Aperçu des travaux de la 76e session de l’Assemblée générale
AG/12399

L’Assemblée générale suspend les travaux de l’espoir pour un monde placé devant le choix du sursaut ou du délitement

« Miser sur l’espoir pour renforcer la résilience afin de se relever de la COVID-19, reconstruire durablement, répondre aux besoins de la planète, respecter les droits de l’homme et revitaliser l’ONU. »  C’est le thème qu’a choisi le Président de la soixante-seizième session de l’Assemblée générale, M. Abdulla Shahid, porteur de « cinq lueurs d’espoir ».  « Et de l’espoir, j’en ai! » a affirmé, à son tour, le Secrétaire général au premier jour du débat général au cours duquel, du 21 au 27 septembre, 194 orateurs, dont 152 chefs d’État et de gouvernement, ont saisi le micro, certains renouant avec la tradition de se présenter en personne à New York. 

Face à « un monde au bord du précipice » qui n’a que deux choix: le délitement ou le sursaut, M. António Guterres a dit miser sur la faculté de la communauté internationale de combler six grands fossés.  Par leurs résolutions et leurs décisions, la plénière et les grandes commissions de l’Assemblée générale se sont efforcées de faire vivre cet espoir.  Malgré les opinions tranchées sur le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires entré en vigueur en début d’année, malgré le blocage continu sur le projet de création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient ou les désaccords persistants sur les risques de militarisation de l’espace extra-atmosphérique, l’espoir de combler le fossé de la paix a été ravivé à la Première Commission chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale, qui a vécu comme un début de changement de ton, en particulier entre les États-Unis et la Fédération de Russie.

Au premier jour du débat général, le Président américain, M. Joseph Biden, n’appelait-il pas « toutes les grandes puissances » à gérer leurs relations de façon à privilégier une « concurrence responsable » au détriment de la logique des conflits?  « Je le répète, nous ne cherchons pas une nouvelle guerre froide et un monde divisé en blocs rigides », insistait un président soucieux d’œuvrer à la recherche de solutions communes « même si nous avons parfois des désaccords profonds ».  Le monde a besoin d’unité plutôt que de division, a acquiescé le Ministre russe des affaires étrangères.  M. Sergey Lavrov a d’ailleurs rappelé la proposition de son président de convoquer un sommet des cinq membres permanents du Conseil sur les questions de stabilité mondiale. 

L’espoir de combler le fossé climatique a été quelque peu ébranlé, l’issue de la COP26 à Glasgow accentuant les frustrations à la Deuxième Commission chargée des questions économiques et financières; et après que, pour illustrer le fossé entre les riches et les pauvres, le Secrétaire général a fustigé, au cours du débat général, « la balade des milliardaires dans l’espace pendant que des millions de personnes ont faim sur Terre », la Deuxième Commission a pris des mesures en faveur des 811 millions de personnes qui ont souffert de la faim en 2020 et des 3 milliards qui n’ont pas eu accès à une alimentation saine. 

La plénière de l’Assemblée générale a quant à elle assuré les moyens de faciliter le travail des agences de l’ONU qui comptent, en 2022, porter assistance à environ 183 millions de personnes en 2022, pour un coût record de 41 milliards de dollars.  Le profond sentiment d’abandon des réfugiés palestiniens a été relayé à la Quatrième Commission chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, qui a voulu répondre au sérieux décalage entre la dépendance croissante de ces réfugiés vis-à-vis de l’UNRWA et la diminution des ressources financières. 

Combler le fossé entre les genres et celui entre les générations représente un espoir qui a été secoué par un vent contraire à la Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles.  Les termes « santé sexuelle et procréative », « identité sexuelle » et « famille » ont provoqué les débats habituels.  Au nom de valeurs sociétales, plusieurs pays ont continué d’exprimer de fortes réserves, sans pour autant bloquer les résolutions même si à la Sixième Commission chargée des questions juridiques, laction de l’ONU dans la promotion de l’état de droit a essuyé quelques critiques.  « L’imposition » de normes de conduite et d’organisation interne, « approuvées par on ne sait qui ni quand », a, par exemple, été décriée par plusieurs délégations, et le respect de la souveraineté nationale et du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, exigé. 

L’heure est venue de mettre sur pied un système multilatéral plus solide et plus inclusif travaillant davantage en réseau et dont le socle serait le système des Nations Unies, estime le Secrétaire général dans « Notre Programme commun », son analyse à 360 degrés de l’état du monde contenant 90 recommandations spécifiques pour relever les défis d’aujourd’hui et renforcer le multilatéralisme de demain, après que la pandémie de COVID-19 « a amplifié des inégalités déjà flagrantes ». 

Le Secrétaire général, qui a aussi dit nourrir l’espoir de voir comblé le fossé numérique, y propose, entre autres, un pacte numérique mondial mais aussi la tenue d’un sommet de l’avenir en vue de forger un nouveau consensus mondial sur ce à quoi notre avenir devrait ressembler et sur les moyens que nous pouvons déployer aujourd’hui pour le faire advenir.

En termes de moyens financiers, M. António Guterres a hérité d’une enveloppe annuelle de 3,1 milliards de dollars de la part de la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires qui a aussi, après son examen triennal, maintenu en l’état le barème des quotes-parts pour le budget ordinaire de l’ONU, y compris le taux maximum de 22%, et celui pour les opérations de paix. 

L’Assemblée générale reprendra sa session mercredi 12 janvier, à partir de 10 heures, pour entendre les priorités du Secrétaire général pour 2022.

PLÉNIÈRE

Plus que jamais « au bord du précipice », « le monde doit se réveiller » car il n’a d’autres choix que le délitement ou le sursaut, s’est alarmé le Secrétaire général dans son plaidoyer, à l’ouverture du débat général annuel de l’Assemblée générale qui a repris des couleurs après une session marquée par des discours préenregistrés, du fait des restrictions imposées par la pandémie de COVID-19.  Cette année, de nombreux chefs d’État et de gouvernement ont fait le voyage à New York pour discourir, du 21 au 27 septembre, sur le thème « Miser sur l’espoir pour renforcer la résilience afin de se relever de la COVID‑19, reconstruire durablement, répondre aux besoins de la planète, respecter les droits de l’homme et revitaliser l’Organisation des Nations Unies ».

Miser sur l’espoir pour renforcer la résilience afin de se relever de la COVID-19

Au cours des six jours de débat général, l’Assemblée générale a entendu en tout 194 orateurs, dont 100 chefs d’État, 52 chefs de gouvernement, 3 vice-présidents et 34 ministres et parmi eux seulement 18 femmes, a fait remarquer, dépité, le Président de l’Assemblée.  Élu le 7 juin 2021, M. Abdulla Shahid avait profité de l’occasion pour illuminer l’organe le plus représentatif de l’ONU de ses « cinq lueurs d’espoir »: se remettre de la pandémie de COVID-19, lancer une décennie de la reconstruction, faire de cette session « la super-session pour la nature », répondre aux besoins des populations et travailler à une ONU « transparente, efficiente, efficace et comptable de ses actes ».

« Et de l’espoir, j’en ai! » a lancé, le 21 septembre, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, qui attiré l’attention des dirigeants sur « Notre Programme commun » (A/75/982), son analyse à 360 degrés de l’état du monde et ses 90 recommandations spécifiques pour relever les défis d’aujourd’hui et renforcer le multilatéralisme de demain, après que la pandémie de COVID-19 « a amplifié des inégalités déjà flagrantes ».  Il faudra, a prévenu le Secrétaire général, combler six grands fossés: le fossé de la paix, le fossé climatique, le fossé entre riches et pauvres, le fossé entre les genres, le fossé numérique et le fossé entre les générations. 

L’espoir de combler le fossé de la paix a été revigoré quand, ce même 21 septembre, le Président américain, M. Joseph Biden, a voulu qu’« au lieu de continuer à livrer les guerres d’hier, l’on consacre les ressources à relever les défis d’aujourd’hui et de demain ».  Nous voulons, a-t-il dit, donner « l’exemple de notre pouvoir » et « le pouvoir de notre exemple ».  « Les bombes et les balles » ne serviront à rien contre les variants de la COVID-19, a dit un président fier d’avoir mis fin à 20 ans de guerre en Afghanistan. 

Toutes les grandes puissances doivent gérer leurs relations de façon à privilégier une « concurrence responsable » aux logiques de conflit.  « Je le répète, nous ne cherchons pas une nouvelle guerre froide et un monde divisé en blocs rigides », a insisté M. Biden, en affirmant vouloir œuvrer à la recherche de solutions communes même si nous avons parfois des « désaccords profonds ».  « Toutes les énergies doivent se concentrer sur demain, et non hier. »  Demain, nous jouerons un rôle de premier plan sur tous les fronts, mais nous le ferons avec tous nos partenaires désireux de bâtir un avenir commun, a assuré le Président américain. 

Reconstruire durablement et répondre aux besoins de la planète

« La différence entre 1,5 degré et 2 degrés, c’est une condamnation à mort pour les Maldives », a déclaré le Président de ce petit État insulaire, M. Ibrahim Mohamed Solih, qui a relayé l’angoisse des pays comme le sien devant l’élévation du niveau de la mer et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes.  Son homologue du Portugal, M. Marcelo Rebelo de Sousa, a rappelé la tenue à Lisbonne, en 2022, de la deuxième Conférence des Nations Unies sur les océans, une « dimension essentielle de l’action climatique ».  En attendant, après avoir conclu son débat sur les océans et les mers, l’Assemblée a adopté ses deux résolutions annuelles présentées comme des reconductions techniques tenant néanmoins compte de l’évolution de la situation (A/76/L.18 et A/76/L.20).

Le 24 septembre, lors du dialogue de haut niveau sur l’énergie, le Secrétaire général a rappelé que si nous ne décarbonons pas rapidement et radicalement nos systèmes énergétiques dans les 10 prochaines années, nous n’arriverons jamais à limiter l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius, conformément à l’objectif fixé dans l’Accord de Paris sur le climat.  Le 17 novembre, le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), de retour de la COP26, s’est livré à un vibrant plaidoyer en faveur de l’énergie nucléaire, « un moyen éprouvé et évolutif de décarboniser » car les énergies solaire et éolienne ne pourront pas, à elles seules, contribuer à la lutte contre les changements climatiques. 

