Débat de haut niveau au Conseil de sécurité: la pandémie de COVID-19 et les changements climatiques examinés comme facteurs d’insécurité et de conflits
Le Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines, qui présidait ce matin le Conseil de sécurité, a plaidé en faveur d’une approche « pan-systémique » de la consolidation et de la pérennisation de la paix, avec une plus grande coopération entre le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social (ECOSOC) et l’Assemblée générale, à l’occasion de l’ « événement signature » du mois de novembre pendant lequel son pays préside le Conseil. M. Ralph Gonsalves avait convoqué un débat de haut niveau en visioconférence pour examiner les « facteurs actuels de conflit et d’insécurité », à savoir la pandémie de COVID-19 et les problèmes environnementaux.
Organisé dans le but de permettre aux membres du Conseil d’échanger leurs points de vue sur les conséquences que ces facteurs peuvent avoir en matière de sécurité, le débat visait en outre à examiner le rôle potentiel du Conseil dans la promotion d’une stratégie intégrée et cohérente à l’échelle du système des Nations Unies visant à régler ces problèmes multidimensionnels.
Contrairement à leur habitude et comme un signe des temps, les membres du Conseil ont applaudi l’ascension d’un petit État insulaire en développement à la présidence du Conseil. Ils ne se sont pourtant pas montrés unis sur l’inclusion du facteur climatique, qui affecte plus particulièrement les petits pays insulaires, dans les questions de paix et sécurité à l’ordre du jour du Conseil.
« Les États sont désemparés face aux effets des changements climatiques et aux maladies qui les accompagnent, comme la dengue, ainsi que d’autres situations troublantes qui se chevauchent », a confié M. Gonsalves pour sensibiliser personnellement le Conseil.
Cependant, « il est fort peu probable que nous réussissions à nous mettre d’accord sur les mesures cruciales nécessaires pour lutter contre les changements climatiques », a d’emblée prévenu M. Munir Akram, Président de l’ECOSOC, tout en signalant que celui-ci allait lancer des initiatives sur cette question lors du Forum politique sur le développement durable au printemps prochain. À ses yeux, l’ONU est, en ces temps difficiles, « le seul acteur international » capable de soutenir l’engagement pour une bonne transition vers un ordre politique, social et économique équilibré.
Si les nouveaux facteurs de risque que sont la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et la menace grandissante liée aux changements climatiques rendent plus complexe les situations difficiles en matière de sécurité, comme l’ont constaté la majorité des participants au débat, le Vice-Ministre russe des affaires étrangères s’est opposé à ce que le Conseil traite des questions liées aux changements climatiques, préférant laisser cette tâche aux entités concernées de l’ONU, qui ont un rôle prépondérant à jouer à cet égard.
La Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Mme Amina Mohammed, a noté que la pandémie avait mis en évidence la nécessité d’investir dans une gouvernance et des institutions inclusives et équitables. Il faut, a-t-elle recommandé, s’attaquer aux causes profondes et aux facteurs non seulement des conflits, mais aussi des crises et des chocs de toutes sortes. Dans certaines parties du monde, ces facteur peuvent conduire une génération entière de jeunes sans espoirs dans les bras des extrémistes de toutes sortes, a-t-elle rappelé.
Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est « notre ultime outil de prévention », a estimé la Vice-Secrétaire générale. Elle a invité à le réaliser et à trouver des solutions en matière de prévention et de protection des communautés contre les causes de conflit liées aux changements climatiques. Elle a observé au passage une certaine fragmentation des efforts déployés pour faire face aux conséquences des changements climatiques.
L’année 2020 sera la plus chaude de tous les temps et ses répercussions ne manqueront pas de se faire ressentir, notamment pour l’existence même de certaines nations, a alerté le Ministre d’État du Bureau des affaires étrangères de l’Allemagne, avant d’appeler le Conseil à assumer ses responsabilités par l’inclusion de la question des changements climatiques dans ses décisions. Le débat d’aujourd’hui permettra d’ancrer cette question dans l’ordre du jour du Conseil, a-t-il tranché, en rappelant que le réchauffement climatique est une importante menace pour le Sahel.
