ECOSOC: le forum de collaboration multipartite braque les projecteurs sur le potentiel et les risques des technologies de pointe
La conclusion, aujourd’hui, du sixième forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation au service de la réalisation des objectifs de développement durable a été l’occasion de reconnaître le rôle incontestable que jouent les technologies de pointe dans la gestion de la pandémie de COVID-19 et l’appui au développement. Les experts, dignitaires et délégations réunis ont cependant été nombreux à demander une approche proactive pour garantir que leurs avantages soient maximisés, leurs risques atténués, et qu’elles profitent à tous. En outre, la fracture numérique reste un souci majeur pour le monde en développement qui craint d’être marginalisé encore plus à défaut de rattraper ce retard.
C’est en quatre sessions successives que ces questions ont été abordées sous différents angles par les intervenants, chacune d’entre-elles donnant également lieu à une discussion interactive. Organisé sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC), le forum a pour thème, cette année, « science, technologie et innovation au service d’une reprise post-COVID-19 durable et résiliente, et voies efficaces pour une action inclusive en faveur des objectifs de développement durable ».
Pour cadrer les discussions de la journée, le Sous-Secrétaire général chargé du développement économique et Économiste en chef de l’ONU a présenté les conclusions mises à jour du Mécanisme de facilitation des technologies de l’ONU consacrées à l’impact de la rapidité des changements technologiques sur la réalisation des ODD.
La COVID-19 a considérablement amplifié l’importance de la science, de la technologie et de l’innovation pour notre bien-être, « voire même pour notre survie », a déclaré M. Elliott Harris. Il a indiqué que les technologies de pointe ont fait une réelle différence dans la riposte à la COVID-19, citant notamment les applications de suivi des contacts; les simulations de propagation virale sur supercalculateurs; les vaccins à base d’ARNm; ou encore les mégadonnées pour soutenir l’efficacité des politiques.
Préoccupé par le sous-investissement « déroutant » dans la recherche et le développement, l’Économiste en chef a plaidé pour un financement public plus large et plus soutenu de la recherche fondamentale en tant qu’élément essentiel de la stratégie de résilience. Pour ceux qui l’auraient oublié, il a rappelé que les connaissances fondamentales en biotechnologie qui ont rendu possible le développement rapide des vaccins contre la COVID-19 sont le résultat d’années de financement public dans la recherche fondamentale.
Face à l’accélération de la numérisation qui a débouché sur la création de produits et de services entièrement nouveaux avec de nouvelles caractéristiques, de nombreux intervenants ont insisté sur la nécessité d’élaborer des solutions réglementaires et politiques spécifiques, qu’il s’agisse de la réglementation des monnaies numériques ou des plateformes de travail numériques, de l’intelligence artificielle ou des dilemmes éthiques que posent les jumeaux numériques.
« Le rôle des technologies de pointe dans la gestion durable des problèmes de développement est incontestable, mais il faut une politique proactive pour garantir que leurs avantages soient maximisés et leurs risques atténués », a notamment déclaré le Président de la Commission de la science et de la technique au service du développement (CSTD).
Prenant l’exemple de la technologie des chaînes de blocs et des cryptomonnaies, M. Peter Major a indiqué que si ces technologies de pointe font partie de celles qui peuvent avoir un potentiel pour le développement, elles ne sont pas encore pleinement comprises et exploitées. En outre il existe un risque systémique d’activités spéculatives qui créent des bulles d’actifs, a-t-il alerté. L’un des espoirs était que les cryptomonnaies permettent d’accroître l’inclusion financière mais la propriété des cryptomonnaies est très concentrée: 95% des bitcoins sont détenus par seulement 3% de toutes les adresses bitcoins.
De son côté, la Finlande a appelé à élaborer des règles pour encadrer le développement de l’intelligence artificielle. Même s’il existe déjà plusieurs cadres éthiques, il faut aller plus loin pour veiller à ce que l’intelligence artificielle vienne compléter l’intellect humain et non pas le remplacer, a insisté la délégation.
Plusieurs intervenants ont par ailleurs estimé que le Mécanisme de facilitation des technologies doit être renforcé davantage en créant une base de données regroupant les technologies à source ouverte.
Le forum a également entendu le Président de Rikagaku Kenkyūjo (RIKEN) un institut de recherche au Japon, vanter l’impact que pourrait avoir la création de centrales solaires spatiales qui permettraient de produire d’énormes quantités d’énergie solaire et de réduire ainsi le fardeau imposé à l’environnement. « La meilleure façon de prévoir l’avenir, c’est de l’inventer », a notamment affirmé M. Hiroshi Matsumoto.
