En cours au Siège de l'ONU

Vingtième session,
1re séance plénière – après-midi
DH/5458

L’Instance permanente sur les questions autochtones ouvre sa session de 2021

L’Instance permanente sur les questions autochtones a donné, cet après-midi, le coup d’envoi des travaux de sa vingtième session, l’occasion pour le Secrétaire général de s’alarmer de l’« aggravation spectaculaire » des violences et des attaques visant les dirigeants autochtones et les défenseurs des droits des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources. 

Alors que cette session annuelle porte sur le thème « Paix, justice et institutions solides: le rôle des peuples autochtones dans la réalisation de l’objectif 16 de développement durable », M. António Guterres a appelé à faire davantage pour favoriser des lois et des politiques inclusives et participatives ainsi que des institutions fortes et responsables qui assurent la justice pour toutes et tous. 

Faisant le lien entre développement durable et lutte contre l’impunité et contre la violence, la Présidente de l’Instance a souligné que la réalisation de l’ODD 16 nécessite d’assurer la sécurité personnelle et le respect des droits humains fondamentaux des peuples autochtones tels que le droit de ne pas être soumis à la violence, à la peur et à la discrimination. 

Mme Anne Nuorgam s’est déclarée particulièrement préoccupée par la violence contre les femmes et les filles autochtones, notamment en Amérique du Nord, ainsi que contre les défenseurs des droits humains autochtones et de l’environnement, signalant qu’au moins 331 défenseurs des droits humains ont été tués en 2020, dont les deux tiers, a-t-elle précisé, travaillaient sur les droits environnementaux et les droits des peuples autochtones.  Elle a également décrié la persistance de l’impunité pour la majorité de ces crimes ainsi que la criminalisation de plus en plus fréquente, par les gouvernements, des activités des organisations de peuples autochtones. 

Au moment où le monde commence à se remettre de la pandémie de COVID-19 et que l’on parle de « reconstruire en mieux », les peuples autochtones doivent avoir voix au chapitre dans toutes les décisions qui les concernent.  Cela signifie, a estimé la Présidente de l’Instance, reconnaître le droit des peuples autochtones à l’autodétermination et leurs droits collectifs sur les terres, les territoires, les ressources et les connaissances. 

« Dans les plans de relèvement, il faut garantir des processus décisionnels réactifs, inclusifs, participatifs et représentatifs qui facilitent l’engagement total des peuples autochtones », a demandé le Président de l’Assemblée générale, M. Volkan Bozkir, qui a rappelé que les peuples autochtones sont les gardiens de plus de 80% de la biodiversité du monde. 

Dans une déclaration lue en son nom, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales a alerté, de son côté, de l’impact dévastateur de la pandémie de COVID-19 sur les peuples autochtones.  L’accès à la vaccination et à des services de santé adaptés à la culture et dispensés dans les langues autochtones est très limité, a notamment regretté M. Liu Zhenmin qui a en outre relevé que l’état d’urgence aggrave la marginalisation des peuples autochtones.  

Lui emboitant le pas, le Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC) a souhaité que les peuples autochtones soient associés à la conception des stratégies et des campagnes de vaccination et souligné que tout vaccin contre la COVID-19 doit être administré sur la base du consentement préalable, libre et éclairé de la personne qui le reçoit.  M. Juan Sandoval Mendiolea a également souhaité que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones serve de guide pour se remettre de la pandémie et de ses conséquences.  

Le lancement des travaux de l’Instance a également été marqué par l’intervention de la Secrétaire de l’intérieur des États-Unis, Mme Deb Haaland, première personne autochtone à accéder à ce poste.  Intervenant par visioconférence depuis les terres ancestrales des peuples anacostan et piscataway, Mme Haaland a appelé à tirer les leçons de la résilience et la vision du monde autochtone afin de gérer les terres, les eaux et les ressources.   

Elle a également fait savoir que l’Administration Biden a décidé d’utiliser des solutions fondées sur la nature pour conserver 30% de terres et eaux des États-Unis d’ici à 2030 et de prendre soin de « tous les peuples autochtones, de leurs terres, de leurs langues, de leur patrimoine culturel et de leurs espaces sacrés ».  En outre, tout le poids du Gouvernement fédéral sera placé dans une unité interministérielle et interinstitutions sur les personnes disparues et assassinées. 