À ce propos, le Directeur général du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, M. Ibrahim Mayaki, a procédé à une description alarmante de la situation critique de l’Afrique de l’Ouest en général, et du Sahel en particulier, « région qui concentre les défis ». Aujourd’hui, le tiers des ouest-africains nécessitant une aide alimentaire et nutritionnelle récurrente se trouvent dans le Sahel central où plus de 13 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire et où 6 millions de personnes sont tombées récemment dans l’extrême pauvreté à cause des difficultés d’accès aux denrées alimentaires causées par la pandémie.
Proposant quelques pistes, M. Mayaki a suggéré, entre autres, d’apporter des réponses structurelles à la vulnérabilité alimentaire chronique, de prendre en compte le secteur informel de l’économie agroalimentaire, ou encore d’organiser des coopérations régionales et frontalières comme leviers politiques.
« Il faut une démarche taillée sur mesures et non des recettes prêtes à l’emploi », a conseillé pour sa part le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Sergey Vershinin, pour qui rien ne saurait remplacer la coopération solidaire, l’entraide et une démarche systémique. Il a cité à cet égard l’initiative du Président Putin d’ouvrir des « couloirs verts » pour l’acheminement de l’assistance humanitaire aux plus vulnérables, mais regretté que certains États n’agissent pas dans ce sens.
Le rôle fondamental de la Commission de consolidation de la paix, consultatif en particulier, a par ailleurs été largement évoqué par les membres du Conseil pour souligner son pouvoir de rassemblement des principaux organes des Nations Unies, afin qu’ils interagissent sur les facteurs d’insécurité et de conflits. De plus, la France a suggéré que la Haut-Commissaire aux droits de l’homme fasse régulièrement des exposés devant le Conseil de sécurité pour donner plus de force aux questions des droits de l’homme dans les débats de celui-ci.
Le Vice-Chancelier de l’Université des Indes occidentales, Sir Hilary Beckles, a, lui, exigé que le Conseil de sécurité reconnaisse la nécessité de mesures de réparation pour l’esclavage, dans le mouvement de promotion de la paix et de la stabilité. Pour l’universitaire, ce besoin de justice et de réparation est une partie importante de la Décennie d’action à laquelle appellent les Nations Unies.
Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a relevé que Saint-Vincent-et-les Grenadines était le plus petit État à avoir jamais assumé les fonctions et responsabilités de Président du Conseil de sécurité. Abordant le sujet à l’ordre du jour, elle a déclaré que la pandémie de COVID-19 avait exacerbé les fragilités et aggravé les risques et les menaces. La crise annule les progrès du développement et les gains de consolidation de la paix. Elle a par ailleurs un impact dévastateur sur les droits de l’homme et les inégalités entre les sexes. La pandémie expose en outre les personnes vulnérables aux nouvelles menaces de crises humanitaires. Pour preuve, les femmes sont employées de manière disproportionnée dans les secteurs les plus touchés par les mesures de confinement et sont plus susceptibles que les hommes de manquer d’épargne, de sécurité sociale et de couverture sanitaire, a ajouté Mme Mohammed, qui a en outre rappelé que les mesures de confinement avaient provoqué un pic alarmant des violences domestiques. Comment pouvons-nous parler de paix et de sécurité lorsque des millions de femmes courent le plus grand risque dans leurs propres maisons ? a demandé la Vice-Secrétaire générale, qui a rappelé qu’il existait un lien étroit entre la violence contre les femmes et les filles, les conflits et l’oppression civique.
Mme Mohammed a également déclaré que l’urgence climatique était un moteur majeur d’inégalités, d’insécurité et de conflits. Elle a dit avoir personnellement été témoin des liens entre le climat et les défis sécuritaires, notamment au Sahel, dans la région du lac Tchad, au Moyen-Orient et ailleurs. Dans certains cas, la crise climatique menace l’existence même des nations, en plus d’éroder la résilience des communautés et limiter les opportunités disponibles aux jeunes, a-t-elle affirmé. Dans certaines parties du monde, ces risques peuvent aussi conduire une génération entière de jeunes sans espoirs, mécontents et vulnérables, dans les bras et l’exploitation des extrémistes de toutes sortes, a-t-elle prévenu, observant aussi que les efforts déployés pour faire face aux conséquences des changements climatiques étaient souvent « fragmentés » .
