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FEM/2211

Commission de la condition de la femme: la violence sexiste et le manque de représentation des femmes dans la vie publique continuent de dominer le débat

La participation des femmes à la prise de décisions et à la vie économique ainsi que l’élimination de la violence physique et psychique à leur encontre sont essentielles pour atteindre les objectifs de développement durable.  Tel a été le constat de la grande majorité des États Membres ayant participé, ce matin, à la reprise de la discussion générale de la Commission de la condition de la femme. 

Promouvoir et protéger les droits des femmes n’a jamais eu autant d’écho qu’en cette période de pandémie marquée par un recul des droits acquis et une montée inquiétante de la violence domestique dans diverses régions du monde.  Pourtant, force est de constater que les femmes restent sous-représentées dans les postes décisionnels.

Alors que faut-il faire pour aller de l’avant?  Créer un environnement social favorable à l’épanouissement des femmes et inciter les institutions à être davantage inclusives.  Ce sont deux conditions préalables pour que le potentiel des femmes puisse s’exprimer pleinement dans la sphère publique, a estimé Monaco, résumant en substance le sentiment général.

Les États Membres ont été nombreux à saluer le rôle « normatif et d’orientation » des conventions internationales et régionales sur l’égalité entre les sexes et la lutte contre la violence sexiste et la discrimination, sans oublier la Déclaration de Beijing et son Plan d’action, pour guider leurs actions et politiques sur le plan national.  À titre d’exemple, la Directrice de l’Unité de soutien à l’autonomisation des femmes de la Libye, qui a récemment été créée au sein du Conseil national, s’est targuée de la compatibilité avec les instruments internationaux de la stratégie d’autonomisation des femmes adoptée par son pays, tout en tenant compte des particularités libyennes.  La Géorgie a elle aussi misé sur l’harmonisation de sa législation nationale avec les normes internationales et a durci sa législation sur les crimes sexistes. 

D’autres pays, comme le Bangladesh, le Turkménistan et la République dominicaine, ont expliqué que leurs constitutions établissent une base solide en faveur des politiques d’égalité formelle et réelle, les différences se situant au niveau de l’opérationnalisation et de la mise en œuvre effective de ces dispositions dans le quotidien de leurs citoyennes et citoyens. 

À Monaco aussi les droits civils et politiques énoncés par la Constitution de 1962 sont identiques pour les femmes et les hommes, a signalé la Directrice générale du Département des relations extérieures et de la coopération de Monaco.  Cela se traduit notamment aujourd’hui par la mise en place de la charte « Monégalité » pour l’égalité au travail, l’application de la loi sur le harcèlement sexuel ou encore le renforcement du congé parental pour mieux concilier vie de famille et carrière professionnelle.

Donnant suite à l’appel lancé par le Secrétaire général de l’ONU pour que tous les gouvernements fassent de la prévention et de la réponse à la violence à l’égard des femmes un élément clef de leurs plans nationaux de réponse à la COVID-19, beaucoup de pays ont fait état de réformes législatives notamment pour pénaliser ces actes de violence sexiste et le harcèlement qui, n’a-t-il cessé d’être souligné, représentent un obstacle majeur à la participation des femmes à la vie publique.  Le Botswana a même mis en place des tribunaux spécialisés qui traitent ces affaires en accéléré, a expliqué le représentant du Ministère de la nationalité, de l’immigration et des affaires de genre, ajoutant qu’une loi portant création d’un registre des auteurs des violences sexuelles a également été adoptée. 

Face à la flambée des cas de violence basée sur le genre, y compris des abus sexuels sur des enfants conduisant au mariage précoce et aux grossesses chez les adolescentes, l’Ouganda a mis en place des mécanismes juridiques, politiques et institutionnels pour faciliter et accélérer la mise en œuvre d’interventions sensibles au genre dans tous les secteurs.  De plus, la loi sur la gestion des finances publiques (2015) oblige tous les ministères, départements et agences à donner la priorité aux questions de genre et d’équité dans tous leurs plans et budgets, a expliqué le Ministre d’État pour les affaires de genre et culturelles.