Le 24 novembre, l’Assemblée générale adoptait une résolution pour réaffirmer son « appui énergique » à l’Agence qui facilite la mise au point et l’application pratique des utilisations de l’énergie atomique à des fins pacifiques.  « Pacifiques » est bien le mot puisque deux mois auparavant, le 28 septembre, dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires, célébrée le 26 septembre, le Secrétaire général avertissait que « l’anéantissement de l’humanité ne tient qu’à un malentendu, un faux pas, une erreur de calcul, un simple bouton pressé ». 

Le 25 octobre, l’Assemblée a également adopté une résolution sur le programme « Espace 2030 »: l’espace comme moteur du développement durable, et c’est également pour répondre aux besoins de la planète que le 2 décembre, elle a proclamé 2022 « Année internationale des sciences fondamentales pour le développement durable ».  Par une autre résolution, adoptée le 16 décembre, elle a aussi fait de l’année prochaine, l’« Année internationale du développement durable dans les régions montagneuses ».  Dans le cadre de ses activités opérationnelles de développement, elle a, le 28 octobre, adopté une résolution par laquelle elle décide de dégager tous les ans, à partir du 1er janvier 2022, les fonds nécessaires au financement du système des coordonnateurs résidents, en continuant d’appliquer les modalités de financement établies par la résolution 72/279. 

Respecter les droits de l’homme

« Nous, États Membres de l’ONU, réaffirmons le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes et manifestons notre ferme volonté politique d’agir résolument et de concert pour mettre fin à ce crime odieux. »  Tel est le début de la Déclaration politique sur l’application du Plan d’action, adopté le 22 novembre.  Parmi les causes de la traite, la Déclaration évoque la pauvreté, la migration irrégulière, les inégalités, les violences sexuelles et fondées sur le genre, les persécutions, ainsi que les situations d’urgence humanitaire.  L’Assemblée est revenue sur ce dernier point, le 10 décembre, en adoptant ses cinq résolutions annuelles sur une aide humanitaire qui a atteint un niveau record, les agences de l’ONU comptant porter assistance à environ 183 millions de personnes en 2022, pour un coût estimé à 41 milliards de dollars.  Nous allons dans la mauvaise direction, a commenté le Royaume-Uni, en prônant un changement dans la façon de travailler.

Les délégations ont auparavant, le 28 octobre, saluer l’exploit de la Cour internationale de Justice (CIJ) qui a poursuivi sans interruption son travail en dépit de la pandémie, commémorant dans la foulée, le 19 avril 2021, son soixante-quinzième anniversaire.  Le 22 septembre, à l’occasion du vingtième anniversaire de l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, l’Assemblée générale a réaffirmé que l’ensemble des documents adoptés dans le cadre de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée et de son suivi « offrent aux Nations Unies un dispositif général et détaillé sur lequel fonder solidement la lutte » contre ces fléaux.  Les États Membres ont également réaffirmé leur « engagement à les mettre en œuvre pleinement et effectivement » dans une déclaration politique adoptée sous la forme d’une résolution.

Revitaliser l’Organisation des Nations Unies

Dès l’entame du débat général, le 21 septembre, le Président de l’Assemblée générale prévenait: « Les gens craignent que nous n’en fassions pas assez pour résoudre les problèmes auxquels notre monde est confronté et ils n’ont pas tort. »  Voyant le monde à un « tournant de l’histoire », le Président plaidait, dès le 7 juin, pour une ONU « plus forte, efficiente, efficace et responsable » et pour plus de coordination, de cohérence et de coopération au sein du système des Nations Unies et entre les principaux organes de l’Organisation.  Nous devons, disait-il, nous appuyer sur nos acquis, explorer de nouvelles voies, travailler avec la société civile et autres parties prenantes concernées, et rapprocher l’ONU des populations dont elle défend les intérêts. 

Le 8 novembre, les délégations ont repris leur débat, qui se tient désormais tous les deux ans, sur une revitalisation de l’Assemblée générale qui s’articule, depuis 2007, autour de quatre axes: rôle et pouvoirs, méthodes de travail, processus de sélection et de nomination du secrétaire général et autres chefs de secrétariat, et renforcement de la responsabilisation, de la transparence et de la mémoire institutionnelle du Bureau de la présidence.

L’Assemblée doit être hissée au niveau d’un avenir riche en rendez-vous déterminants, comme la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a dit l’Australie, Coprésidente avec El Salvador du Groupe de travail spécial de l’Assemblée.  L’Inde a en effet dit craindre la tendance au rétrécissement du rôle de l’Assemblée au profit du Conseil de sécurité.  L’essentiel, a tempéré l’Union européenne, est d’assurer des synergies entre les différents organes des Nations Unies.  Au lieu de les mettre en concurrence, prônons leur collaboration, a approuvé la Chine.

La partie n’est pas gagnée.  Le 16 novembre, à l’occasion du débat sur la réforme du Conseil de sécurité, les délégations ont eu du mal à cacher leurs frustrations devant l’impasse d’un point inscrit à l’ordre du jour depuis 1979, et dont les « négociations intergouvernementales » entrent dans leur quatorzième année.  Les tenants d’un texte unique à négocier et éventuellement à mettre aux voix se sont opposés aux partisans d’un consensus préalable à propos d’une réforme qui porte sur cinq grandes thématiques: la catégorie des membres; la représentation géographique; la taille et les méthodes de travail; la question du droit de veto; et les relations avec l’Assemblée générale. 

L’heure est venue de mettre sur pied un système multilatéral plus solide et plus inclusif travaillant davantage en réseau et dont le socle serait le système des Nations Unies, estime le Secrétaire général dans « Notre Programme commun » sur lequel se sont penchées les délégations le 15 novembre. 

Le Secrétaire général y propose par exemple un nouvel agenda pour la paix, un pacte numérique mondial, l’organisation d’un sommet avec les membres du Groupe des Vingt, le Conseil économique et social et les chefs des institutions financières internationales.  Il propose aussi l’établissement d’un conseil consultatif de haut niveau, dirigé par d’anciens chefs d’État et de gouvernement, pour dresser la liste des biens publics mondiaux et des autres domaines d’intérêt commun qui pourraient grandement bénéficier d’une amélioration de la gouvernance et de proposer des solutions sur la manière d’y parvenir.  Il propose encore la tenue d’un sommet de l’avenir en vue de forger un nouveau consensus mondial sur ce à quoi notre avenir devrait ressembler et sur les moyens que nous pouvons déployer aujourd’hui pour le faire advenir.

Dans la résolution sur la suite à donner à « Notre Programme commun », l’Assemblée prie M. António Guterres d’informer les États Membres de ses propositions, d’engager avec eux, ainsi qu’avec toutes les composantes du système des Nations Unies et les autres partenaires concernés, de vastes consultations.  Elle demande aussi à son Président d’engager un suivi, dont il assurera la direction d’ensemble, de façon à permettre aux États Membres d’entamer, dans un cadre intergouvernemental inclusif, l’examen des diverses propositions, idées et moyens éventuels de mise en œuvre. 

La couverture intégrale de la soixante-seizième session de l’Assemblée générale est disponible ici.

PREMIÈRE COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS DE DÉSARMEMENT ET DE SÉCURITÉ INTERNATIONALE

La session de la Première Commission aura été marquée par un certain retour à la normale après les restrictions imposées en 2020 par la pandémie de COVID-19 et marquée en particulier par la suppression du débat thématique, remplacé par des échanges virtuels d’ailleurs peu suivis.  La Commission a bien tenu en 2021 son débat général, son débat thématique et son segment consacré aux présentations et adoptions de projets de résolution et de décision, pour un total de 16 séances officielles gérées avec rigueur par son Président, M. Omar Hilale, du Maroc, et augmentées de trois séances virtuelles d’échanges. 

Les chiffres peuvent être trompeurs.  Au moment où la Première Commission achevait ses travaux, le 5 novembre, M. Hilale se félicitait d’un « retour du consensus », tout en appelant chacun à « l’esprit de négociation ».  De fait, sur 61 projets de résolution et de décision présentés à la Commission en 2021 -dont un rejeté– on en comptait 37 mis aux voix, soit 60,6%, une proportion supérieure aux 56% de 2020, considérée comme une année marquée par de profondes divergences de vues entre États.  En outre, 66 votes séparés ont aussi été demandés.

Malgré ces chiffres, malgré les opinions tranchées sur le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires entré en vigueur en début d’année, malgré le blocage continu sur le projet de création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient ou les désaccords persistants sur les risques de militarisation de l’espace extra-atmosphérique, il y eut pourtant bien quelques évolutions positives et comme un début de changement de ton, en particulier entre les États-Unis et la Fédération de Russie.

Le changement de ton a sans doute été dû en partie à l’annonce, dès février 2021, de la prorogation de cinq ans du traité New START qui arrivait à échéance et de la reprise du dialogue stratégique entre Washington et Moscou.  Il aura tenu aussi aux progrès concernant le cyberespace.  En outre, il n’y eut pas, cette année, de longues polémiques publiques sur la question de l’octroi de visas aux membres de certaines délégations, comparables à celles qui avaient « plombé » l’ambiance dès l’ouverture des deux précédentes sessions. 

Vers un monde sans armes de destruction massive à pas (très) comptés

Le ton n’a pas changé partout.  Sur les questions relatives aux armes nucléaires et autres armes de destruction massive, les délégations auront, cette année encore, soufflé le chaud et le froid.  Si elles ont unanimement salué la prorogation jusqu’en 2026 du New START, le dernier traité en vigueur entre les États-Unis et la Fédération de Russie servant à plafonner leur arsenal nucléaire, la France et le Royaume-Uni ont fermement appuyé la demande américaine que la Chine participe de manière transparente au dialogue stratégique ouvert par les deux superpuissances nucléaires, ce à quoi Beijing se refuse.  C’est en revanche d’une seule voix que les cinq États dotés au sens du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) -le « P5 »- ont refusé d’accorder la moindre légitimité au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), auquel étaient désormais parties, à la mi-novembre 2021, 56 États. 

Selon un projet de résolution de l’Afrique du Sud, soutenu par 123 États Membres mais rejeté par le « P5 », l’Assemblée générale, se félicitant de l’entrée en vigueur du TIAN le 22 janvier 2021, devait inviter tous les États qui ne l’auraient pas encore fait à « l’approuver ou à y adhérer dès que possible ».  Actuelle Présidente du « P5 », la France a réitéré au nom de celui-ci que « le désarmement nucléaire se construit progressivement sur la base du principe de sécurité non diminuée pour tous », ajoutant que « jamais nous ne signerons ni ne ratifierons ce traité, non contraignant et qui n’établit pas de nouvelles normes » à l’égard des États non parties.  Le « P5 » a par ailleurs réaffirmé son attachement à la mise en œuvre du TNP, dans le seul cadre duquel des négociations de bonne foi sur un traité de désarmement général et complet sous vérification stricte peuvent être envisagées.  Initialement prévue au printemps 2020, reportée pour cause de pandémie, la dixième Conférence d’examen du TNP devrait se tenir du 4 au 28 janvier 2022. 

