En cours au Siège de l'ONU

Cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés,
Table ronde thématique de haut niveau #3, Après-midi
DEV/3451

Troisième table ronde de la Conférence LDC5: la transformation structurelle dans les pays les moins avancés plébiscitée comme moteur de leur prospérité

DOHA, 6 mars -- Dédiée à l’un des principaux piliers du Programme d’action de Doha en faveur des pays les moins avancé (PMA), la troisième table ronde organisée dans le cadre de la cinquième Conférence des Nations Unies pour les PMA (5-9 mars 2023) a permis d’échanger sur les éléments clefs d’une transformation structurelle de l’économie tels que le renforcement des capacités de production et l’augmentation de la productivité, le développement des infrastructures, l’intégration commerciale des PMA dans les chaînes de valeur mondiales et régionales, le développement de leur secteur privé et les investissements dans le capital humain.

Plantant le décor cet après-midi, le Président de la Sierra Leone, M. Julius Maada Bio, l’un des deux coprésidents de la discussion, a souligné que la réalité, dans la plupart des PMA, c’est une productivité basse et/ou en stagnation, un endettement élevé, des niveaux d’investissement en plein marasme et un capital humain ayant reçu peu d’éducation.  Il a également évoqué l’impact dévastateur des récents chamboulements des chaînes d’approvisionnement liés à la pandémie et à la guerre en Ukraine, ainsi que celui des politiques monétaires qui créent des pressions supplémentaires sur les économies des PMA et sapent leurs perspectives de développement. 

L’une des réponses consisterait à trouver des modèles de développement alternatifs pour assurer la transformation structurelle des PMA car, comme l’a dit Mme Zo Randriamaro, Présidente de WoMin African Alliance, « on ne peut plus faire l’économie d’une rupture avec le modèle néolibéral qui a conduit aux défaillances et problèmes actuels en Afrique ».  L’intervenante a argué que le passé des autres ne doit pas servir de base à l’avenir de l’Afrique. 

Il faut tirer les leçons de la COVID-19 et de la guerre en Ukraine, a-t-elle aussi demandé, en appelant à briser les chaînes de la dépendance et à miser sur des chaînes d’approvisionnement plus courtes, tout en tenant compte de facteurs écologiques.  Une autre idée défendue à plusieurs reprises cet après-midi est celle de l’intégration économique régionale qui permet aux entreprises de bénéficier des marchés plus vastes et de faire des économies d’échelle, comme l’a souligné M. Francisco André, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal. 

Abondant en ce sens, M. Andrés Rodriguez Pose, professeur de géographie économique à la London School of Economics, a toutefois souligné la faiblesse de l’intégration commerciale en Afrique.  L’accord de libre-échange africain est un grand pas en avant à cet égard, s’est-il réjoui.  Le professeur Rodriguez, qui était le conférencier principal de cette discussion, s’est attardé sur certains facteurs qui conduisent au développement économique, dont le capital humain et en particulier l’éducation, ainsi que l’accès aux marchés, à l’eau, à l’électricité et à la connectivité numérique, sans oublier l’intégration du commerce aux chaînes d’approvisionnement mondiales et la bonne gouvernance.  Investir dans les institutions nationales et sous-nationales est crucial, a-t-il martelé, en comparant le développement à un vélo: « pour avancer, il faut deux roues ».  Or, constatant que jusqu’à présent, on a trop mis l’accent sur la roue des stratégies, il a recommandé de miser sur les bonnes institutions et sur des modèles de bonne gouvernance.  Sans quoi les cadres politiques et économiques requis n’existent pas ou sont inadéquats, a-t-il argumenté en soulignant le frein que cela représente pour la transformation structurelle et le développement. 

