de l’énergie solaire? » Il a plaidé pour que soient fournis des soutiens financiers à ce genre d’innovateur, appelant également ceux qui sont au pouvoir à agir, ou à quitter leur poste, car « les jeunes ont le droit de prendre le volant pour atteindre la durabilité ». Vantant leur énorme potentiel de créativité, il a donné la « recette du partenariat: détruire les obstacles qui empêchent les jeunes de participer; rassembler nos solutions, nos idées et nos ressources; et inspirer les autres, car nous ne pouvons rien faire seul ».
« Les jeunes ont le vrai pouvoir », a enchaîné le modérateur de la conversation de la matinée, M. Sherwin Bryce-Pease, chef de bureau et correspondant au South African Broadcasting Corp. Notant toutefois que les jeunes ont beaucoup de mal à trouver et à conserver un emploi, il a souligné les défis des « 3 C » qu’il importe de relever: coût de la vie, conflits et climat. Pour avancer, il s’est appuyé sur une citation de Nelson Mandela: « Parfois, il incombe à une génération de faire preuve de grandeur. Vous pouvez être cette grande génération ».
« J’ai été jeune un jour », a fait valoir M. Achim Steiner, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), pour rassurer les jeunes sur le fait qu’ils seront écoutés. Au PNUD, nous ne passons pas beaucoup de temps dans les salles de conférence, nous sommes sur le terrain, a-t-il signalé en expliquant « l’écoute » qui est ainsi pratiquée. Une écoute complétée par la mise en place de laboratoires d’accélération et par l’établissement de passerelles entre ces laboratoires et les gouvernements. À sa suite, Mme Shantel Marekera, qui a créé Little Dreamers Foundation, a évoqué « une New-Yorkaise noire, une femme forte », survivante du cancer du sein, qui a utilisé les réseaux sociaux pour mieux diffuser la cause des femmes et l’accès au logement, en particulier pour les femmes noires. Les jeunes ne sont pas une note en bas de page, a-t-elle défendu. « Les jeunes sont là et ils œuvrent en faveur des ODD. Nous ne nous arrêterons pas tant qu’un changement n’aura pas lieu. »
Pour la mise en œuvre des ODD, on écoute toutefois peu les enfants (les mineurs), a fait remarquer une jeune égyptienne, Mme Mai Sami Ahmed, de Save the Children et de la Fondation pour les Nations Unies. Elle a rappelé que la Convention relative aux droits de l’enfant, de 1989, a reconnu ces derniers comme des agents de plein droit pouvant participer aux prises de décisions qui impactent leur vie et, partant, pouvant contribuer au développement durable. Elle a alors regretté que leur participation reste rare dans les processus onusiens formels, alors qu’ils contribuent au changement au niveau national. En Zambie, en 2020, c’est un enfant qui a encadré un processus d’examen, qui a ensuite été présenté officiellement au Parlement, a-t-elle indiqué pour démontrer la valeur de leur participation. Un autre exemple a été donné par un des 17 Jeunes Leaders pour les ODD, M. Jichen Liu, fondateur de Clear Plate: il a dit avoir élaboré une application visant à réduire le gaspillage alimentaire. Soulignant tout ce que peuvent faire les jeunes, notamment pour les communautés les plus fragiles, Mme Laura Lock, Présidente de Cambridge Climate Society, a observé que « la COVID-19 nous a montré que nous pouvons changer; nous avons l’occasion de faire des changements positifs ». Démocratiser l’inclusion est d’ailleurs l’objectif que poursuit Mme Isidora Guzmán Silva, une autre membre du groupe des Jeunes Leaders pour les ODD, fondatrice de Encuentra tu Lugar.
« Êtes-vous prêts à agir? » a lancé Mme Marekera après ces discours introductifs. « Oui », ont clamé les jeunes dans la salle. « Je pense que nous avons tous un rôle à jouer », a aussi reconnu Mme Sami Ahmed. Pour Mme Lock, il y a une différence entre rassembler les jeunes dans une salle et rassembler des jeunes ayant une compétence et une efficacité. Mme Guzmán Silva a tenu à mentionner à cet égard que son handicap l’avait exclue de l’école à l’âge de 12 ans. « Nous sommes un groupe divers, nous sommes notamment des femmes noires, handicapées ou autochtones », a-t-elle observé en recommandant de travailler de façon intersectionnelle.
