Vingt-deuxième session,
1re & 2e séances plénières, matin & après-midi
DH/5476

L’Instance permanente sur les questions autochtones entame une session axée sur la santé humaine, la santé de la planète et les changements climatiques

C’est sous l’appel à l’union des esprits, au respect de la Terre nourricière et à la paix du Chef de la nation Onondaga, M. Tadodaho Sid Hill, que l’Instance permanente sur les questions autochtones a ouvert, ce matin, les travaux de sa vingt-deuxième session.  Placée sur le thème « Peuples autochtones, santé humaine, santé de la planète et des territoires et changements climatiques: une démarche fondée sur les droits ». 

À cette occasion, le Secrétaire général a affirmé que les peuples sont en première ligne de la crise climatique et ont la clef de la réponse à ce défi: l’économie verte est loin d’être un concept nouveau pour eux, a estimé M. António Guterres, notant en outre que les peuples autochtones sont depuis des milliers d’années des pionniers de la gestion durable des terres et de l’adaptation aux changements climatiques.  Étant gardiens des 80% de la biodiversité mondiale, les peuples autochtones détiennent les savoirs pour adapter, atténuer et réduire les risques climatiques, a renchéri le Président de l’Assemblée générale, M.  Csaba Kőrösi.

« Le climat est la langue de la vie sur notre planète », a déclaré de son côté le Président de l’Instance permanente qui a insisté sur l’importance de renforcer la participation politique des peuples autochtones.  Les politiques de transition énergétique ne font que renforcer des injustices épistémologiques, politiques et économiques car elles ne prennent pas en compte les peuples autochtones, a ainsi déploré M. Darío José Mejía Montalvo pour qui une action s’impose également pour mettre un terme aux homicides et à la criminalisation des peuples autochtones qui sont arrêtés au seul motif de défendre la planète. 

 L’acuité de la crise climatique ne sera pas réglée tant que persistera l’extraction du pétrole, a prévenu de son côté le Président de la Colombie, évoquant les avertissements d’un dirigeant autochtone.  M. Gustavo Petro a également plaidé pour l’adoption de mesures pragmatiques de protection de la Terre et de l’humanité, notant que le marché ne peut pas apporter des solutions à tout. 

Cette première séance a également été marquée par l’intervention très applaudie de Mme Deb Haaland, Secrétaire de l’intérieur des États-Unis et membre du pueblo de Laguna qui a fait savoir qu’en l’espace de seulement 20 mois, l’Administration Biden-Harris a investi 45 milliards de dollars dans le « pays indien », notamment pour appuyer le travail des tribus face aux changements climatiques.  De même, le mois dernier, le Président Biden a fait de l’Avi Kwa Ame un monument national des États-Unis, désignation qui permettra à la tribu Fort Mojave, entre autres, d’utiliser son savoir traditionnel pour cogérer cette zone de 500 000 hectares située dans le Nevada. 

Les travaux se sont poursuivis dans l’après-midi dans le cadre de deux dialogues interactifs consacrés à la Décennie internationale des langues autochtones (2022-2032), la recommandation générale N°39 sur les droits des femmes et des filles autochtones du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, et les plateformes relatives aux peuples autochtones établies au sein des entités de l’ONU. 

En début de séance, M. Suleiman Mamutov, Mme Hindou Oumarou Ibrahim, Mme Hannah McGlade, Mme Hanieh Moghani et M. Geoffrey Roth ont été élus à la vice-présidence de l’Instance.  Mme Tove Søvndahl Gant assurera quant à elle les fonctions de rapporteuse. 

L’Instance permanente poursuivra ses travaux demain, mardi 18 avril 2023, à partir de 10 heures.

OUVERTURE DE LA VINGT-DEUXIÈME SESSION

Déclarations liminaires

M. DARÍO JOSÉ MEJÍA MONTALVO, Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a insisté sur l’augmentation des risques auxquels sont confrontés chaque jour les peuples autochtones. Il a rendu hommage aux nombreux dirigeants des peuples autochtones qui ont perdu la vie en défendant leurs peuples et leurs territoires.  Pour les peuples autochtones, notre mission est de prendre soin des territoires au-delà d’une approche anthropocentrique, a poursuivi M. Mejía Montalvo qui a regretté que des millions de personnes souffrent de faim, vivent dans la pauvreté, ou abandonnent leurs maisons et leurs foyers.  Ces réalités appellent des actions et des solutions aux niveaux national et international, a-t-il estimé, relevant en outre que tous les peuples autochtones du monde sont affectés par les changements climatiques, de même que par les changements dans le cycle de l’eau. 

