Le monde n’a pas besoin d’un gouvernement mondial mais bien d’une gouvernance mondiale améliorée maintenant que la COVID-19 a mis à nu ses fragilités, souligne M. Guterres
On trouvera ci-après l’allocution prononcée par le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à la cérémonie de l’Assemblée générale marquant le soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, le 21 septembre:
Les idéaux de l’Organisation des Nations Unies –la paix, la justice, l’égalité et la dignité– sont les piliers d’un monde meilleur. Mais l’Organisation dont nous célébrons aujourd’hui l’anniversaire n’a vu le jour qu’après d’immenses souffrances. Il a fallu deux guerres mondiales, des millions de morts et les horreurs de l’Holocauste pour que les dirigeants du monde s’engagent enfin pour la coopération internationale et l’état de droit.
Cet engagement a produit des résultats. Une troisième guerre mondiale –que tant redoutaient– a été évitée. Jamais, dans l’histoire moderne, n’avons-nous traversé autant d’années sans confrontations militaires entre grandes puissances. C’est un accomplissement majeur dont les États Membres peuvent tirer fierté – et que nous devons tous nous efforcer de préserver.
Au fil des ans, il y a eu d’autres avancées historiques, notamment: les traités de paix et le maintien de la paix; la décolonisation; les normes en matière de droits humains et les mécanismes garantissant leur respect; le triomphe sur l’apartheid; une aide humanitaire vitale dispensée à des millions de victimes de conflits et de catastrophes; l’éradication de maladies; la réduction continue de la faim; le développement progressif du droit international; des pactes déterminants pour la protection de l’environnement et de notre planète. Dernièrement, le soutien unanime pour les Objectifs de développement durable et l’Accord de Paris sur les changements climatiques ont fixé un cadre ambitieux pour le XXIe siècle.
Pourtant, il reste encore tant à accomplir. Il n’y avait que 8 femmes parmi les 850 représentants présents à la Conférence de San Francisco. Vingt-cinq ans après le Programme d’action de Beijing, l’inégalité entre les genres demeure le plus grand défi au monde pour les droits humains.
Des calamités climatiques se profilent à l’horizon. La biodiversité s’effondre. La pauvreté s’accroît à nouveau. La haine se répand. Les tensions géopolitiques se durcissent. Les armes nucléaires restent en état d’alerte instantanée. Des technologies porteuses de changements ont ouvert de nouvelles possibilités mais également créé des menaces nouvelles. La pandémie de COVID-19 a mis à nu les fragilités du monde. Ce n’est qu’en nous unissant que nous pourrons faire face à ces réalités.
Aujourd’hui, nous avons trop de problèmes multilatéraux et pas assez de solutions multilatérales. Je salue la déclaration convenue par l’Assemblée générale à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation ainsi que l’engagement de l’Assemblée à revigorer le multilatéralisme. Vous m’avez invité à étudier les moyens de faire progresser notre programme commun, et je donnerai suite à votre demande en vous communiquant une analyse et des recommandations. Il s’agira d’un processus de profonde réflexion, qui sera déterminant et que je veux inclusif.
D’ores et déjà, nous savons que nous avons besoin d’un multilatéralisme plus fort et plus efficace, qui allie vision, ambition et impact. La souveraineté nationale –un principe fondamental des Nations Unies– va de pair avec une coopération internationale renforcée, reposant sur des valeurs communes et des responsabilités partagées dans la poursuite du progrès pour tous et toutes.
Personne ne souhaite de gouvernement mondial – mais nous devons œuvrer de concert pour améliorer la gouvernance mondiale. Dans un monde interconnecté, nous avons besoin d’un multilatéralisme en réseau, dans lequel la famille des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales, les blocs commerciaux et d’autres collaborent plus étroitement et plus efficacement. Nous avons également besoin, comme l’a dit le Président, d’un multilatéralisme qui soit inclusif et s’appuie sur la société civile, les villes, les entreprises, les collectivités et, de plus en plus, sur la jeunesse.
Le Secrétariat a célébré cet anniversaire en menant une consultation à l’échelle planétaire. Plus d’un million de personnes à travers le monde, et notamment un grand nombre de jeunes, ont fait entendre leurs voix. Les participants ont fait part de leurs craintes et de leurs espoirs pour l’avenir. Ils estiment que la coopération internationale est indispensable pour faire face aux réalités de notre époque. Ils ont relevé que la pandémie du COVID-19 rendait cette solidarité plus urgente encore. Et ils ont souligné que le monde avait besoin de systèmes de santé et de services de base universels.
Les gens craignent la crise climatique, la pauvreté, les inégalités, la corruption et la discrimination systémique fondée sur la couleur de peau ou le genre. Ils voient l’ONU comme un instrument pour bâtir un monde meilleur. Et ils comptent sur nous pour être à la hauteur des épreuves d’aujourd’hui. Cette responsabilité revient au premier chef aux États Membres.
Ce sont les États Membres qui ont fondé l’Organisation des Nations Unies. Ils ont le devoir de s’y investir pleinement, de nourrir l’Organisation et de lui fournir les moyens dont elle a besoin pour avoir un impact véritable. Nous le devons à « nous, les peuples ». Nous le devons aux soldats de la paix, aux diplomates, au personnel humanitaire et à celles et ceux qui ont sacrifié leur vie pour faire progresser nos valeurs communes. Je salue tous les membres du personnel, passés et présents, pour leur dévouement à faire vivre les idéaux de l’ONU.
Les fondateurs de notre Organisation se sont mis à l’ouvrage alors que le conflit faisait rage. Aujourd’hui, c’est à nous qu’il appartient de se frayer un chemin hors du danger. Pour reprendre les termes de notre Charte, c’est à nous, Nations Unies, « d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins ». Je vous remercie.