« Face au chaos, face à l’effondrement civilisationnel provoqué par le modèle de développement doctrinal capitaliste, colonialiste et religieux », le Vice-Président de la Bolivie, M. David Choquehuanca Cespedes, a vanté les modes de vie harmonieux des autochtones et espéré que la prochaine Décennie internationale des langues autochtones (2022-2032) sera l’occasion de propager la pensée communautaire des peuples autochtones. 

On retiendra également l’intervention du Ministre des affaires étrangères de la Finlande, M. Pekka Haavi, qui a salué la mise en place de commissions vérité et réconciliation pour enquêter sur les injustices historiques dont souffrent les peuples autochtones.  

Après avoir entendu un mot d’accueil en langue autochtone par le chef traditionnel de la nation Onondaga, M. Tadodaho Sid Hill, l’Instance a élu par acclamation Mme Anne Nurogam à la présidence de sa vingtième session et adopté l’ordre du jouir et l’organisation des travaux.  

À l’issue de la cérémonie d’ouverture, qui s’est déroulée en présentiel, l’Instance s’est penchée sur une étude consacrée à l’autonomie des peuples autochtones. 

Créée en juillet 2000, après deux décennies de négociations, l’Instance est le principal forum visant à sensibiliser la communauté internationale sur la situation des quelque 370 millions d’autochtones qui vivent dans environ 90 pays et figurent parmi les individus les plus pauvres et marginalisés de la planète. 

Elle poursuivra ses travaux demain, mardi 20 avril 2021, à partir de 9 heures.                                             

DÉBAT SUR LE THÈME « PAIX, JUSTICE ET INSTITUTIONS SOLIDES: LE RÔLE DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA RÉALISATION DE L’OBJECTIF DE DÉVELOPPEMENT DURABLE »

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que les populations autochtones, qui ne représentent que 6,2% de la population mondiale, comptent pour l’essentiel de la diversité culturelle dans le monde et pour la majorité des langues parlées aujourd’hui.  Pourtant, ils sont aussi trois fois plus susceptibles de vivre dans l’extrême pauvreté, et leurs langues et leurs cultures sont constamment menacées, a-t-il déploré. 

Le Secrétaire général s’est particulièrement inquiété de la situation des femmes et des filles autochtones, relevant que celles-ci sont exposées à des risques de violence bien plus grands et à des taux de mortalité maternelle et infantile qui sont disproportionnellement élevés.  Il a également alerté que les peuples autochtones ont été particulièrement touchés par la pandémie de COVID-19. « Déjà vulnérables, ils courent le risque d’être encore plus laissés de côté », s’est-il inquiété.  Alors que le monde s’emploie à se relever de la pandémie, le Secrétaire général a appelé à donner la priorité à l’inclusion et à un développement durable qui protège chacun et chacune et bénéficie à toutes et tous.

M. Guterres a par ailleurs déploré une aggravation spectaculaire des violences et des attaques visant les dirigeants autochtones et les femmes et les hommes qui défendent les droits des peuples autochtones sur leur terre, leurs territoires et leurs ressources.  Il a appelé à faire davantage pour favoriser des lois et des politiques inclusives et participatives ainsi que des institutions fortes et responsables qui assurent la justice pour toutes et tous.  Nous devons faire appliquer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a insisté le Secrétaire général.  Et pour que leurs droits soient respectés, il faut leur assurer une participation véritable et égale ainsi qu’une pleine inclusion et leur donner les moyens de réaliser leur potentiel. 

M. VOLKAN BOZKIR, Président de l’Assemblée générale, a indiqué que la pandémie de COVID-19 a été particulièrement difficile pour les peuples autochtones qui souffrent déjà de problèmes de santé récurrents, de pauvreté et d’insécurité alimentaire.  Il a appelé à distribuer les vaccins d’une manière culturellement appropriée et d’atteindre les personnes les plus vulnérables ainsi que les plus âgées.  Sinon, nous risquons de perdre les aînés qui défendent les traditions, les cultures et les langues, a-t-il indiqué, notant que dans certaines communautés, les personnes âgées sont les derniers locuteurs de langues menacées. 

