Commission de la condition de la femme: les violences sexuelles et sexistes dénoncées comme un frein majeur à la participation effective des femmes
La Commission de la condition de la femme a poursuivi, ce matin, sa discussion générale, l’occasion pour les ministres participants de braquer une fois de plus les projecteurs sur le fléau des violences sexuelles et sexistes, en forte progression en cette période de pandémie.
L’urgence de combattre ce phénomène a notamment été revendiquée par le Liechtenstein qui a appelé à concrétiser les appels à la « tolérance zéro » contre toutes les violences ciblant les femmes, l’Allemagne n’hésitant pas à rappeler que, dans le monde, « une femme sur trois est battue, agressée sexuellement ou maltraitée au cours de sa vie ».
Ce fléau est d’une ampleur telle dans la sphère publique que la violence politique mérite d’être incluse dans les différentes conventions internationales pertinentes, a estimé pour sa part la Tunisie.
Les délégations ont également mis en exergue les actions menées aux niveaux national et international pour contrer cet obstacle majeur à la pleine participation des femmes à la vie publique.
Les progrès réalisés ces dernières années en matière de participation des femmes à la vie publique et politique ont aussi été relevés par nombre de délégations, en majorité africaines.
À cet égard, le Nigéria a estimé que la présence de femmes aux postes de responsabilité a joué un rôle déterminant dans sa gestion de la riposte à la pandémie de COVID-19, leur action ayant notamment pris en compte le fait que les trois quarts des Nigérianes -et des Africaines- sont engagées dans le secteur de l’économie informelle.
Assurant de son côté que la question de l’autonomisation des femmes sera au centre sa présidence du G20 cette année, l’Italie a voulu que le relèvement soit l’occasion d’un « nouveau départ », inspiré par la stratégie européenne pour la parité.
La Commission de la condition de la femme poursuivra ses travaux mardi, 23 mars, à partir de 9 heures.
Suite donnée à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et à la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée « Les femmes en l’an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle » (A/75/38, E/CN.6/2021/2, E/CN.6/2021/3, E/CN.6/2021/4, E/CN.6/2021/5, E/CN.6/2021/6, E/CN.6/2021/7)
Suite de la discussion générale
La question des violences faite aux femmes, en tant qu’obstacle majeur à leur autonomisation et à leur participation aux décisions dans la sphère publique, a une nouvelle fois dominé les interventions des délégations lors de la reprise de la discussion générale de la Commission. Le débat a également permis à un grand nombre de pays de mettre en avant les avancées nationales en matière de représentation des femmes aux niveaux institutionnel et politique.
Si les violences sexuelles et sexistes « accablent l’humanité depuis la nuit des temps », l’aggravation à laquelle nous assistons en cette période de pandémie oblige les États Membres à concrétiser les appels à la « tolérance zéro » contre toute violence faite aux femmes, a souligné la Ministre des affaires étrangères, de la justice et de la culture du Liechtenstein.
« Les violence sexuelles et sexistes contre les femmes et les filles sont des violations des droits de l’homme », a renchéri la Ministre fédérale en charge des affaires familiales, des personnes âgées, des femmes et des jeunes de l’Allemagne, non sans rappeler que, dans le monde, « une femme sur trois est battue, agressée sexuellement ou maltraitée au cours de sa vie ». Priorité de la présidence allemande du Conseil de l’Europe, la réponse à ce fléau a donné lieu, à l’échelle nationale, au lancement de la campagne « Plus fort que la violence » et à l’amélioration des systèmes de foyers pour les femmes.
Soucieuse de placer les femmes et les filles au cœur des efforts de relèvement, la Ministre d’État pour l’égalité de genre du Japon a insisté, elle aussi, sur la nécessité de prévenir la violence domestique et les agressions sexuelles. Sous son impulsion, des services de conseil aux victimes sont désormais proposés par le biais des médias sociaux et d’un service téléphonique permanent, tandis que des centres de soutien à guichet unique sont ouverts dans tout le pays. Un exemple d’action cité également par la Ministre de la femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants du Sénégal.
La Hongrie a mis en place un dispositif comparable, en plus du renforcement de son Code pénal qui fait de la violence domestique un crime à part entière depuis 2013, a indiqué sa Ministre des familles, mettant l’accent sur l’aide aux victimes, via le développement des centres de crise, des maisons de transition et des abris secrets. Face à cette « pandémie de l’ombre », la Ministre de l’emploi et de l’égalité des chances du Danemark a mis en garde contre les relations sexuelles sans consentement, « équivalentes à un viol ». Son gouvernement travaille à un projet de loi sur ce thème, tout en renforçant ses mécanismes d’appui aux victimes, avec le concours d’ONG.
Dans le même esprit, le Ministre des affaires sociales, du logement et de la jeunesse d’Andorre a fait état du renforcement par la Principauté de son Service d’attention aux victimes de la violence sexiste afin de « rompre le silence » auquel sont souvent cantonnées les survivantes de violences de genre. Le Ministre de l’intérieur des Tonga a évoqué de son côté des mesures d’accompagnement pour les victimes ainsi qu’une action de sensibilisation pour contrer certaines croyances traditionnelles faisant obstacle à l’autonomisation des femmes sur l’île.