La Commission a par ailleurs rejeté un texte porté par la Fédération de Russie sur le Mécanisme permettant au Secrétaire général d’enquêter sur les allégations d’emploi d’armes chimiques et biologiques.  Si ce texte avait été approuvé, l’Assemblée générale, consciente qu’il y a eu des nouveautés dans le domaine de la science et de la technologie permettant d’enquêter sur de telles allégations depuis la création du Mécanisme en 1987, aurait encouragé les États Membres à déterminer quelles modalités et procédures du dispositif devraient être actualisées à cette aune.  Tant les États-Unis que l’Union européenne se sont opposés au texte en estimant qu’il visait en réalité à saper l’indépendance et le fonctionnement du Mécanisme ainsi que les prérogatives du Secrétaire général. 

Vers un début de consensus sur l’espace extra-atmosphérique?

« Bien commun mondial » pour l’Union européenne, l’espace extra-atmosphérique est pour une majorité de pays un sanctuaire dont l’exploitation pacifique des ressources doit bénéficier au plus grand nombre.  Plusieurs pays du Sud ont d’ailleurs rappelé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 prévoyait des mesures pour favoriser la coopération dans l’espace extra-atmosphérique.  Mais les menaces d’une militarisation de l’espace ne cessent de croître et plusieurs événements survenus en 2021, y compris après la fin des travaux de la Première Commission, sont venus confirmer ce risque.  Au-delà de deux textes généralistes portant sur la « prévention d’une course aux armements dans l’espace » et des « mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales » adoptés sans vote, la Commission s’est rapidement divisée sur les mesures concrètes à prendre. 

À l’occasion d’une séance virtuelle d’échanges, la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, avait attiré l’attention de la Commission sur deux rapports du Secrétaire général abordant les questions spatiales, dont l’un portant sur la réduction des menaces spatiales par des normes, règles et principes de comportement responsable.  Un projet de résolution éponyme, d’origine britannique et soutenu par l’Union européenne, qui s’est dotée à son niveau de tels principes, a été adopté malgré des vives critiques de la Chine et de la Fédération de Russie.  Cette dernière lui reprochait notamment de traiter de questions, telles que les débris dans l’espace, qui relèvent selon elle des travaux du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS). 

C’est sur la version 2021 du projet de résolution d’origine russo-chinoise intitulé « Non-déploiement d’armes dans l’espace en premier » -l’initiative « NFP »- que les discussions ont été les plus intenses, confirmant des désaccords anciens et tenaces.  Si le texte a été adopté cette année encore à une large majorité, les membres de l’Union européenne se sont divisés entre abstentions et votes contre, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France s’opposant farouchement à un texte qui, selon eux, ne définit pas de manière adéquate ce qui constitue une « arme dans l’espace ».  C’est un autre manque de précision, toujours souligné par la France et portant cette fois sur l’expression « garanties à mettre en place pour prévenir une course aux armements dans l’espace », qui a justifié l’opposition des pays occidentaux au projet de résolution d’origine russe « Nouvelles mesures concrètes de prévention d’une course aux armements dans l’espace », lequel a néanmoins été lui aussi adopté.

Armes classiques: entre défense d’un outil de souveraineté nationale et risques liés au trafic illicite

Si c’est surtout le trafic illicite des armes classiques et leur possession par des acteurs non étatiques -terroristes ou criminels, mais aussi membres de la « société civile » au sens large- qui a été le plus souligné, force est de constater que les résolutions invitant à l’universalisation de conventions portant sur des types spécifiques d’armes ont souvent dû être soumises à des votes. 

Si seule la Fédération de Russie s’est opposée à l’un des textes dans son ensemble, celui qui concerne la Convention sur les armes à sous-munitions, quatre autres projets ont néanmoins dû être mis aux voix.  Dans le cas du texte relatif à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel -la Convention d’Ottawa-, 20 États se sont abstenus.  Tout en affirmant adhérer au principe de la Convention et en particulier à ses dispositions humanitaires, ils ont justifié leur attitude par des besoins « légitimes de sécurité » comme la défense de longues frontières terrestres ou la menace d’une invasion par une puissance agressive. 

D’autres États ont justifié leur demande de vote séparé ou leur abstention par leur rejet de conventions négociées hors du cadre de l’ONU et parfois adoptées à l’issue de votes et non par consensus, comme la Convention d’Ottawa, la Convention sur les armes à sous-munitions ou le Traité sur le commerce des armes. 

Ce dernier est par ailleurs jugé déséquilibré et trop favorable aux pays exportateurs par nombre d’États.  Il suscite en outre chez certains des craintes, car il est perçu comme une potentielle atteinte au droit des États à acquérir des armes pour assurer leur légitime défense extérieure, comme l’ont montré tant les explications de vote sur le projet de résolution « Traité sur le commerce des armes » que les déclarations faites lors du débat général et du débat thématique, notamment par les États membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ou des pays arabes.  Une même inquiétude s’est exprimée à propos du texte relatif aux « problèmes découlant de l’accumulation de stocks de munitions classiques en surplus », résumée en partie par le représentant de la Guinée équatoriale, qui expliquait son abstention en s’interrogeant: « Comment des pays détenteurs d’armes nucléaires pourraient-ils estimer que certains pays en développement détiennent trop de munitions d’armes classiques? »

En revanche, les textes touchant au trafic illicite des armes légères et de petit calibre (ALPC) ont reçu un soutien unanime, du fait des détournements vers des groupes criminels ou terroristes et de la violence déstabilisatrice qui en découle, déplorée en particulier par plusieurs pays d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes, qui ont appelé la communauté internationale à intensifier les efforts de lutte contre la circulation illicite de ces armes.  C’est aussi parce que les engins explosifs improvisés sont utilisés notamment par les groupes terroristes que le texte consacré à la lutte contre la menace qu’ils représentent a été adopté sans vote, l’Assemblée générale décidant d’inscrire cette question spécifique à l’ordre du jour provisoire de sa soixante-dix-septième session.

La sécurité du cyberespace fait l’objet d’un accord « historique »

Le 15 octobre, à l’occasion d’une séance virtuelle, les Présidents du Groupe d’experts gouvernementaux chargé de favoriser le comportement responsable des États dans le cyberespace, M. Aguiar Patriota, et du Groupe de travail à composition non limitée sur les technologies de l’information et des communications (TIC), M. Jürg Lauber, annonçaient un nouveau projet de résolution conjoint rédigé par la Fédération de Russie et les États-Unis, qui ouvrait la voie à la création, par l’Assemblée générale, d’un groupe de travail unique sur la sécurité numérique « dans le contexte de la sécurité internationale ».  Cette évolution positive était importante puisque, jusqu’alors, États-Unis et Fédération de Russie parrainaient des projets de résolution concurrents.  Le 3 novembre, le texte américano-russe intitulé « Progrès de l’informatique et des télécommunications et sécurité internationale » et destiné à responsabiliser les États dans leur utilisation du numérique était adopté sans vote. 

Qualifiée d’historique par la Fédération de Russie, l’adoption de ce texte « fédérateur et objectif » démontrait, selon son représentant, que des solutions nouvelles « et mutuellement acceptables » étaient possibles en matière de sécurité nationale et internationale.  Toujours d’après la Fédération de Russie, il concrétisait « la volonté de la communauté internationale de poursuivre le débat intergouvernemental en cours sous un format unique ».  En effet, un groupe de travail à composition non limitée, devant tenir compte des conclusions des deux groupes précédents, sera chargé par l’Assemblée générale de poursuivre, jusqu’en 2025, les efforts des États Membres pour renforcer la sécurité informatique.  Le texte souligne que ce groupe de travail devra être fondé sur le consensus et axé sur les résultats. 

Consensus: le mot a également pesé dans les délibérations portant sur la revitalisation du mécanisme onusien de désarmement. 

Fragile consensus sur la revitalisation du mécanisme de désarmement

Les États Membres ont entériné, sans le mettre aux voix, un train de huit mesures relatif au mécanisme du désarmement.  Si les mesures concernant les centres régionaux ne posent pas de difficultés, il s’agissait surtout de tenter de sortir de l’ornière les pivots du mécanisme onusien de désarmement que sont la Conférence du désarmement, la Commission du désarmement et la Première Commission.  Voilà plus de 20 ans que la première ne parvient toujours pas à se mettre d’accord sur un ordre du jour qui lui permettrait de négocier de nouveaux traités, notamment pour interdire la production de matières fissiles à des fins militaires.  Quant à la seconde, elle est, elle aussi, bloquée depuis plusieurs années.  La Fédération de Russie a exhorté les pays à éviter toute politisation des travaux des trois instances, y compris la Première Commission.  Pendant la session, des projets de résolution pointant du doigt des États qui manqueraient aux obligations des instruments auxquels ils sont parties ont ainsi été taxés de textes politisés relevant en outre de la compétence du Conseil de sécurité ou d’autres commissions.  Face à ces désaccords, la Fédération de Russie a exhorté les délégations à créer une atmosphère constructive, favorable au respect sans équivoque du principe de consensus, lequel est « indivisible dans le domaine du désarmement ».

La couverture intégrale de la soixante-seizième session de la Première Commission est disponible ici.

DEUXIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES

La Deuxième Commission a mené ses travaux avec « discipline, détermination et créativité » malgré les contraintes sanitaires imposées par la pandémie de COVID-19, et ce, pour la seconde année consécutive, s’est félicitée sa Présidente, Mme Vanessa Frazier, de Malte, dans son discours de clôture de cette soixante-seizième session, le 23 novembre 2021.

Les délégations, qui ont adopté 37 projets de résolution, se sont en effet réunies la plupart du temps par visioconférence, entre le 1er octobre et le 23 novembre.  Certaines ont regretté le choix de ne pas organiser davantage de réunions en présentiel, le manque de consultations ou de consensus ainsi que le renvoi en Deuxième Commission de certains points du Comité du programme et de la coordination (CPC), qui a alourdi la charge de travail.  Il a du reste été décidé de convoquer deux réunions informelles, début 2022, pour discuter des méthodes de travail de la Commission.

