Déclaration publique de la Présidente du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés
Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du cinquième rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé en République centrafricaine (S/2021/882), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa présidente, le message suivant:
À toutes les parties au conflit armé en République centrafricaine:
· Exprime sa vive préoccupation et sa condamnation la plus énergique face à la hausse du nombre de violations et d’atteintes commises sur la personne d’enfants en République centrafricaine ; ainsi que face à l’effet négatif disproportionné de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) sur les enfants, qui a davantage accentué les problèmes existants, exhorte toutes les parties au conflit, en particulier les groupes armés, à faire cesser et à prévenir immédiatement toutes les violences et les atteintes commises contre les enfants, notamment les meurtres ou les atteintes à l’intégrité physique, le recrutement et l’utilisation, le viol et d’autres formes de violence sexuelle, les attaques contre des écoles et des hôpitaux, les enlèvements et le refus d’accès humanitaire, et à s’acquitter des obligations que leur impose le droit international;
· Se félicite de la signature de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (« Accord de paix ») et de l’annonce d’un cessez-le-feu faite par le Président Touadera le 15 octobre 2021 ; se déclare vivement préoccupé de constater que, malgré les mesures encourageantes prises, la situation en matière de sécurité reste fragile et que des violations et des atteintes continuent d’être commises ; appelle les signataires de l’Accord de paix à honorer leurs engagements, y compris les dispositions relatives à la protection des enfants, note avec préoccupation que certains groupes armés ont par la suite mis fin à leur engagement en faveur du processus de paix, et exhorte les parties à collaborer avec l’Organisation pour renforcer leurs efforts visant à faire cesser et à prévenir les violations et les atteintes dont sont victimes les enfants;
· Demande à toutes les parties de poursuivre l’application des conclusions précédentes du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés en République centrafricaine (S/AC.51/2020/3);
· Souligne qu’il importe que toutes les parties appliquent le principe de responsabilité concernant l’ensemble des violations et exactions commises contre des enfants en temps de conflit armé, qu’il faut traduire en justice toutes les personnes qui en sont responsables et leur demander des comptes sans plus attendre, notamment procéder à des enquêtes systématiques, impartiales et diligentes et, s’il y a lieu, engager des poursuites judiciaires et prononcer des condamnations;
· Insiste sur le fait que, lors de la planification et de la mise en œuvre des mesures en faveur des enfants dans les situations de conflit armé, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale et les vulnérabilités et les besoins particuliers des filles et des garçons doivent être dûment pris en compte;
· Se déclare vivement préoccupé par l’augmentation considérable du recrutement et de l’utilisation d’enfants, qu’il condamne vigoureusement, principalement du fait des groupes armés, note que les enfants sont utilisés à des fins sexuelles, ainsi que dans des rôles de combat et utilisés pour accomplir des tâches auxiliaires telles que servir de garde du corps, surveiller des points de contrôle, jouer le rôle d’espion, de messager ou de porteur, ou encore effectuer des tâches domestiques ; fortement préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants auraient été pris comme boucliers humains pendant la période considérée ; demande instamment à toutes les parties au conflit armé de libérer immédiatement et sans conditions tous les enfants qui leur sont encore associés et exhorte toutes les parties à faire cesser et à prévenir les recrutements et l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans, conformément aux obligations que leur impose le droit international, notamment le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, s’il y a lieu ; note également à cet égard la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant;
· Se dit préoccupé de ce que des enfants soient privés de liberté par des parties au conflit armé, au motif de leur association supposée avec des groupes armés, et exhorte toutes les parties au conflit à relâcher ces enfants et à veiller à leur pleine réintégration au moyen de programmes de protection de l’enfance ; demande instamment que les enfants qui auraient été associés à des parties au conflit soient traités avant tout comme des victimes, notamment ceux qui sont accusés d’avoir commis des crimes, et que la détention ne soit utilisée qu’en mesure de dernier recours et de la durée la plus brève possible, conformément au droit international et note que le Gouvernement centrafricain a fait siens les Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes de Paris) et que des mesures pouvant se substituer à l’action en justice doivent être envisagées ; appelle les parties au conflit à collaborer avec l’Organisation pour adopter et mettre en œuvre des protocoles de transfert appropriés visant à faciliter la remise des enfants aux acteurs civils de la protection de l’enfance et à donner la priorité à leur réintégration;