Session ministérielle « Politiques et initiatives dans les domaines de la science, la technologie et l’innovation au service de la réalisation des objectifs de développement durable - meilleures pratiques et enseignements tirés »
Cette seconde session ministérielle a été l’occasion pour les ministres, dignitaires et délégations de parler des initiatives prises par leur gouvernement pour promouvoir un développement durable par le biais de la science, la technologie et l’innovation.
Le Ministre de la science et de la technologie de la Chine a ainsi indiqué que ces dernières années, le Gouvernement chinois s’est appuyé sur la science, la technologie et l’innovation comme fondement et point de départ pour la promotion du développement durable. La Chine a également mis en œuvre les « trois plans d’action » pour la lutte contre la pollution de l’air, de l’eau et des sols et entend faire montre d’innovation pour parvenir au développement durable, en accélérant notamment le passage au modèle de développement vert. Face à l’épidémie de COVID-19, la Chine a rejoint le Mécanisme COVAX et a ainsi fourni une assistance vaccinale à 80 pays et trois organisations internationales. À ce sujet, le Président du Comité scientifique et de la technologie du Bélarus a indiqué que son pays entend créer son propre vaccin contre la COVID-19 et espère acquérir des capacités techniques pour y parvenir, y compris par le biais de la coopération.
Les collaborations en matière de recherche scientifique sont importantes, a agréé le Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de la Thaïlande. Il a relevé que son gouvernement vient d’introduire l’économie verte circulaire comme modèle, espérant parvenir à un développement durable qui s’appuiera sur les diversités biologique et culturelle de la Thaïlande. La Belgique entend aussi se tourner vers l’économie circulaire qui sera pleinement effective dans le pays d’ici à 2050.
Le Secrétaire à l’innovation d’El Salvador a expliqué que son pays a fait des efforts pour adapter son système éducatif à la réalité de la COVID-19. Ainsi, des ordinateurs sont distribués aux élèves et aux enseignants dans tout le pays. Au Kenya également, a témoigné son Ministre de l’innovation et de la jeunesse, le Gouvernement entend s’assurer que tous les apprenants acquièrent les connaissances et les compétences nécessaires pour promouvoir le développement durable. Un programme d’alphabétisation numérique est déjà mis en œuvre dans 21 638 écoles primaires publiques qui ont reçu du matériel numérique. De même, 31 000 enseignants ont été formés aux technologies de l’information et de la communication.
Il est vrai que la science et la technologie sont des moyens pour les pays en développement de parvenir à un développement durable, a noté le Ministre de la science et de la technologie du Pakistan. Selon lui, il est impératif que tous pays puissent y avoir accès, afin de s’assurer que personne ne soit laissée pour compte. Soucieux de diminuer la fracture numérique à travers le monde, le Ministre d’État de la science et de la technologie du Japon a indiqué que son pays collabore avec des institutions des Nations Unies et des organisations internationales. Un plan sur cinq ans pour parvenir à une « société 5.0 » a également été mis en place. Il faut susciter des investissements dans la recherche et en faveur des technologies vertes afin de parvenir à une croissance juste et équitable, a insisté la Lituanie qui s’est targuée d’être l’un des rares pays d’Europe dont le PIB n’a pas baissé malgré la pandémie. Le Ministre de l’enseignement supérieur de la Zambie a indiqué que son pays entend également bénéficier des technologies par le biais de la coopération internationale. Le pays qui parie sur la science n’a pour autant pas oublié les savoirs endogènes.
Le Ministre de la science, de la technologie et de l’environnement de Cuba a dit que son pays, grâce à la recherche scientifique, compte en ce moment cinq vaccins en phase d’essai contre la COVID-19, dont l’un d’eux concerne les personnes déjà infectées à la COVID-19. Le pays entend partager avec le reste du monde son avancée en la matière, a-t-il promis en rappelant que ces efforts sont menés dans un contexte de blocus économique et financier imposé par les États-Unis. Aux Émirats arabes unis, on parie sur l’innovation dans le secteur agricole et dans le secteur climatique, a déclaré sa Ministre d’État de la technologie. Elle a déploré le fait que depuis le début de la pandémie l’an dernier, l’écart s’est agrandi entre ceux ayant accès à la science et les autres. Pourtant, cette pandémie est l’occasion de faire le bond vers une économie verte, a argué le Ministre des affaires étrangères de la République de Corée. Le pays parie sur la coopération internationale afin de mettre la science, la technologie et l’innovation au service des objectifs de développement durable.