M. Bozkir a appelé à garantir des processus décisionnels réactifs, inclusifs, participatifs et représentatifs dans les plans de relèvement afin de faciliter l’engagement total des peuples autochtones.  Il faut aussi s’attaquer à l’impact que la fermeture des marchés et la perturbation de l’écotourisme ont eu sur les peuples autochtones et mobiliser les communautés autochtones qui sont plus à risque de contracter des maladies infectieuses émergentes suite à la destruction des écosystèmes par des industries extractives et les changements climatiques.  Pour faire face à la crise climatique, nous devons impliquer les peuples autochtones qui sont les gardiens de plus de 80% de notre biodiversité dans le monde, a encore exhorté M. Bozkir.  

Le Président de l’Assemblée générale a appelé à mobiliser les femmes autochtones qui subissent un taux plus élevé de violence sexuelle et sexiste et qui ont moins accès à l’éducation, à l’emploi et à la justice que les autres femmes.  Compte tenu de la migration croissante des peuples autochtones vers les zones urbaines, il a également encouragé les décideurs politiques dans les zones urbaines à permettre la réalisation des droits individuels et collectifs, y compris le droit à l’autonomie, le maintien de l’identité, ainsi que la création d’un travail décent adapté à la culture autochtone.  C’est la clef de la réalisation d’un développement durable et autonome dans l’environnement urbain, a estimé M. Bozkir. 

Il a ensuite fait observer que l’ODD 16 représente les aspirations initiales des fondateurs de l’ONU, qui avaient entrepris de créer un système multilatéral fondé sur la paix, la justice, des institutions fortes et l’égalité de dignité et de valeur de chaque personne.  Soixante-quinze ans après, nous devons nous réengager envers ces principes en y incluant la voix de ceux qui, depuis trop longtemps, ont été réduits au silence. 

En sa qualité de Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique), a déclaré que la pandémie a eu un impact disproportionné sur les peuples autochtones du monde entier en exacerbant la pauvreté, les inégalités et les vulnérabilités préexistantes.  La pandémie a également affecté leurs moyens de subsistance, leur sécurité alimentaire et leur mobilité.  Notant en outre que la pandémie a exacerbé la violence et les inégalités entre les sexes, il a exhorté les États, les communautés et les organisations de la société civile à lutter contre la violence sexuelle et sexiste et à œuvrer à autonomiser les femmes et les filles autochtones.  Il a également souhaité que les peuples autochtones soient associés à la conception des stratégies et des campagnes de vaccination et souligné que tout vaccin contre la COVID-19 doit être administré sur la base du consentement préalable, libre et éclairé de la personne qui le reçoit. 

Poursuivant, M. Mendiolea a affirmé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones doivent servir de guide pour se remettre de la pandémie et de ses conséquences.  En ce sens, il a jugé essentiel que les peuples autochtones participent à toutes les étapes de la conception, de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques.  Il a par ailleurs estimé que les discussions de l’Instance permanente autour de l’ODD 16 seront extrêmement utiles aux réflexions du Forum politique de haut niveau qui se tiendra en juillet pour examiner le relèvement durable et résilient après la pandémie de COVID-19.

Mme ANNE NUORGAM, Présidente de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, a indiqué que cette session aurait pour thème « Paix, justice et institutions fortes: le rôle des peuples autochtones dans la mise en œuvre de l’objectif 16 de développement durable ».  Le but de l’ODD 16, a-t-elle rappelé, est de promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable, de fournir un accès à la justice pour tous et de créer des institutions efficaces, responsables et inclusives à tous les niveaux.  C’est un objectif ambitieux, a-t-elle reconnu, avouant avoir « du pain sur la planche ces deux prochaines semaines ».  L’Instance permanente doit en effet engager un dialogue constructif entre les peuples autochtones, les États Membres et les agences de l’ONU sur ce qui doit être fait pour créer des sociétés plus pacifiques et plus justes, garantir l’accès à la justice pour tous et créer des institutions efficaces, responsables et inclusives. 

