En cours au Siège de l'ONU

Vingt-deuxième session
5e & 6e séances plénières, matin & après-midi
DH/5477

Instance permanente: préoccupations face à la persistance des violations des droits des peuples autochtones

Le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a déclaré, ce matin, que les menaces à l’encontre des peuples autochtones n’ont guère diminué, pointant notamment les conséquences des mégaprojets d’extraction. 

Intervenant dans le cadre d’un dialogue interactif avec l’Instance permanente sur les questions autochtones, M. Francisco Cali a alerté que le principe de consentement préalable, libre et éclairé n’est toujours pas respecté, s’inquiétant en outre des conséquences des « projets verts » qui ont tendance à interdire l’accès des peuples autochtones à leurs ressources, et à contribuer aux déplacements forcés. 

Cette vingt-deuxième session de l’Instance a pour thème « Peuples autochtones, santé humaine, santé de la planète et des territoires et changements climatiques: une démarche fondée sur les droits ». 

L’Instance poursuivra ses travaux demain, jeudi 20 avril, à partir de 10 heures. 

DIALOGUE CONSACRÉ AUX DROITS HUMAINS AVEC LE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES ET LE MÉCANISME D’EXPERTS SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Déclarations liminaires  

M. FRANCISCO CALI, Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, a déclaré que les menaces à l’encontre des peuples autochtones n’ont guère diminué, pointant notamment les conséquences des mégaprojets d’extraction.  Le principe de consentement préalable, libre et éclairé n’est toujours pas respecté, a-t-il dénoncé, et cette situation mène à des déplacements forcés, à la criminalisation, à la marginalisation et au racisme.  Il a souligné l’importance des femmes autochtones dans la gestion des conséquences des changements climatiques.  Elles ont besoin d’être protégées pour qu’elles puissent faire valoir leurs connaissances dans la gestion des risques, l’atténuation et le relèvement.  Il a fait part de sa crainte quant aux conséquences des « projets verts » qui ont tendance à interdire l’accès des peuples autochtones aux ressources, et à contribuer aux déplacements forcés et aux assassinats des femmes autochtones.  Il a annoncé qu’il fera une étude sur l’impact du tourisme dans les territoires autochtones et compte rédiger un rapport sur les retombées des investissements verts et du financement climatique sur les peuples autochtones, notamment les financements climatiques. 

M. BINOTA DHAMAI, Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, a informé que cet organisme a tenu sa quinzième session à Genève en 2022 et a publié des études sur les traités et les arrangements avec les États, les droits à l’autodétermination et le principe du consentement préalable, libre et éclairé.  S’agissant des activités intersessions du Mécanisme, il a indiqué avoir présenté des rapports sur le respect des droits des peuples autochtones, les retombées des plans de relèvement après la pandémie et l’application de la Décennie internationale des langues autochtones.  En 2023, il espère effectuer des visites de pays, notamment en Australie.  Il a annoncé que le Mécanisme organisera en juillet, à Genève, une table ronde sur les conséquences du colonialisme sur les peuples autochtones, les droits des peuples autochtones LGBTQ, et les systèmes économiques traditionnels des peuples autochtones.  Une table ronde sur la Décennie internationale des langues autochtones est également prévue, de même qu’une session consacrée à la participation des peuples autochtones aux conférences des Nations Unies et au Conseil des droits de l’homme.  Le Mécanisme lancera en outre cette année une étude thématique sur les droits des peuples autochtones et la militarisation de leurs territoires en vue de promouvoir la démilitarisation et le progrès socioéconomique. 

M. Dhamai s’est par ailleurs inquiété de la situation de Mme Myrna Cunningham Kain, experte du Mécanisme qui n’a pas pu regagner son pays après la session 2022 de l’Instance permanente, une préoccupation partagée par M. RODRIGO EDUARDO PAILLALEF MONNARD, membre de l’Instance permanente (Chili). 

Prenant à son tour la parole, M. DEV KUMAR SUNUWAR, Président du Fonds d’affection spéciale des Nations Unies pour les peuples autochtones, a indiqué qu’en 2023, le Fonds compte financer la participation de 160 représentants autochtones à des conférences de l’ONU, notamment à la session 2023 de l’Instance permanente et à des conférences régionales. Il a par ailleurs élaboré un calendrier de formation en ligne sur les changements climatiques et les droits humains dans le cadre de projets de renforcement des capacités des représentants des peuples autochtones.  Quelque 600 autochtones ont déjà participé à ces formations en ligne qui se font en anglais, en russe et en espagnol. 

