Au Forum de Paris sur la paix, le Secrétaire général propose trois axes pour limiter la hausse de température: neutralité carbone, adaptation, financement
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée aujourd’hui lors du Forum de Paris sur la paix:
Cinq ans après l’adoption de l’Accord de Paris, nous sommes encore loin d’une trajectoire nous permettant de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C.
Pour cela, et la communauté scientifique ne cesse de nous le rappeler, il faut à tout prix réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici à 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Je souhaiterais donc profiter de cet échange pour proposer trois axes d’action:
Premièrement, 2021 doit être l’année d’un bond en avant vers la neutralité carbone. L’objectif principal des Nations Unies est de tout faire pour mobiliser l’année prochaine une coalition globale en faveur de la neutralité carbone. Chaque pays, ville, institution financière et entreprise doit adopter des plans de transition vers zéro émissions nettes à l’horizon 2050.
Des signaux encourageants se multiplient. D’ici au début 2021, des pays représentant plus de 65% des émissions mondiales de CO2 et plus de 70% de l’économie mondiale auront pris des engagements ambitieux de neutralité carbone.
Le signal envoyé aux marchés, aux investisseurs institutionnels et aux décideurs est clair. Il faut donner un prix au carbone. Le temps des subventions aux énergies fossiles est révolu. Nous devons progressivement éliminer le charbon. Nous devons transférer la charge fiscale du contribuable aux pollueurs.
Il faut rendre le reporting financier relatif à l’exposition aux risques climatiques obligatoire. Les autorités doivent intégrer l’objectif de neutralité carbone dans toutes les politiques et décisions économiques et fiscales afin de véritablement transformer l’industrie, l’agriculture, les transports et le secteur de l’énergie.
Mais une grande coalition sur l’objectif de zéro émissions nettes ne saurait être globale sans les pays en développement. Cela implique de tenir compte, en bonne foi, des responsabilités communes mais différenciées de chacun et d’accompagner ces pays dans l’adoption et surtout dans la réalisation d’objectifs ambitieux.
Dans le même temps, nous devons prévenir davantage. Ainsi, selon un rapport récent de l’OCDE, seul un cinquième de la finance climat est dédié aux efforts d’adaptation. L’adaptation ne doit pas être le parent pauvre de l’action climatique.
Enfin, tout cela implique des financements privés et publics qui, aujourd’hui, font défaut. Ce même rapport de l’OCDE indique aussi que sur la période 2016-2018, seulement 14% de la finance climat était dédiée aux Pays les Moins Avancés. Les petits États insulaires en développement n’ont eu accès qu’à 2% de ces fonds. C’est non seulement insuffisant, mais aussi dangereux. L’engagement de 100 milliards de dollars n’a pas été atteint. Or, il est essentiel et urgent si nous voulons raviver l’esprit de coopération de l’Accord de Paris.
Mais l’action climatique s’inscrit dans une plus grande vision de protection de notre planète, et en particulier de la biodiversité. Alors que nous faisons face à la pandémie de COVID-19, rappelons qu’environ trois quarts des nouvelles maladies infectieuses sont zoonotiques. Ces maladies nouvelles sont le résultat de nos modes de vie. En détruisant les écosystèmes les uns après les autres, nous affaiblissons les barrières biologiques qui tiennent ces virus à distance et affaiblissons nous-même nos capacités d’adaptation.
La perte de forêts, la pollution et l’acidification des océans et la disparition d’écosystèmes sains revient à supprimer les puits de carbone les plus efficaces ainsi que certaines des meilleures protections naturelles contre les évènements extrêmes.
Nous devons intégrer pleinement l’action climatique et environnementale aux plans de relance afin de rebâtir des économies et des sociétés durables et inclusives. Mais aucun pays ne peut réussir une telle transformation de manière isolée. Nous avons besoin de coopération et de solidarité.
C’est pourquoi un multilatéralisme renouvelé, inclusif et en réseau, est plus que jamais nécessaire pour mobiliser tous les acteurs et engager une véritable transformation globale. Nous n’avons plus de temps à perdre.