La discussion ministérielle, tenue dans la deuxième partie de la matinée sur le thème « Travailler avec et pour les jeunes afin d’accélérer la reprise après la COVID-19 et réaliser le Programme 2030 », a vu la participation de nombreux ministres, représentants gouvernementaux, organisations de jeunesse et délégués de la jeunesse, sous la houlette de l’Envoyée du Secrétaire général pour la jeunesse. Ils ont fait part des progrès accomplis sur le plan national en envisageant les prochaines étapes dans la mise en œuvre du Programme 2030 « avec et pour les jeunes ».
Jeune militant vénézuélien asthmatique et réfugié, installé à Bogota, M. Alejandro Daly, cofondateur de Xenophobia Barometer & Latin American Coalition for Clean Air, a ouvert la discussion en soulignant les conséquences de la pollution atmosphérique qui entraîne des déplacements forcés de population. Pour lutter contre la pollution mais aussi la xénophobie, il a expliqué utiliser l’action civile et la technologie. Il a aussi fait remarquer que les jeunes rassemblés ici ont des identités intersectionnelles: « nous sommes jeunes, nous sommes de couleurs de peau différentes, nous sommes queer et nous sommes la solution pour faire reconnaître nos différences », a-t-il constaté en souhaitant « construire, ensemble, un monde meilleur que celui hérité de nos parents ».
Exilée soudanaise, la docteure Mayada Adil, une des Jeunes Leaders pour les ODD, a lancé un appel pour que les jeunes héroïques de son pays soient soutenus par la communauté internationale face à la crise que traverse le Soudan: « Tenez-vous aux côtés du peuple soudanais! » Le forum a également entendu, dans une vidéo, le témoignage d’Irfaan Mangera, d’Afrique du Sud, dont l’organisation Ahmed Kathrada Foundation engage les jeunes à prendre la direction d’actions, dans leurs communautés, pour faire face aux problèmes actuels, tels que le racisme. La représentante du Comité permanent du Réseau mondial pour les jeunes queer a, lui, attiré l’attention sur le haut niveau de chômage et les problèmes de logements qui affectent la communauté LGBTQ+, dénonçant des services inadaptés et appelant au changement. Or des changements ont déjà eu lieu pendant la pandémie, comme en témoignent des initiatives prises par des jeunes fidjiens pour trouver des solutions, a souligné le Ministre de la jeunesse et des sports des Fidji, qui a aussi parlé du soutien apporté par son pays à la jeunesse par le biais du sport notamment. Sur ce sujet, la Malaisie a salué les jeunes bénévoles qui soutiennent les programmes sportifs.
Les participants ont aussi détaillé leurs efforts en vue de faire participer pleinement la tranche jeune de la population, comme la Commission européenne qui a dit avoir pris des mesures concrètes en ce sens, notamment à la Conférence sur l’avenir de l’Europe. La Chine, comme l’a indiqué par vidéo le Vice-Président de la Fédération panchinoise des jeunes, a un concept de développement axé sur la jeunesse et fait participer les jeunes aux forums des Nations Unies, par exemple. Le Secrétaire national de la jeunesse du Brésil a, quant à lui, annoncé la tenue de la quatrième Conférence nationale de la jeunesse, qui rassemblera 600 000 jeunes avec des séances au niveau local dans tous les États du pays. La Slovénie, elle, a déjà mené 13 consultations régionales auprès des jeunes. Les jeunes demandent à être pris en considération en tant que partenaires égaux, a confirmé la représentante de la campagne Be seen Be heard en appelant à reconnaitre leurs compétences.
« Il ne faut rien faire sans les jeunes », a renchéri le Secrétaire d’État pour les jeunes et les sports au Portugal, accompagné d’un délégué de la jeunesse, en donnant des exemples de financement d’initiatives de jeunes dans son pays. En Hongrie, pour autonomiser les jeunes, une exemption fiscale est offerte aux moins de 25 ans. Le Ministre de la jeunesse et des sports du Soudan du Sud a abordé cette question du soutien financier en indiquant que les jeunes de son pays bénéficient de programmes de microfinance.
Le débat a poussé les intervenants à parler de l’implication de la jeune génération dans la politique. Nous sommes sur le point de rédiger une nouvelle politique de la jeunesse, a signalé la Ministre de la jeunesse, des sports et de la famille des Seychelles, en expliquant qu’elle se fonde sur le principe suivant: les jeunes ne sont pas l’avenir, ils sont le présent. « Ce sera une politique menée par eux et pour eux. » Le Ministre de la jeunesse de la Jordanie a dit que son pays travaille également dans ce sens et qu’il a amendé sa constitution. L’Envoyé spéciale des États-Unis pour les questions liées à la jeunesse mondiale a lancé aux jeunes qu’ils ne sont « jamais trop jeunes pour diriger » en les appelant à nouer des partenariats intergénérationnels. Le rôle des jeunes dans les parlements a d’ailleurs été abordé par le représentant du Conseil des députés jeunes de l’Union interparlementaire, qui a vanté leur pouvoir en tant que vecteurs de progrès dans la législation.
