ECOSOC/7043

ECOSOC: le sixième forum sur la science, la technologie et l’innovation débat d’une reprise post-COVID-19 durable en vue de réaliser le Programme 2030

Dans son message au sixième forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation au service de la réalisation des objectifs de développement durable, le Secrétaire général de l’ONU a appelé à exploiter tout le potentiel de la science et de la technologie au profit de tous et partout, notant que la pandémie de COVID-19 a révélé comme jamais auparavant l’importance de la science, de la technologie et de l’innovation pour notre bien-être et notre survie.   

Placé sur le thème « science, technologie et innovation au service d’une reprise post-COVID-19 durable et résiliente, et voies efficaces pour une action inclusive en faveur des objectifs de développement durable », le forum s’est ouvert aujourd’hui, sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC). 

Dans un message lu par la Sous-Secrétaire générale à la coordination des politiques et aux affaires interorganisations, M. António Guterres a indiqué que la crise sanitaire actuelle a accru l’innovation dans les médicaments et les technologies de communication numérique.   Les découvertes scientifiques et les collaborations se sont accélérées et de nouvelles façons de fournir des services se sont également multipliées.   Malheureusement, a-t-il constaté, des milliards de personnes restent presque entièrement exclues des avantages de la révolution de l’information et de la technologie, en particulier ces trois milliards de gens sans accès à l’Internet, dont la plupart sont des femmes.   Selon lui, la coopération multipartite demeure la clef qui va aider à atteindre les objectifs de développement durable, lutter contre les changements climatiques, mettre fin aux crises de la biodiversité et de la pollution et relever nos autres défis communs. 

Un élargissement de l’accès aux technologies numériques favoriserait une accélération dans la réalisation du Programme 2030, a renchéri le Président de l’Assemblée générale, M. Volkan Bozkir, pour qui il est « évident » que le relèvement post-COVID-19 doit être numérique.  M. Rajiv Shah de la RockfellerFoundation a toutefois alerté des risques d’un monde à deux vitesses entre les pays prêts à aller de l’avant après la pandémie et ceux condamnés à en subir les conséquences.  Il faut donner à des millions de personnes les moyens technologiques de leur autonomisation, et c’est dans cette optique que la Fondation entend lancer une plateforme de coopération afin de tirer parti des  dernières avancées en énergie solaire et en intelligence artificielle pour promouvoir la transition énergétique et lutter contre les changements climatiques en fournissant une électricité fiable à un milliard de personnes dans le monde. 

Plusieurs orateurs ont en outre relevé que les innovations, y compris dans la lutte contre la COVID-19, se heurtent à la question des droits de la propriété intellectuelle, à l’instar du Président de l’ECOSOC qui a appelé à revoir le régime de propriété intellectuelle, « parce que cela peut favoriser ou être une entrave au développement ».   M. Munir Akram a constaté, de plus, que les pénuries de financement et l’absence des technologies modernes ont fait reculer les pays en développement sur la voie de la réalisation des objectifs de développement durable.    Pourtant, la science est l’élément clef dans le règlement de la crise sanitaire et de la crise climatique, a souligné le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Liu Zhenmin.  C’est pour tirer parti des bénéfices de la science, de la technologie et de l’innovation que Mme Julie Makani, enseignante et chercheuse à la Muhimbili University of Health and Allied Sciences, en Tanzanie, a rappelé que l’une des leçons les plus importantes qui a été tirée de la pandémie de COVID-19 est la reconnaissance de la valeur des partenariats multipartites. 

Le sixième forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation poursuivra ses travaux demain, mercredi 5 mai, à 9 heures. 

Plaçant le débat dans le contexte actuel, M. MUNIR AKRAM, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé que c’est grâce à la science, la technologie et l’innovation que le code génétique du coronavirus a pu être séquencé et diffusé aux scientifiques du monde entier en un temps record.  Alors que la pandémie a fait ressortir de grandes inégalités entre le monde développé et le monde en développement, notamment pour ce qui est de l’accès et de l’utilisation des technologies modernes, M.  Akram a constaté que les pénuries de financement et l’absence de ces technologies modernes ont fait reculer les pays en développement sur la voie de la réalisation des objectifs de développement durable.  