Soulignant que le climat est la langue de la vie sur notre planète, le Président de l’Instance a déclaré que le marché et la méconnaissance de la biodiversité sont à l’origine de la crise climatique actuelle.  Les peuples autochtones sont prêts à se mettre autour de la table pour apporter des solutions, non pas pour suivre des théories ou des idéologies, a-t-il affirmé.  À ce propos, il a salué le travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui a reconnu que les systèmes de connaissances des populations autochtones n’avaient pas besoin d’être validés ou interprétés par la science occidentale, notant en outre que ces systèmes apportent des solutions efficaces pour faire face à la crise. 

Exhortant à reconnaître les droits des peuples autochtones sur leur territoire, leur système de gouvernance et leur culture, il a également insisté sur l’importance de renforcer la participation politique des peuples autochtones.  Les politiques de transition énergétique ne font que renforcer des injustices épistémologiques, politiques et économiques car elles ne prennent pas en compte les peuples autochtones, a déploré M. Mejía Montalvo selon qui les représentants des peuples autochtones doivent participer aux décisions qui touchent notre planète au même titre que les États. Une action s’impose également pour mettre un terme aux homicides et à la criminalisation des peuples autochtones qui sont arrêtés au seul motif de défendre la planète. Il a aussi préconisé des mesures de justice pour combattre la stigmatisation dont souffrent les dirigeants autochtones et mener une action internationale en faveur des populations migrantes.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a indiqué que les peuples autochtones représentent plus de 5 000 cultures différentes et parlent plus de 4 000 langues.  Les défis qu’ils doivent relever sont identiques, a-t-il dit, en citant notamment la marginalisation, le déni de leurs droits, l’exploitation illégale de leurs ressources, la perte de leurs terres ancestrales et les attaques physiques. Il a rappelé que ces peuples représentent 5% de la population mondiale mais 15% des plus pauvres dans le monde, notant que les femmes, qui sont les gardiennes de l’héritage de ces peuples, souffrent le plus.  « Mon message aujourd’hui est des plus clairs: l’ONU est à vos côtés », a-t-il lancé aux peuples autochtones. 

Le Secrétaire général a rappelé que ces peuples sont depuis des milliers d’années des pionniers de la gestion durable des terres et de l’adaptation aux changements climatiques, en citant notamment la préservation de l’écosystème de l’Amazone.  Il a également évoqué son déplacement l’an dernier auprès du peuple Kaliña, au Suriname, dont la survie est menacée par les changements climatiques. Ces peuples sont désormais en première ligne de la crise climatique, alors qu’ils n’y sont pour rien dans son apparition, a-t-il indiqué.  Il a appelé à redoubler d’efforts pour assurer la justice climatique et augmenter le financement et renforcer les capacités d’adaptation, tout en soulignant que les peuples autochtones ont la clef de la réponse à ce défi: l’économie verte est loin d’être un concept nouveau pour eux.  C’est, au contraire, un mode de vie depuis des millénaires, a relevé M. Guterres selon qui nous avons tant à apprendre de leur sagesse et de leurs connaissances.

Il a par ailleurs salué la participation accrue de ces peuples grâce aux plateformes mises en place au sein des différents processus onusiens, notamment la Convention sur la diversité biologique et la Convention-cadre sur les changements climatiques.  L’ONU est déterminée à faire sonner la voix des peuples autochtones et à promouvoir leurs droits, a ajouté le Secrétaire général qui a appelé à apprendre et valoriser l’expérience des peuples autochtones.

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, a dit que cette session de l’Instance permanente sera une occasion pour entendre les préoccupations et les aspirations et pour apprendre la sagesse des peuples autochtones.  Elle est une opportunité pour célébrer leur riche diversité linguistique et culturelle. Les défis actuels qui vont des changements climatiques et des conflits, aux pertes de la biodiversité et aux violations des droits humains obligent à prendre une position honnête et à améliorer la gouvernance mondiale de la santé publique, des systèmes alimentaires et les biens communs mondiaux.  Pour les peuples autochtones, la santé de la planète et la santé humaine sont intrinsèquement liées.  Il nous a fallu beaucoup de temps pour l’apprendre et nous payons un prix énorme pour l’avoir appris trop tard, a regretté le Président. 

