Cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés,
Table ronde thématique de haut niveau #7, Après-midi
DEV/3457

LDC5: la septième table ronde de la Conférence sur les pays les moins avancés offre des pistes quant à la mobilisation des ressources, notamment nationales, pour le développement durable

DOHA, 8 mars -- Comment les pays les moins avancés (PMA) peuvent-ils, avec l’aide de leurs partenaires de développement, augmenter les recettes publiques et mobiliser l’épargne au niveau national pour l’investir dans le développement durable et réduire les inégalités?  C’est l’une des questions auxquelles ont tenté de répondre les participants à la septième table ronde de haut niveau qui s’est tenue cet après-midi dans le cadre de la cinquième Conférence des Nations Unies pour les PMA, à Doha (Qatar), sur le thème « Mobilisation des ressources et renforcement des partenariats mondiaux pour le développement durable dans les dans les pays les moins avancés ».  Outre le renforcement des financements concessionnels des institutions financières internationales, les intervenants ont proposé de s’appuyer sur le financement mixte, les investissements étrangers directs, les envois de fonds de travailleurs migrants et l’augmentation des recettes publiques.

La Ministre de la planification et du développement de l’Éthiopie, Mme Fitsum Assefa, qui coprésidait la discussion aux côtés du Ministre du commerce du Cambodge, M. Sorasak Pan, a fait valoir que la plupart des PMA sont confrontés à des défis similaires en ce qui concerne la mobilisation des ressources nationales et la lutte contre les flux financiers illicites, l’accès au financement international public et externe, l’attraction des investissements étrangers directs et la viabilité de la dette, ainsi que le coût élevé des envois de fonds des travailleurs émigrés. 

À ce sujet, l’intervenante principale de cet après-midi, Mme Annalisa Prizzon, chargée de recherche principale à Overseas Developement Institute, s’est attardée sur la grande dépendance des PMA à l’aide publique au développement (APD) et sur leur accès limité à d’autres flux financiers extérieurs.  Elle a alerté sur un risque, au cours des prochaines années, de chute de cette aide pour les PMA, même si les flux bilatéraux nets d’APD vers ces pays ont augmenté de 2,5% l’an dernier par rapport à 2020.  Une chute qu’il faut éviter, a-t-elle prié en notant que l’objectif des donateurs du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de fournir entre 0,15% et 0,20% de leur revenu national brut (RNB) sous forme d’APD aux pays les moins avancés est loin d’être atteint.  En 2021, les contributions moyennes des donateurs du CAD à ces pays équivalaient à 0,09% de leurs RNB, ce qui est nettement inférieur à cet objectif, a-t-elle précisé. 

Mme Prizzon a également fait remarquer qu’à l’avenir, la concurrence des pays les moins avancés pour les financements concessionnels s’intensifiera: il est donc très peu probable que ces financements augmentent.  La paneliste a dès lors proposé de « découper le gâteau d’une manière différente, plutôt que de le faire grossir ».  Elle a aussi observé que l’APD sera de plus en plus sollicitée pour accroître la résilience aux chocs climatiques, atténuer les conséquences des changements climatiques et financer la reconstruction de l’Ukraine, craignant que les PMA et autres pays à faible revenu soient moins bien lotis. 

Fort de ce constat, Mme Prizzon a suggéré une série de solutions, notamment de concentrer les financements sous forme de dons dans les pays à faible revenu et les PMA qui n’ont pas accès aux marchés et qui présentent un risque élevé en matière de viabilité de la dette.  Elle a également encouragé le renforcement des financements concessionnels des institutions financières internationales tout en inversant la tendance de la stagnation des contributions des donateurs au guichet de prêts à taux réduit de la Banque mondiale et de l’Association internationale de développement (IDA). 

Rebondissant sur cet exposé, le Directeur exécutif du Département Mobilisation, partenariat et communication de l’Agence française de développement (AFD), M. Papa Amadou Sarr, a ajouté la possibilité d’utiliser la finance mixte pour mobiliser davantage de ressources en faveur des PMA, une idée soutenue par le Canada.  Parmi les sources qu’il a identifiées, il a cité les ressources concessionnelles et non concessionnelles, les fonds souverains, notamment ceux des pays du Golfe, et la philanthropie.  L’expert a expliqué les avantages des financements mixtes: ils ont le mérite de pouvoir soutenir des secteurs qui ne sont pas toujours intéressants pour le système financier.  C’est dans cette optique que le Président Macron présidera un forum de haut niveau sur un nouveau pacte financier pour le financement du développement Nord-Sud cette année, en juin, qui portera notamment sur le financement de l’économie verte et les financements innovants, a annoncé M. Sarr. 