Afin de mettre la science, la technologie et l’innovation au service de la relève postpandémie et de la réduction des inégalités entre pays développés et pays en développement, M. Akram a appelé à revoir le régime de propriété intellectuelle, « parce que cela peut favoriser ou être une entrave au développement ».  Le Président de l’ECOSOC a également appelé à mettre à contribution le concept de science ouverte au service de toute l’humanité.  Le développement récent de vaccins montre que la science peut réagir rapidement et donner lieu à des percées rapides, a-t-il constaté.  Mais, dans le même temps, force est de constater que dans les pays les plus pauvres seuls 19% de la population sont connectés à Internet.  Il faudra des investissements et beaucoup de détermination politique pour combler ce fossé numérique, a-t-il indiqué. 

M. VOLKAN BOZKIR, Président de l’Assemblée générale, a indiqué que le fossé numérique ne cesse de se creuser et qu’il ne saurait y avoir de développement durable sans y remédier.  Plus de la moitié de la population mondiale seulement utilise Internet, mais ce pourcentage chute à 19% dans les pays les moins développés.  Et il y a une autre inégalité au sein de cette inégalité, puisque les femmes et les filles ont 25% moins de chance que les hommes de savoir utiliser Internet à des fins basiques.  Il a affirmé qu’un élargissement de l’accès aux technologies numériques serait une accélération dans la réalisation du Programme 2030.  Si nous voulons un moyen aisé et rapide d’accélérer, c’en est un, a déclaré le Président.  « Il est temps d’agir. »  Il a estimé à 400 milliards de dollars la somme requise pour que trois milliards de personnes aient accès à Internet à large bande passante d’ici à 2030, dont 100 milliards pour l’Afrique.  Notant que des milliers de milliards de dollars sont en train de financer les plans de riposte et de relèvement après la pandémie dans le monde, il a estimé qu’au vu du ratio coûts bénéfices de la numérisation, il est évident que le relèvement post-COVID-19 doit être numérique.  « Cela bénéficiera à tous », a-t-il affirmé.  Les économies bénéficieront de la création de nouveaux secteurs et marchés; une main-d’œuvre mieux formée et équipée créera de nouveaux moyens de subsistance; et la disponibilité de données sur tout, des conditions du sol à la montée de la mer, aidera les décideurs et les praticiens à concevoir des efforts de conservation de l’environnement. 

M. RAJIV SHAH, The Rockefeller Foundation, a mentionné le projet de sa fondation consistant à équiper en panneaux solaires des villages en Inde à des fins de production d’électricité.  Il a rappelé que depuis le début de la pandémie les 2  200 milliardaires que compte le monde se sont enrichis de 2 000 milliards de dollars tandis que 560 millions de personnes ont sombré dans la pauvreté.  

Il a pointé le risque d’un monde à deux vitesses entre les pays prêts à aller de l’avant après la pandémie et ceux condamnés à en subir les conséquences.  Notre objectif doit être d’éliminer les vulnérabilités qui ont rendu cette crise si dévastatrice et faire des changements climatiques un élément si destructeur, a dit M. Shah.  Cela signifie donner à des millions de personnes les moyens technologiques de leur autonomisation, a-t-il affirmé.  Il a rappelé que trop souvent ce sont les personnes les plus riches et les mieux introduites qui ont bénéficié des percées scientifiques et technologiques, avant que les autres n’en touchent les dividendes. 

Les pays à faible revenu n’ont reçu pour l’instant que 0,5% des vaccins dans le monde, a-t-il déploré.  Il a mis en garde contre une prolongation de la pandémie dans les pays en développement et son cortège d’infections et de morts comme en Inde.  « Nous allons avoir besoin de milliards de vaccins. »  Pour répondre à cette demande, il a plaidé pour un élargissement de l’offre.  Cela sera possible grâce à de nouvelles approches en termes de propriété intellectuelle, à des investissements dans les transferts de technologie, à une amélioration des pratiques de production et à des financements de long terme, a argué M. Shah.  Il a souhaité que le débat actuel sur les droits de propriété intellectuelle soit plus nuancé et mette l’accent sur les considérations de santé publique de long terme.  