À son tour, la Ministre du développement communautaire des Émirats arabes unis a mis en avant les mesures prises par son gouvernement pour lutter contre les violences domestiques, tout en se félicitant de l’abrogation d’un article du Code pénal permettant désormais de poursuivre les auteurs de crimes d’honneur. Son homologue de Trinité-et-Tobago en charge des affaires de genre et d’enfance a, elle, annoncé la création en 2020 d’une unité spécialisée dans les violences sexistes et d’un registre pour délinquants sexuels.
De son côté, la Ministre fédérale des femmes, des familles, des jeunes et de l’intégration de l’Autriche a appelé à lutter contre les « nouvelles formes de violences basées sur le genre », avant de signaler l’adoption par son pays d’un nouveau paquet législatif visant à mieux protéger les victimes de la cyberviolence.
Essentiel pour lutter efficacement contre la violence de genre, le principe d’une pleine participation des femmes vaut également pour les situations de conflit et la consolidation de la paix, a estimé la Ministre de la protection sociale de l’Estonie. Elle a ainsi souligné que son pays, en tant que membre du Conseil de sécurité, soutenait fermement l’intégration des femmes à toutes les étapes des processus de paix.
À l’instar du Mozambique, de la Sierra Leone ou encore de la Lituanie, plusieurs délégations ont aussi insisté sur les progrès réalisés ces dernières années en matière de participation des femmes à la vie publique et politique. La Ministre du genre de la Zambie a indiqué que, dans son pays, ces avancées pour les femmes prennent la forme de nominations à des postes de juge à la Cour suprême et d’accession à des fonctions électives, comme c’est le cas de la Vice-Présidente et de la Vice-Présidente de l’Assemblée nationale.
La Ministre des femmes, des enfants et des jeunes de l’Éthiopie s’est déclarée fière d’affirmer que son pays est le seul pays d’Afrique avec une femme chef d’État. Au niveau fédéral, a-t-elle noté, le Gouvernement a également atteint la parité hommes-femmes et la représentation des femmes au Parlement actuel a atteint 38,8%. Son homologue de l’Afrique du Sud a quant à elle vanté la « volonté politique » de son pays qui a débouché sur une parité hommes-femmes au niveau exécutif, avec 50% de ministres femmes au cabinet, et une représentation de 46% de femmes à la législature nationale.
Même satisfaction de la part de la Ministre de la protection sociale de la Lettonie, qui s’est réjouie que 27% des membres du Parlement national soient aujourd’hui des femmes. « Nous avons aussi la plus forte proportion de femmes aux postes de direction en Europe, à hauteur de 46% », s’est-elle enorgueillie. En revanche, a-t-elle concédé, des efforts restent à accomplir pour combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, qui atteint actuellement 21,2%.
Moins positif, le Ministre des affaires politiques et parlementaires et Président du Comité pour l’autonomisation des femmes de la Jordanie a imputé la sous-représentation des femmes dans son pays aux « défis protéiformes auxquels se heurtent les femmes », accentués encore par les effets dévastateurs de la COVID-19. Reconnaissant, elle aussi, l’impact de la pandémie sur l’autonomisation des femmes, la Secrétaire générale du Conseil suprême des femmes de Bahreïn a préféré saluer les mesures proactives prises par le Royaume, qui, selon elle, ont contribué à réduire les pressions sur la participation des femmes au marché du travail.
Assurant que la question de l’autonomisation des femmes sera au centre sa présidence du G20 cette année, la Ministre de l’égalité des chances et de la famille de l’Italie a également constaté que la COVID-19 a eu de lourdes incidences sur l’emploi des femmes. « Les difficultés rencontrées ont confirmé la nécessité de s’engager contre ces lacunes structurelles », a-t-elle affirmé, souhaitant que le relèvement soit l’occasion d’un « nouveau départ », dans le droit fil de la stratégie européenne pour la parité. Partisane d’une meilleure coopération internationale, la Ministre des services sociaux et du développement urbain des Bahamas a préféré plaider pour davantage d’aide publique au développement afin de permettre aux femmes de participer aux décisions, notamment sur les questions liées aux changement climatiques et aux catastrophes naturelles.
La poursuite de la discussion générale a également été marquée par une importante participation de délégations africaine. Tour à tour les ministres du Rwanda, Kenya, Nigéria, Libéria, Malawi, de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, de Cabo Verde, de la Namibie, mais aussi de la Tunisie, du Maroc et de la Palestine ont présenté les acquis, les obstacles et les futures priorités de leurs gouvernements pour garantir la participation pleine et entière des femmes à la vie publique, ainsi que pour les autonomiser et protéger leurs droits.
Le Rwanda est aujourd’hui chef de file dans le monde avec 63% de femmes qui siègent dans son parlement, 53% de femmes ministres et 43,2% aux postes de haut niveau dans les districts, a annoncé la Ministre. Lui emboîtant le pas, le Nigéria s’est enorgueilli qu’une Nigériane soit à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la première femme à diriger cette organisation, alors que la Tunisie s’est vantée d’occuper pour la deuxième année consécutive la première place en termes de femmes dans la recherche scientifique avec 51,1% de chercheuses.