Les États Membres doivent comprendre les facteurs ayant un impact sur la santé et le bien-être des peuples autochtones.  Ils doivent les aborder de manière holistique et fondée sur les droits en prenant en compte l’expérience et de la perspicacité des peuples autochtones qui doivent participer aux processus qui affectent leurs droits.  Les savoirs ancestraux autochtones ont ouvert la voie pour le développement de nombreux médicaments modernes, a noté le Président disant qu’étant gardiens de 80% de la biodiversité mondiale, les peuples autochtones détiennent les savoirs pour adapter, atténuer et réduire les risques climatiques.  En suivant leur conseils, nous pouvons être bien mieux placés pour réaliser les ODD.  Il a demandé des solutions qui favorisent la paix, garantissent la protection des droits humains et qui favorisent le développement durable.  Des solutions qui utilisent judicieusement les forces de la nature au lieu d’essayer de les dominer.  Il faut aussi ouvrir les portes à une plus large participation des peuples autochtones dans les économies et les processus politiques, et en particulier dans les décisions affectant leurs modes de vie traditionnels conformément au principe de consentement préalable, libre et éclairé.  Le Président a enfin annoncé que le 20 avril, il tiendra un dialogue interactif avec des peuples autochtones pour renforcer la participation des représentants et institutions autochtones aux travaux de l’ONU.

M. GUSTAVO PETRO, Président de la Colombie, a raconté sa rencontre, il y a 10 ans, avec le chef d’un peuple autochtone en Colombie et la lutte menée par ce dernier contre l’exploitation pétrolière de ses terres.  Il a loué la vision cosmique des peuples autochtones et leur désir d’harmonie avec la nature.  Ces peuples savent des choses que la science occidentale n’a découvert que bien plus tard. Si on enlève le pétrole de la terre, alors l’humanité va périr, a-t-il mis en garde, en rappelant ce que lui a dit ce chef.  Il a précisé que son pays compte 115 peuples autochtones, ces derniers représentant 4% de la population colombienne.  Il a ensuite assuré que son gouvernement continuera de protéger les forêts et la vie. La forêt amazonienne est tout simplement vitale, a dit le Président, en rappelant l’urgence de sa revitalisation, à l’aide des financements nécessaires.  Il a précisé que son pays va contribuer à hauteur de 50 millions de dollars à cet objectif. 

Après avoir loué les connaissances des peuples autochtones dans la protection des forêts, le Chef d’État a rappelé l’acuité de la crise climatique qui, a-t-il insisté, ne sera pas réglée tant que persistera l’extraction du pétrole.  Il a demandé « au grand capital » de cesser d’accumuler et d’être un « allié de la vie ».  Loin d’appeler à la grande révolution contre le capital, « qui n’a d’ailleurs pas eu lieu », le Président a demandé des mesures pragmatiques de protection de la Terre et de l’humanité, notant que le marché ne peut pas apporter des solutions à tout.  Il a exhorté les États à passer à des économies décarbonées et à prendre des décisions immédiates à cette fin.  Enfin, il a rappelé les « milliards et milliards de dollars » nécessaires pour financer les mesures d’adaptation aux changements climatiques. 

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a déclaré que le thème de la session de cette année, qui met l’accent sur les liens entre la santé humaine et la santé de la planète, est particulièrement pertinent pour le prochain forum politique de haut niveau sur le développement durable, qui aura lieu en juillet.  Rappelant que le forum politique de l’année dernière avait reconnu l’impact disproportionné de la pandémie de COVID-19 sur les peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne la discrimination sociale et les inégalités entre les sexes, la Présidente a invité l’Instance permanente à fournir des recommandations et des contributions pour le forum politique de haut niveau de 2023, et à continuer à soutenir la mise en œuvre des ODD.  Elle a également appelé les États Membres à renforcer leur collaboration avec les peuples autochtones dans la mise en œuvre des ODD et pendant le processus d’établissement de rapports, par le biais de leurs examens nationaux volontaires.  Il faut veiller à ce que les droits et les priorités des peuples autochtones figurent dans les examens nationaux volontaires, a-t-elle insisté. 