· Condamne vigoureusement le meurtre ou l’atteinte à l’intégrité physique d’enfants, note que la plupart des cas ont été attribués à des groupes armés et à des auteurs non identifiés, y compris ceux résultant d’attaques contre leurs communautés du fait de leur identité ethnique ou religieuse ou à titre de représailles, note que les enfants ont fait l’objet d’attaques délibérées, et exhorte toutes les parties au conflit à faire cesser et à prévenir le meurtre ou l’atteinte à l’intégrité physique d’enfants, y compris l’utilisation d’engins explosifs qui ont fait des victimes parmi les enfants;
· Constate avec une vive préoccupation les viols et autres formes de violence sexuelle commis contre des enfants, qui continuent d’être peu signalés, note que la plupart des cas ont été attribués à des groupes armés, et exhorte toutes les parties au conflit à prendre des mesures concrètes et immédiates pour prévenir et faire cesser les viols et les autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants ; souligne qu’il importe de fournir aux personnes rescapées de violences sexuelles des services spécialisés, intégrés et sans distinction, notamment dans les domaines psychosocial, de santé mentale et de santé, y compris de santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’une assistance juridictionnelle et des aides à des moyens de subsistance;
· Condamne énergiquement les attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux, en violation du droit international, note que la plupart des cas ont été attribués à des groupes armés, et demande à toutes les parties de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux, ainsi que de prévenir et de faire cesser les attaques ou menaces d’attaques contre ces établissements et leur personnel, en violation du droit international applicable ; se déclare profondément préoccupé par les nombreuses fois où les écoles et les hôpitaux sont utilisés à des fins militaires en violation du droit international applicable;
· Condamne fermement l’enlèvement d’enfants, notamment à des fins de recrutement et d’utilisation et à des fins d’exploitation sexuelle, note que la majorité des enlèvements est attribuée aux groupes armés et demande à toutes les parties concernées de mettre un terme à l’enlèvement d’enfants et de libérer immédiatement tous les enfants enlevés;
· Condamne vigoureusement le fait que l’accès humanitaire a été davantage refusé, y compris les attaques dirigées contre le personnel, les installations et les biens humanitaires, note qu’une majorité des violations a été commise par des groupes armés et des individus armés non identifiés ; se déclare gravement préoccupé également par l’emploi d’engins explosifs qui a empêché les organismes humanitaires de fournir une assistance vitale aux communautés dans le besoin, et demande à toutes les parties au conflit d’autoriser et de faciliter, dans le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire applicable, un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, conformément aux principes directeurs des Nations Unies concernant l’aide humanitaire, notamment l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance, de respecter la nature exclusivement humanitaire et l’impartialité de l’aide humanitaire et de respecter le travail de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires sans distinction défavorable;
· Se félicite du dialogue qui s’est noué entre l’ONU et la LRA-Achaye et engage instamment celle-ci à faire cesser et à prévenir les violations et les atteintes et à libérer tous les enfants qu’elle a enlevés ; engage le MPC, le FPRC et l’UPC à mettre rapidement en œuvre leurs plans d’action respectifs et exhorte toutes les parties concernées à élaborer, adopter et mettre à exécution, avec l’ONU, des plans d’action visant à faire cesser et prévenir la commission des six violations graves contre les enfants touchés par le conflit armé;
· Rappelle que les autorités nationales ont saisi la Cour pénale internationale, auquel la République centrafricaine est partie, le 30 mai 2014 de la situation qui règne en République centrafricaine depuis le 1er août 2012, et prend note, à cet égard, du transfèrement d’un ancien dirigeant de l’ex-Séléka à la Cour et du procès de deux dirigeants des anti-balaka ouvert devant la Cour pénale internationale, tous étant accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité;
· Rappelle que le Conseil de sécurité est disposé à adopter des mesures ciblées et graduelles contre quiconque persisterait à commettre des violations et des atteintes contre des enfants et que le Conseil de sécurité, par sa résolution 2588 (2021), et a reconduit jusqu’au 31 juillet 2022 les mesures de gel des avoirs et d’interdiction de voyager imposées par les résolutions 2127 (2013) et 2134 (2014), qui s’appliquent aux personnes et entités désignées par le Comité du Conseil de sécurité créé par le paragraphe 57 de la résolution 2127 (2013) (« Comité 2127 ») comme menant des actions compromettant la paix, la stabilité ou la sécurité de la République centrafricaine, telles que:
· Préparer, donner l’ordre de commettre ou commettre, en République centrafricaine, des actes contraires au droit international des droits de l’homme ou au droit international humanitaire, selon le cas, ou constituant des atteintes aux droits humains ou des violations de ces droits, notamment des violences sexuelles, des attaques dirigées contre des civils, des attentats à motivation ethnique ou religieuse, des attentats commis contre des écoles et des hôpitaux, des enlèvements et des déplacements forcés;
