En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/20997

Détruire, s’autodétruire, jeter, brûler:« Ça suffit ! » lance le Secrétaire général à la COP26, en demandant au monde de faire preuve d’ambition et de solidarité

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du Sommet des dirigeants mondiaux à la vingt-sixième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatique (COP26), à Glasgow, Royaume-Uni, aujourd’hui:

Cher Monsieur le Premier Ministre Johnson, Monsieur le Président de la Conférence des Parties Alok Sharma, je tiens d’abord à vous remercier de votre accueil et de la détermination et de l’énergie dont vous avez preuve dans l’organisation de cette conférence.

Les six années qui se sont écoulées depuis l’Accord de Paris sur le climat ont été les six années les plus chaudes jamais enregistrées.  Notre addiction aux énergies fossiles conduit l’humanité tout droit vers l’abîme.  Le choix est simple: soit nous y mettons fin, soit c’est elle qui nous fera disparaître.

Le moment est venu de dire: « Ça suffit! ».  Détruire la biodiversité? Ça suffit!  S’autodétruire à cause du carbone? Ça suffit!  Jeter la nature à l’égout?  Ça suffit!  Brûler, forer et excaver toujours plus profond? Ça suffit!  Nous sommes en train de creuser notre propre tombe.

La planète change sous nos yeux, du fond de l’océan au sommet des montagnes; les glaciers fondent et les phénomènes météorologiques sont toujours plus extrêmes.  Le niveau des mers monte deux fois plus vite qu’il y a 30 ans.  Les océans sont plus chauds que jamais et continuent de se réchauffer à un rythme effréné.  Par endroits, la forêt amazonienne émet désormais plus de carbone qu’elle n’en absorbe.  Les annonces faites récemment en faveur du climat pourraient laisser croire que nous sommes en passe de renverser la situation.

Il n’en est rien.  Le dernier rapport sur les contributions déterminées au niveau national montre qu’elles condamnent toujours le monde à une hausse désastreuse de 2,7 degrés.  Quand bien même les engagements pris récemment seraient clairs et crédibles –et certains d’entre eux posent question–, nous n’en courons pas moins à la catastrophe climatique.

Même dans le scénario le plus optimiste, les températures augmenteront bien au-delà de deux degrés.  C’est pourquoi, alors que s’ouvre cette conférence sur le climat tant attendue, nous courons tout droit à la catastrophe.  Les jeunes le savent.  Tous les pays le constatent.  Les petits États insulaires en développement et d’autres pays vulnérables en subissent déjà les effets.  Pour eux, l’échec n’est pas envisageable.  Ce serait une condamnation à mort.

L’heure de vérité a sonné.  Nous nous approchons à grands pas du point de basculement – ce moment où se déclencheront des boucles de rétroaction qui ne feront qu’accélérer le réchauffement de la planète.  En revanche, investir dans une économie sans émission nette et résiliente face aux changements climatiques pourrait créer d’autres boucles de rétroaction – un cercle vertueux où viendraient s’alimenter croissance durable, emplois et débouchés.

Nous pouvons nous appuyer sur certaines avancées.  Plusieurs pays se sont engagés de manière crédible à réduire à zéro leurs émissions nettes d’ici le milieu du siècle.  Beaucoup ont cessé d’investir dans le charbon à l’étranger.  Plus de 700 villes se sont engagées dans la voie de la neutralité carbone.  Le secteur privé prend conscience des enjeux.  La Net-Zero Asset Owners Alliance –la référence en matière d’engagements crédibles et d’objectifs transparents– gère 10 000 milliards de dollars d’actifs et catalyse les changements dans tous les secteurs.  L’armée qui s’est levée en faveur de l’action climatique –et conduite par les jeunes– est une force que rien ne pourra arrêter.  Ses membres sont de plus en plus nombreux. Ils se font entendre de plus en plus fort. Et ils ne vont pas disparaître – je peux vous l’assurer!  Je suis à leur côté.

La science ne laisse planer aucun doute.  Nous savons pertinemment ce qu’il faut faire.  En premier lieu, nous ne devons pas renoncer à l’objectif de 1,5 degré.  Cela nous impose d’être plus ambitieux en matière d’atténuation et de prendre immédiatement des mesures concrètes pour réduire les émissions mondiales de 45% d’ici à 2030.  Les pays du G20, qui représentent environ 80% des émissions, ont une responsabilité particulière à cet égard.