M. LI JUNHUA, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a salué le thème de la vingt-deuxième session autour des peuples autochtones, de la santé humaine, de la santé de la planète et des territoires et des changements climatiques.  Il a rappelé que les peuples autochtones ont une espérance de vie plus brève que les autres communautés au sein de mêmes pays.  Ils souffrent par ailleurs d’un taux de chômage plus élevé, d’un accès moindre aux services de base, de discriminations et de racisme.  Il a rappelé les conséquences graves des changements climatiques pour la santé et les moyens de subsistance de ces peuples, avant d’insister sur le droit des peuples autochtones à la santé.  L’ONU continue de promouvoir en son sein la mise en œuvre du plan d’action en faveur des peuples autochtones, a-t-il dit.  Le Secrétaire général adjoint a cité comme axes de ce plan la protection des défenseurs des droits de ces peuples et la participation accrue de ces derniers aux processus onusiens. 

Mme DEB HAALAND, Secrétaire de l’intérieur des États-Unis et « fière citoyenne » du pueblo de Laguna du Nouveau-Mexique, a déclaré qu’une nouvelle ère voit le jour pour les peuples autochtones du monde entier, se félicitant notamment que des institutions comme le Vatican rejettent et abrogent les doctrines qui avaient été utilisées à tort « pour justifier le vol et la destruction de nos terres, de nos peuples et de nos identités pendant des centaines d’années ». 

Elle a rappelé qu’aux États-Unis, la pandémie de COVID-19 a exacerbée les inégalités dont souffrent les peuples autochtones et a indiqué que son gouvernement travaille depuis pour établir des partenariats avec les dirigeants et communautés autochtones.  De même, en 2021, l’Administration Biden-Harris a annoncé que 210 millions de dollars seront consacrés au renforcement des capacités dans les zones tribales.  En l’espace de seulement 20 mois, nous avons investi 45 milliards de dollars dans le « pays indien », notamment pour appuyer le travail des tribus face aux changements climatiques.  De même, le mois dernier, le Président Biden a fait de l’Avi Kwa Ame un monument national des États-Unis, désignation qui permettra à la tribu Fort Mojave, entre autres, d’utiliser son savoir traditionnel pour cogérer cette zone de 500 000 hectares située dans le Nevada.  Le Gouvernement américain travaille également avec les tribus d’Alaska pour assurer la protection du saumon, de même qu’avec les communautés autochtones de Hawaii pour appuyer les efforts de revitalisation de la langue. 

Mais ce travail ne peut pas se faire dans le vide, a poursuivi la dignitaire.  Les nations doivent lutter contre la violence et les graves inégalités entre les sexes qui persistent au sein des communautés autochtones dans le monde.  Elle a relevé que les femmes et les filles autochtones sont confrontées à un risque disproportionné de violence sexiste et pâtissent d’un manque d’accès aux services d’aide et de santé.  Afin de remédier à cette situation, elle a indiqué qu’elle avait créé une unité des personnes disparues et assassinées au sein du Bureau des affaires indiennes.  De même, le groupe de travail trilatéral sur la violence contre les femmes et les filles autochtones, auquel participent le Mexique et le Canada, permet de renforcer la collaboration et de partager les meilleures pratiques.  Les femmes et les filles autochtones sont les mieux placées pour répondre aux besoins de leurs communautés et faire avancer les solutions à la crise climatique.  Si nous n’autonomisons pas les femmes en tant qu’innovatrices et leaders, nos objectifs climatiques ne pourront pas être atteints, a-t-elle prévenu.  Mme Haaland a ensuite parlé des mesures prises par l’Administration Biden-Harris pour répondre aux traumatismes intergénérationnels, liés notamment aux politiques d’assimilation forcée.  Les lois sur la restitution des restes ancestraux et du patrimoine culturel sont également appliquées. 

Déclaration

Première autochtone à être nommée à un poste ministériel au Brésil, Mme SÔNIA GUAJAJARA, Ministre des peuples autochtones du Brésil, a déclaré que le temps est venu d’aller de l’avant et de faire participer les peuples autochtones au pouvoir.  Elle a appelé à une action urgente pour arrêter la déforestation de l’Amazonie et recenser les territoires et les connaissances menacés. Elle a également exhorté à préserver les cultures, les langues et les modes de vie autochtones dans le cadre de la Décennie internationale des langues autochtones.  Nous ne pouvons plus reculer et nous devons continuer de revendiquer les droits des peuples autochtones.  L’avenir de la planète est ancestral, c’est pourquoi il ne faut pas permettre que le Brésil et le monde avancent sans nous, a plaidé la Ministre. 