· Recruter des enfants ou utiliser des enfants dans le conflit armé en République centrafricaine, en violation du droit international;
· Faire obstacle à l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à la République centrafricaine, à l’accès à cette aide ou à sa distribution dans le pays;
· Déclare qu’il se tient prêt à communiquer au Conseil de sécurité toutes informations utiles pour l’aider à adopter des mesures ciblées contre les auteurs de violations;
À toutes les opérations de maintien de la paix, y compris la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine et les forces non onusiennes présentes en République centrafricaine et aux États Membres concernés:
· Exprime sa profonde consternation face aux allégations persistantes d’actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles commis sur la personne d’enfants par certains membres du personnel de maintien de la paix des Nations Unies, et condamne fermement tous les actes d’exploitation sexuelle et toutes les atteintes sexuelles;
· Engage l’Organisation des Nations Unies et les États Membres concernés à continuer de prendre des mesures appropriées pour prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles, notamment en vérifiant les antécédents de tous les membres du personnel et en organisant une formation de sensibilisation avant et pendant le déploiement, afin de faire en sorte que les membres de leurs contingents qui se rendraient coupables de tels actes aient à en répondre pleinement, y compris en menant un travail d’enquête rapide axé sur les personnes rescapées concernant toutes les allégations d’exploitation et d’atteintes sexuelles; à faire en sorte que les auteurs répondent de leurs actes et à rapatrier les unités lorsqu’il existe des preuves crédibles qu’elles se livrent de façon généralisée ou systématique à des actes d’exploitation ou des atteintes sexuelles, à prendre les mesures disciplinaires voulues ; à signaler sans délai toutes les mesures prises à cet égard ; et à veiller à ce que les enfants victimes et témoins soient dûment protégés pendant le processus d’enquête et à faciliter leur accès à un soutien médical et psychologique, selon qu’il convient, et, à cet égard, se félicite de la nomination par la MINUSCA d’une défenseuse des droits des victimes sur le terrain et de l’adoption d’une approche axée sur les victimes, permettant à la plupart des enfants victimes d’accéder à des services et à une formation scolaire ou professionnelle;
· Exhorte tous les États Membres concernés à redoubler d’efforts et à prendre des mesures de prévention appropriées, y compris la vérification des antécédents de l’ensemble du personnel, et à assurer une formation solide préalable au déploiement sur la question de l’exploitation et des atteintes sexuelles, conformément aux mémorandums d’entente et autres accords conclus avec l’Organisation des Nations Unies;
Aux États voisins, aux organismes des Nations Unies, aux organisations régionales et à tous les partenaires internationaux:
· Encourage les États voisins, les organisations régionales et tous les partenaires internationaux à appuyer le processus de paix, y compris pour faire cesser et prévenir les violations et exactions contre les enfants, de façon coordonnée et par un renforcement des partenariats, et souligne le rôle important des garants et facilitateurs de l’Accord de paix, y compris l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et les pays voisins, usant de leur influence pour renforcer le respect, par les groupes armés, de leurs engagements ; et se félicite de l’adoption de la Feuille de route conjointe pour la paix par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs;
· Engage la communauté internationale, y compris la MINUSCA conformément à son mandat, l’équipe de pays des Nations Unies et le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix, à se cordonner dans le soutien qu’ils fournissent pour renforcer les capacités et l’efficacité du système de justice pénale, y compris, s’il y a lieu et s’ils y sont invités, par la fourniture d’une assistance financière et technique, selon les besoins, aux autorités de la République centrafricaine en vue du rétablissement de l’administration de l’appareil judiciaire, du système de justice pénale et du renforcement des systèmes protection de l’enfance dans tout le pays;
Aux notables locaux et aux chefs religieux:
· Souligne le rôle important que jouent les notables locaux et les chefs religieux pour ce qui est de renforcer la protection des enfants en temps de conflit armé et de promouvoir la réconciliation;
· Les exhorte à renforcer la protection au niveau local et à condamner publiquement les violations et les exactions commises sur la personne d’enfants, en particulier celles qui impliquent le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et les mutilations, les viols et les autres formes de violence sexuelle, les attaques et les menaces d’attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux, les enlèvements d’enfants et le refus de l’accès humanitaire, notamment à motivation religieuse, tout en continuant de se mobiliser pour les faire cesser et les prévenir, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour appuyer la réintégration et la réadaptation, dans leurs communautés, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par une campagne de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.