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones indique clairement que les peuples autochtones ont des droits individuels et collectifs, a souligné la Présidente de l’Instance permanente.  Bien que ces droits soient énoncés très clairement, bien trop souvent, les peuples autochtones du monde entier continuent de subir de graves violations de leurs droits de l’homme individuels et de leurs droits collectifs en tant que peuples.  « Nos terres continuent de nous être enlevées pour l’exploitation minière, l’exploitation forestière, l’exploration pétrolière et gazière, l’agriculture industrielle et la réalisation de projets d’infrastructure à grande échelle », a-t-elle constaté.  « Nous continuons d’être déplacés de nos territoires ancestraux, ce qui cause des dommages irréparables aux moyens de subsistance, aux cultures, aux langues et aux vies. »  Parfois, a-t-elle ajouté, ces agressions sont commises par les forces de l’État ou des milices privées.  Souvent elles le sont « par une combinaison des deux ». 

Pour Mme Nuorgam, la paix et la sécurité ne peuvent être réalisées sans la pleine reconnaissance des droits des peuples autochtones.  Bien que l’on trouve des exemples où les États et les peuples autochtones se sont engagés de manière constructive pour élaborer des accords de paix, comme au Guatemala et en Colombie, la mise en œuvre de ces accords a trop souvent fait défaut et les peuples autochtones continuent de souffrir de violence et de marginalisation, a-t-elle observé.  Pourtant, l’absence de mise en œuvre de ces accords « n’est pas la faute des peuples autochtones ».  Tout au contraire, a insisté la Présidente de l’Instance permanente, ces peuples sont des partenaires constructifs dans le maintien de la paix et de la sécurité. 

À cet égard, a-t-elle poursuivi, la réalisation de l’ODD 16 n’implique pas seulement la prévention des conflits.  Elle nécessite également d’assurer la sécurité personnelle et le respect de nos droits humains fondamentaux tels que le droit de ne pas être soumis à la violence, à la peur et à la discrimination.  Mme Nuorgam s’est déclarée particulièrement préoccupée par la violence contre les femmes et les filles autochtones.  En Amérique du Nord, c’est un tel problème qu’il y a maintenant un acronyme pour cela, qui signifie « femmes autochtones assassinées et disparues ».  Au Canada, a-t-elle également indiqué, il existe une route qui porte le nom des dizaines de femmes qui ont été assassinées le long de son tracé.  «  Cela dit quelque chose sur nos sociétés et nos priorités que de tels crimes odieux soient si courants et commis avec une telle impunité », a-t-elle relevé, ajoutant que la violence contre les femmes et les filles autochtones ne se limite pas seulement à l’Amérique du Nord.  « C’est un problème partout, y compris dans mon pays d’origine, Sapmi, ainsi qu’en Afrique, en Asie et en Amérique latine. » 

Dans cette optique, Mme Nuorgam a salué la création, par la Secrétaire de l’intérieur américaine, Mme Deb Haaland, d’une nouvelle unité des disparus et assassinés au sein du Bureau des affaires indiennes du Département de l’intérieur des États-Unis.  Elle a dit qu’elle suivrait avec intérêt les progrès de cette unité, affirmant vouloir coopérer avec Mme Haaland, première responsable gouvernemental amérindien de l’histoire des États-Unis, pour faire progresser les droits des peuples autochtones dans le monde. 

La violence contre les droits humains autochtones et les défenseurs de l’environnement est une autre préoccupation majeure, a-t-elle encore indiqué, avant de rappeler qu’au moins 331 défenseurs des droits humains ont été tués en 2020, dont les deux tiers travaillaient sur les droits environnementaux et les droits des peuples autochtones.  La plupart de ces meurtres ont eu lieu dans une poignée de pays, la Colombie représentant plus de la moitié des cas, tandis qu’un nombre alarmant a été enregistré aux Philippines, au Brésil, au Mexique, au Honduras et au Guatemala.  « Comme dans le cas des femmes autochtones assassinées, nous constatons l’impunité pour l’écrasante majorité de ces crimes », a déploré Mme Nuorgam.  Alors que les gouvernements criminalisent de plus en plus les activités des organisations de peuples autochtones et utilisent la législation antiterroriste pour délégitimer leur activisme en faveur des droits de l’homme, elle a constaté une forte augmentation de la violence contre les défenseurs des droits de l’homme autochtones.  « Cela doit cesser », a-t-elle martelé, jugeant que ces actions constituent des violations manifestes du droit international des droits de l’homme et rendent nos sociétés moins stables, moins sûres et moins égales. 