Selon le principe des responsabilités communes mais différenciées et en fonction de leur situation, les pays développés doivent prendre la tête des efforts entrepris à cette fin.  Toutefois, les économies émergentes elles aussi doivent faire un effort supplémentaire, car leur contribution est essentielle à une réduction effective des émissions.  Pour que Glasgow soit un succès, l’ambition doit être à son comble – de la part de tous les pays et sur tous les fronts.

J’exhorte les pays développés et les pays émergents à former des coalitions pour instaurer des conditions financières et techniques qui permettront d’accélérer la décarbonisation de l’économie et de cesser progressivement de recourir au charbon.  Ces coalitions visent à soutenir les grands émetteurs qui rencontrent plus de difficultés dans la transition du gris au vert.

Ne nous faisons pas d’illusions: si d’ici la fin de la Conférence les engagements ne sont pas à la hauteur de l’enjeu, tous les pays devront revoir leurs stratégies et politiques nationales sur le climat.  Non pas tous les cinq ans, mais tous les ans.  À chaque instant.  Tant que l’objectif de 1,5 degré ne sera pas atteint.  Tant que les subventions aux combustibles fossiles n’auront pas été éliminées.  Tant qu’un prix n’aura pas été mis sur le carbone.  Tant que le charbon n’aura pas été progressivement abandonné.  Par ailleurs, nous avons besoin de plus de clarté.

S’agissant de la réduction des émissions et de l’objectif de zéro émission nette, le manque de crédibilité et la confusion règnent, chacun donnant aux mots un sens différent et mesurant les choses différemment.  C’est pourquoi j’annonce aujourd’hui mon intention de créer, en plus des mécanismes déjà établis par l’Accord de Paris, un groupe d’experts dont la mission sera de proposer des normes claires permettant de mesurer et d’analyser les engagements que prennent les acteurs non étatiques pour réduire à zéro leurs émissions nettes.

En deuxième lieu, nous devons en faire davantage pour protéger les populations vulnérables contre les dangers manifestes et déjà présents du changement climatique.  Au cours des 10 dernières années, près de 4 milliards de personnes ont subi des catastrophes liées au climat.  Ces ravages ne feront qu’augmenter.  Or, l’adaptation produit des résultats.  Les dispositifs d’alerte rapide sauvent des vies.  On préserve des emplois grâce à l’agriculture et aux infrastructures intelligentes face au climat.  Tous les donateurs doivent consacrer à l’adaptation la moitié des sommes qu’ils allouent à l’action climatique.  Les banques de développement publiques et multilatérales doivent faire de même au plus tôt.

En troisième lieu, la Conférence des Parties doit être un moment de solidarité.  Cent milliards de dollars par an ont été promis aux pays en développement pour les aider dans leur action climatique: ces 100 milliards de dollars doivent se matérialiser.  Cela est indispensable pour rétablir la confiance et assurer notre crédibilité.  Je salue les efforts déployés dans cette voie par l’Allemagne et le Canada.  Il s’agit d’un premier pas – mais le versement des sommes les plus importantes est repoussé à plusieurs années, sans garanties claires.

Mis à part ces 100 milliards de dollars, les pays en développement ont besoin de bien d’autres ressources pour lutter contre la COVID-19, renforcer leur résilience et œuvrer au développement durable.  Ceux qui souffrent le plus –à savoir les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement– ont des besoins urgents de financement.  Il faut davantage de fonds publics pour le climat.  Davantage d’aides au développement à l’étranger.  Davantage de subventions.  Un accès plus facile aux financements.  Enfin, les banques multilatérales de développement doivent s’employer beaucoup plus énergiquement à mobiliser des investissements dans le cadre de financements mixtes et privés.

L’alarme a sonné.  La planète nous envoie un message.  Tout comme les gens aux quatre coins du monde.  L’action climatique est la première des préoccupations des habitants de la planète, quels que soient le pays où ils vivent, leur âge ou leur sexe.  Nous devons écouter –nous devons agir– et nous devons faire preuve de sagesse dans nos choix.  Au nom de la génération présente et des générations futures, je vous en conjure:  Faites le choix de l’ambition.  Faites le choix de la solidarité.  Faites le choix de préserver l’avenir et de sauver l’humanité.  Je vous remercie.

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