Dialogue interactif   

À l’issue de ces interventions, M. VITAL BAMBANZE, membre de l’Instance permanente (Burundi), a demandé aux États Membres d’accueillir les visites des experts et du Rapporteur spécial.  Il a déploré qu’en Afrique, on débat encore de l’existence des peuples autochtones, relevant que cette situation entraîne leur marginalisation.  Le devoir des États est de promouvoir les droits des peuples autochtones, de financer les renforcements des capacités et non de les persécuter, a-t-il souligné.  M. WILTON LITTLE CHILD, ancien membre de l’Instance permanente (Canada), a dénoncé les difficultés rencontrées par le Rapporteur spécial dans l’État de l’Alberta lors de sa visite en 2022 alors que le pape François lui-même a présenté ses excuses pour les crimes commis contre les peuples autochtones et que l’Église catholique a renié la doctrine de la découverte.  L’intervenant a demandé la création d’un conseil pour la réconciliation sous la houlette de l’Instance permanente.  Le Conseil des femmes autochtones du Canada a réclamé la mise en œuvre d’un plan d’action pour les femmes autochtones du Canada plus détaillé et plus transparent, suivi du Conseil national des Amérindiens (Canada) qui a demandé la libération à titre humanitaire de M. Leonard Peltier, emprisonné aux États-Unis depuis 1977. 

Les délégations des peuples autochtones se sont ensuite succédé pour dénoncer certains des agissements de leurs gouvernements respectifs, à commencer par le Parlement des Sâmes qui a accusé certains pays nordiques de vouloir perpétuer la colonisation en tergiversant sur l’exercice du droit à l’autodétermination. Le Conseil sâme de Finlande a dénoncé l’absence de processus d’autodétermination des Sâmes de Finlande, affirmant que le Gouvernement va délibérément à l’encontre des recommandations du Conseil des droits l’homme. 

Outre des appels à la cessation des violences à l’encontre des femmes autochtones, les délégations ont entendu l’Union des travailleurs agricoles de Bolivie dénoncer l’exploitation des ressources aquifères.  La représentante des aborigènes d’Australie a revendiqué le respect des savoirs autochtones qui sont essentiels à la survie de la nature et de l’environnement.  L’Organisation nationale autochtone de Colombie a dénoncé les agissements des trafiquants de drogue et les activités extractives illégales sur les territoires des peuples autochtones, exhortant en outre le Gouvernement de Colombie à respecter le principe de consentement préalable, libre et éclairé.  La Directrice exécutive du Réseau du peuple Endorois a demandé la protection de sa communauté qui est privée de l’accès à ses terres autour du lac Bogoria, au Kenya. 

Alors que la représentante de la jeunesse du peuple Khmer-Krom (Viet Nam) a demandé la reconnaissance de son statut de peuple autochtone au Gouvernement vietnamien, sa collègue de la Crimée a dénoncé l’agression russe commencée en 2014 et les représailles russes contre les militants des droits humains.  Dans ce droit fil, M. SULEIMAN MAMUTOV, membre de l’Instance permanente (Ukraine) a condamné l’agression russe de l’Ukraine et de la Crimée, de même que les déportations des peuples autochtones et la pression exercée sur eux qui les oblige à combattre.  Leurs dirigeants sont persécutés ou utilisés comme boucliers, s’est-il inquiété. 

Pour sa part, la représentante du peuple Ryūkyū (Japon) a pointé du doigt la présence de bases militaires japonaises et américaines sur l’île d’Okinawa et le fait que le Gouvernement du Japon ne le reconnaît pas comme peuple autochtone.  Les personnes victimes d’intoxication chimique doivent pouvoir recevoir des soins et des compensations et le Gouvernement cesser le déversement des eaux usées des centrales nucléaires dans l’océan.  Le représentant du peuple Chitonahua (Pérou) a demandé la réglementation de la monoculture promue par le Gouvernement en Amazonie péruvienne.  Enfin, une représentante des autochtones migrants a demandé la mise en place de service d’interprétariat dans les consulats de leurs pays respectifs pour leur permettre d’effectuer les démarches consulaires dans leurs langues maternelles.

Discussion générale 

La discussion générale de l’après-midi a également été marquée par les vives critiques de représentants des peuples autochtones à l’endroit de certains États et par leurs demandes insistantes d’une meilleure protection de leurs droits. 

Ouvrant le bal, le représentant des peuples autochtones de la Papouasie occidentale a ainsi accusé les forces de sécurité de l’Indonésie d’avoir assassiné des membres de ces peuples, avant de demander une révision de l’accord entre l’Indonésie et les Pays-Bas concernant cette région. De son côté, la déléguée de l’Indonésie a dénoncé les informations mensongères colportées sur ce sujet, avant d’assurer de la détermination de son pays à protéger les peuples autochtones présents sur son territoire. 