Au moment où le monde commence à se remettre de la pandémie de COVID-19, on parle de « reconstruire en mieux », tout en luttant contre les changements climatiques et les graves inégalités mises en évidence par la crise.  Si nous voulons y parvenir, a soutenu la Présidente de l’Instance permanente, les peuples autochtones doivent avoir voix au chapitre dans toutes les décisions qui les concernent.  Cela signifie, selon elle, reconnaître le droit des peuples autochtones à l’autodétermination et leurs droits collectifs sur les terres, les territoires, les ressources et les connaissances.  « Ces droits doivent être respectés, tant au niveau national qu’international », a-t-elle conclu, non sans souhaiter que le Président de l’Assemblée générale nomme bientôt des facilitateurs des États Membres et des peuples autochtones pour renforcer la participation des peuples autochtones au système des Nations Unies. 

Au nom de M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. ELLIOTT HARRIS, Sous-Secrétaire général chargé du développement économique et Économiste en chef, a indiqué que le thème de cette session « paix, justice et institutions fortes » (ODD 16) vise à promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable; l’accès à la justice pour tous; et la création d’institutions efficaces, responsables et inclusives.  Ces objectifs englobent des questions importantes pour les peuples autochtones comme l’accès à une justice non discriminatoire, le respect du principe du consentement libre, préalable et éclairé, la reconnaissance des institutions et de la participation autochtones, et leurs droits sur les terres, les territoires et les ressources. 

Le haut responsable a ensuite fait savoir qu’un appel à l’action avait été adopté au mois de novembre dernier pour promouvoir le plan d’action à l’échelle du système des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2015.  Cet appel porte notamment sur la nécessité de reconstruire en mieux après la pandémie de COVID-19.  Il met en lumière la discrimination à l’égard des femmes et des enfants autochtones; les questions relatives aux droits fonciers; et l’augmentation des conflits et des représailles contre les défenseurs autochtones des droits humains.  L’appel souligne en outre l’importance de la participation des peuples autochtones au processus décisionnel et reconnaît que ces derniers sont des partenaires indispensables pour réaliser les objectifs de développement durable et lutter contre les changements climatiques. 

Pour appuyer cet appel, a-t-il fait savoir, l’ONU mettra l’accent sur l’augmentation de la participation des peuples autochtones aux processus des Nations Unies; le renforcement de l’assistance technique et financière pour soutenir les droits des peuples autochtones; et l’appui à la mise en œuvre du plan d’action à l’échelle du système au niveau des pays. 

Poursuivant, le haut responsable a indiqué que l’impact dévastateur de la pandémie de COVID-19 sur les peuples autochtones va au-delà de la menace pour la santé.  L’accès à la vaccination et à des services de santé adaptés à la culture et dispensés dans les langues autochtones est très limité, a-t-il regretté.  De plus, l’état d’urgence aggrave la marginalisation des peuples autochtones qui ne participent aux réponses politiques à la pandémie que dans un nombre limité de pays.  Dans d’autres, les consultations avec les peuples autochtones et les études d’impact environnemental ont été suspendues du fait de la pandémie, a-t-il déploré.  Il a ensuite salué la contribution du Canada, de l’Estonie, du Danemark et de la Finlande au Fonds d’affectation spéciale à l’appui des questions autochtones en 2020. 

M. DAVID CHOQUEHUANCA CÉSPEDES, Vice-Président de la Bolivie, a déclaré que les peuples autochtones ont en commun le respect de leurs lieux sacrés, de la sagesse de leurs ancêtres, de leur terre nourricière, de leur culture et de la vie.  Savoir guérir, savoir écouter, savoir se nourrir, savoir danser, savoir communiquer ses connaissances sont les priorités des peuples autochtones qui parcourent toujours les montagnes, les océans, et la Terre nourricière, a-t-il indiqué.  « Pour nous, peuples originels du monde, il est précieux de participer à ce Forum pour faire entendre les différentes identités, tisser la paix dans le monde et créer la justice pour garantir le bien-être de nos peuples. » 

« Face au chaos, face à l’effondrement civilisationnel provoqué par le modèle de développement doctrinal capitaliste, colonialiste et religieux », le Vice-Président de la Bolivie a vanté les modes de vie harmonieux des peuples autochtones qui pensent et agissent dans le respect de la vie.  Dans le souci de préserver ces modes de vie, il a exigé que les États respectent les engagements pris pour respecter les droits humains, les droits des peuples autochtones et les droits de la terre nourricière. 

