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Le Secrétaire général appelle à déclarer l’état d’urgence climatique

 On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du Sommet sur l’action climatique, aujourd’hui:

Je suis heureux de vous accueillir au Sommet sur l’ambition climatique à l’occasion du cinquième anniversaire de l’Accord de Paris.  Cinq ans après l’Accord de Paris, nous ne sommes toujours pas sur la bonne voie.  À Paris, la promesse de limiter autant que possible l’élévation de la température à 1,5°C avait été faite. 

Mais les engagements qui avaient été alors pris pour y parvenir n’étaient pas suffisants.  Et même ces engagements n’ont pas été respectés.  Les niveaux de dioxyde de carbone n’ont jamais été aussi hauts.  Aujourd’hui, la température est de 1,2 C de plus qu’avant la révolution industrielle.  Si nous n’infléchissons pas la tendance, nous allons tout droit vers une augmentation catastrophique de plus de 3 C pendant le XXIe siècle.  Il n’est plus possible de nier que nous faisons face à une urgence dramatique. 

C’est la raison pour laquelle j’appelle aujourd’hui les responsables du monde à déclarer l’état d’urgence climatique dans leur pays jusqu’à ce que la neutralité carbone soit atteinte.  C’est ce qu’ont déjà fait 38 pays, conscients de l’urgence de la situation et de ce qui se joue.  J’appelle les autres pays à suivre leur exemple.

Nous ne sommes pas condamnés à échouer.  Le relèvement du COVID-19 peut être vu comme une occasion d’engager nos économies et nos sociétés sur une voie verte, conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Mais ce n’est pas encore gagné.  Pour l’instant, les membres du G20 consacrent 50% de plus à leurs plans de relance et de sauvetage des secteurs liés à la production et à la consommation de combustibles fossiles qu’aux énergies à faible teneur en carbone.

C’est inacceptable.  Les milliers de milliards de dollars nécessaires au relèvement du COVID, c’est aux générations futures que nous les empruntons.  Il s’agit là d’un test moral.  Nous ne pouvons pas utiliser ces ressources pour mettre en place des politiques qui fassent crouler les générations futures sous une montagne de dettes, sur une planète en ruine.  C’est pourquoi l’Organisation des Nations Unies s’est donnée pour premier objectif en 2021 de constituer une véritable coalition mondiale qui permette de parvenir à la neutralité carbone d’ici à la moitié du XXIe siècle. 

Mais il ne suffit pas de faire des promesses.   Pour les tenir, des efforts importants s’imposent dès à présent pour réduire les émissions mondiales de 45% d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2010.

Ces objectifs de réduction des émissions doivent être clairement énoncés par les signataires de Paris dans des contributions déterminées au niveau national révisées et renforcées, qu’ils sont tenus de soumettre avant la COP26, l’an prochain, à Glasgow.

Je félicite les dirigeantes et les dirigeants du monde qui présenteront aujourd’hui de nouveaux objectifs pour 2025 et 2030.  Le Royaume-Uni s’est engagé à réduire ses émissions de 68% d’ici à 2030 par rapport à 1990.  L’Union européenne a décidé de réduire ses émissions d’au moins 55% d’ici à 2030 par rapport à 1990.

Ces décisions méritent d’être imitées.  Chaque pays, ville, institution financière et entreprise doit adopter un plan de transition vers zéro émission nette d’ici à 2050, -- et commencer à le mettre en œuvre dès maintenant, notamment en fixant des cibles claires à court terme.  Les principaux secteurs émetteurs, tels que le transport maritime, l’aviation et l’industrie, doivent également présenter et appliquer de nouveaux plans de transformation, en accord avec cet objectif.

Nous avons un atout de notre côté : la technologie.  Et nous pouvons compter sur une analyse économique solide.  Les énergies renouvelables deviennent chaque jour de moins en moins chères.  L’action climatique peut entraîner la création de millions d’emplois et être le gage d’une meilleure santé et d’infrastructures résilientes.  Mais il est essentiel que ce soit une transition juste - et nous devons aussi reconnaitre que le leadership des femmes est important pour l’action climatique.

Les politiques économiques et les financements mondiaux doivent être au diapason de l’Accord de Paris et des objectifs de développement durable.  Il est grand temps: De fixer un prix au carbone; d’éliminer progressivement le financement des combustibles fossiles et de mettre un terme aux subventions dont ils bénéficient; d’arrêter de construire de nouvelles centrales à charbon; de faire peser l’impôt non plus sur le revenu mais sur le carbone, non plus sur les contribuables mais sur les pollueurs; de rendre obligatoire la divulgation des risques financiers liés au climat; et d’intégrer l’objectif de neutralité carbone dans toutes les politiques et décisions économiques et budgétaires.

Le secteur financier privé doit aider les entreprises à transformer leurs modèles économiques, aligner ses investissements avec l’objectif de neutralité carbone et publier ses progrès en ce sens.  Les propriétaires et gestionnaires d’actifs doivent décarboner leurs portefeuilles.  Les institutions financières internationales et les banques de développement nationales doivent mobiliser les fonds et investissements privés pour les pays en développement.  Et les pays développés doivent tenir leur engagement de rassembler chaque année 100 milliards de dollars pour les pays en développement à partir de 2020.

Nous n’y sommes pas encore.  Notre objectif collectif doit être d’aller encore plus loin et de dépasser ces 100 milliards de dollars par an en 2021 et de revoir à la hausse les financements publics internationaux ensuite.  Mais aujourd’hui, l’adaptation ne représente que 20% des financements concernant le climat.  Nous avons besoin d’une véritable percée sur l’adaptation et la résilience. 

C’est particulièrement urgent pour les petits États insulaires en développement, dont l’existence même est menacée.  L’adaptation ne doit pas être la grande oubliée de l’action climatique. 

Nous vivons un moment de vérité, mais il y aussi des raisons d’espérer.  De plus en plus de pays s’engagent à atteindre zéro émission nette.  Le monde des affaires prend le chemin de la durabilité.  Les villes s’efforcent de devenir plus vertes et plus vivables.  Les jeunes prennent les choses en main et poussent les autres à assumer leurs responsabilités.  Les mentalités évoluent.  L’action climatique est devenue le baromètre du leadership dans le monde contemporain.   C’est ce dont les peuples et la planète ont besoin à l’heure actuelle. 

Les objectifs de développement durable et l’Accord de Paris constituent notre feuille de route.  Mais nous devons toutes et tous prouver que notre parole est crédible et tenir la promesse d’un monde à zéro émission nette.  Alors qu’approche la COP26, je vous exhorte toutes et tous à faire preuve d’ambition, à faire cesser les coups portés à notre planète, et à faire ce qu’il faut pour garantir l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants.

Je vous remercie.

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