Il a plaidé pour de nouveaux biens publics mondiaux, en particulier pour combattre la crise climatique.  « Nous avons besoin d’investissements dans les technologies d’énergie renouvelable qui permettront de rester compétitifs dans l’économie mondiale à un coût moitié moins élevé par rapport à l’énergie carbone. »  Il a indiqué que sa fondation prend des mesures énergiques pour aider à la fourniture de tels biens publics mondiaux.  La fondation va ainsi investir un milliard de dollars dans les trois prochaines années, pour mettre notamment en place un institut de prévention des pandémies afin d’empêcher que des foyers de maladie infectieuse ne se transforment en pandémie.  Plus tard dans l’année, à la COP-26 à Glasgow, nous comptons lancer une plateforme de coopération afin de tirer parti des dernières avancées en énergie solaire et en intelligence artificielle pour promouvoir la transition climatique et fournir une électricité fiable à un milliard de personnes dans le monde, a conclu M. Shah. 

Mme MARIA-FRANCESCA SPATOLISANO, Sous-Secrétaire générale à la coordination des politiques et aux affaires interorganisations, a prononcé le discours du Secrétaire général, M. ANTÓNIO GUTERRES. 

Dans son message au Forum, le Secrétaire général a déclaré que la pandémie de COVID-19 a révélé comme jamais auparavant l’importance de la science, de la technologie et de l’innovation pour notre bien-être et notre survie.  Non seulement nous avons vu un vaccin livré en un temps record, mais la crise a également accru l’innovation dans les médicaments et les technologies de communication numérique.  Les découvertes scientifiques et les collaborations se sont accélérées et de nouvelles façons de fournir des services se sont multipliées.  Selon le Secrétaire général, ces avancées sont prometteuses pour les défis collectifs au-delà de la COVID-19, notamment pour faire face aux perturbations climatiques, réduire les inégalités, dont la fracture numérique, et mettre un terme à notre guerre contre la nature. 

Cependant, aujourd’hui, des milliards de personnes restent presque entièrement exclues des avantages de la révolution de l’information et de la technologie, en particulier les plus de trois milliards de personnes sans accès à l’Internet, dont la plupart sont des femmes.  Malheureusement, la pandémie de COVID-19 a exacerbé la fracture numérique et technologique, a-t-il constaté.  Selon M. Guterres, il est essentiel que nous travaillions ensemble, au-delà des frontières, des secteurs et des disciplines, pour que la science et la technologie fonctionnent pour tous.  La coopération multipartite restera la clef, nous aidant à atteindre les objectifs de développement durable, à lutter contre les changements climatiques, à mettre fin aux crises de la biodiversité et de la pollution et à relever nos autres défis communs.  Le Mécanisme de facilitation des technologies de l’ONU est conçu pour promouvoir la collaboration multipartite sur les progrès technologiques, a-t-il expliqué.  Il en va de même pour la feuille de route pour la coopération numérique qui a été lancée l’année dernière.  Le Secrétaire général a dit compter sur le Forum pour faire progresser la vision de cette feuille de route qui entend exploiter tout le potentiel de la science et de la technologie au profit de tous, partout dans le monde. 

Mme JULIE MAKANI, professeure et chercheuse principale du programme sur la drépanocytose à Muhimbili University of Health and Allied Sciences, Tanzanie, a axé son intervention sur deux maladies: la COVID-19, maladie virale infectieuse qui a été décrite pour la première fois il y a un peu plus d'un an et qui a conduit à une pandémie mondiale qui a changé la face du monde; et la drépanocytose, une maladie génétique héréditaire non transmissible qui a été décrite pour la première fois il y a 100 ans.  Bien que ces deux maladies soient différentes, il y a un apprentissage à tirer dans l'approche scientifique pour les prévenir, contrôler et gérer.  Elle a souligné le potentiel qu’il y a à traduire les progrès de la recherche en génomique et de la science biomédicale en tests de diagnostic, traitements et remèdes accessibles pour ces deux maladies.  Elle a plaidé en faveur d’une approche intégrée en santé et science, axée sur la santé publique et les soins de santé spécialisés, et pour des approches basées sur le gène pour le diagnostic et le traitement.  Pour y arriver, il faut développer des partenariats multipartites, a-t-elle affirmé.  

