LDC5: pour les pays les moins avancés confrontés aux changements climatiques et à la dégradation de l’environnement, ce sont les fonds qui manquent le plus
DOHA, 7 mars -- Le Président des Seychelles n’est pas passé par quatre chemins pour parler d’hypocrisie de la communauté des donateurs qui promet, depuis fort longtemps, d’aider les pays en développement, notamment les pays les moins avancés (PMA), en leur fournissant les fonds nécessaires pour le financement des efforts de lutte contre les changements climatiques et la dégradation de l’environnement. Cette déclaration a jeté un froid dans la salle qui accueillait la cinquième table ronde thématique de haut niveau organisée dans le cadre de la cinquième Conférence des Nations Unies pour les PMA, sur le thème: « Lutter contre les changements climatiques et soutenir l’environnement ».
M. Wavel Ramkalawan a rappelé que l’on parle ici de milliards de dollars, avant que le Népal ne constate que les promesses financières faites aux PMA ne sont pas souvent suivies de résultats probants. Dépité, un jeune soudanais, membre du Réseau italien pour le climat, a évoqué la lassitude des populations qui attendent en vain des actions des dirigeants, « alors que la planète se meurt ».
Pourtant, au cours de la dernière Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la COP27 qui s’est tenue à Charm el-Cheikh l’an dernier, les délégations ont décidé de créer un fonds dédié aux pertes et préjudices subis par les pays vulnérables durement touchés par les inondations, les sécheresses et autres catastrophes climatiques. En attendant la COP28 fin 2023, des questions subsistent: qui devra cotiser au fonds et quels pays en bénéficieront? Créé en 2010, le Fonds vert pour le climat ambitionnait de mobiliser 100 milliards de dollars d’ici à 2020. En octobre 2015, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évaluait à 61,8 milliards de dollars les financements publics et privés mobilisés en 2014 par les pays développés à l’appui d’actions climatiques dans les pays en développement, afin de remplir l’engagement pris à Cancun. En octobre 2019, 25 pays donateurs du Fonds vert se réunissaient à Paris pour constater les promesses non tenues et prolonger l’engagement jusqu’en 2023.
Le Sénégal a salué le fait que le Fonds vert ait permis d’électrifier un millier de villages du pays grâce à l’énergie solaire, mais globalement, pour la plupart des PMA, la pilule est amère, puisque les fonds promis se sont raréfiés. La Secrétaire d’État auprès de la Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux de la France, Mme Chrysoula Zacharopoulou, a pourtant constaté que pour les PMA, « l’état d’urgence environnementale est déjà là ». À juste titre, les PMA critiquent les pays développés qui ne respectent pas leurs engagements de financement climatique, a relevé celle qui a fait le discours d’ouverture de la table ronde. Depuis l’Accord de Paris en 2015, la France a quadruplé ses fonds d’adaptation, a-t-elle relevé, précisant que le pays fournit près de 10% des fonds mondiaux dédiés à l’adaptation, alors qu’il n’est responsable que de 3% des émissions de gaz à effet de serre depuis la révolution industrielle. Elle a évoqué d’autres engagements qui seront pris lors du sommet prévu à Paris les 22 et 23 juin prochain pour mettre en place un nouveau pacte financier avec les pays du Sud.
La marge de manœuvre budgétaire des PMA est réduite, a relevé Mme Josefa Sacko, Commissaire à l’agriculture, au développement rural, à l’économie bleue et à un environnement durable à la Commission de l’Union africaine. Elle a appelé à renforcer les capacités des experts des PMA pour qu’ils puissent faire des demandes de fonds selon les normes agréés. M. Kausea Natano, le Premier Ministre des Tuvalu et Coprésident de la table ronde, a expliqué la façon dont son pays se prépare à l’avenir en investissant dans la gestion des risques de catastrophe. Il faudrait également, a plaidé le Secrétaire exécutif de la CCNUCC, que les PMA préparent des plans nationaux d’adaptation. M. Simom Stiell a rappelé que seulement 18 PMA disposent d’un tel plan qui ouvrirait pourtant la porte aux financements multilatéraux. Le Secrétariat de la Convention-cadre entend aider les autres PMA à élaborer leur plan avant la COP28 prévue en fin d’année, a-t-il promis. La Belgique, par la voix de sa Ministre de la coopération au développement, Mme Caroline Gennez, a aussi promis d’agir, en diminuant notamment ses émissions de gaz à effet de serre. À son tour, l’Administratrice adjointe de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), Mme Isobel Coleman, a assuré que les États-Unis allaient réduire de moitié leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici une décennie.
Pourquoi ne pas s’attaquer à la source du problème? a ensuite demandé le Ministre du développement, de la coopération et de la politique climatique mondiale du Danemark. M. Dan Jørgensen a relevé qu’aujourd’hui, cela n’a pas de sens de parler de politique de développement sans évoquer la question des changements climatiques. Ni de parler de décarbonisation alors que de nombreux pays continuent d’explorer et de produire des hydrocarbures. La cible de 1,5 degré Celsius pour limiter le réchauffement planétaire n’est plus réalisable quand les énergies fossiles ne cessent de prendre de l’importance, a renchéri M. Selwin Hart, Conseiller spécial du Secrétaire général pour l’action climatique et une transition juste. Mme Nataša Pirc Musar, Présidente de la Slovénie, et également Coprésidente de la séance, a insisté sur le fait que l’action climatique progressera avec la participation de tous, y compris les jeunes et les femmes.
Enfin, la République-Unie de Tanzanie a appelé à accompagner les pays en développement dans leur transition énergétique, tandis que le Timor-Leste plaidait pour un soutien accru aux PMA. Singapour a assuré partager déjà son expertise en matière climatique avec 32 PMA, avant que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ne vienne expliquer qu’elle s’efforce de fournir à ce groupe de pays des données de qualité. De même, les réserves de biosphères désignées par l’UNESCO sont des sites protégés pour les générations futures. Dans cet esprit, le Zimbabwe a appelé à une approche de collaboration pour l’avènement d’un monde meilleur pour tous.