Le Secrétaire général présente six domaines potentiels de coopération entre l’ASEAN et l’ONU
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du débat du Conseil de sécurité consacré à la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, à New York, aujourd’hui:
Je remercie le Viet Nam, en tant que Président du Conseil de sécurité et Président de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) pour 2020, d’avoir organisé la présente séance d’information.
En cette époque de défis de plus en plus complexes lancés à la paix et à la sécurité mondiales, les efforts multilatéraux de coopération et d’intégration, notamment des partenariats solides entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales, sont essentiels.
Depuis son officialisation en 2011, le partenariat global entre l’ASEAN et l’ONU est devenu un élément important de l’important dialogue entre l’Organisation et les organisations régionales.
Aujourd’hui, nous nous concentrons sur la façon dont l’ASEAN et l’ONU peuvent renforcer leur coopération pour juguler les menaces contre la paix et la sécurité.
Premièrement, je tiens à saluer les contributions de longue date des États membres de l’ASEAN aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Environ 5 000 militaires et agents de police de sept États membres de l’ASEAN servent actuellement dans des missions partout dans le monde.
Le nombre croissant de soldates de la paix déployées par les États membres de l’ASEAN témoigne de la prise de conscience par l’ASEAN des rôles cruciaux que les soldates de la paix peuvent et doivent jouer dans l’exécution des mandats des missions.
Les 10 États membres de l’ASEAN ont entériné l’initiative Action pour le maintien de la paix, et nous continuons de travailler en étroite coopération pour nous acquitter des engagements partagés et veiller à ce que le maintien de la paix reste adapté aux objectifs visés.
Nous sommes également reconnaissants aux six pays de l’ASEAN qui ont annoncé des contributions au Système de préparation des moyens de maintien de la paix. Je remercie le Viet Nam, l’Indonésie, la Thaïlande et le Cambodge d’accueillir, sur la base d’un roulement, le projet de partenariat triangulaire visant à améliorer les capacités du génie des Casques bleus dans la région et au-delà.
Depuis sa création en 1967, l’ASEAN a participé à de nombreuses initiatives régionales en matière de diplomatie discrète, de prévention des conflits et de consolidation de la paix dans les situations de conflit.
En 2011, le Conseil de sécurité a soutenu les efforts diplomatiques de promotion de solutions pacifiques déployés par l’ASEAN pour mettre fin aux escarmouches frontalières entre la Thaïlande et le Cambodge. Plus récemment, le rôle de l’ASEAN concernant la situation dans l’État rakhine du Myanmar a eu une immense importance pour l’Organisation des Nations Unies.
Il est essentiel que les efforts internationaux trouvent une solution à la situation critique des personnes déplacées et des réfugiés qui vivent encore dans des conditions épouvantables.
Notre coopération renforcée avec l’ASEAN est cruciale pour faire progresser des mesures concrètes conformes aux principes humanitaires et aux recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine. Ces recommandations requièrent un suivi urgent dans leur intégralité, notamment la mise en place énergique des conditions nécessaires au retour librement consenti, dans la sécurité et la dignité, des réfugiés et déplacés rohingya dans leurs lieux d’origine ou à l’endroit de leur choix.
L’Organisation se félicite également du dialogue constructif entre l’ASEAN et la Chine en vue du maintien de la paix régionale et de la sécurité maritime. Nous attendons avec intérêt la conclusion d’un code de conduite dans la mer de Chine méridionale pour aider à prévenir les différends maritimes.
L’ASEAN joue un rôle clef dans le dispositif régional de paix et de sécurité, notamment en réunissant de grandes puissances régionales dans les instances qu’elle dirige.
Nous encourageons l’ASEAN à utiliser ce grand pouvoir fédérateur pour contrecarrer de manière efficace et créative les menaces contre la paix et la sécurité dans l’ensemble de la région Asie-Pacifique.
La situation sur la péninsule coréenne reste extrêmement préoccupante. Grâce à la diplomatie publique ou discrète, notamment en organisant des réunions historiques à Singapour et à Hanoï, la région de l’ASEAN a contribué aux efforts en faveur d’une paix et d’une sécurité durables et de la dénucléarisation complète et vérifiable de la péninsule coréenne.