Estimant que les soins de santé primaires et tertiaires doivent être considérés comme faisant partie d’un tout, elle a déploré que de nombreux pays d’Afrique ont dû prioriser l’un aux dépens de l’autre.  Elle a indiqué avoir opté, dans le cadre de son travail de développement des soins de santé pour la drépanocytose en Afrique, pour une approche intégrée qui commence avec des soins de santé complets disponibles dans la communauté et dans les établissements de soins de santé primaires avec un système de référence robuste qui permet aux personnes atteintes de drépanocytose d’accéder à des soins de santé spécialisés, y compris les transfusions sanguines et les greffes de la moelle osseuse.  Cette approche est soutenue par plusieurs réseaux et consortiums, notamment la Coalition mondiale contre la drépanocytose.  

La pandémie de COVID-19 nous a ensuite forcés à intégrer en quelques mois cette leçon simple, a-t-elle enchaîné.  Les pays doivent disposer de systèmes de santé intégrés fonctionnels.  Les spécialistes de la santé publique doivent être en mesure de tester, de tracer et d’isoler les individus tout en mettant en œuvre des mesures strictes pour prévenir et contrôler les infections.  Dans le même temps, pour les patients qui ont développé une maladie grave, les hôpitaux, à tous les niveaux de soins, devaient avoir les moyens de fournir des services spécialisés, y compris des soins intensifs et des ventilateurs. 

Voyant un potentiel énorme dans les diagnostics et traitements basés sur les gènes, Mme Makani a brossé un tableau des différentes initiatives visant à permettre à l’Afrique d’en tirer parti, notamment l’initiative appelée Human Heredity and health in Africa (H3Africa) qui a été lancée en 2010.  Elle a relevé que les préoccupations soulevées au sujet des interventions contre la COVID-19 sont similaires aux obstacles rencontrés pour mettre en place des thérapies géniques pour la drépanocytose en Afrique: la cherté, le manque d’infrastructure et l’absence de cadre régulateur, entre autres. 

Mme Makani a dit qu’avec un investissement adéquat, versé directement aux institutions et aux scientifiques en Afrique, il sera possible d’établir des capacités en génomique et en science des données.  D’autre part, elle est d’avis que les plateformes existantes peuvent être utilisées à la fois en cas d’épidémies et pour les thérapies géniques.  Citant à titre d’exemple l’ACEGID au Nigéria qui a été le premier centre en Afrique à séquencer le virus SRAS-COV-2, elle a estimé que le continent doit utiliser ces plateformes pour participer à la recherche et mener des essais de thérapie génique pour guérir la drépanocytose et le VIH.  « Je veux que nous puissions donner à un individu à Dar es-Salaam, les meilleurs soins de santé possibles qui seraient similaires aux soins que je donnerais, si je me trouvais dans une clinique à Londres ou à New York. »

Une des leçons des plus importantes qui a été tirée de la pandémie de COVID-19 est la reconnaissance de la valeur des partenariats multipartites, a-t-elle poursuivi.  Nous avons vu ce qui peut être réalisé si les gens travaillent ensemble et nous avons vu le rôle déterminant qu’ont joué les partenariats et les investissements dans le développement, la production et la distribution rapides du vaccin contre la COVID-19.  Elle a espéré que la communauté scientifique saura reconnaître la nécessité d’élargir son cercle de partenaires.  « Nous ne pouvons simplement pas rester dans nos tours d’ivoire. . 

Session 1: Science, technologie et innovation – les enseignements tirés de la pandémie de COVID-19 

Cette première session interactive du Forum a permis d’explorer les enseignements tirés de la pandémie de COVID-19 dans l’optique d’une meilleure interface science-politique-société, une reprise résiliente, durable et inclusive, et des solutions rapides aux défis mondiaux.  Tout simplement, il était question de voir comment se servir de la pandémie pour l’avenir, a résumé le modérateur de la session, M. VAUGHAN TUREKIAN de l’Académie des sciences des États-Unis.  La pandémie n’est pas apparue tout d’un coup, a d’emblée expliqué M. JEREMY JAMES FARRAR.  Pour le Directeur du « Wellcome Trust », une fondation caritative axée sur la recherche en santé basée à Londres, il y avait déjà des signes prémonitoires depuis près de 20 ans.  Il a appelé à renforcer le partenariat public-privé afin d’investir dans la science sur le long terme et mieux se prémunir d’autres pandémies. 