La Vice-Ministre des télécommunications du Chili a parlé d’un plan national d’extension de la technologie 5G afin de renforcer les télécommunications dans le pays. La Chef de Cabinet du Ministre de la science, la technologie et l’innovation de l’Argentine a évoqué la transition énergétique de son pays qui mise désormais sur l’hydrogène comme source d’énergie. En outre, le Gouvernement augmente progressivement le budget de la science, de la technologie et de l’innovation qu’il entend faire passer à 1% du budget national à l’horizon 2032. Comme de nombreuses délégations, les États-Unis ont affirmé que le succès pour les ODD exige de miser sur la science, la technologie et l’innovation. De même, les grands défis mondiaux dépassent les frontières nationales, et aucun pays ne peut traiter de ces questions seul. Les États-Unis ont par exemple annoncé un appui conséquent à l’Inde contre la COVID-19.
Session 5 - Les nouvelles tendances de la science et de la technologie, les défis et les ODD
Avec pour thème « Les nouvelles tendances de la science et de la technologie, les défis et les ODD », la cinquième session du Forum avait pour vocation d’explorer les derniers développements de la science et de la technologie et leurs impacts actuels et potentiels futurs sur le développement durable et les ODD.
Dans un premier temps, le Sous-Secrétaire général chargé du développement économique et Économiste en chef des Nations Unies, M. ELLIOTT HARRIS, a présenté les conclusions mises à jour du Mécanisme de facilitation des technologies de l’ONU sur l’impact de la rapidité des changements technologiques sur la réalisation des ODD. Il a indiqué que la COVID-19 a considérablement amplifié l’importance de la science, de la technologie et de l’innovation pour notre bien-être, « voire même pour notre survie ». Mais la pandémie a également mis en évidence de faibles interfaces entre la politique et la société, et des institutions inefficaces, souvent victimes d’un sous-financement, a-t-il relevé.
La COVID-19 a accéléré la numérisation, avec ses impacts à la fois positifs et négatifs, mais il ne faut pas perdre de vue que 3 milliards de personnes ne sont toujours pas « connectées » dans le monde, et la pandémie n’a fait que creuser les fractures technologiques existantes. Par ailleurs, la crise a accéléré l’innovation dans les médicaments, les vaccins, la biotechnologie, les technologies numériques et l’intelligence artificielle. Les découvertes scientifiques et les collaborations se sont accélérées et de nouvelles façons de fournir des services se sont multipliées. Il ne fait aucun de doute que notre système d’innovation prépandémique fonctionnait bien en deçà de son potentiel réel, mais qu’il peut être « boosté » en temps de crise. Cependant il ne faut pas perdre de vue la coopération internationale dans la recherche et le développement et les milliards de dollars en financement public qui ont été investis dans les « plateformes vaccinales », la technologie de l’ARNm et l’apprentissage en ligne massif. Par conséquent, ces retours doivent également être largement accessibles au public, a martelé M. Harris.
Le stimulus financier de la pandémie a été énorme, mais il n’est pas encore concentré sur des mesures à long terme pour assurer une reprise verte, durable, axée sur la recherche et le développement et la technologie centrée sur l’homme, a poursuivi l’Économiste en chef, pour qui le sous-investissement en recherche et développement est « déroutant ». Il n’a pas manqué de relever que les technologies de pointe ont fait une réelle différence dans la riposte à la COVID-19 en citant notamment les applications de suivi des contacts; la science spatiale; les simulations de propagation virale sur supercalculateurs; les tests PCR; les vaccins à base d’ARNm; les anticorps synthétiques à l’échelle nanométrique ou encore les mégadonnées pour soutenir l’efficacité des politiques.
Le financement public de la recherche fondamentale doit être considérablement élargi et soutenu comme un élément essentiel de notre stratégie de résilience, a martelé l’Économiste en chef qui a souligné que les connaissances fondamentales en biotechnologie qui ont rendu possible le développement rapide des vaccins contre la COVID-19 étaient le résultat d’années de financement public pour la recherche fondamentale.