Outre la crise sanitaire et la crise climatique, qui mettent en péril la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, la Deuxième Commission s’est particulièrement attachée aux inégalités entre les femmes et les hommes, suggérant d’y remédier dans tous les domaines.  Cette année, son Bureau était composé exclusivement de femmes, pour la première fois de l’histoire, comme l’a fait observer Mme Frazier.

Redoubler d’efforts pour le Programme de développement durable à l’horizon 2030

« Crise, résilience et reprise - Accélérer les progrès vers le Programme 2030 », tel était le thème de la Deuxième Commission cette année.  Tout au long des débats et dans chaque projet de résolution, les effets négatifs graves de la pandémie sur la santé, la sécurité et le bien-être, ainsi que son impact dévastateur sur les vies et les moyens de subsistance, en particulier les pauvres et les plus vulnérables, ont été soulignés.

Les appels à la solidarité internationale et au renforcement du multilatéralisme, y compris par le biais de la coopération Sud-Sud et des partenariats mondiaux avec le secteur privé, se sont une nouvelle fois multipliés.  Le système des Nations Unies pour le développement, qui a montré ce qu’il est capable de faire pour soutenir les pays en développement au cours d’une crise majeure, doit quant à lui rester mobilisé pour aider les États à mettre en œuvre le Programme 2030.

De nombreux secteurs ont un rôle à jouer pour réaliser ce programme, tels que l’éducation, la culture, la science, la technologie et l’innovation, des services énergétiques durables et accessibles à tous ou encore l’amélioration de l’accès aux services financiers.  Quant aux technologies de l’information et des communications (TIC), la pandémie a démontré leur importance vitale alors que l’accès à Internet est loin d’être acquis pour la majorité de la population mondiale et que, pour « reconstruire en mieux », il sera essentiel de réduire la fracture numérique. 

Les modes de consommation et de production durables ont également été mis en exergue, dans le cadre de la stratégie « One Plan for One Planet » (2018-2022).  Un texte spécifique s’intéresse même aux avantages des fibres végétales naturelles, pour encourager leur production et leur intégration dans les politiques de développement.

Crise sanitaire: inégalités, pauvreté et faim à la hausse

Alors que l’engagement de ne laisser personne de côté est au cœur même du Programme 2030, force est de constater que la crise sanitaire a creusé les inégalités et sapé les efforts pour éliminer la pauvreté et la faim, qui sont les deux premiers objectifs de développement durable (ODD).  Pour ce qui concerne l’objectif no 3 relatif à la santé et au bien-être, toutes les délégations se sont accordées sur la nécessité d’un accès équitable, rapide et universel aux vaccins contre la COVID-19 afin de surmonter cette crise, qui a des conséquences catastrophiques sur le développement des pays les plus vulnérables.

Selon les estimations du Département des affaires économiques et sociales (DESA) de l’ONU, 124 millions de personnes de plus ont été poussées vers la pauvreté en 2020, ce qui inverse la tendance à la baisse de ces deux dernières décennies.  La Commission a donc demandé à la communauté internationale de continuer à accorder la priorité absolue à l’élimination de la pauvreté, en particulier en milieu rural, où vivent 80% des pauvres, et de s’attaquer d’urgence à ses causes profondes, plaidant pour une croissance économique durable, partagée, soutenue et équitable. 

En outre, 811 millions de personnes ont souffert de la faim en 2020 et 3 milliards n’ont pas eu accès à une alimentation saine, a fait savoir l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  La Deuxième Commission a donc exhorté les États Membres à faire preuve d’une volonté politique plus ferme d’éliminer la faim et la malnutrition sous toutes ses formes et appelé à mettre les technologies agricoles au service du développement durable, convaincue que le relèvement doit s’appuyer sur le plein potentiel agricole des pays en développement.  Elle s’est également inquiétée de la volatilité des cours des produits de base, qui nuit particulièrement aux pays qui en sont tributaires.

La crise climatique et les appels à une relance verte

L’Accord de Paris sur le climat est l’autre feuille de route qui a guidé les débats de la Deuxième Commission face à la seconde crise majeure pour l’humanité: les changements climatiques.  Les regards se sont maintes fois tournés vers Glasgow, où s’est tenue la COP26 du 31 octobre au 13 novembre.  De nombreux pays en développement, qui ressentent leur vulnérabilité climatique comme une injustice, ont exprimé leur frustration, appelant à la justice climatique et à une relance économique verte.

Le non-respect de l’engagement des pays développés à fournir 100 milliards de dollars par an pour la sauvegarde du climat a été dénoncé, pour souligner la nécessité de mobiliser de nouvelles ressources au service de la réduction des risques de catastrophe et de la mise en œuvre du Cadre de Sendai.  Les pays les plus vulnérables attendent beaucoup de la septième session de la Plateforme mondiale pour la réduction des risques de catastrophe, prévue à Bali en mai 2022.

Face à la détérioration sans précédent de la biodiversité, l’urgence d’appliquer la Convention sur la diversité biologique a été réitérée sans relâche.  La première réunion de la quinzième Conférence des Parties (COP15) s’est tenue à Kunming, en Chine, en octobre 2021, et les réunions reprendront du 25 avril au 8 mai 2022 pour tenter de donner un cap.  La lutte contre la désertification, en particulier en Afrique, et celle contre les tempêtes de sable et de poussière ont également fait l’objet de toute l’attention de la Deuxième Commission.

Le Kenya et le Portugal sont pour leur part impatients d’organiser la Conférence des Nations Unies sur les océans, du 27 juin au 1er juillet 2022, tandis que la première Conférence des Nations Unies sur l’eau aura lieu en mars 2023 à New York.  Des océans sains et productifs, avec une bonne gestion des zones côtières, en s’attaquant au problème des déchets marins, notamment les plastiques, ont également été évoqués. 

Le commerce et le financement du développement pour une reconstruction inclusive

La Deuxième Commission a fourni des orientations politiques pour que le monde se reconstruise de manière plus « inclusive », en soulignant, tout d’abord, l’importance de renforcer la capacité d’un système commercial multilatéral sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). 

Dans le contexte pandémique, elle a soutenu les actions prises pour suspendre les paiements du service de la dette, et pour que cette dernière reste viable sur le long terme.  Dans plusieurs travaux, elle a recommandé l’application, par tous les créanciers bilatéraux officiels, de l’Initiative de suspension du service de la dette du Groupe des Vingt et la mise en œuvre rapide du Cadre commun pour le traitement de la dette.

Appelant, d’autre part, à la poursuite de la lutte contre les flux financiers illicites et à des efforts pour le recouvrement des avoirs perdus dans ce contexte, la Commission a promu l’utilisation des technologies financières numériques, qui ont gagné en importance pendant la pandémie, ainsi que l’innovation et l’inclusion financière

Concernant les obstacles au développement durable, un document âprement discuté dénonce les mesures protectionnistes unilatérales, dont plusieurs pays sont l’objet.  L’économiste Kenneth Iversen, du DESA, a observé que leur nombre avait augmenté ces dernières années, pour atteindre 35 à la fin juin 2021.  Les débats se sont basés sur un rapport du Secrétaire général qui rappelle qu’elles sont « contraires aux principes du droit international ».

Conscients de la nécessité de disposer d’une marge financière pour surmonter les crises, et après l’allocation de droits de tirage spéciaux (DTS) à hauteur de 650 milliards de dollars par le Fonds monétaire international (FMI), les pays en développement ont plaidé pour l’octroi de DTS supplémentaires. 

Appelant à redoubler d’efforts pour parvenir à la réalisation des ODD, voire à changer de modèle, la Deuxième Commission a plébiscité l’investissement en faveur du développement durable et rappelé la création, par le Secrétaire général, de l’Alliance mondiale des investisseurs en faveur du développement durable.  Elle a aussi rappelé la mise en service de la Banque de technologies pour les pays les moins avancés (PMA), encourageant les contributions et l’assistance technique à son égard. 

Pays en situation particulière: cap sur Doha, de nouveaux indices de vulnérabilité réclamés

Ces « pays les moins avancés » espèrent que la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA, que le Qatar s’apprête à accueillir en janvier 2022 à Doha, ouvrira « une nouvelle ère dans leur histoire ».  La Deuxième Commission appelle aussi à la convocation, en 2024, d’une quatrième conférence sur les petits États insulaires en développement (PEID) et prévoit, la même année, la tenue de la troisième Conférence des Nations Unies sur les pays en développement sans littoral

Elle s’est aussi félicitée du développement potentiel d’un indice de vulnérabilité multidimensionnel pour les PEID.  Dans le même esprit, les critères de reclassement des États dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire ont été critiqués pour leur manque de pertinence: ils ne reflètent pas fidèlement le niveau de développement d’un pays.  Il faut donc, ont plaidé certaines délégations, prendre en compte des indices multidimensionnels pour éviter que les pays reclassés ne tombent dans un « piège ».

La couverture intégrale de la soixante-seizième session de la Deuxième Commission est disponible ici.

TROISIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS SOCIALES, HUMANITAIRES ET CULTURELLES

Présidée par M. Mohamed Siad Doualeh (Djibouti), la Troisième Commission a conclu sa soixante-seizième session en adoptant 62 projets de résolution, dont 44 par consensus, après huit semaines de travaux.  De l’accès aux vaccins contre la COVID-19 aux mesures destinées à « reconstruire en mieux », l’ombre du coronavirus et de ses variants a pesé sur les débats qui, pour une large part, se sont tenus en ligne.  La Commission s’est aussi attachée à explorer des sujets méconnus, à l’image d’un projet inédit qui appelle à relever les défis auxquels font face les personnes atteintes d’une maladie rare

La pandémie de COVID-19, de l’équité vaccinale au relèvement

Inédit lui aussi, le texte visant à garantir à tous les pays un accès équitable, rapide et universel, à un coût abordable, aux vaccins mis au point pour lutter contre la pandémie de COVID-19 demande d’accélérer la fourniture de 550 millions de doses supplémentaires au Mécanisme COVAX pour permettre un « accès mondial aux vaccins » avant la fin 2021. 

Ce texte demande également aux États et aux autres parties prenantes de lever les obstacles « injustifiés » qui limitent l’exportation des vaccins contre la COVID-19 et incite par ailleurs les États à recourir à l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, le but étant de faciliter les transferts de technologie vers les pays en développement en vue de faire de la vaccination un « bien public mondial ». 

En parallèle, le projet intitulé « Promouvoir l’intégration sociale par l’inclusion sociale » invite les États à adopter des « mesures audacieuses » pour faire face aux conséquences sociales, économiques et sanitaires de la pandémie.  Il est complété par un texte sans précédent sur les politiques et programmes de développement social inclusifs pour lutter contre le sans-abrisme, notamment à la suite de la pandémie de COVID-19, lequel souligne que les services de santé doivent être accessibles et abordables pour répondre aux besoins médicaux des personnes sans abri. 