DIALOGUE THÉMATIQUE SUR LA DÉCENNIE INTERNATIONALE DES LANGUES AUTOCHTONES (2022-2032) ET LA RECOMMANDATION GÉNÉRALE N° 39 SUR LES DROITS DES FEMMES ET DES FILLES AUTOCHTONES DU COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES

Déclaration liminaire

Mme GLADYS ACOSTA VARGAS, ancienne Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, a indiqué que la recommandation générale N° 39 sur les droits des femmes et des filles autochtones du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes cherche à concilier les droits individuels et collectifs afin de combattre les préjugés à leur égard.  Cela implique un changement de paradigme, en particulier la prise en compte de la faculté des femmes à s’adapter dans de nombreux domaines, y compris la gouvernance climatique et la nutrition, ce qui a été confirmé durant la pandémie de COVID-19.  Cette recommandation qui vise à protéger l’exercice des droits des femmes autochtones, doit être traduite dans toutes les langues pour une meilleure diffusion au niveau mondial. Les États parties doivent tenir compte du passé colonial et de ses conséquences négatives notamment l’absence d’accès aux ressources, a ajouté l’intervenante.  Elle a plaidé pour la participation politique des femmes et des filles autochtones, y compris dans les processus de décision.  Le texte recommande en outre aux États de respecter le droit à l’autodétermination et à l’autonomie et assurer un accès à des systèmes de justice autochtone ou autres qui sont exempts de préjugé racial et de genre.  Enfin, cette recommandation protège les droits à la nationalité, à l’éducation, à la santé, à la culture, à la terre et aux ressources naturelles, de même qu’à l’eau, à la nourriture, ainsi que le droit à un environnement sûr, sain et propre. 

Débat interactif

La recommandation générale N° 39 est un pas essentiel vers la protection et la promotion des droits des femmes et des filles autochtones dans les situations de colonialisme, de marginalisation et de violence, s’est félicité le Canada qui a encouragé l’Instance permanente à améliorer la participation des peuples autochtones à l’ONU.  La représentante du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a recommandé de traduire la recommandation générale N° 39 et de la rendre accessible à tous, y compris grâce à une version numérique. 

La question à laquelle il faut apporter une réponse est pourquoi les filles et les femmes autochtones sont les plus nombreuses à être victimes des violences sexuelles, a estimé la Présidente du Conseil circumpolaire inuit, la Confédération des femmes andines du Pérou dénonçant pour sa part l’impunité dont bénéficient les bourreaux des peuples autochtones qui profitent de système judiciaire laxiste et de leur pouvoir économique. 

S’agissant de la célébration de la Décennie internationale des langues autochtones, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a annoncé que son équipe spéciale a recensé quatre manifestations de sensibilisation de la population à la Décennie, sept journées internationales visant à la mettre en avant, ainsi que 17 plans d’action nationaux pour la mise en œuvre nationale et régionale.  Outre la mise en place de partenariats avec les organismes onusiens comme l’UNESCO, le représentant des peuples autochtones d’Asie a recommandé des plans d’action budgétisés pour promouvoir les langues autochtones au niveau national, en particulier les langues autochtones en danger. Il faut une approche fondée sur les droits humains pour défendre les langues autochtones, a-t-il souligné. 

Au nom des pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède), la Norvège a demandé de simplifier l’utilisation des langues en recourant aux nouvelles technologies, tout en regrettant les difficultés rencontrées pour intégrer les langues autochtones dans les réseaux numériques.  Le représentant des peuples d’autochtones du Mexique a annoncé la création en mai dernier de l’université des langues autochtones du Mexique en vue de protéger les 60 langues autochtones du pays.  L’université du peuple yaqui a aussi été créée à cette fin.  L’Australie a mis en avant les investissements du Gouvernement pour appuyer l’enseignement de la science, de la technologie et des mathématiques pour les filles et les femmes autochtones.  Elle a également annoncé la tenue d’un référendum constitutionnel à la fin de l’année sur l’inclusion des droits des peuples autochtones. 

Certes ce référendum constitutionnel ne suffira pas pour garantir les droits des femmes autochtones qui continuent de subir toutes sortes de violences et de traumatismes, en particulier dans les prisons australiennes, a toutefois prévenu Mme Hannah McGlade, membre de l’Instance permanente (Australie), qui a par ailleurs affirmé que le Gouvernement australien ne met pas en œuvre les recommandations internationales qu’il a ratifiées.  La représentante de la Fédération des femmes autochtones de Bolivie a conseillé de décoloniser les structures de l’État et de la société dans son ensemble. Il faut réconcilier le passé avec le présent sans renoncer aux processus de réparation.  Elle a également recommandé une éducation multilingue pour assurer la transmission du savoir et de la philosophie autochtone.  Également soucieuse de préserver les langues autochtones de l’extinction, Mme Li Nan, membre de l’Instance permanente, a appelé à collecter des données sur le nombre des locuteurs et à les cartographier, et à promouvoir l’apprentissage de ces langues par les livres. 