Pour remédier à cette situation, « nous devons mieux avancer », a déclaré la Vice-Secrétaire générale. Pour Mme Mohammed, la pandémie a mis en évidence la nécessité d’investir dans une gouvernance et des institutions inclusives et équitables. Il faut aussi s’attaquer aux causes profondes, aux moteurs non seulement des conflits, mais aussi des crises et des chocs de toutes sortes.
Il faut renforcer le Programme de développement durable à l’horizon 2030, « notre ultime outil de prévention », a poursuivi la Vice-Secrétaire générale. Le relèvement doit mettre en place des solutions pour prévenir et protéger les communautés contre les causes de conflit liées au climat. Les États Membres et les banques de développement devraient investir dans des systèmes d’alerte précoce et des mesures de résilience, en particulier dans les États touchés par un conflit. Les pays les plus à risque devraient pouvoir utiliser les nouvelles technologies et la télédétection pour prévoir et prévenir les risques climatiques.
Dans ce contexte, la Vice-Secrétaire générale a dit se féliciter de l’adoption des deux résolutions de 2016 de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité lors de l’examen de l’architecture de consolidation de la paix, ainsi que des réformes du Secrétaire général. Elle se félicite aussi de l’attention accrue apportée par le Conseil de sécurité à la lutte contre les facteurs contemporains de conflit et d’instabilité. Elle a souligné que le Secrétaire général avait salué l’adoption de la résolution 2532 (2020), adoptée par le Conseil de sécurité en juillet dernier pour appuyer son appel en faveur d’un cessez-le-feu mondial immédiat.
M. IBRAHIM MAYAKI, Président-Directeur général de l’Agence de développement de l’Union africaine, a attiré l’attention du Conseil de sécurité sur la situation critique de l’Afrique de l’Ouest en général et du Sahel en particulier, région qui concentre les défis. La population de l’Afrique de l’Ouest a augmenté de 72% en 20 ans et devrait doubler d’ici à 2050, absorbée aux deux tiers par les villes, a-t-il annoncé, notant qu’au Niger, par exemple, le nombre d’agglomérations de 10 000 à 50 000 habitants avait doublé pendant cette période. En ce qui concerne la crise alimentaire, il a noté que le tiers des ouest-africains nécessitant une aide alimentaire et nutritionnelle récurrente se trouvent dans le Sahel central. De plus, M. Mayaki a souligné la faiblesse de la capacité des États et de leur administration à assurer les services publics, mentionnant le cas du Mali qui ne compte qu’un seul médecin pour 10 000 habitants et un hôpital pour un demi-million d’habitants.
À ces facteurs structurels s’ajoutent les problèmes sécuritaires qui rendent la situation alimentaire très préoccupante, a poursuivi l’orateur qui a parlé de « flambée de l’insécurité » au Sahel. Le Burkina Faso compte un million de déplacés soit 5% de sa population et les zones transfrontalières sont particulièrement touchées. M. Mayaki a précisé que « 40% des actes violents ont lieu à moins de 50 km d’une frontière ». Dans le Sahel central, plus de 13 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire.
Selon M. Mayaki, le réchauffement du Sahel et l’augmentation des évènements climatiques extrêmes, sècheresses et inondations exacerbent une situation déjà fragile. S’y ajoute la pandémie de COVID-19 qui a perturbé les chaines d’approvisionnement alimentaires. Ces perturbations provoquent une baisse du pouvoir d’achat et des difficultés d’accès aux denrées alimentaires, faisant d’ores et déjà basculer six millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté au Sahel central. En Afrique de l’Ouest, où le secteur alimentaire représentait 40% du produit intérieur brut (PIB) en 2015, cette situation affecte 82 millions d’emplois. Les femmes sont particulièrement touchées car elles représentent 51% de la main d’œuvre de ce secteur et subissent des conditions sociales précaires alors qu’elles sont particulièrement exposées à la contamination par leurs activités traditionnelles et par leur rôle primordial dans le domaine de la santé.