La Ministre des affaires des femmes du Nigéria a expliqué que la présence de femmes ministres a été significative dans la gestion de la riposte à la pandémie dans son pays. Elle-même et trois autres femmes ministres ont pris en main cette riposte en veillant à donner une attention particulière aux femmes, a-t-elle indiqué. En effet, 74% des femmes en Afrique, comme au Nigéria, sont engagées dans le secteur de l’économie informelle, travaillant comme vendeuses de rue et employées de maison. Elles sont également surreprésentées dans le secteur des services, du tourisme et de l’hôtellerie, et dans l’agriculture de subsistance, tous des secteurs durement frappés par la pandémie, a-t-elle expliqué. De plus, face à la flambée de la violence domestique et des viols qui a accompagné les mesures de confinement, le Nigéria a déclaré l’état d’urgence contre le viol et la violence sexiste.
Toujours en matière de lutte contre la violence sexiste, le Libéria a adopté une loi sur la violence domestique en août 2019 et a lancé une feuille de route « antiviolences sexistes » pour 2020-2022. La Ministre du genre, des enfants et de la protection sociale a également parlé de la création de nouvelles « unités d’inclusion et d’égalité » pour tenir compte de la dimension genre dans la budgétisation de l’État. En Côte d’Ivoire, 68 plateformes de lutte contre les violences sexistes et les viols ont été installées dans plusieurs régions pour la prise en charge des cas, ainsi que 32 bureaux d’accueil et des numéros verts gratuits pour dénoncer les violences faites aux femmes et aux filles.
Compte tenu de l’ampleur du fléau de la violence sexiste, en particulier dans la sphère politique, la Tunisie a appelé à inclure la violence politique dans les différentes conventions internationales pertinentes. La Ministre du genre, du développement des communautés et du bien-être social du Malawi a ajouté à cette liste des impacts disproportionnés de la pandémie sur la déscolarisation des filles et l’augmentation marquée des mariages précoces. Pour y faire face, son pays a d’ailleurs adopté une loi fixant l’âge minimum du mariage à 18 ans.
La Ministre a tenu à rappeler cependant que depuis des siècles, les femmes occupent des rôles de leadership au Malawi aux côtés des hommes. Aujourd’hui, elles représentent 38% des ministres, 23% des parlementaires, 28% des juges et 27% des ambassadeurs et une femme préside l’Assemblée nationale, s’est-elle félicité, tout en concédant que la récente loi fixant un quota de 40% minimum de femmes aux postes élus vise à renforcer davantage la représentation des femmes dans la sphère politique.
La Ministre de la femme, de la famille et de l’enfant de la Côte d’Ivoire est également revenue sur les mesures « affirmatives » pour assurer une présence plus marquée des femmes dans la vie publique, et notamment sur la loi du 14 octobre 2019 sur la représentativité des femmes dans les assemblées élues et son décret d’application du 20 novembre 2020. Ce décret précise que, pour les scrutins uninominaux ou de liste, un minimum de 30% de femmes sur le nombre total de candidats est exigé. Concrètement, il y a eu 210 candidates aux élections législatives du 6 mars 2021 par rapport à 166 en 2016, et la Ministre a dit avoir bon espoir de voir la part des femmes dans la législature passer à au moins 30% contre 11,37% à ce jour.
Au Ghana aussi les femmes entrent de plus en plus dans l’arène politique, a soutenu la Ministre du genre, de l’enfance et de la protection sociale. Elles représentent 29% des ministres, 23% des sous-ministres ou encore 14,5% des députés. En outre, les nominations de haut niveau comprennent le Chef de cabinet du Président et du Secrétaire du cabinet.
Même cas de figure en Tunisie, où ce ne sont pas moins de 50% de femmes qui siègent dans les conseils municipaux et qui doivent figurer sur les listes de candidats de partis politiques pour siéger au Parlement, a expliqué la Ministre des femmes, de la famille et des personnes âgées. Son homologue palestinienne a, quant à elle, annoncé qu’à l’aune des prochaines élections en Palestine, pour la première fois, un quota de 26% de femmes candidates a été fixé par un récent décret. Cabo Verde a lui aussi adopté une loi sur les quotas en octobre 2019 qui fixe à 40% la représentation des femmes sur les listes électorales locales et nationales alors qu’au Cameroun, elles détiennent 21% des portefeuilles ministériels et 12 femmes sont chefs de partis politiques.
Malgré les défis allant du patriarcat, des pratiques traditionnelles néfastes, de la vague incessante de violence contre les femmes et les filles, de la féminisation de la pauvreté et du manque de financement, entre autres, l’Afrique a néanmoins engrangé des progrès significatifs pour démontrer son engagement envers le Programme d’action de Beijing et d’autres cadres comme le protocole de l’Union africaine sur le droit des femmes en Afrique, ont fait valoir nombre des ministres qui sont intervenus ce matin.