Mme NÍSIA VERONICA TRINDALE LIMA, Présidente de la Fondation Oswaldo Cruz du Brésil, a pour sa part déploré le fait que la pandémie soit venue exacerber les inégalités qui pourtant étaient en baisse à travers le monde.  Comme leçon à tirer de cette pandémie, elle a souhaité que la science et la technologie soient résolument mises au service de la lutte contre les inégalités, dont l’une des plus importante est justement l’accès aux connaissances scientifiques.  Ces connaissances ont été largement diffusées au cours de la première année de la pandémie, a expliqué M. ULRIK VESTERGAARD KNUDSEN, Vice-Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  Il a constaté que plus de 75 000 publications sur la COVID-19 ont été rendues publiques l’an dernier, avant de plaider pour des mécanismes internationaux de collaboration plus élaborés.  Si la pandémie avait frappé il y a 20 ans, elle aurait été plus dévastatrice et le télétravail ou la télémédecine auraient été impossibles, a-t-il fait observer. 

A contrario, Mme DINA DELLYANA a constaté que durant la pandémie, il s’est trouvé de nombreuses personnes qui ne pouvaient utiliser les technologies du numérique.  C’est pourquoi le « Global Center of Excellence and International Cooperation for creative Economy » qu’elle coordonne s’évertue à renforcer les capacités des plus vulnérables en gestion des données ou en marketing numérique par exemple.  La Fédération de Russie a dit avoir aussi créé des services virtuels durant la pandémie et être parvenue à développer un vaccin.  Au vu de l’importance grandissante de l’Internet en temps de pandémie, la délégation a plaidé pour que sa gestion soit plus transparente et « internationalisée ».  Pour la Finlande, une crise comme la pandémie actuelle nécessite une multitude de connaissances.  D’où l’importance de mettre en commun les connaissances produites par différents pays et différentes disciplines.  C’est ce que nous faisons depuis déjà 75 ans, a renchéri l’UNESCO qui s’est inquiétée de voir que de nombreux décideurs ont fait fi des recommandations de la science dans la gestion de la pandémie.  Elle a recommandé davantage d’investissements sur le long terme dans les domaines scientifiques.  Et pour les pays n’ayant pas les capacités nécessaires, l’UNESCO leur a proposé de mutualiser leurs ressources. 

Session ministérielle « Politiques et initiatives dans les domaines de la science, la technologie et linnovation au service de la réalisation des objectifs de développement durable - meilleures pratiques et enseignements tiré» 

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a ouvert cette session ministérielle en rappelant que la science est l’élément clef dans le règlement de la crise sanitaire et de la crise climatique.  Il a souligné l’importance des perspectives ouvertes par les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, tout en relevant que celles-ci ne vont pas sans susciter des préoccupations.  Il faut canaliser ces évolutions au service de la réalisation du Programme 2030, a déclaré M. Zhenmin.  « Ensemble, nous pouvons faire en sorte que ce Programme devienne réalité. »

La réalisation dudit Programme qui sera un élément essentiel dans le règlement de la crise climatique, a souligné l’Union européenne qui entend être le premier continent décarbonisé d’ici à 2050.  De son côté, la Ministre des technologies et de l’innovation de la Colombie a indiqué que son ministère vise à faire de la Colombie un pays de la connaissance, plus juste et équitable.  Il vise aussi à remédier à l’inégalité entre les sexes dans le domaine scientifique.  Elle a mentionné le lancement de la mission « bio-économie » pour préserver la biodiversité.  La Ministre des sciences et de la culture de la Finlande a noté l’importance clef des compétences dans le domaine du développement durable et plaidé pour des investissements dans les sciences et technologies.  La Finlande aide au renforcement des capacités des pays en développement et décerne par ailleurs un prix pour les innovations améliorant le bien-être social.  Enfin, elle a souligné l’attachement de son pays à la liberté universitaire.  Le Ministre des sciences et de la technologie de l’Inde a rappelé que son pays est un membre incontournable dans les coalitions mondiales de recherche de vaccins et a demandé à l’OMS une suspension des droits de propriété intellectuelle relatifs aux vaccins contre la COVID-19.  Son homologue des Philippines a loué l’apport de la technologie dans la lutte contre la COVID-19, s’agissant notamment de sa détection via des kits spécifiques.  Le Ministre des sciences et de la technologie de la République dominicaine a souhaité que la riposte mondiale à la pandémie s’appuie sur la science et l’innovation.  Il a plaidé pour un droit d’accès à une éducation supérieure et une reprise des enseignements en présentiel, lorsque cela est possible.  «  Nous continuerons d’œuvrer à une éducation supérieure de qualité. »