De son côté, la Sierra Leone a rappelé que ce que l’on entend par transformation structurelle: c’est le fait de passer des secteurs économiques primaires, tels que l’extraction des ressources et l’agriculture, à des activités économiques situées plus loin dans la chaîne de production, comme l’industrie manufacturière et les services, et de mettre l’accent sur l’augmentation de la productivité et de la part des PMA dans le commerce mondial.  Or, dans la plupart de ces pays, il n’existe pas de lien entre les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, des mines, d’un côté, et le secteur industriel, de l’autre, a-t-il relevé.  Le Burundi a aussi parlé du problème que pose l’insuffisance ou le mauvais état des moyens de transport modernes.  Leurs économies sont toujours basées sur l’agriculture, l’élevage et le secteur informel, a-t-il remarqué, notant que même dans ces secteurs la production reste faible et se limite souvent à la consommation immédiate et à la vente des matières premières.  Sortir de ce schéma économique devient dès lors un défi de taille, d’autant plus que l’accès aux sources de financement et le coût des prêts bancaires sont un goulot d’étranglement, a renchéri le Burkina Faso.  « Compte tenu de cela, la transformation structurelle des PMA peut ressembler à un mirage. »

Concrètement, les PMA ont donc une série de défis majeurs à relever, a concédé le Vice-Premier Ministre du Népal, M. Narayan Kaji Shrestha, qui coprésidait cette réunion, à commencer par les investissements dans le capital humain, en particulier dans une éducation de qualité, et la modernisation des infrastructures, qu’il s’agisse du secteur des transports ou de la connectivité numérique.  La science et la technologie en tant que moteur de la productivité doivent être une priorité; or, à ce jour, elles restent souvent hors de portée pour la plupart des pays de cette catégorie, a-t—il noté.  En dernier lieu, M. Shrestha et d’autres intervenants ont mis en avant l’importance d’un partenariat avec un secteur privé dynamique aux côtés du rôle que joue l’État. 

Rebondissant sur ce constat, le Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal a souligné que la réalisation du Programme d’action de Doha repose précisément sur le développement des infrastructures en vue de connecter les PMA, sur la simplification des procédures et de la bureaucratie du commerce, ainsi que sur l’amélioration des capacités de production à travers des investissements dans l’éducation, la science et la technologie.  Il a aussi souligné l’importance du renforcement des institutions et de la refonte des politiques commerciales. 

Mais tout cela suppose des moyens, et le Vice-Président de la Banque européenne d’investissement, M. Thomas Östros, est venu témoigner des ambitions « vertes » de la nouvelle branche de la Banque entièrement consacrée au développement.  Il a mis l’accent sur le fait que les politiques de développement doivent être pilotées à l’échelle nationale et s’appuyer sur la participation d’un secteur privé robuste, ce qui fait encore souvent défaut dans les PMA.  Reconnaissant que les difficultés d’accès aux financements sont un frein majeur au développement des PMA, il a évoqué l’initiative « Boost Africa » de la Banque qui mise sur la création d’opportunités d’entrepreneuriat pour les jeunes africains.  S’inscrivant dans la même logique, la Présidente de la Fondation Tony Elumelu, Mme Somachi Chris-Asoluka, a expliqué que sa fondation vise à autonomiser les jeunes entrepreneurs africains à travers la capitalisation de leurs entreprises.  Elle a affirmé que c’est le meilleur moyen d’éradiquer la pauvreté, d’autonomiser les femmes africaines et de créer de l’emploi. 

Parmi les autres exemples concrets cités cet après-midi figure l’initiative « Power Africa », des États-Unis, qui se consacre aux investissements dans les infrastructures et la transition énergétique dans le monde en développement, et en particulier dans les PMA.  Quant à la France, elle a dit œuvrer au développement, au financement et à la bonne gouvernance du secteur numérique dans les PMA à travers la stratégie « Global Gateway ».  Sur l’axe du renforcement des capacités commerciales, la France assiste de nombreux PMA dans la mise en place de la zone économique exclusive africaine, a encore témoigné la délégation.

Si le Programme d’action de Doha peut servir de boussole à la transformation structurelle, en connectant les PMA aux chaînes de valeur mondiales et régionales, en renforçant leur économie de services et leur commerce, et en augmentant de manière significative la valeur ajoutée et la composante manufacturée des exportations de ces pays, le succès de ce programme dépendra toutefois de sa pleine appropriation par les PMA, ont prévenu de nombreux intervenants.

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