M. Choquehuanca Céspedes a appelé à diluer les « égoïsmes » et à cesser de détruire l’environnement.  « Nous ne pouvons pas continuer de polluer ou de tuer nos rivières, notre air, nos forêts et nos océans », a-t-il ajouté avant d’appeler à mettre fin à la persécution, à l’emprisonnement et au meurtre des défenseurs de la terre nourricière.  Après avoir accusé le capitalisme d’être responsable de l’existence de la pauvreté et de la crise qui traverse le monde, le Vice-Président de la Bolivie a espéré que la Décennie internationale des langues autochtones (2022-2032) sera l’occasion de propager la pensée des peuples autochtones. 

M. PEKKA HAAVISTO, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, a jugé que le thème retenu pour cette vingtième session de l’Instance permanente est particulièrement approprié en cette époque d’incertitude due à la pandémie de COVID-19 et à l’accélération des changements climatiques.  Á ses yeux, le Programme 2030 est une réussite remarquable et doit guider nos politiques, de même que l’Accord de Paris sur le climat.  « Nous, les États Membres, nous sommes engagés à ce que personne ne soit laissé pour compte.  Nous nous sommes engagés à améliorer le bien-être et les droits des peuples autochtones, conformément à la Déclaration sur les droits des peuples autochtones », a-t-il rappelé.  

Il a constaté que les changements climatiques et des bouleversements à grande échelle des conditions météorologiques ont eu des effets néfastes sur les populations autochtones.  En effet, la dégradation des terres et la perte de biodiversité menacent les cultures autochtones, notamment l’élevage de rennes dans l’Arctique ou encore l’élaboration de traitements traditionnels dans la forêt tropicale.  Le risque existe donc que la pandémie actuelle rende les peuples autochtones encore plus vulnérables, a-t-il averti. 

Pour M. Haavisto, plusieurs articles de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones sont essentiels pour atteindre l’ODD 16.  Dès lors que les personnes ont droit au chapître sur les questions qui affectent leur vie, elles s’épanouissent, a-t-il assuré.  Par conséquent, l’inclusion des peuples autochtones sur les questions qui les concernent est une priorité de longue date pour la Finlande.  Cependant, en raison d’injustices historiques, les peuples autochtones sont marginalisés dans de nombreux endroits du monde, a noté le Chef de la diplomatie finlandaise, avant de saluer la mise en place de commissions vérité et réconciliation pour enquêter sur les injustices collectives de l’histoire.  En Finlande, a-t-il indiqué, les travaux de la Commission vérité et réconciliation sont sur le point de commencer.  Enfin, le Ministre a rendu hommage aux défenseurs des droits humains autochtones qui risquent leur vie pour faire valoir leurs droits, se disant profondément préoccupé par l’augmentation des représailles à leur encontre.

Mme DEBRA HAALAND, Secrétaire de l’intérieur des États-Unis, a déclaré être un fier membre du « peuple de la Lagune » et a indiqué qu’elle intervenait depuis les terres ancestrales des peuples anacostan et piscataway.  Elle a déclaré que la pandémie a révélé les disparités qui existent dans les communautés autochtones et marginalisées et appelle à relever les défis complexes d’injustice et d’urgence climatique.  Elle s’est déclarée convaincue de la possibilité de répondre à ces défis grâce à la résilience, à la langue et au savoir autochtones.  Avec le savoir autochtone, notre monde peut inaugurer une nouvelle ère de paix, de justice et d’institutions fortes pour faire avancer notre planète vers un avenir plus durable, a estimé la Secrétaire de l’intérieur.  Elle a notamment appelé à tirer les leçons de la résilience et la vision du monde autochtones afin de gérer les terres, les eaux et les ressources non seulement à travers les cycles budgétaires, mais aussi entre les générations.  Elle a aussi appelé à protéger les femmes autochtones qui défendent la nature et la Terre contre les causes humaines des changements climatiques. 