À part le financement mixte, il s’est dit confiant que le Programme d’action de Doha permettra de lever des fonds supplémentaires auprès des institutions financières internationales et des agences de développement nationales comme l’AFD.  Il a toutefois insisté sur la nécessité de mobiliser plus de ressources nationales afin de combler les besoins fondamentaux du développement, signalant que l’AFD apporte à ce titre une assistance technique à certains pays, tels que le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, pour consolider l’épargne locale et les fonds de pension.  Dans un deuxième temps, il a recommandé d’identifier des projets susceptibles de bénéficier de ces ressources et de miser sur la formation pour développer des compétences au niveau local.  Comme exemple de financements mixtes, M. Sarr a cité un projet de bus électriques solaires qui sera financé à la fois par des prêts souverains et l’endettement.

Venant livrer une expérience concrète d’un PMA, Mme Nadjati Soidiki, Directrice générale de l’Agence nationale de promotion des investissements des Comores, s’est attardée sur la mobilisation de l’investissement étranger direct, un volet couvert par le Plan national de développement « Comores émergents », aux côtés des volets financement public et mobilisation des financements innovants.  L’objectif, a expliqué Mme Soidiki, est de réduire à terme l’APD des pays les moins avancés et de mieux mobiliser l’investissement étranger direct privé, ce qui est d’autant plus difficile que les PMA sont en concurrence directe avec les autres pays du monde.  Dans le cas des Comores, l’agence qu’elle dirige a misé sur des outils réglementaires incitatifs pour les investissements étrangers directs sans pour autant que cela passe systématiquement par des exonérations fiscales afin de ne pas sacrifier les recettes publiques, a-t-elle expliqué, arguant que pour les PMA, il s’agit aujourd’hui de créer un climat d’affaires attractif. 

Le Secrétaire exécutif par intérim de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), M. Antonio Pedro, a renchéri en martelant que l’Afrique doit devenir une terre d’opportunités si l’on considère qu’elle représente bientôt un marché équivalent en taille à celui de la Chine et de l’Inde.  La zone de libre-échange continentale africaine vise précisément à faciliter les opportunités d’investissements en Afrique, a-t-il souligné, avant d’encourager les investisseurs locaux et internationaux à ne pas perdre de vue le potentiel des petites et moyennes entreprises qui créent de l’emploi au niveau local.  Rebondissant sur cette idée de renforcement de l’attractivité des PMA, il a estimé qu’il va falloir à l’avenir construire de véritables partenariats et sortir du rôle de demandeur d’assistance.

Quant aux autres sources de financement, le représentant de la CEA a mis en avant le rôle des envois de fonds de la diaspora.  Ces fonds pourraient et devraient être redirigés de la consommation vers des secteurs économiques plus porteurs, selon son avis.  Pour donner la mesure de l’importance de cette ressource, le Mali a expliqué que l’apport des migrants maliens représente plus de 11% de son PIB.  Il est d’ailleurs question de créer une banque pour attirer et mieux gérer ces fonds.  Pour sa part, le Burkina Faso a d’ores et déjà mis en place à cet effet des cadres réglementaires attractifs.

Le Représentant spécial du Fonds monétaire international (FMI), M. Robert Powell, a quant à lui insisté sur l’importance de mobiliser plus de ressources locales dans les PMA compte tenu du fait que 45% d’entre eux sont exposés à un surendettement.  Constatant que les finances publiques sont mises à rude épreuve dans la plupart des pays, il a martelé que les recettes fiscales sont essentielles pour que les PMA puissent financer les services publics.  Le système fiscal est un outil essentiel de la transformation structurelle durable de ces pays, a-t-il argué.  Concrètement, cela signifie que les progrès en matière de mobilisation des ressources nationales nécessitent une amélioration des systèmes fiscaux et des douanes. 

Rejoignant cette idée, le Burundi a demandé un soutien de partenaires de développement qui se focalise sur l’augmentation des recettes publiques et la mobilisation de l’épargne intérieure pour investir dans le développement durable et réduire les inégalités.  À cet égard, M. Eric LeCompte, du Réseau Jubilee USA, a livré « un secret », à savoir que le Trésor public américain offre un service à tout pays qui le sollicite pour obtenir une aide en matière de lutte contre l’évasion fiscale.  Le représentant de l’Académie pour la lutte contre la corruption a également rappelé que cette institution offre des formations ciblées aux ressortissants des pays signataires de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la corruption et qu’elle peut leur apporter une expertise technique.  Pour le Lesotho, il s’agit de renforcer les institutions financières nationales pour prévenir les flux financiers illicites, la corruption et le blanchiment d’argent, alors que l’Indonésie a misé sur la numérisation de l’administration fiscale.

Dans l’ensemble, les intervenants ont placé leurs espoirs dans la bonne mise en œuvre du Programme d’action de Doha, qui vise à accroître les ressources que les PMA peuvent canaliser vers la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il a été demandé à nouveau de progresser dans la réforme de l’architecture de la dette internationale.

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