Session 2 - «Des voies efficaces vers les ODD: la science, la technologie et l’information pour mettre fin à la pauvreté et à la faim, améliorer le bien-être humain et renforcer la résilience» 

M. MOHAMED H.A. HASSAN, Président de l’Académie mondiale des sciences (TWAS) et Président de l’Académie nationale des sciences du Soudan (SNAS) a mis l’accent sur les systèmes alimentaires à l’aune du prochain Sommet mondial sur cette question.  Il ne fait aucun doute que le rôle des innovations scientifiques et technologiques est essentiel, mais cela doit s’accompagner d’innovations sociale pour réellement parvenir à la transformation des systèmes alimentaires.  Alors que la bioscience permet déjà de créer des aliments plus nutritifs ou améliorer les récoltes, il faut assurer la possibilité aux agriculteurs d’avoir accès à ces nouvelles technologies comme les applications des satellites, la robotique et l’intelligence artificielle.  Or, leur application reste limitée dans les pays à faible revenus, a regretté M. Hassan qui a plaidé pour que tous les pays puissent bénéficier des moyens d’optimisation des systèmes alimentaires.  M. Hassan a espéré que l’introduction de nouvelles technologies permettra d’attirer des jeunes vers le secteur agricole dans les pays en développement notamment.  Il a parlé de décarbonisation, de protection des sols, d’énergie verte et de renforcement l’interface entre la science et la politique en appelant à allouer au moins 1% du PNB agricole à la recherche.  Il a aussi appelé à inclure les femmes dans ces processus et à les former aux nouvelles technologies parce qu’elles produisent plus de 50% des aliments à l’échelle mondiale. 

Mme CAROLINA BOTERO CABRERA, Directrice de la Fondation Karisma, en Colombie, a souligné que la numérisation des programmes sociaux est un processus qui a commencé avant la pandémie.  Il n’est pas nouveau que les crises poussent à l’innovation, a-t-elle constaté.  La vraie question est de savoir comment tirer parti de la technologie et des innovations déployées par les gouvernements en termes de programmes sociaux de manière à ce qu’ils aient un impact positif durable sur les populations vulnérables.  Notant que la technologie ne peut pas résoudre des problèmes complexes comme la pauvreté et la paix, elle a souligné que les technologies ne sont que des moyens, et que tout résultat positif dépend des programmes sociaux dans lesquels elles sont utilisées. 

Alors que dans le contexte de la crise de la COVID-19, les gouvernements étaient dans l’obligation de fournir des ressources à tous ceux qui en avaient besoin le plus rapidement possible, les technologies numériques et de multiples innovations dans le secteur financier ont pu leur offrir les moyens de le faire.  Cependant, a-t-elle relevé, de nombreux gouvernements ont utilisé des systèmes de base de données pour limiter la portée des interventions créant ainsi des barrières.  Pour Mme Cabrera, la marge est étroite entre l’utilisation des innovations et des technologies à des fins de renfoncement des systèmes de protection sociale au profit des populations ou pour perpétuer « la longue histoire de l’injustice sociale ».  Il faut veiller à ce que les technologies et les innovations permettent d’apporter des réponses rapides et efficaces, et qu’elles ne soient pas utilisées pour limiter l'impact positif sur la vie des millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté.  Les nouvelles technologies, a-t-elle ajouté, doivent devenir des outils pour mettre en place des programmes sociaux qui ont une incidence positive sur les groupes vulnérables. 