Deux autres textes se placent résolument dans l’optique du relèvement, thème récurrent de cette session.  Le premier appelle à créer un environnement sûr et favorable pour les défenseurs des droits de l’homme, notamment en veillant à ce que les mesures d’urgence liées à la COVID-19 ne soient pas utilisées pour limiter leur liberté d’expression.  Le second préconise de renforcer les systèmes de justice pénale pendant et après la pandémie pour les rendre plus inclusifs et mieux préparés à de tels défis. 

De l’impact de la COVID-19 sur les droits humains

Si cette pandémie affecte la réalisation de tous les droits humains, elle pèse particulièrement sur le droit à l’alimentation, sujet d’un texte qui s’alarme du nombre de personnes n’ayant pas accès à une alimentation adéquate, en progression de 320 millions en 2020, à 2,4 milliards.  Le projet consacré aux droits des peuples autochtones rappelle la vulnérabilité de ces populations face à la COVID-19 et réaffirme leur droit d’utiliser leur pharmacopée traditionnelle et de conserver leurs pratiques médicales.   

Le projet « Droits humains et mesures coercitives unilatérales » relève que la pandémie a mis en évidence les conséquences de ces mesures sur les droits civils, économiques, sociaux et culturels.  Saluant l’appel du Secrétaire général à une levée des sanctions, il dénonce une entrave au Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Quant au texte « Combattre la désinformation et promouvoir et protéger les droits humains et les libertés fondamentales », premier du genre, il s’élève contre la prolifération des fausses informations sur la pandémie, singulièrement en ligne, et souligne qu’il importe de communiquer au public des données fondées sur la science. 

La migration internationale, foyer de tensions grandissant

Plusieurs textes adoptés cette année abordent la crise migratoire sous l’angle des droits humains.  Celui sur la protection des migrants encourage les États à juguler les trafics et à coopérer pour sauver des vies.  Le texte consacré à la violence à l’égard des travailleuses migrantes met, lui, l’accent sur les formes d’exploitation et de mauvais traitements que subissent ces femmes. 

En corolaire, le projet sur l’amélioration de la coordination de l’action contre la traite des personnes engage les États à éliminer ce phénomène dans le cadre des migrations.  Présenté par le Bélarus, en pleine crise des migrants à sa frontière avec la Pologne, le texte a suscité des échanges houleux.  L’Union européenne a fustigé une « instrumentalisation politique de la migration » quand la Fédération de Russie décelait une « tentative de régler des comptes » avec Minsk.   

Cette session a aussi mis en lumière le sort des millions de réfugiés, demandeurs d’asile, apatrides et déplacés.  Alors que le texte sur le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pointe la multiplication des cas de refoulement et d’expulsion illicite, celui demandant aide et protection en faveur des personnes déplacées maintient que c’est aux États Membres de promouvoir des solutions durables.  Le projet sur l’aide aux réfugiés, aux rapatriés et aux déplacés d’Afrique exhorte les pays à appliquer le principe du partage des charges et des responsabilités. 

Sur fond de COP26, l’environnement au centre des débats

Dans la foulée de la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP26), mais aussi de l’adoption par le Conseil des droits de l’homme d’une résolution qui reconnaît l’environnement propre, sain et durable comme un droit humain, la Commission a fait sienne un texte appelant à prévenir et combattre les crimes qui portent atteinte à l’environnement, comme le trafic d’espèces sauvages. 

Elle a, d’autre part, avalisé le projet sur les droits humains à l’eau potable et à l’assainissement, qui demande, entre autres mesures, de redoubler d’efforts pour réduire nettement la proportion des eaux usées non traitées rejetées dans l’environnement. 

Durban, droit au développement et santé sexuelle: le fossé se creuse

Traditionnelle pomme de discorde, le projet demandant une action concrète pour l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et pour l’application intégrale et le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban a conservé ce statut, bien que salué pour son appel à plus de justice réparatrice.  Après avoir boycotté, avec une quarantaine de pays, les célébrations du vingtième anniversaire de Durban, Israël a demandé un vote et souhaité que la communauté internationale se dote d’un « autre instrument ».  

Toujours aussi diviseur, le texte sur le droit au développement, présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés, a vu les oppositions se cristalliser autour de son projet d’instrument juridiquement contraignant.  Si les États-Unis ont récusé la notion même de droit au développement, l’Union européenne, l’Australie ou encore le Mexique ont jugé qu’une convention ne serait pas un mécanisme approprié pour sa réalisation. 

Les termes « santé sexuelle et procréative », « identité sexuelle » et « famille » ont provoqué les débats habituels lors de l’examen des projets sur l’application intégrale de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, les droits de l’enfant et les filles.  Au nom de valeurs sociétales, plusieurs pays ont exprimé de fortes réserves auxquelles le Royaume-Uni a répondu que ne pas inclure ces libellés « reviendrait à nier la réalité ». 

Division sur les mandats de pays mais consensus sur la situation au Myanmar

Comme de coutume, les résolutions de pays ont été dénoncées par les délégations visées et leurs alliés, qui ont parlé de textes politisés, leur préférant l’Examen périodique universel (EPU).  Un vote a ainsi été nécessaire pour entériner les projets sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, en République arabe syrienne et dans la République autonome de Crimée.  Le consensus a, en revanche, prévalu pour celui sur la situation en République populaire démocratique de Corée et, grande première, pour celui relatif aux droits humains des musulmans rohingya et des autres minorités au Myanmar. 

Le Représentant permanent du Myanmar, en poste à l’ONU depuis octobre 2020, s’est démarqué de la position de son pays en appuyant ce texte qui condamne le coup d’État militaire du 1er février 2021 et exhorte la junte à appliquer le consensus en cinq points de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).  En marge de ces débats, la session a été marquée par l’intervention de 43 pays qui ont sommé la Chine de « garantir le plein respect de l’état de droit » à l’égard des Ouïghours dans le Xinjiang. 

Les titulaires de mandat aux avant-postes et en quête de ressources  

La Commission a dialogué avec 65 titulaires de mandat, présidents d’organes conventionnels et experts.  Au cours des échanges, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, a insisté sur les « lacunes » révélées par la pandémie dans l’accès à la justice, à l’éducation et à la protection sociale, ainsi que sur la nécessité de traiter les vaccins contre la COVID-19 comme un bien public mondial, tandis que le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, regrettait l’instrumentalisation de la question des réfugiés et appelait à la solidarité, notamment avec l’Afghanistan désormais sous le contrôle des Taliban. 

De son côté, la Présidente du Conseil des droits de l’homme, Mme Nazhat Shameem Khan, a souligné l’importance du dialogue entre les titulaires de mandat et les États, non sans soulever la question des ressources.  À sa suite, la Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Mme Yanduan Li, a souhaité que l’examen du système des organes de traité débouche sur un financement adéquat des comités par le budget ordinaire de l’ONU. 

La couverture intégrale de la soixante-seizième session de la Troisième Commission est disponible ici.

QUATRIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS POLITIQUES SPÉCIALES ET DE LA DÉCOLONISATION

Malgré la persistance des défis organisationnels que pose la pandémie de COVID-19, la Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation (Quatrième Commission) a tenu, cette session, 16 séances publiques, ainsi que deux réunions informelles virtuelles, au cours desquelles elle a pu mener à bien l’examen de tous les points inscrits à son ordre du jour.  Sous la houlette de sa Présidente, Mme Egriselda Aracely González López, d’El Salvador, les mesures « temporaires » en vigueur ont permis à la Commission d’avoir un débat général conjoint sur l’ensemble des 16 points inscrits à son ordre du jour cette année, suivi de deux jours pour se prononcer sur ses 34 projets de résolution et trois décisions.  Les traditionnels dialogues interactifs avec de hauts fonctionnaires de l’ONU ont été circonscrits aux premières journées des travaux de fond de la Commission, afin de faire le point des activités de leurs départements, comités spéciaux et organes respectifs au cours de l’année écoulée.  Le retour des représentants de certains territoires non autonomes et des pétitionnaires dans les salles de la Commission a marqué le débat général conjoint qui leur a consacré pas moins de quatre séances officielles.  Fidèle à son éclectisme, la « Quatrième » a couvert un large éventail de questions thématiques, allant des processus de décolonisation aux opérations de paix et missions politiques spéciales, en passant par l’information à l’ONU, les rayonnements ionisants, l’espace extra-atmosphérique, les pratiques israéliennes dans les territoires occupés, la lutte antimines, examinée tous les deux ans, et l’Université de la paix, tous les trois ans. 

Questions de décolonisation relatives aux 17 territoires non autonomes

Après une année d’absence, la Commission a pu entendre cette année les interventions de représentants de certains des 17 territoires non autonomes qui figurent à son ordre du jour, et de pétitionnaires dont la majorité sont intervenus sur la question du Sahara occidental, comme à l’accoutumée.  Malgré les restrictions sanitaires imposées par la pandémie de COVID-19, ils ont été 66 à se déplacer à New York cette année pour s’exprimer sur ce sujet, qui oppose toujours les partisans du Front POLISARIO à ceux du plan d’autonomie élargie pour les « provinces du Sud » proposé par le Maroc; les défenseurs du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui à ceux du développement économique et de la légitimité des urnes des représentants élus du « Sahara marocain ». 

Dans un vibrant plaidoyer pour sa souveraineté sur le « Sahara marocain », le Maroc a invoqué la récente résolution 2602 (2021) du Conseil de sécurité qui réaffirme, entre autres, « la prééminence, le sérieux et la crédibilité du plan marocain d’autonomie » qui constitue l’unique solution à ce différend régional selon le Royaume chérifien.  Il a reproché à l’Algérie et à certains États Membres de rester focalisés sur une « approche idéologique et désuète » s’agissant du règlement de cette question.  Invoquant l’Article 12 de la Charte des Nations Unies, qui veille à prémunir l’ONU d’une « dichotomie statutaire » et d’un « décalage politique », le Maroc a argué en faveur du retrait de la question du Sahara occidental de l’ordre du jour de la Quatrième Commission puisque les « Pères fondateurs » de l’ONU ont clairement interdit à l’Assemblée générale et à ses commissions de faire des recommandations ou même de se saisir de points inscrits à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Poursuivre l’examen de cette question à la Quatrième Commission est donc « anachronique », a tranché cet État Membre, en expliquant que la décolonisation de cette partie de son territoire a été scellée en 1975, à la suite de la signature de l’Accord de Madrid, avec l’ancienne puissance coloniale, l’Espagne.