L’ODD 6 (eau propre et assainissement), l’un des objectifs du Programme 2030 examiné ce matin, a suscité de nombreuses interventions pour présenter les progrès accomplis. Une journaliste de la République démocratique du Congo, dans une vidéo, a fait part des efforts d’acheminement de l’eau potable, qui est cruciale pour les enfants. Un accès à l’eau jugé vital également par la représentante de COVIDUNDER19, militante du Bangladesh. L’ODD 6 est aussi au cœur des préoccupations de l’Organisation de la jeunesse ibéroaméricaine qui a demandé de faire contribuer les jeunes à ces efforts, en particulier dans le secteur « recherche et développement ». Un appel relayé par le Mouvement mondial pour l’eau, qui a demandé la création de mécanismes de participation formels dans chaque pays pour garantir la participation des jeunes. C’est primordial, a confirmé le Ministre de l’éducation, de la jeunesse et du sport de la République tchèque: il faut des espaces innovants pour écouter les suggestions des jeunes. Le Ministre de la jeunesse et des sports de l’Inde a pour sa part misé sur le bénévolat des jeunes, qui sont plus d’un million dans son pays.
Le deuxième segment de la discussion ministérielle, axé sur l’énergie propre et d’un coût abordable (ODD 7), a été animé par Mme Tsvetelina Garelova, déléguée de la jeunesse de la Bulgarie, et M. Nhial Deng, réfugié et militant de la jeunesse du Soudan du Sud. Le Ministre adjoint de l’éducation et de la culture de l’Arménie a, tout d’abord, vanté les mérites de l’éducation sur les questions d’écologie telle qu’elle est fournie dans son pays. Le Ministre de la jeunesse de la Libye a mentionné que son pays est membre de l’Agence internationale de l’énergie et du Centre régional des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Le rôle de la jeunesse dans l’engagement des Maldives en faveur de l’objectif zéro émission nette a été ensuite décrit par son Ministre d’État de la jeunesse, des sports et de l’autonomisation des communautés. De même, un nombre croissant de jeunes entrepreneurs guatémaltèques lancent des projets dans le domaine de l’énergie, a témoigné la Directrice générale du Conseil général de la jeunesse du Guatemala en signalant les bourses d’étude et de formation qui sont offertes aux jeunes pour accélérer leur participation.
La déléguée de la jeunesse de la Francophonie a mentionné que les 88 États membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ont adopté un nouveau cadre stratégique 2023-2030 qui réaffirme le rôle de premier plan de la jeunesse dans le développement durable. Elle a cité également une grande consultation citoyenne menée en 2020 et a assuré que l’OIF accompagne les jeunes à faire en sorte que la transition énergétique soit une réalité. Une membre fondatrice du Réseau international de la jeunesse de la Francophonie a d’ailleurs témoigné que ces jeunes s’organisent pour trouver des solutions aux enjeux climatiques.
Passant au débat sur l’ODD 9 (Industrie, innovation et infrastructure), le représentant de ITU Generation Connect, membre des Jeunes Leaders pour les ODD, a appelé les gouvernements à faire des investissements suffisants pour connecter les jeunes, et avant cela, pour les former aux outils informatiques. Le numérique doit prendre sa place à l’école, à l’université et dans la formation des personnes porteuses de handicap, a-t-il recommandé. Le Pérou a témoigné sur ce sujet en présentant ses programmes qui favorisent l’égalité des chances. Le Ministre de la jeunesse du Paraguay s’est quant à lui enorgueilli de la mise en place d’un processus simplifié, 100% numérique, pour la création d’entreprises: 1 800 ont ainsi été mises sur pied, ce qui a créé 12 000 emplois. Cuba a parlé pour sa part des vaccins candidats contre la COVID-19 qui ont été développés par des jeunes pendant la pandémie.
La journée s’est poursuivie par la tenue de débats thématiques parallèles sur les ODD à l’examen afin d’entendre les recommandations de chacun des participants, discussions relayées par le Webcast de l’ONU et interprétées en langue des signes. Le forum abordera demain, mercredi 26 avril, les réalités régionales avant de poursuivre sa session ministérielle sur les progrès nationaux accomplis dans la mise en œuvre du Programme 2030 ainsi que sur le « financement de notre avenir ».