Regardant vers l’avenir, M. Harris a souhaité que la campagne massive pour les vaccins contre la COVID-19 soit reproduite pour 20 maladies tropicales négligées qui continuent d’affecter un milliard de personnes. Il faut également se pencher sans tarder sur la question de l’accès aux vaccins. M. Harris a également relevé que la profonde transformation du paradigme techno-économique mondial en cours vers une économie mondiale plus verte, crée de nouvelles fenêtres d’opportunités, y compris pour des emplois. Il a appelé à veiller à ce que cette transition soit bien gérée, juste, équitable et inclusive. Des données équitables, des algorithmes transparents et une architecture fiable sont également essentiels, a-t-il ajouté
Par ailleurs, la numérisation a débouché sur la création de produits et de services entièrement nouveaux avec de nouvelles caractéristiques qui nécessitent des solutions réglementaires et politiques spécifiques. Il a notamment évoqué les dilemmes éthiques des jumeaux numériques ainsi que la réglementation des monnaies numériques et des plateformes de travail numériques. L’intelligence artificielle (IA) est également omniprésente dans de nombreux pays - à l’insu de beaucoup- alors que des milliards de personnes restent toujours exclues de ses avantages. Les performances et les applications de l’IA se développent à des taux exponentiels, avec des implications importantes pour les objectifs de développement durable, a noté M. Harris.
Le Mécanisme a également mis l’accent sur les nombreuses technologies de pointe compatibles avec l'environnement qui pourraient être déployées à travers le monde et le potentiel inexploité d’innovations numériques grand public dans les domaines de la mobilité, de l’alimentation, du bâtiment et des services énergétiques. « Le changement scientifique et technologique rapide est parmi nous, et il ne disparaîtra pas », a conclu M. Harris. Alors que le « choc COVID-19 » a forcé un réexamen de pratiquement tout ce que nous faisons, les conclusions actualisées du Mécanisme doivent encore être affinées grâce aux discussions de ce forum et au-delà, a-t-il souhaité.
M. PETER MAJOR, Président de la Commission de la science et de la technique au service du développement (CSTD) a indiqué que l’un des thèmes prioritaires de la CSTD cette année est l’exploitation de la chaine de blocs au service du développement durable. Il s’agit d’une technologie de pointe dont le potentiel pour le développement doit encore être pleinement compris et exploité, a reconnu M. Major, qui a ensuite cité certains exemples où la chaîne de blocs contribue aux ODD.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a créé Building Blocks, une plateforme de livraison de bons qui permet de simplifier les transactions en supprimant la nécessité de créer des comptes de garde virtuels avec les prestataires de services financiers. L’initiative a bénéficié à 700 000 personnes en 2020. Un autre exemple est le Projet Connect de l’UNICEF qui utilise la technologie des chaînes de blocs pour cartographier les école dans le monde et fournir des données en temps réel sur la qualité de la connectivité Internet dans chacune d’entre elles.
La Commission a également mis en évidence certains défis à surmonter pour garantir que la chaîne de blocs contribue au développement durable. L’un des espoirs était que les cryptomonnaies permettent d’accroître l’inclusion financière mais, a concédé M. Major, actuellement, la propriété des cryptomonnaies est très concentrée: 95% des bitcoins sont détenus par seulement 3% de toutes les adresses bitcoins.
Dans l’ensemble, les technologies de pointe dans les secteurs de la santé, de la finance ou d’autres secteurs sont très prometteuses pour soutenir le développement durable, a-t-il avancé, mais elles peuvent également générer des risques, avec des implications pour la résilience des institutions sociales, culturelles et politiques. Ces risques doivent donc être tempérés et contrôlés autant que possible. Il a cité le cas de « ’infodémie » - la surabondance d’informations médicales inexactes en ligne qui affectent l’accès à des conseils fiables sur la COVID-19. Pour ce qui est de la technologie des chaînes de blocs et des cryptomonnaies, M. Major a mis en garde contre le risque systémique des activités spéculatives qui créent des bulles d’actifs.
Dans le cadre des progrès réalisés dans la mise en œuvre et le suivi des résultats du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), la Commission continue de suivre les tendances récentes dans les domaines critiques liés à l’économie numérique. Elle s’inquiète notamment de l’impact de la fracture numérique sur le développement. Le rôle des technologies de pointe dans la gestion durable des problèmes de développement est incontestable, mais il faut une politique proactive pour garantir que leurs avantages soient maximisés et leurs risques atténués, a-t-il affirmé.