DIALOGUE INTERACTIF SUR LES PLATEFORMES RELATIVES AUX PEUPLES AUTOCHTONES ÉTABLIES AU SEIN DES ENTITÉS DE L’ONU

Déclarations liminaires

Première oratrice de ce dialogue, Mme JOJI CARINO, Vice-Présidente du Groupe de travail de la Convention sur la diversité biologique relatif à l’article 8 (j) et dispositions connexes de la Convention, a rappelé que cet article reconnaît les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales dont les modes de vie traditionnels présentent un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.  Elle a insisté sur les avancées enregistrées au sein de ce groupe de travail et a fait savoir que la Conférence des parties a créé un mécanisme de financement permettant la participation des peuples autochtones à toutes les réunions de la Convention.  Elle a également mis en avant l’étroite coopération entre son groupe et l’Instance permanente. 

Mme MYRNA CUNNINGHAM, Présidente du Comité directeur du Forum des peuples autochtones au sein du Fonds international de développement agricole, a indiqué que le FIDA veille à promouvoir le bien-être des peuples autochtones, avec notamment la mise sur pied d’une instance permanente en son sein.  Les politiques du Fonds sont régulièrement actualisées dans le souci d’une meilleure protection des peuples autochtones, notamment en ce qui concerne leurs circuits alimentaires.  Elle a reconnu le rôle moteur de ces peuples dans la lutte contre les effets des changements climatiques, avant de souligner l’importance d’une mobilisation des fonds nécessaires pour financer le FIDA. 

M. GRAEME REED, Point focal sur les peuples autochtones au sein de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatique (CNUCC), a souligné le rôle accru joué par les peuples autochtones au sein de la Convention-cadre.  Il a détaillé l’opérationnalisation de la plateforme relative aux peuples autochtones au sein de la CNUCC.  De nombreuses réunions consacrées aux connaissances traditionnelles des peuples autochtones se déroulent en marge des négociations au sein de la CNUCC, a-t-il indiqué. 

Dialogue interactif 

Lors du dialogue, les délégations ont détaillé leur action pour promouvoir la culture et les langues de ces peuples, à l’instar de la représentante du Chili qui a insisté sur la politique de valorisation des langues autochtones dans son pays, notamment dans les écoles.  Mon pays est déterminé à protéger les cultures et les langues des peuples autochtones, a appuyé la déléguée du Paraguay. Même son de cloche du côté du Guyana, qui compte neuf peuples autochtones dont les langues autochtones sont utilisées dans les enseignements scolaires.  « Nous voulons donner plus de pouvoir aux peuples autochtones », a renchéri l’Équateur, suivi de l’Indonésie qui a mentionné les efforts en cours de revitalisation de 38 langues autochtones, notamment à Bali et à Sumatra. 

De son côté, le Panama a mentionné la plateforme développée par l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples autochtones, avant de regretter la sous-représentation des peuples autochtones dans les différentes instances les concernant.  Une représentante du Fonds vert pour le climat a indiqué que son fonds veille à écouter les voix des peuples autochtones, avant de rappeler l’importance du bon financement de l’action de lutte contre les changements climatiques. 

Le Secrétaire exécutif de la Convention sur la diversité biologique a rappelé l’adoption en 2022 du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.  Ce Cadre reconnaît les efforts inestimables des peuples autochtones dans la protection de la diversité biologique.  Le représentant d’une organisation autochtone s’est toutefois dit préoccupé par ce cadre mondial car les projets de création de zones protégées pourraient être menés sans recevoir l’aval éclairé des peuples autochtones.  Un représentant des peuples autochtones de la Sibérie et de l’est de la Fédération de Russie s’est plaint, quant à lui, des entraves à la participation de ces peuples au Conseil de l’Arctique. De même, une oratrice a tenu à bien distinguer les peuples autochtones des communautés locales, ces deux groupes étant mis sur un pied d’égalité par plusieurs instruments internationaux.

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