Mme Haaland a ensuite indiqué que l’Administration Biden a décidé d’utiliser des solutions fondées sur la nature pour conserver 30% de terres et eaux des États-Unis d’ici à 2030.  Le Gouvernement américain a aussi décidé d’établir une coordination étroite avec les communautés autochtones des États-Unis dans le cadre des efforts d’intervention contre la COVID-19 et de s’associer à l’échelle mondiale pour s’assurer que les peuples autochtones et toutes les communautés marginalisées ont accès aux vaccins, aux dépistages et aux traitements.

En outre, tout le poids du Gouvernement fédéral sera placé dans une unité interministérielle et interinstitutions sur les personnes disparues et assassinées, et les États-Unis continueront de coopérer avec le Canada, le Mexique et d’autres États Membres pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones.  Nous travaillerons également avec la communauté internationale dans nos efforts de rapatriement afin de réaliser l’engagement mondial d’honorer et de prendre soin de tous les peuples autochtones, de leurs terres, de leurs langues, de leur patrimoine culturel et de leurs espaces sacrés, a-t-elle dit. 

Mme Halaand a ensuite fait savoir que le mémorandum du Président Biden sur la consultation tribale et le renforcement des relations de nation à nation souligne l’engagement des États-Unis à respecter la souveraineté et l’autogouvernance tribales et les responsabilités découlant des traités, mais aussi à engager des consultations régulières, significatives et solides avec les nations tribales.  Elle a ensuite fait savoir que la première réunion du Conseil de la Maison Blanche sur les affaires des autochtones d’Amérique de l’Administration actuelle aura lieu ce vendredi. 

Débat interactif

À l’issue de la cérémonie d’ouverture, la Présidente de l’Instance a présenté un rapport consacré à la Réunion d’un groupe d’experts internationaux sur le thème « Paix, justice et institutions solides: le rôle des peuples autochtones dans la réalisation de l’objectif de développement durable numéro 16 ». 

Mme Nuorgam a notamment indiqué que le groupe d’experts avait recommandé la création, par l’ONU, d’un groupe de travail régional interinstitutions sur les questions autochtones en Asie, comme cela a été fait en Amérique latine et, plus récemment, en Afrique.  Le groupe d’experts a également recommandé à l’Instance permanente d’examiner la possibilité pour le Conseil de sécurité d’être saisi des situations de conflits sur les terres et territoires autochtones.  Il faut reconnaître et traiter les droits fonciers comme étant au cœur de la plupart des conflits, sinon de tous et reconnaître le potentiel inexploité du rôle des peuples autochtones dans les processus de paix.  Le groupe d’experts considère également qu’il est important que les universités et les autres parties intéressées étudient plus avant les relations entre le droit coutumier et d’autres systèmes de droit formels et identifient les bonnes pratiques en matière de dialogue interculturel. Une plus grande attention devrait également être accordée aux avantages du pluralisme juridique. 

Les membres de l’Instance permanente ont ensuite discuté de l’ « Étude sur les autonomies autochtones: expériences et perspectives », effectuée par M. JENS DAHL, ancien membre de l’Instance (Danemark).  Ce dernier a fait une distinction entre l’autonomie territoriale et l’autonomie fonctionnelle, notant que les États déterminent parfois un territoire sur lequel les peuples autochtones se voient accorder des droits spécifiques.  Ce modèle d’autonomie est souvent celui qui est privilégié lorsque les peuples autochtones constituent la majorité d’une population vivant à l’intérieur d’une frontière spécifiée. 

Lorsque ce n’est pas le cas, les peuples autochtones pourraient souhaiter développer une autonomie fonctionnelle, dont il existe deux types: ethnique et culturelle.  Ce modèle permet, par exemple aux peuples autochtones de créer leurs propres écoles ou de revendiquer leur autonomie culturelle dans les villes.  Bien que limité, ce modèle peut donner aux peuples autochtones une plateforme pour d’autres revendications.  « Les peuples autochtones font toujours partie d’un État-nation, mais le niveau, le degré et les moyens d’intégration varient », a-t-il déclaré. 