Mme WILHELMINA QUAYE, Directrice du Science and Technology Policy Research Institute (CSIR), du Ghana, a indiqué que le Ghana faisait partie, aux côtés de l’Éthiopie, de l’Inde, du Kenya et de la Serbie, d’un groupe de cinq pays choisis pour participer à un programme pilote sur l’utilisation de la science, de la technologie et de l’innovation et la réalisation des ODD qui a été lancé en juillet 2019 par l’équipe de travail interinstitutions de l’ONU. Un guide conjoint a ensuite été élaboré pour appuyer la création de feuilles de route nationales. Elle a indiqué que la feuille de route du Ghana, avait permis de passer en revue l’état actuel de la science, la technologie et l’innovation dans le pays en ce qui concerne les capacités institutionnelles, les ressources humaines, ainsi que les programmes et politiques de recherche et développement. Parmi les objectifs spécifiques, la panéliste a cité l’élaboration de stratégies, programmes et projets pour accélérer la réalisation des ODD prioritaires; la création d’un budget, le financement, l’établissement de partenariats, l’élaboration d’une stratégie de communication ainsi que la conception d’un système de suivi et d’évaluation.
Pour ce qui est des leçons tirées de cet exercice, Mme Quaye a mis l’accent sur l’importance de la hiérarchisation des ODD pour assurer une utilisation efficace des ressources et la facilité du suivi des résultats. Une participation politique de haut niveau et l’engagement des parties prenantes sont également essentielles. Elle a aussi évoqué le rôle du secteur privé, des jeunes et de la société civile. L’analyse de la situation au Ghana comportait notamment un chapitre dédié aux jeunes et aux innovations locales. Il s’agit d’identifier les principaux obstacles au développement et au transfert de technologie et d’innovation pour la création d’emplois, a-t-elle expliqué. Elle a insisté sur l’importance de disposer d’indicateurs spécifiques, mesurables, réalisables, pertinents et limités dans le temps (SMART) pour garantir que la science, la technologie et l’innovation accélèrent la réalisation des ODD prioritaires. La mobilisation des ressources pour la recherche et le renforcement des capacités nécessite une évaluation appropriée des coûts des activités, projets et programmes de la feuille de route pour pouvoir obtenir des résultats percutants.
M. HIROSHI MATSUMOTO, Président de Rikagaku Kenkyūjo (RIKEN) un institut de recherche au Japon, a insisté d’emblée sur l’impératif d’une vision partagée de « où va l’humanité » et d’effectuer les recherches sur cette base. Plutôt que de simplement travailler à rendre les systèmes énergétiques actuels plus efficaces, il a préconisé l’expansion de « l’humanosphère » à l’espace extra-atmosphérique afin d’y obtenir d’énormes quantités d’énergie solaire et de réduire ainsi le fardeau que nous imposons à l’environnement. Selon lui, les Space Solar Power Systems (SSPS) permettraient de parvenir à une vie plus sûre et plus pratique sans laisser personne de côté. Il a placé son discours dans le contexte de la tragédie de Fukushima et de l’impératif du Japon de réduire sa dépendance à l’énergie nucléaire.
Reprenant les propos d’un chercheur à l’université de Stanford qui a dit que « la meilleure façon de prévoir l’avenir, c’est de l’inventer », M. Matsumoto a estimé que les chercheurs et scientifiques dans les domaines des sciences, de la technologie et de l’innovation doivent veiller à ce qu’elles contribuent positivement à l’avenir. Pour renforcer l’innovation, a-t-il ajouté, il faut encourager davantage de collaboration entre les chercheurs en sciences naturelles et en sciences humaines afin d’intégrer cette philosophie dans le système d’innovation. Cela s’applique autant à la réalisation des ODD qu’aux réponses face aux crises comme celle de la COVID-19, a-t-il estimé.
Discussion interactive
La discussion interactive qui a suivi a été l’occasion pour certaines délégations et l’Union internationale des télécommunications (IUT) de détailler comment la science, la technologie et l’innovation sont mises au service du développement durable. Ainsi la République dominicaine a parlé d’un projet pilote pour la création de villes intelligentes et de la création de l’identité numérique « qui sera très utile dans le domaine de la santé ». Les Philippines ont parlé de leur centre de fabrication avancée, ou « AMCen », qui est le principal centre de recherche du pays dans le domaine de la 3D innovante. Un réseau d’universités et d’entreprises privées promeut également la fabrication de pointe dans les petites, moyennes et grandes entreprises du pays.