L’Indonésie et le Viet Nam étant des membres actifs du Conseil de sécurité en 2020, nous espérons que des liens plus solides pourront être établis entre l’ASEAN et l’ONU pour faire avancer les efforts relatifs à la péninsule coréenne.
Pour l’avenir, il existe de nombreux domaines potentiels de coopération concrète entre l’ASEAN et l’Organisation des Nations Unies dans les domaines de la paix et de la sécurité.
Premièrement, l’ASEAN et l’ONU peuvent renforcer leur coopération dans le maintien de la paix, notamment pour la formation, l’accroissement de la participation des femmes aux processus de paix et au maintien de la paix et le partage d’enseignements tirés avec d’autres organisations régionales.
Deuxièmement, l’Organisation est prête à renforcer une coopération technique concrète, en particulier avec l’Institut de l’ASEAN pour la paix et la réconciliation et le Registre des femmes pour la paix de l’ASEAN, lancé récemment.
Nous nous réjouissons à la perspective de renforcer notre coopération dans la région pour l’application du programme pour les femmes et la paix et la sécurité et pour la promotion du programme relatif aux jeunes et à la paix et à la sécurité. Nous espérons vivement aussi poursuivre notre collaboration en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités dans le domaine des droits de la personne et du renforcement du rôle de la Commission intergouvernementale des droits de l’homme de l’ASEAN.
Troisièmement, l’ONU va raffermir davantage son appui technique à l’ASEAN dans la lutte contre le terrorisme et la prévention de l’extrémisme violent, en particulier dans le cadre du Plan d’action de l’ASEAN pour prévenir et combattre la montée de la radicalisation et de l’extrémisme violent.
Quatrièmement, l’ASEAN et l’ONU sont toutes deux conscientes de l’urgence d’améliorer la gestion des frontières pour faire face aux menaces transfrontières contre la sécurité et à la criminalité transnationale organisée.
Cinquièmement, l’ASEAN et l’Organisation pourraient envisager d’élaborer conjointement des dispositifs d’alerte rapide et d’analyse des menaces, notamment pour les menaces bien connues causées par les inégalités et l’exclusion, ainsi que les menaces nouvelles et émergentes dans des domaines tels que les discours de haine et la cybersécurité.
Cela a été discuté lors du dialogue régional ASEAN-ONU sur la coopération en matière de politique et de sécurité, coorganisé le mois dernier à Hanoï par l’Organisation et le Viet Nam.
Sixièmement, s’agissant de la crise climatique, l’urgence climatique a des incidences mondiales considérables et de grande ampleur, notamment sur la paix et la sécurité.
Étant donné que quatre États membres de l’ASEAN figurent parmi les 10 pays du monde les plus touchés par les changements climatiques, nous comptons renforcer à l’avenir nos liens avec les nations de l’ASEAN tandis qu’elles prennent des mesures urgentes pour améliorer l’adaptation et développer la résilience face aux catastrophes. Nous entendons également aider ces pays à renforcer leur sécurité énergétique tout en décarbonisant leurs économies dans le contexte des mesures d’atténuation mises en place en amont de la vingt-sixième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
Enfin, après plusieurs années de coopération étroite avec l’ONU en matière de gestion des catastrophes naturelles, l’ASEAN a récemment mis en place un appui en cas de catastrophes provoquées par des conflits ou par l’homme.
Dans ce contexte, l’ONU mettra à disposition des connaissances techniques et s’appuiera sur les relations existantes pour forger des synergies et des collaborations stratégiques, et déterminer des orientations pour l’action future, notamment dans le contexte des mesures de résilience de la feuille de route des complémentarités dont il a été pris acte au dixième Sommet ASEAN-ONU en novembre.
Je suis fermement convaincu de l’importance que revêt la coopération entre l’ASEAN et l’ONU pour la paix, la sécurité et le développement durable.
Avec la présence de deux membres engagés et dynamiques de l’ASEAN au Conseil en 2020, j’espère que nos deux organisations collaboreront toujours plus étroitement afin de bâtir l’avenir que nous voulons et dont nous avons besoin.