Réitérant sa position de longue date, l’Algérie a au contraire défendu le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.  Elle s’est jointe à l’appel du Secrétaire général demandant aux parties de désamorcer la situation et de reprendre le processus politique de bonne foi, exhortant la communauté internationale à garantir la protection et le soutien au peuple du Sahara occidental.  Saluant la nomination du nouvel Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental, M. Staffan de Mistura, les délégations, dont l’Algérie, ont espéré que sous sa houlette, reprendraient le processus politique et les négociations. 

D’autre part, le différend de souveraineté relatif aux Îles Malvinas, aux Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et aux zones maritimes environnantes a mobilisé les pays de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), du Marché commun du Sud (MERCOSUR) et du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), qui ont réitéré leur ferme soutien aux « droits légitimes de souveraineté de l’Argentine sur ces îles, appelant à la reprise des négociations entre l’Argentine et le Royaume-Uni pour trouver dès que possible une solution pacifique et définitive à leur différend.  La délégation britannique n’a pourtant pas eu de doutes quant à sa souveraineté sur l’archipel ou sur le droit à l’autodétermination des habitants des « Falkland », qu’ils ont exercé lors du référendum de 2013, lorsque 99,8% d’entre eux se sont prononcés pour le maintien de leur statut actuel, sous souveraineté britannique.

La France a, elle aussi, appelé à respecter les choix démocratiques des habitants de la Polynésie française, demandant son retrait de la liste des territoires non autonomes retenus par l’ONU.

Aide aux réfugiés de la Palestine - Droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé et dans le Golan syrien

Cette année, ce sont huit, au lieu de neuf projets de résolution que la Quatrième Commission a recommandés pour adoption à l’Assemblée générale.  Ces textes portaient notamment sur le mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et les pratiques israéliennes et appellent entre autres à l’arrêt immédiat et complet de toutes les activités de peuplement israéliennes, soulignant que cela est indispensable pour sauvegarder la solution des deux États dans les frontières de 1967. 

Intervenant pour la deuxième fois devant la Commission, le Commissaire général de l’Office, M. Philippe Lazzarini, a à la fois plaidé la cause des réfugiés palestiniens et celle de l’UNRWA qu’il dirige, une agence qui fait l’objet d’attaques « à motivation politique » visant à la discréditer et à la définancer.  Or, a argué le haut fonctionnaire, si l’UNRWA doit interrompre ses services vitaux pour les réfugiés palestiniens dans ses cinq zones d’opérations, faute de moyens, cela risque de provoquer une catastrophe humanitaire que cette région ne peut tout simplement pas se permettre.  S’inquiétant du sérieux décalage existant entre la dépendance croissante des réfugiés palestiniens vis-à-vis des services de l’UNRWA et la diminution de son financement par les donateurs, le haut fonctionnaire a fait état du profond sentiment d’abandon qu’éprouvent les réfugiés palestiniens à travers toute la région.  Maintenir des services de qualité devient « mission impossible », s’est-il désolé, faisant état d’un déficit de financement chronique en dépit du retour des États-Unis cette année en tant que partenaire et bailleur de fonds.  La Conférence internationale de soutien à l’UNRWA, que la Suède et la Jordanie ont convoquée en novembre, devait être l’occasion, selon M. Lazzarini, de travailler à un modèle de financement plus prévisible, soutenu et suffisant pour l’Office, et ce, afin de lui permettre de continuer de fournir protection et assistance aux réfugiés palestiniens « jusqu’à ce qu’une solution juste et durable soit trouvée » au conflit israélo-palestinien.

Information à l’ONU

Cette année encore, la Secrétaire générale adjointe à la communication globale, Mme Melissa Fleming, a fait le point sur les travaux et l’action du Département de la communication globale (DCG) qu’elle dirige.  Cette action s’articule autour de la stratégie de communication globale de l’ONU lancée en 2020, laquelle a permis d’adopter une approche axée sur les données empiriques afin de sensibiliser le public mondial, de « susciter l’empathie » et de mobiliser l’Organisation dans des circonstances aussi difficiles que celles posées par la pandémie de COVID-19.  Tout au long de 2021, l’ONU a poursuivi ses efforts pour tenter d’enrayer la propagation du coronavirus et atténuer ses impacts négatifs, a expliqué Mme Fleming, mais « l’infodémie » mondiale, d’abord autour de la COVID-19 elle-même et désormais autour de la vaccination, est devenue un défi majeur à relever avec des ressources minimes.  Ce défi ne se limitant pas à la pandémie, puisqu’il touche de nombreux autres sujets, le DCG a annoncé être sur le point de mettre en place une capacité dédiée à suivre et à contrecarrer la désinformation sur un large éventail de sujets.  Le Département a d’ores et déjà identifié un moyen de faire échec aux fausses informations et récits, par le biais de son initiative Verified, lancée en 2020 en partenariat avec l’agence d’impact social Purpose, qui offre un modèle déclinable pour créer et distribuer à grande échelle des contenus numériques partageables, adaptés à un public national ou local donné. 

Les États Membres ont salué à la fois la démarche et le travail du DCG, même s’ils ont été nombreux, cette année encore, à insister sur l’importance du multilinguisme et le respect de la parité entre les six langues officielles de l’ONU.  Le Groupe des Amis de la langue espagnole a notamment regretté la tendance au « monolinguisme » qui s’est accentuée avec la pandémie et le télétravail, alors que les 88 États Membres et observateurs du Groupe des ambassadeurs francophones ont défendu le multilinguisme, malgré les restrictions budgétaires, en faisant valoir que les plus grandes opérations de paix de l’ONU sont déployées dans l’espace francophone, et que la connaissance du français par leurs personnels contribuerait significativement à leur succès. 

Utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique

Dans le cadre de l’examen de ce point, la Commission a recommandé à l’Assemblée générale de proclamer le 20 juillet Journée internationale de la Lune, pour célébrer chaque année, à l’échelle internationale, le premier alunissage jamais effectué par l’être humain, le 20 juillet 1969, dans le cadre de la mission Apollo 11 et pour sensibiliser le public mondial à l’exploration et à l’exploitation durables de la Lune.

La couverture intégrale de la soixante-seizième session de la Quatrième Commission est disponible ici.

CINQUIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS ADMINISTRATIVES ET BUDGÉTAIRES

À l’issue d’une session principalement tenue à huis clos, la Cinquième Commission, fidèle à sa réputation de retardataire a, tard dans la nuit du 23 au 24 décembre, octroyé au Secrétariat de l’ONU une enveloppe de 3,12 milliards de dollars pour 2022, parmi les 16 résolutions qu’elle a recommandées à l’Assemblée générale. 

Le troisième budget annuel estimé à 3,12 milliards pour financer 10 000 postes

Le 13 octobre, après avoir rappelé que l’exercice 2021 « a mal commencé » avec un déficit de 199 millions de dollars et des arriérés de paiement de 808 millions de dollars, le Secrétaire général demandait une enveloppe de 3,119 milliards de dollars pour 2022 « dans le contexte d’un monde bouleversé par la pandémie de COVID-19 », soit une réduction de 2,8% par rapport à 2021, pour couvrir 10 005 postes, dont 46 nouveaux postes voués au renforcement du pilier « Développement ». 

Au bout du compte, le Secrétaire général a obtenu un budget exact de 3 121 651 000 dollars (A/C.5/76/L.18) même si les États-Unis et le Japon ont dit craindre « un bond » de 100 millions de dollars après actualisation des coûts, et le Groupe des 77 et la Chine ont avoué être troublés par un budget-programme préparé, analysé et présenté sans un plan-programme agréé par le Comité du programme et de la coordination (CPC), « pierre angulaire » du processus budgétaire.  Dans sa résolution A/C.5/76/L.3, la Commission décide d’ajouter à la session de la CPC une semaine supplémentaire. 

L’annualisation budgétaire, s’est réjouie l’Union européenne, tient sa promesse de rapprocher les mandats et l’allocation des ressources, comme on l’a vu dans la riposte de l’ONU à la pandémie de COVID-19.  Elle a insisté sur son refus des décisions arbitraires, de la politisation et de la fragmentation du budget.  À cet égard, le Brésil s’est félicité de ce que la Commission ait pu renoncer à « la pratique malsaine de faire des coupes budgétaires pour le plaisir d’en faire ».  L’augmentation des ressources disponibles pour le développement pour la deuxième année consécutive est une réalisation importante, a-t-il estimé.  Maintenant, il revient au Secrétariat de l’ONU de veiller à la bonne allocation des ressources pour améliorer sa performance et faire en sorte que l’argent du contribuable soit utilisé à bon escient, a ajouté la Chine.

Atténuation de la crise de trésorerie

Le 28 octobre, la Commission a débattu de la situation financière, qui, selon les propos tenus le 19 octobre par Mme Catherine Pollard, se démarque progressivement de la tendance aux déficits chroniques née en 2018.  La Secrétaire générale adjointe chargée du Département des stratégies et politiques de gestion et de la conformité indiquait en effet qu’après un déficit de 199 millions de dollars au début de l’année, l’ONU avait connu un pic de contributions sans précédent au mois d’avril, après l’appel du Secrétaire général.  Elle regrettait néanmoins « une incertitude financière » contraignant l’ONU à une gestion budgétaire fondée sur la disponibilité des liquidités plutôt que sur l’exécution des programmes, comme en atteste le taux d’exécution budgétaire le plus bas depuis 2010.

L’Union européenne a expliqué cette situation par la « rigidité » des règles et pratiques budgétaires actuelles, « véritable obstacle à une gestion efficace ».  L’Organisation, a-t-elle dénoncé, se retrouve piégée « dans un cercle vicieux » où le faible taux d’exécution budgétaire mène à la restitution des sommes non dépensées aux États Membres et même à ceux qui ont des arriérés, ce qui creuse encore le déficit.  La Suisse et le Liechtenstein ont proposé que le Secrétaire général soit autorisé à réaffecter, selon les besoins, les ressources à d’autres sections du budget.  Ils ont aussi suggéré de fortes incitations à payer rapidement les contributions et des mesures dissuasives claires pour les retards ou les non-paiements. 

La résolution A/C.5/76/L.8 ne dit rien de tout cela.  Elle s’inscrit dans la tradition consistant à demander à tous les États Membres de s’acquitter ponctuellement et sans condition de la totalité de leurs quotes-parts; de s’acquitter sans délai de la totalité de leurs arriérés; et le cas échéant, d’envisager de présenter des échéanciers de paiement pluriannuels.