L’autonomise peut aller de la forme la plus radicale -lorsqu’une population autochtone choisit de vivre dans l’isolement volontaire- à un modèle dans lequel certaines parties d’une communauté autochtone sont intégrées dans la structure nationale.  Pour déterminer la direction à prendre, il faut avant tout tenir compte de la manière dont les peuples autochtones s’organisent pour promouvoir leur droit à l’autodétermination et établir des autonomies nationales.  Certains peuples autochtones peuvent ainsi choisir de conserver une structure décisionnelle traditionnelle.  Les peuples autochtones doivent également obtenir la reconnaissance de l’État et il faut alors déterminer si celle-ci doit être consacrée dans la constitution ou au moyen d’accords constructifs. 

M. Dahl a ensuite signalé que lorsque les peuples autochtones sont en position minoritaire, l’option territoriale est problématique.  La démographie est donc un facteur déterminant.  Pour que l’autonomie dure, il faut que les peuples autochtones aient une vision claire et élaborent un projet pour le type d’autonomie qu’ils souhaitent avoir.  Les autonomies les plus réussies sont celles dans lesquelles les peuples autochtones et l’État sont tous les deux responsables de la création d’autonomies autochtones. 

Cette étude recommande par ailleurs à l’Instance permanente d’examiner plus avant les institutions qui ont été ou pourraient être créées en vue de promouvoir le dialogue entre les peuples autochtones et les gouvernements et de favoriser l’exercice, par ces peuples, des droits à l’autonomie et à l’auto-administration. Elle conseille également à l’Instance de coordonner davantage ses activités avec celles de la Rapporteuse spéciale et du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones afin de mieux faire comprendre les revendications des peuples autochtones en matière d’autonomie et d’auto-administration aux organismes de l’ONU et aux autres institutions multilatérales concernées, et de faciliter la création d’un processus largement représentatif visant à établir des principes directeurs concernant l’exercice, par les peuples autochtones, des droits à l’autonomie et à l’auto-administration.  

Quelle est la valeur ajoutée de cette étude, a demandé M. GRIGORY E. LUKIYANTSEV, membre de l’Instance (Fédération de Russie) qui s’est dit « surpris » par certaines références aux peuples autochtones de Russie, décrits comme étant « pratiquement forcés » dans des districts autonomes.  La Russie a des institutions au sein desquelles les peuples autochtones exercent leur autonomie et a aussi élaboré des initiatives dans lesquelles ils sont très actifs, a-t-il fait valoir.  M. SIMON FREDDY CONDO RIVEROS, membre de l’Instance (Bolivie) a indiqué que des processus d’autonomisation sont en cours dans les Andes en général et en Bolivie en particulier.  Ils prennent en compte les expériences de gouvernement local des peuples autochtones.  Il faut s’en inspirer, a-t-il suggéré. 

M. ALEKSEI TSYKAREV, membre de l’Instance (Fédération de Russie) a voulu savoir si la mise en œuvre de certaines recommandations contenues dans le rapport risque d’endommager les forêts et si certains savoirs traditionnels sont protégés par le droit de propriété intellectuelle.  Cette étude montre que les peuples autochtones continuent de souffrir, et il faut continuer de dénoncer cela, a-t-il par ailleurs estimé.  M. DARIO DARÍO JOSÉ MEJÍA MONTALVO, membre de l’Instance (Colombie) a souhaité que le débat porte également sur les répercussions des industries extractives sur les processus d’autonomisation des peuples autochtones. 

À son tour, M. Dahl a indiqué que l’étude recense différents processus et types d’autonomie en fonction principalement de l’histoire et de la géographie.  La définition de l’autonomie utilisée dans l’étude s’inspire des études déjà réalisées sur la question et ne se réduit pas à la question territoriale, a insisté M. Dahl.  Ce qui importe, c’est de déterminer comment l’Instance permanente parviendra à approfondir la question de l’autonomie des peuples autochtones.  Sur ce, la Présidente de l’Instance a affirmé que l’Instance poursuivra son travail sur les autonomies autochtones. 

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