Dans ce droit fil, la Chine a, elle aussi, tenu à répondre aux « allégations erronées » faites, selon elle, par un représentant des peuples autochtones de la Mongolie intérieure sur un soi-disant génocide culturel.  « Rendez-vous en Chine pour vous rendre compte de la réalité. »  Une passe d’armes a également opposé le Viet Nam et des organisations de peuples autochtones, le délégué vietnamien accusant la Fédération KKF de ne pas représenter les peuples khmers et de saper l’unité du pays.  Une autre organisation a volé au secours de cette dernière, qui s’est exprimée hier, en rappelant que le but de l’Instance est d’entendre les voix de toutes les organisations de peuples autochtones. 

Le Canada s’est retrouvé sur la sellette à plusieurs reprises, notamment lorsque le Conseil circumpolaire inuit l’a accusé d’avoir violé les droits des Inuits.  Un représentant des peuples autochtones de l’Île-du-Prince-Edouard a également dénoncé les violations systématiques des droits des peuples autochtones perpétrées par le Canada, notamment le droit de choisir leurs représentants.  « C’est du néocolonialisme. »  Une plainte a été déposée contre le Canada devant le Conseil des droits de l’homme, laquelle est pour l’instant restée sans réponse, a ajouté ce délégué. La promotion des droits humains des peuples autochtones est une priorité de mon pays, a rétorqué la délégation du Canada, en ajoutant qu’une visite du Mécanisme d’experts est prévue cette année. 

La gravité a été de mise lorsqu’un représentant des peuples autochtones du Brésil a déploré les assassinats perpétrés contre nombre de ses membres.  « Je ne sais pas combien de temps il me reste à vivre », a-t-il dit, en exhortant le Brésil à protéger ces peuples.  Même tonalité tragique du côté d’un représentant du peuple Miskito qui a indiqué que son fils a été assassiné en 2020, rejetant dans la foulée l’invasion de ses terres par le Nicaragua. 

Le peuple tatar de Crimée a été au cœur de l’intervention de la Fédération de Russie qui a accusé l’Ukraine de le manipuler à son profit, avant de dénoncer l’impossibilité pour des représentants tatars de se rendre au Siège de l’ONU en raison d’un refus de visa.  « Les Tatars se sentent bien en Russie. »  Une position balayée par la délégation ukrainienne qui a pointé la grande insécurité des Tatars depuis l’annexion illégale de la Crimée.  « L’agresseur doit être arrêté et justice rendue aux Tatars de Crimée. »  

De son côté, le représentant des Chagossiens a dénoncé les crimes contre l’humanité perpétrés contre ces derniers par le Royaume-Uni et les États-Unis. « Nous ne sommes pas des Mauriciens et nous voulons un plus grand contrôle sur nos terres. »  Cette aspiration à un plus grand contrôle a été au cœur de l’intervention du délégué du Parlement sâme qui a déploré qu’une loi allant dans ce sens n’ait pu être votée au Parlement finlandais en raison de l’opposition de certains groupes politiques. 

Mme Hanieh Moghani, membre de l’Instance permanente (République islamique d’Iran) a dénoncé les effets délétères des sanctions sur les peuples autochtones, tandis que M. Vital Bambanze, un autre membre de l’Instance permanente (Burundi), a interpellé le délégué de la Tanzanie en lui demandant de détruire l’enregistrement qu’il a fait hier de l’intervention d’un représentant des peuples autochtones tanzaniens.  Un autre membre a demandé que l’interprète de la langue anglaise vers la langue espagnole dise « peuples autochtones » et non pas « populations autochtones ». 

Plusieurs délégations ont tenu à détailler leurs actions de promotion des droits de ces peuples, à l’instar de l’Équateur qui a insisté sur l’importance de créer des institutions pour porter la voix des peuples autochtones.  De son côté, la Colombie a déclaré que les peuples autochtones montrent la voie de la résistance au modèle capitaliste et de la protection de la « santé de la Terre », tandis que l’Afrique du Sud a dit œuvrer sans relâche pour protéger ces peuples et leur rendre ce qui leur a été volé.  Des accords de propriété foncière ont été passés avec le peuple Mapuche pour protéger ses droits, a assuré la délégation du Chili.  Enfin, le délégué du Mexique a invité chacun à « sortir de sa zone de confort » et mentionné l’organisation cette année dans son pays d’un évènement consacré aux peuples autochtones.

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