Mission politiques spéciales: de 4 à 24% du budget en 20 ans

Le 22 octobre, la Commission a examiné l’enveloppe de 730 millions de dollars proposée pour financer les 38 missions politiques spéciales en 2022, soit, comme a noté le Brésil, un bond de 4% du budget ordinaire à 24% en 20 ans.  L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) s’est agacée de ce que la Commission n’ait pas pu, depuis 10 ans, examiner ce qu’a préconisé, le 13 décembre 2011, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), à savoir, créer un compte distinct, superposé au calendrier juillet-juin du budget des opérations de paix et dont le barème des quotes-parts reflèterait les responsabilités particulières des membres du Conseil de sécurité. 

La résolution A/C.5/76/L.17 baisse les ambitions du Secrétariat de l’ONU et octroie la somme de 712 millions de dollars dont 97 millions pour la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) et 107 millions pour la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).

Barème des quotes-parts 2022 à 2024

Comme tous les trois ans, la Commission a tenté une mise à jour des barèmes des quotes-parts pour le budget ordinaire de l’ONU et pour les opérations de paix relatifs à la période 2022-2024.  Le 23 décembre, le Groupe des États d’Afrique s’est enorgueilli d’avoir, dans les heures les plus sombres et les plus tardives de la session, alors que tout était en jeu et que les espoirs s’amenuisaient, fait preuve d’un leadership exemplaire, en invitant les puissances mondiales à un « conseil africain » pour discuter, partager des idées et surmonter l’impasse.  Nous avons même, a-t-il souligné, renoncé à nos plus hautes priorités dont la création d’un compte distinct pour les missions politiques spéciales.

Rien n’a changé dans la résolution A/C.5/76/L.8: les huit critères sur lesquels est calculé le barème des quotes-parts pour le budget ordinaire sont restés les mêmes, y compris le taux maximum de 22%.  Or, pendant les débats du 28 octobre, plusieurs délégations ont critiqué ce plafond mis en place en 2000 « au profit d’un seul État » dans ce qui est « une distorsion » du principe d’équité dans le partage des responsabilités.  L’État qui doit les trois quarts des arriérés est aussi celui qui bénéficie d’un plafond « artificiel », lequel avait été décidé pour permettre justement l’apurement de ses arriérés qui lui-même n’a jamais été effectué, s’est impatienté le Groupe des 77, ce 28 octobre.  Il est temps de supprimer ce plafond, tranchait alors la Chine, de toute évidence sans succès.

Dans sa résolution, la Commission prie comme d’habitude le Comité des contributions d’examiner les éléments de la méthode de calcul du barème des quotes-parts et de formuler des recommandations afin que ledit barème corresponde bien à la capacité de paiement des États Membres, principe jugé cette fois « fondamental ».  Au regard du barème 2022-2024, les six principaux contributeurs sont les États-Unis (22%), la Chine (15,25%), le Japon (8%),l’Allemagne (6,1%), et la France et le Royaume-Uni (4,3%). 

S’agissant du barème des quotes-parts pour les opérations de paix (A/C.5/76/L.9), les États restent répartis dans 10 catégories de A à J, allant des cinq membres permanents du Conseil de sécurité aux pays les moins avancés (PMA).  Trois pays de la catégorie B, l’Arabie saoudite, les Bahamas et Bahreïn, bénéficient, à titre exceptionnel, d’une remise de 7% compensé au prorata par les membres permanents du Conseil de sécurité.  Le Brésil a dit craindre que ce barème soit utilisé comme obstacle à l’accession des pays en développement au Conseil de sécurité.  S’ils sont non-membres du Conseil, aucun de ces pays ne devrait être classé au-dessus de la catégorie C, ont tonné les Bahamas, dont la quote-part a été multipliée par 5 ces 20 dernières années, ce qui n’a pas empêché un Royaume-Uni « déçu » de l’incapacité des membres de la Commission de mettre à jour les lacunes techniques du barème des quotes-parts, d’appeler les pays de la catégorie C à renoncer à leur dégrèvement. 

Traitement de fonctionnaires de l’ONU

Le 16 novembre, la Commission était saisie des recommandations de la Commission de la fonction publique internationale (CFPI), dont le relèvement de 0,92% du barème des traitements de base des fonctionnaires de rang supérieur, au 1er janvier 2022, et l’ajustement du barème dégressif des remboursements des frais d’études.  Ces recommandations qui concernent 100 000 membres, répartis dans 1 000 lieux d’affectation de 28 agences, fonds et programmes, ont une incidence de 7 millions de dollars pour l’ensemble des organismes appliquant le régime commun, dont 1,77 million pour le projet de budget-programme de 2022 du Secrétariat et 885 500 dollars pour les opérations de paix jusqu’en juin 2023. 

Si elle a suivi ces recommandations (A/C.5/76/L.14), la Commission souligne qu’elle reste préoccupée par l’application de deux coefficients d’ajustement à Genève et exhorte les organisations appliquant le régime commun de coopérer pleinement avec la Commission de la fonction publique internationale et d’appliquer un seul coefficient d’ajustement dans cette ville, après l’achèvement de l’étude sur le coût de la vie en 2022.  Elle demande à la Commission de réfléchir à l’idée d’utiliser des données extérieures pour ses études sur les dépenses du personnel et autres questions pertinentes. 

Contestations de mandats de droits humains

Dans une tendance qui a particulièrement inquiété le Royaume-Uni, la séance de clôture de la Commission a été marquée par une multiplication d’amendements et votes visant à supprimer le financement de mandats relatifs aux droits de l’homme jugés « partiaux » ou contraire au respect de la souveraineté nationale.  Seul l’amendement de la Slovénie, au nom de l’Union européenne, a été adopté par vote, afin de garantir un budget de 17 millions de dollars au « Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables » (A/C.5/76/L.10).

Commentant la portée générale des 16 résolutions adoptées par la Commission, l’Union européenne, appuyée par les États-Unis, s’est dite « préoccupée » par l’incapacité de certains membres de la Commission de rapprocher leurs points de vue, préférant des résolutions creuses, sans consistance et dénuées de directives politiques claires au Secrétariat de l’ONU.  Il est urgent, a-t-elle plaidé, de recouvrer notre faculté à faire des compromis faute de quoi nous risquons d’être bloqués en permanence dans le statu quo et de reléguer notre Commission à un rôle d’organe technique.

Seule des six commissions de l’Assemblée générale à se réunir plus d’une fois par an, compte tenu de sa lourde charge de travail, la Cinquième Commission tiendra sa première reprise de session au mois de mars, puis la seconde, au mois de mai.

La couverture intégrale de la soixante-seizième session de la Cinquième Commission est disponible ici.

SIXIÈME COMMISSION, CHARGÉE DES QUESTIONS JURIDIQUES

Présidée cette année par Mme Alya Ahmed Saif Al-Thani, la Représentante permanente du Qatar auprès des Nations Unies, la Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a, lors de cette nouvelle session placée sous le signe de la pandémie de COVID-19, examiné 22 questions substantielles et adopté un total de 19 projets de résolution et 9 projets de décision.  La prochaine session de la Sixième Commission se déroulera du 3 octobre au 18 novembre 2022. 

La Commission renoue son dialogue avec la Commission du droit international

Le Président de la Commission du droit international (CDI), M. Mahmoud Daifallah Hmoud, a présenté devant la Commission le dernier rapport de la CDI adopté à l’issue de sa soixante-douzième session.  Les délégations ont été unanimes à saluer ce retour à « un semblant de normalité » puisqu’il n’avait pas été possible pour la Commission de tenir sa session en 2020, ni d’adopter un rapport, en raison de la pandémie de COVID-19.  La pandémie a néanmoins continué d’affecter le déroulement de la session, puisque la CDI s’est réunie sous forme hybride et n’a pu accueillir le Séminaire de droit international pour la deuxième année consécutive. 

Préoccupées par la pollution atmosphérique, les délégations se sont félicitées que la CDI ait achevé cette année ses travaux sur la protection de l’atmosphère et adopté le projet de préambule et les projets de directive sur ce sujet.  Dans le même esprit, elles ont salué l’adoption du Guide de l’application à titre provisoire des traités par les États et les organisations internationales. 

Il a été décidé que la CDI tiendra sa prochaine session à l’Office des Nations Unies à Genève du 18 avril au 3 juin et du 4 juillet au 5 août 2022. 

Le nombre de membres de la CNUDCI élargi de 60 à 70 pour une meilleure représentation géographique

Les réalisations de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) ont été unanimement saluées par les États Membres lors de l’examen du rapport de sa cinquante-quatrième session.  La Commission a ainsi finalisé six textes législatifs, d’ordre technique, dans le domaine du droit commercial international, dont le Règlement de médiation et le Règlement sur l’arbitrage accéléré aux fins du règlement des litiges survenant dans le cadre des relations commerciales internationales. 

Le fait le plus notable cette année a été la recommandation faite à l’Assemblée générale d’élargir la composition de la CNUDCI, en portant le nombre de ses membres de 60 à 70 États.  Une majorité de participants ont salué l’idée d’une répartition géographique plus équitable, puisqu’il est proposé de doter chaque groupe régional de deux sièges supplémentaires. 

Exaspération devant le manque de progrès en vue d’une convention générale sur les crimes contre l’humanité

De nombreuses délégations ont fait part de leur exaspération devant le manque de progrès en vue de l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Une telle convention, élaborée par l’Assemblée générale ou par une conférence diplomatique internationale, se baserait sur le projet d’articles figurant dans le rapport de la CDI.

Ce projet d’articles, fruit d’années d’efforts, vise à combler une lacune dans l’ordre juridique international puisque, à la différence du génocide et des crimes de guerre, il n’y a pas de convention globale sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Appuyé par l’Union européenne ou bien encore les États-Unis, le délégué du Mexique a jugé « inacceptable » ce manque de progrès et dénoncé « un nouveau cycle d’inaction ».  Plus largement, le Mexique a jugé opportun de se pencher sur la valeur ajoutée qu’il y a à privilégier à tout prix une méthode de travail comme celle du consensus, qui peut être utilisé comme un « prétexte pour ne pas agir », en particulier sur ce sujet des crimes contre l’humanité. 