De son côté, la Finlande a insisté sur l’impératif d’un développement socialement responsable des technologies et des sociétés. Alors que les progrès de l’intelligence artificielle sont indéniables, tout le monde doit bénéficier de ses retombées, a insisté la délégation qui a appelé à élaborer des règles pour entourer le développement de l’intelligence artificielle. Même s’il existe déjà plusieurs cadres éthiques, il faut aller plus loin pour veiller à ce que l’intelligence artificielle vienne compléter l’intellect humain et non pas le remplacer, a ajouté la Finlande en faisant référence à la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle.
Session 6: renforcer les capacités nationales par le biais du Mécanisme de facilitation des technologies
Première panéliste à intervenir, Mme YULIIA BEZVERSHENKO, Directeur générale du Directorat sur la science et l’innovation, Ministère de l’éducation et des sciences de l’Ukraine, a dit la détermination de son pays à réaliser le Programme 2030, en particulier dans son volet science, technologie et innovation. Elle a néanmoins admis le manque d’intérêt du secteur privé, ainsi que des ressources financières et des investissements insuffisants. Les nouvelles priorités nationales en la matière seront bientôt dévoilées, le Ministère menant en ce moment des consultations, y compris avec les milieux universitaires et les ONG. Elle a mentionné la participation de son pays à un séminaire en ligne, dans le cadre du Mécanisme de facilitation des technologies, sur les renforcements des capacités qu’elle a jugé très utile. Elle a souligné l’importance dudit renforcement pour réaliser les ODD.
Mme SAMIA CHARFI KADDOUR, Directrice générale de la recherche scientifique, Ministère de l’éducation supérieure et de la recherche scientifique de la Tunisie, a indiqué que dans son pays, les filles comme les garçons ont accès à une éducation scientifique supérieure. La Tunisie occupe une place unique en cela dans le monde arabe, s’est-elle félicitée. La Tunisie est engagée dans plusieurs partenariats sur la science, la technologie et l’innovation, notamment en ce qui concerne la gestion de l’eau. Elle a dit la détermination de son pays de réaliser le Programme 2030, avant de détailler la feuille de route sur la science, la technologie et l’innovation suivie par la Tunisie. Enfin, elle a indiqué que son pays suit un modèle de « spécialisation intelligente » en vue de réaliser les ODD.
Mme CYNTHIA ASARE BEDIAKO, Directrice en chef, Ministère de l’environnement, des sciences, des technologies et de l’innovation du Ghana, a indiqué que son pays avait donné la priorité à certains ODD dont l’élimination de la pauvreté, la santé ou bien encore les infrastructures. Elle a plaidé pour une harmonisation des cadres dans le domaine de la science, la technologie et l’innovation, mettant en garde contre une certaine « lassitude » qui pourrait entraver les efforts. Elle a indiqué que son pays a finalisé une première mouture de sa feuille de route dans ce domaine, en remédiant aux lacunes qui avaient été signalées. Elle a indiqué que la principale difficulté dans l’application de ladite feuille de route est d’ordre financier. Cette feuille de route doit maintenant être incluse dans le budget, a-t-elle conclu.
Cette lancinante insuffisance de ressources financières a été évoquée à plusieurs reprises lors du débat interactif tant par le Guatemala que par les représentants de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et de l’Université de Dublin. « Le manque de financements est un obstacle dans la mise en œuvre des feuilles de route dans ce domaine », a déclaré la CNUCED. La mission guatémaltèque a demandé une diminution des frais d’envois de fonds et a rappelé que les coopérations triangulaire et Sud-Sud ne sauraient remplacer la coopération Nord-Sud.
D’autres intervenants ont détaillé l’aide apportée en vue du renforcement des capacités des pays en développement dans le domaine de la science, la technologie et l’innovation. La Chine accueille ainsi un séminaire qui bénéficie chaque année à plus de 100 participants venus de 30 pays en développement. Le Japon, qui a salué les progrès du Mécanisme et ceux accomplis dans l’élaboration des feuilles de route, a indiqué qu’il appuie 30 pays africains dans le domaine de la recherche scientifique, en particulier les mathématiques. Enfin, l’UNESCO a déclaré contribuer au renforcement des capacités des pays de manière équitable et juste. Notre aide va dans le sens du Mécanisme, a conclu l’UNESCO.