Il est temps d’avoir une réflexion de fond sur la manière dont la science est développée et appliquée, a estimé pour sa part M. PETER GLUCKMAN, Président élu du Conseil scientifique international, qui a déclaré qu’il faut à tout prix éviter de revenir au « comme avant » et faire en sorte que les disciplines de la connaissance, les sciences naturelles, sociales et des données et les sciences humaines normatives soient au cœur du progrès.  La science a été le héros du développement des vaccins, et pourtant, les processus politiques ont interféré avec la meilleure utilisation des connaissances disponibles, a déploré l’intervenant.  Le système multilatéral a été étonnamment inefficace, et nous sommes à des années de trouver une réponse aux problèmes sociaux, financiers, politiques et multilatéraux que la pandémie a révélés. 

À ses yeux, le système scientifique actuel est largement composé d'agendas et d'incitations disparates et ne dispose d’aucun mécanisme réel pour identifier les priorités et les actions clefs pour permettre à la science de régler ces problèmes.  Il a dénoncé le fait que les recherches les plus nécessaires ne soient ni systématiquement identifiées, ni soutenues, ainsi que la limite des fonds destinés à la recherche.  Les gouvernements, les bailleurs de fonds scientifiques et la communauté scientifique doivent, selon lui, convenir d’une nouvelle approche.  M. Gluckman a aussi pointé l’absence d’analyse stratégique pour déterminer les priorités, le manque de ressources et la promotion de la concurrence plutôt que de la collaboration.  Il a appelé à un investissement plus important dans tout un éventail de sciences sociales, et à promouvoir la recherche transdisciplinaire ainsi que des approches systémiques.  Il a également signalé que s’il existe déjà de nombreuses technologies capables de réduire, par exemple, l'impact des gaz à effet de serre sur la biodiversité, ce sont souvent des considérations sociales qui freinent ces percées: comment obtenir le soutien de la société, comment dépasser les contraintes du marché à court terme, ou encore comment changer les systèmes d'approvisionnement alimentaire. 

« Nous avons besoin des meilleurs penseurs du monde pour identifier conjointement les questions pour lesquelles une approche scientifique collective est urgente, définir les lacunes dans les connaissances et les technologies, et soutenir les approches transdisciplinaires », a-t-il conclu. 

Lors de la discussion interactive qui a suivi, la plupart des délégations ont expliqué comment leur gouvernement font appel à la science et la technologie pour répondre aux exigences du bien-être de tous et lutter contre la pauvreté et la faim.  Ainsi les Philippines ont indiqué avoir élaboré le Enhanced Nutribun, un pain à base de courge riche en vitamine A et en fer, qui a été distribué dans le cadre de programmes alimentaires pendant le confinement et d'autres situations d'urgence. 

La Finlande, qui a dit attacher une grande importance à la science ouverte, célèbre en 2021, l'Année de la connaissance basée sur la recherche à l'échelle nationale.  L’objectif est d’augmenter la visibilité des différentes sources de connaissances, y compris les statistiques, les rapports et les analyses, et de mettre en évidence la nature fondamentale de la connaissance.  Partant du principe que les ODD sont basés sur la connaissance et que leur réalisation dépend en partie de nouvelles connaissances et de progrès scientifiques, la délégation a estimé qu’il est de la responsabilité de la société d'apporter des connaissances scientifiques et technologiques à la fois aux décideurs et à la société en général. 

L’impératif est de permettre aux pays en développement de disposer de technologies pour les aider à réaliser les objectifs de développement durable, a estimé à son tour le Bangladesh qui a par ailleurs appelé à créer un contexte propice à l’émancipation des femmes pour qu’elles puissent participer à la quatrième révolution industrielle.  Mais aujourd’hui, la plus grande priorité reste l’accès universel aux vaccins contre la COVID-19 et cela signifie qu’il faut en faire des biens publics et partager leurs technologies pour que tous les pays puissent en produire, a exigé la délégation. 

Pour le représentant du grand groupe des enfants et des jeunes, les solutions élaborées sur la base de la science, la technologie et l’information doivent tenir compte du contexte local et nécessiteront un dialogue intergénérationnel plus large.  Toutes les parties prenantes devraient participer à la conceptualisation, au développement et au déploiement de ces solutions. 