Vifs échanges autour du principe de compétence universelle

Les échanges ont été, cette année encore, extrêmement vifs autour de la portée et de l’application du principe de compétence universelle.  De nombreuses délégations ont de nouveau dénoncé un principe « à la portée incertaine », « politisé », faisant l’objet « d’abus ».  Ce principe, qui bat en brèche le principe de souveraineté nationale, fait l’objet de débats difficiles depuis plus de 10 ans au sein de la Commission.  D’autres délégations ont, au contraire, vu dans ce principe un outil précieux dans la lutte contre l’impunité, à l’instar de l’Allemagne qui a détaillé les affaires portées devant les tribunaux allemands relatives aux actes de torture commis dans les prisons syriennes par le régime syrien et aux crimes commis par des membres de Daech.

Ainsi, le 24 février 2021, le tribunal supérieur de Coblence a condamné un membre des services de renseignement syriens à quatre ans et six mois de prison pour complicité de crimes contre l’humanité.  « Ceux qui commettent des atrocités ne peuvent pas se sentir en sécurité.  Ils finiront par rendre des comptes », a déclaré le délégué allemand. 

L’action onusienne de promotion de l’état de droit sous le feu des critiques

Dans son rapport sur le renforcement et la coordination de l’action des Nations Unies dans le domaine de l’état de droit, le Secrétaire général explique que l’assistance de l’ONU jouera un rôle central dans le rétablissement de la confiance dans les institutions, notamment en continuant de permettre de faire face aux effets dévastateurs de la pandémie, dans l’action sur les causes profondes et les moteurs des conflits, et dans l’appui au respect du droit international.

Toutefois, lors du débat sur l’état de droit aux niveaux national et international, les délégations n’ont pas ménagé leurs critiques à l’encontre de l’action menée par l’ONU dans ce domaine.  La Fédération de Russie s’est ainsi livrée à un réquisitoire contre les efforts onusiens, tels que détaillés dans le rapport du Secrétaire général soumis à la discussion.  Il s’agit d’un rapport « déséquilibré » qui impose certaines normes de conduite et d’organisation interne, « approuvées par on ne sait qui ni quand », aux États Membres, a tonné le délégué russe. 

Le Guatemala a souhaité ouvrir un « dialogue franc et ouvert » sur l’efficacité, la cohérence et la prévisibilité de l’assistance fournie par l’ONU, tandis que de nombreux pays ont demandé qu’elle respecte la souveraineté des pays et le principe de non-ingérence dans leurs affaires intérieures.  D’autres délégations ont, au contraire, reconnu le rôle central de l’assistance fournie par les entités des Nations Unies en matière d’état de droit, à l’instar de l’Autriche, du Costa Rica ou encore de la Zambie. 

Appels de plus en plus insistants pour un encadrement juridique des sanctions

Des délégations ont demandé avec insistance un encadrement des mesures coercitives unilatérales, à l’occasion de l’examen du rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation.  Le délégué de l’Iran a ainsi jugé qu’il était temps que le Comité spécial se penche sur la proposition de son pays visant à inclure un nouveau sujet intitulé « Obligations des États Membres concernant les mesures coercitives unilatérales: lignes directrices sur les moyens de prévenir, éliminer, réduire et corriger les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales ».  Plusieurs pays, dont le Zimbabwe ou encore la Fédération de Russie, ont appuyé la proposition de l’Iran, tandis que les États-Unis ont demandé que le Comité ne soit pas utilisé comme une « tribune pour exprimer des préoccupations bilatérales ».

Sur une note positive, les États se sont engagés à marquer, en novembre 2022, le quarantième anniversaire de la Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux.

Divergences persistantes autour de la protection des personnes

Lors du débat sur la protection des personnes en cas de catastrophe, certaines délégations ont souligné le manque de consensus international sur le projet d’articles de la CDI et jugé inopportun d’élaborer un instrument juridiquement contraignant sur cette base.  La Chine a dit ainsi craindre que l’aide extérieure en cas de catastrophe ne sape la souveraineté des États, bien que le principe fondamental de la souveraineté soit réaffirmé dans le préambule du projet de la CDI, comme l’a rappelé le Brésil. 

Des pays comme la Sierra Leone, le Bangladesh, les Philippines, la Colombie, le Portugal, l’Italie, le Mexique et la Jamaïque ont ainsi marqué leur soutien à l’élaboration d’une convention, instrument qui serait « central pour réduire les risques et répondre aux besoins des personnes concernées », selon la Jamaïque.  Toutes les délégations se sont en revanche inquiétées de l’intensification des catastrophes, à l’instar de l’Alliance des petits États insulaires qui a souligné la vulnérabilité extrême de ces pays aux changements climatiques. 

Débat sur la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale et nouvelle critique du Mexique contre le principe de consensus

Le bref débat que la Commission a tenu sur la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale a été marqué par l’intervention du Mexique qui a déclaré que le respect du plus petit dénominateur commun a pour effet d’aboutir à la seule mise à jour technique des textes, avant de prendre l’exemple de la résolution sur l’état de droit.  « Cela fait des années que nous n’arrivons pas à débattre du fond de cette question par respect pour cette règle d’or du consensus », a dit le délégué mexicain, en écho à son intervention prononcée lors du débat sur les crimes contre l’humanité.  La déléguée d’El Salvador a, en revanche, affiché son attachement à ladite règle d’or. 

Les antagonismes politiques marquent les discussions sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international

Le débat sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international a été, comme à l’accoutumée, marquée par l’expression de forts antagonismes politiques.  Plusieurs États Membres se sont ainsi mutuellement accusés de soutenir le terrorisme, voire de perpétrer un « terrorisme d’État ».  Les divisions ont également concerné l’opportunité d’adopter une convention générale sur le terrorisme international, même si une majorité de délégations se sont prononcées en faveur d’un tel texte.  Celles-ci ont estimé qu’il permettrait de remédier aux lacunes existantes, notamment l’absence de définition universellement acceptée du terrorisme. 

À ce propos, l’Iran, qui s’exprimait au nom du Mouvement des non-alignés, a tenu à rappeler que le terrorisme ne peut être assimilé à la lutte légitime des peuples vivant sous une occupation étrangère ou sous une domination coloniale pour exercer leur droit à l’autodétermination et se libérer.  S’il y a eu unanimité des délégations, ce fut sur la nécessité de lutter contre les causes profondes du terrorisme et de défaire les liens de plus en plus étroits entre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.  La Commission a de nouveau décidé de créer un groupe de travail sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international en vue de la finalisation d’une telle convention. 

Constat alarmant en ce qui concerne la responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies

La discussion sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies s’est ouverte sur un constat alarmant: depuis 2007, 286 allégations sérieuses d’infraction visant des membres du personnel onusien ont été signalées aux États.  Pis, près du quart du nombre total d’allégations ont été recensées pendant la période allant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021.  Malgré le dévouement du personnel onusien, unanimement salué, et la politique de tolérance zéro promue par l’Organisation, la question de la suite donnée par les États aux allégations crédibles laissant présumer que leurs ressortissants ayant la qualité de fonctionnaires ou d’experts onusiens ont commis une infraction continue de se poser.  La délégation d’Haïti a ainsi regretté que plus de 250 allégations parmi les 286 spécifiées dans les rapports du Secrétaire général soient restées sans réponse. 

Plaidoyer en faveur de l’utilisation d’outils électroniques pour l’enregistrement des traités

Dans le cadre du point consacré au renforcement et à la promotion du régime conventionnel international, la Commission a recommandé à l’Assemblée générale d’apporter diverses modifications au règlement destiné à mettre en application l’Article 102 de la Charte des Nations Unies -sur l’enregistrement, le classement et l’inscription au répertoire et la publication des traités- étant entendu que le règlement s’appliquera dans sa version modifiée à compter du 1er février 2022.

Pendant les discussions, les délégations ont fait le constat d’un déséquilibre géographique persistant dans l’enregistrement des traités, au profit le plus souvent des États occidentaux, et plaidé pour une simplification de la procédure prévue à l’Article 102.  Elles ont argué qu’une utilisation des outils électroniques pourrait aider à réduire les arriérés dans la publication des traités.  Certaines d’entre elles ont ainsi souscrit aux propositions soumises par l’Espagne, au nom de 17 autres États Membres.

Les délégations saluent la réduction de l’arriéré des affaires du Tribunal administratif des Nations Unies

Les délégations ont réaffirmé leur soutien à la construction d’un système de justice interne à l’ONU indépendant, impartial, transparent et professionnalisé.  Elles ont salué la réduction de l’arriéré des affaires du Tribunal administratif l’année dernière, ainsi que le léger recul du taux d’autoreprésentation à 42,77%.  Elles ont néanmoins jugé essentiel que le personnel non fonctionnaire des Nations Unies ait accès aux mêmes services de règlement des différends que les fonctionnaires.

Frustrations autour des questions en suspens s’agissant des relations avec le pays hôte

Les délégations de l’Iran, de la Syrie, de Cuba, du Venezuela ou encore de la Fédération de Russie ont de nouveau demandé que les considérations politiques n’interférent pas avec l’application de l’Accord de Siège par le pays hôte, en l’occurrence les États-Unis.  Ces délégations ont dénoncé les refus de visas ou les délais dans leur octroi, ainsi que les restrictions de déplacement imposées à leurs membres, obérant leur bonne participation aux réunions onusiennes.  Ces difficultés sont détaillées dans le rapport du Comité des relations avec le pays hôte.  Les délégations précitées ont aussi agité le spectre d’un recours aux mesures d’arbitrage au titre de la section 21 dudit accord si les questions soulevées dans ce rapport n’étaient pas réglées dans un délai raisonnable. 

Les États-Unis ont, eux, assuré qu’ils s’efforçaient de s’acquitter de leurs responsabilités et d’accueillir toutes les délégations à New York.  Notant que ces restrictions ont été récemment allégées et que la vaste majorité des visas a été accordée dans les délais, la déléguée américaine a estimé que recourir à un mécanisme formel de règlement des différends avec le pays hôte serait « inadéquat et non justifié ».

Satisfaction des délégations autour du programme pour la diffusion du droit international

Les délégations ont toutes exprimé leur attachement au Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international qui, depuis sa création en 1965, a contribué à la formation de générations de praticiens du droit.  En raison de la pandémie, les cours régionaux de droit international des Nations Unies se sont déroulés en ligne.  La majorité des délégations ont souhaité leur reprise en présentiel dès que les circonstances le permettront.  Soulignant les difficultés financières rencontrées par le Programme d’assistance, elles ont plaidé pour un financement par le budget ordinaire de l’ONU et des contributions volontaires des États. 

La couverture intégrale de la soixante-seizième session de la Sixième Commission est disponible ici.

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