Session 7:Tenir ses promesses pendant la Décennie d’action pour la réalisation du Programme 2030 et de ses objectifs de développement durables: prochaines étapes pour le Mécanisme de facilitation des technologies et ses partenaires
Cette dernière session, animée par M. RAMÓN LÓPEZ-PORTILLO ROMANO du Groupe des 10 du Mécanisme de facilitation des technologies, a permis de présenter un certain nombre d’initiatives du monde entier qui soutiennent l’approche scientifique, axée sur les solutions multipartites et collaboratives du Mécanisme. L’un des éléments du Mécanisme évoqués est sa plateforme en ligne 2030 Connect qui connecte les chercheurs de technologie et les fournisseurs, et qui entend fonctionner comme une plateforme ouverte de connexion des différentes bases de données.
La Princesse SUMAYA BINT EL HASSAN, Présidente de la Royal Scientific Society de la Jordanie, a ouvert le débat en affirmant que la science, la technologie et l’innovation sont aujourd’hui plus que jamais importantes pour parvenir au développement durable. Il faut donc donner la possibilité à tous de contribuer et de bénéficier de la science et de la technologie. Il faut également veiller à ce que les plus vulnérables soient connectés. La pandémie a tiré la sonnette d’alarme et nous devons maintenant nous réveiller, a—t-elle affirmé, plaidant également pour l’usage de la science et la technologie pour combler les inégalités à travers le monde.
M. DIRK FRANSAER, Directeur général de l’Institut flamand de recherche technologique (VITO), a souligné que l’innovation en soi ne suffit pas et que son succès n’est possible que dans des écosystèmes favorables. Il a parlé de l’initiative G-STIC qui regroupe plusieurs partenaires utilisant des solutions technologiques en vue de réaliser les ODD. Il a plaidé pour des financements appropriés afin de vulgariser ces technologies. À titre d’exemple, il a indiqué que l’on peut utiliser des technologies vertes pour recycler des eaux usées et résoudre ainsi plusieurs problèmes sociaux. On peut aussi séquestrer le gaz carbonique et le retransformer en matériaux de construction, permettant dans le même temps de lutter contre les changements climatiques, a-t-il fait observer.
M. JOSHUA M. PEARCE, professeur de génie électrique et informatique à la Michigan Technological University, a mis l’accent sur les applications numériques à source ouverte. Il a expliqué comment cette approche a aidé dans la lutte contre la COVID-19, des millions de produits ayant pu être fabriqués à travers le monde grâce au partage des technologies à source ouverte afin de pallier les pénuries de produits nécessaires pour lutter contre la pandémie. Il a souhaité que l’ONU crée une base de données sur les technologies à source ouverte qui serait disponible aux utilisateurs dans le monde entier.
En la matière, le Japon a souhaité que le Mécanisme de facilitation des technologies puisse guider ce partage planétaire. L’accessibilité aux technologies est effectivement essentielle pour les pays en développement, a renchéri le Mexique. De toutes les façons, a argué Mme SHAMILA NAIR-BEDOUELLE, Sous-Directrice générale pour les sciences naturelles à l’UNESCO, c’est la science qui est le fil rouge entre tous les ODD. Il faut donc garantir que tous aient accès aux technologies et à la science. Elle a souhaité que des évaluations soient faites en cas de transfert des technologies, afin d’en mesurer l’impact sur le terrain.
Parlant de la situation dans les pays, la Commission économique pour l’Afrique (CEA) a évoqué les 643 centres d’incubations technologiques qu’elle soutient en Afrique, tandis que l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) a mentionné ses appels à propositions qui ont permis de recueillir 1 100 idées d’innovations à travers le monde. L’organisation n’entends pas en rester là, tout comme le Département des affaires économiques et sociales (DAES) qui compte poursuivre son action de mise en relation des divers acteurs technologiques du monde.
Dans ses remarques de clôture, le Président de l’ECOSOC, M. MUNIR AKRAM s’est réjoui de l’intensité des débats des deux derniers jours et de nombreuses recommandations qui ont été formulées. Ces débats ont aussi porté sur les lacunes et les inégalités entre pays et comment la communauté internationale peut aider à les dépasser, a noté M. Akram. Il a convenu que le Mécanisme de facilitation des technologies doit être renforcé davantage en créant notamment une base de données regroupant les technologies à source ouverte. Il a également insisté sur l’impératif d’investir dans les infrastructures permettant de réduire le fossé numérique et de faciliter les transferts de technologie.