Mais, comme l’ont fait remarquer certains ministres ce matin, les avancées en termes de parité et d’autonomisation des femmes dépendent en grande partie de leur représentation dans les enceintes du pouvoir et de la politique car tant que les législatures et la politiques sont dominées par les hommes, les femmes peineront à faire entendre leur voix.  Le plus grand défi demeure la participation aux organes représentatifs aux niveaux national et local, a souligné la Présidente de la Commission nationale des femmes libanaises, en voulant pour preuve que le Liban ne compte actuellement que six femmes parlementaires et qu’elles ne représentent qu’à peine 5% des personnes siégeant dans les organes locaux.  C’est d’ailleurs ce qui a poussé la Commission qu’elle préside à militer en faveur de législations et de quotas favorisant la candidature et la représentation des femmes dans les organes électifs, aux niveaux municipal et parlementaire, a-t-elle expliqué. 

Pour remédier à cette sous-représentation, de nombreux États Membres ont expliqué avoir misé sur des « mesures discriminatoires positives » pour assurer une meilleure représentation des femmes dans la prise de décisions à tous les niveaux.  Ainsi, en République dominicaine, la loi électorale a établi des quotas pour les élections législatives et municipales d’au moins 40% et d’un maximum de 60% aussi bien pour les femmes et les hommes, mais, a concédé la Ministre de la femme, la part des femmes dans les charges électives plafonne.  La Ministre des femmes et de la protection de la jeunesse du Tchad a également parlé d’une loi visant à instituer plus de parité dans les fonctions nominatives et électives en fixant un quota progressif d’au moins 30% des mandats réservés aux femmes alors que la Vice-Ministre de la santé et du développement social du Kirghizistan a indiqué que ce quota de 30% s’applique aux élections locales alors que dans la chambre des députés, il est de 40%.  À son tour, la Présidente de la Commission nationale sur le genre et les politiques démographiques du Kazakhstan a précisé que 30% des listes de partis politiques sont alloués aux femmes et aux jeunes alors que les femmes occupent aujourd’hui 27% des sièges dans la chambre basse.

Comme l’a résumé la Commissaire à l’égalité des sexes de Chypre, si l’on veut que les femmes soient véritablement des agents du changement dans nos sociétés, il faut impérativement avoir une approche intégrée de l’égalité hommes-femmes axée sur des priorités comme la lutte contre la violence sexiste et l’équilibre entre obligations familiales et professionnelles.  Il faut également miser sur des stratégies d’implication des hommes pour lutter contre les stéréotypes négatifs qui sous-tendent les inégalités sexistes, a ajouté l’Ouganda.

À son tour, la Directrice générale du Département des femmes et des enfants du Yémen a déclaré que la majorité des 2,5 millions de déplacés dans le pays est constituée de femmes et d’enfants et a expliqué que le contexte d’insécurité n’est pas favorable à la délivrance des services dédiés aux femmes.  Vivant également dans un contexte d’insécurité, la Chef du Département de l’autonomisation des femmes de l’Iraq a relevé que les lois nationales favorisent la participation des femmes à tous les secteurs de la société.  Une nouvelle loi électorale garantit d’ailleurs un quota de 25% des femmes au Parlement.  Une autre loi établit une protection spéciale pour les femmes yézidies victimes de Daech, ainsi que d’autres femmes victimes de crimes similaires. 

Israël a appelé à utiliser les technologies de pointe pour trouver une solution à ce « virus mortel et terrible » qu’est la violence domestique.  Relevant que les outils employés pour affronter le fléau, notamment la création de centres d’accueil pour les victimes de la violence, n’ont pas évolué, la délégation a appelé à innover et passer à une approche davantage préventive.  Israël a ainsi organisé un concours de codage informatique afin de susciter la création des applications pour lutter contre la violence domestique.  De son côté, Malte a indiqué avoir mis sur pied une unité de police spéciale pour contrer ce fléau qui est le troisième crime le plus important du pays.  En Argentine, des mesures ont également été prises pour lutter contre la violence sexiste, et le Gouvernement entend aussi inclure davantage les femmes à la vie publique. 

Certaines délégations ont présenté un tableau tout à fait reluisant de la participation des femmes à la vie publique.  La République populaire démocratique de Corée (RPDC) a par exemple dit que le statut des femmes est parmi les plus élevés du pays.  Les droits de femmes sont promus en vertu de la constitution d’idéologie socialiste, et l’égalité des sexes y est effective grâce à une loi de 1946.  Il en est de même en Albanie, dont la représentante s’est enorgueillie du fait que le pays est parmi les rares ayant plus de 50% de femmes au Gouvernement, soit 9 sur 16.  La Directrice générale des affaires mondiales au Ministère des affaires étrangères de la Bulgarie a salué le fait que les femmes représentent près de la moitié des membres du Gouvernement et le tiers des députés.  La délégation d’Oman a expliqué pour sa part que la femme omanaise a su s’imposer comme élément indispensable pour le développement.  L’accès à l’éducation universitaire a autonomisé davantage les femmes d’Oman qui peuvent ainsi participer à la gestion des affaires publiques. 