Enfin, le Programme alimentaire mondial (PAM) a rappelé que 690 millions de personnes se couchent tous les soirs avec le ventre creux et qu’il est peu probable que l’on puisse y remédier d’ici à 2030, alors que 34 millions de personnes sont menacées de famine cette année.  Dans le cadre de ses 80 projets dans 46 pays, le PAM a dit utiliser la technologie des chaînes de bloques pour venir en aide à 100 millions de personnes.  Il a ouvert un centre d’innovation au Kenya et un prochain le sera en Colombie.  Le PAM s’appuie pour cela sur son accélérateur des innovations, qui est basé à Munich, et pour lequel le Gouvernement allemand vient de débloquer un financement supplémentaire de 21 millions d’euros sur cinq ans, s’est félicitée la délégation.  La délégation de l’Allemagne s’est en effet dite impressionnée par l’impact de cet accélérateur à la fois pour réduire les coûts opérationnels du PAM et optimiser ses programmes. 

Session 3: Des voies effectives vers les ODD: la science, la technologie et l’innovation pour transformer les économies vers plus d’équité, de durabilité et d’action climatique 

Mme JOYEETA GUPTA, professeur, IHE Delft Institute, a déclaré que la paix avec la nature passe par une redéfinition de la croissance économique, le modèle actuel laissant les entreprises empocher les bénéfices des innovations tout en en externalisant le risque.  « Il faut changer de modèle. »  Elle a insisté sur l’importance de la transition énergétique, tout en rappelant l’ampleur des investissements actuels dans le secteur de l’énergie fossile.  Beaucoup de gens riches ne veulent pas renoncer à leurs investissements, a-t-elle regretté.  Elle a enfin souhaité que la croissance économique ne soit plus calculée sur la seule base du PIB et appelé à remédier à la dérèglementation. 

M. WILLIAM LEE, Université nationale autonome du Mexique, a donné la définition d’une bonne politique scientifique en appui d’une société plus durable, équitable et résiliente d’un point de vue climatique.  Il a tout d’abord prôné une décentralisation dans la prise de décisions, tout en admettant qu’il est souvent tentant de la centraliser.  Mais ce n’est pas une bonne idée, eu égard à la complexité des enjeux, a-t-il affirmé.  M. Lee a ensuite plaidé pour une éducation scientifique des filles, celles-ci étant souvent oubliées de l’effort éducatif dans ce domaine.  Enfin, il a souligné l’importance d’un climat de paix et de stabilité pour la science, la technologie et l’innovation. 

À son tour, Mme NATSAI AUDREY CHIEZA, Présidente de Faber Futures, a insisté sur l’importance cruciale des programmes de formation afin que chacun puisse toucher les dividendes de la transition technologique.  Ces bénéfices doivent être répartis équitablement, les personnes les plus marginalisées ne devant pas être oubliées.  Elle a enfin prôné des modèles durables de consommation. 

Au cours de la discussion qui a suivi, les Philippines ont indiqué avoir recours à des données satellites pour prévoir les catastrophes naturelles, dont les inondations, illustrant ainsi les apports de la science, de la technologie et de l’innovation pour bâtir des communautés plus résilientes.  La délégation a également insisté sur l’importance que toute la société en son ensemble touche les dividendes technologiques.  Plus globalement, le Guatemala a demandé des critères allant au-delà du seul revenu par habitant pour évaluer les vulnérabilités des pays et débloquer une aide internationale.  Il a demandé la réduction des frais d’envoi de fonds et rappelé que les coopérations Sud-Sud et triangulaire ne sauraient remplacer la coopération Nord-Sud.  De son côté, la Finlande a insisté sur l’importance d’une interaction forte entre scientifiques et politiques quant à la prise de décisions, tout en ajoutant qu’un élément essentiel est la forte confiance qu’ont les citoyens envers les institutions, ce qui est le cas en Finlande. 

Si elle a reconnu la nécessité d’une transition climatique, la Fédération de Russie a mis en garde contre l’imposition d’un seul modèle en la matière et appelé à prendre en compte les spécificités des pays.  Enfin, la Division de l'espace extra-atmosphérique de l’ONU a rappelé l’importance des satellites dans la collecte de données environnementales fiables et transparentes.  Plus de 70% des modèles de prévision climatique utilisent des données satellitaires, a-t-elle notamment fait savoir. 

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