En Uruguay, a indiqué la Directrice de l’Institut national des femmes, les femmes représentent 15% des ministres et 20% des parlementaires, malgré une loi sur les quotas qui n’a pas fait beaucoup changer la donne.  C’est le même constat en Ouganda, où le Gouvernement s’attelle à susciter une prise de conscience sur ces problématiques.  À Singapour, une loi est en préparation pour favoriser encore plus leur participation à la vie publique, même si elles occupent déjà 30% des sièges au Parlement et que le pays est dirigé par une femme.  Le Gouvernement a également mis en place un Conseil pour la diversité afin de promouvoir la présence d’encore plus femmes au sein des conseils d’administration de sociétés privées.  Et en Jamaïque, les femmes entendent se battre désormais contre les obstacles les empêchant d’accéder à des postes de direction. 

La Secrétaire générale du Commonwealth a déclaré que 13 des 54 pays membres de l’organisation ont atteint la cible de 30% ou plus de femmes parlementaires.  La question de l’égalité des sexes sera d’ailleurs examinée lors de la prochaine Réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth, prévue au Rwanda au mois de juin.  La Ligue des États arabes a déjà pris des mesures sur le sujet et s’évertue également à mettre en œuvre le programme « femmes, paix et sécurité » de l’ONU, a noté sa Vice-Secrétaire générale.

Parmi les représentants d’organisations internationales qui ont pris la parole, la Présidente des femmes parlementaires de l’Union interparlementaire (UIP) a souligné que pour reconstruire en mieux après la pandémie, il faut les voix et le leadership des femmes.  Elle a salué le fait que 59 femmes sont présidentes de parlements à travers le monde, même si les progrès se font à un rythme trop lent à son goût.  Afin de changer la donne, la parlementaire a demandé que les gouvernements adoptent des quotas en matière de genre.  Il faut également des lois qui condamnent la violence et le harcèlement dans l’espace politique, a-t-elle plaidé, tout en reconnaissant que la crise actuelle fait perdre du terrain.  Les défis restent immenses car la pandémie a aggravé les disparités entre les sexes et on note une féminisation de la pauvreté, a constaté la Commissaire des affaires sociales et du genre de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).  Elle s’est félicitée du fait que certains États de la sous-région ont pris de mesures pour lutter contre la violence sexiste, dont la création d’« écoles pour les maris » afin de les sensibiliser à la non-violence. 

L’Union africaine (UA) a rappelé avoir pris des décisions afin d’assurer la parité d’ici à 2035 et a indiqué que la parité parfaite est de mise au sein de la Commission de l’UA en 2021.  Elle a aussi salué le fait que 30 pays du continent se sont déjà dotés de plans nationaux de mise en œuvre du programme « femmes, paix et sécurité ».  La Directrice générale de l’Organisation internationale de droit du développement a aussi constaté que la pandémie a poussé 96 millions de gens dans la pauvreté, la grande majorité étant des femmes.  Même si la pandémie a apporté son lot de défis, c’est également une occasion de relancer la lutte pour l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes dans le contexte de la reconstruction en mieux, a-t-elle estimé. 

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a relevé que les femmes, y compris les migrantes, sont très actives dans la riposte contre la COVID-19.  Malheureusement, elles ont été les premières à perdre leur emploi et elles sont les principales à s’occuper du travail domestique non rémunéré.  Des confinements ont également obligé les femmes à s’isoler, les rendant vulnérables aux abus, a-t-il constaté.  Pour l’OIM, il faut promouvoir l’inclusion des migrants qui sont essentiels pour établir des sociétés inclusives, y compris dans la distribution des vaccins contre la COVID-19.  Pour l’OIM, rebâtir en mieux signifie aussi adopter des mesures de discrimination positive.  Même son de cloche pour le Fonds de développement pour les peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes qui a appelé à revoir les structures politiques et économiques, notamment en faveur des femmes autochtones qui sont victimes de racisme et d’autres formes de discrimination.  Elle a aussi demandé aux États d’adapter leur cadre juridique afin de tenir compte des traités internationaux relatifs aux peuples autochtones.  Et surtout, de faire respecter le principe du « rien nous concernant sans nous ». 

La Commission de la condition de la femme achèvera les travaux de sa soixante-cinquième session demain, vendredi 26 mars, à partir de 9 heures.

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