M. Mayaki a ajouté que ces facteurs sont interdépendants. Ils sont des « catalyseurs d’une crise protéiforme et multi-échelle », a-t-il ajouté, tout en estimant que des solutions sont possibles. Il a proposé à ce titre d’apporter des réponses structurelles à la vulnérabilité alimentaire chronique, de prendre en compte le secteur informel de l’économie agroalimentaire, d’organiser des coopérations régionales et frontalières comme leviers politiques, de renforcer les liens entre humanitaire, développement et paix, de soutenir les initiatives d’adaptation aux changements climatiques, de tenir compte des réalités du terrain pour préserver l’emploi pendant et après la pandémie, et de soutenir les femmes par une prise en compte du genre dans les politiques de relance pendant la pandémie. Il a également insisté sur la nécessité d’améliorer la collecte et l’analyse des données et « de les placer au cœur de notre action » pour mieux mettre en œuvre des politiques et méthodes d’interventions holistiques, cohérentes et durables, afin de mieux calibrer la réponse aux réalités du terrain.
SIR HILARY BECKLES, Vice-Chancelier de l’Université des Indes occidentales, a déclaré que la région des Caraïbes, qui a été le terrain du colonialisme, des luttes entre puissances coloniales et de luttes contre ce phénomène, était aujourd’hui un exemple de tolérance, de démocratie et de liberté, comme en témoigne l’industrie du tourisme qui fait que tout le monde y est bien accueilli et veut s’y rendre. S’il a fallu des siècles pour briser les chaines des esclaves, il a fallu l’ensemble du XXe siècle pour défendre et promouvoir les droits et libertés civiques, a-t-il ajouté. Le XXIe siècle préparera pour sa part la réparation pour « l’hégémonie » qui a frappé l’Afrique et ses descendants, empoisonné le monde et semé les graines du racisme. Il est temps de déraciner cet héritage, a déclaré M. Beckles.
L’universitaire a ensuite déclaré que le monde occidental avait cherché à « jeter » ce passé dans les « débris de l’histoire ». Or, il n’y a aucun tapis assez grand pour cacher cette réalité, a-t-il ajouté, affirmant que c’est le besoin de justice qui pousse les populations des Caraïbes à chercher un dialogue avec les puissances occidentales, anciennes puissances coloniales. Ce besoin de justice et de réparation est une partie importante de la Décennie d’action à laquelle appellent les Nations Unies. Il vise à alléger les souffrances des populations qui ont été victimes de cette colonisation violente, a-t-il dit.
M. Beckles a en outre observé que le XXIe siècle était aussi caractérisé par une vague d’excuses pour les crimes du passé. Mais certaines excuses ne se sont jamais concrétisées par des mesures de réparations, a-t-il aussi noté. Or, selon lui, le racisme continue d’accorder moins de valeur aux vies des personnes noires. Les réparations sont donc, une fois de plus, un appel à la justice pour ceux qui n’ont cessé de souffrir. L’Université des Indes occidentales a toujours joué un rôle de médiateur sur ces questions de réparations, a fait remarquer M. Beckles. Il faut que le Conseil de sécurité reconnaisse la nécessité de réparations pour l’esclavage, en tant que mouvement de promotion de la paix et de la stabilité, a-t-il plaidé.
M. MUNIR AKRAM, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a indiqué que le sujet des moteurs contemporains des conflits était de grande actualité. Le concept de sécurité collective est consacré par la Charte et, du reste, le Conseil de sécurité en tire son mandat, à savoir celui de créer les conditions de la paix et la stabilité nécessaires pour les relations entre pays. Parmi les buts de la Charte, M. Akram a évoqué les niveaux élevés de vie et les solutions apportées aux problèmes socioéconomiques ainsi que la promotion et la protection des droits de l’homme. L’Article 65 de la Charte, a-t-il rappelé, dispose que l’ECOSOC peut fournir des informations au Conseil de sécurité et l’aider, à sa demande. Il était donc envisagé que l’ONU maintiendrait et pérenniserait la paix tout en créant les conditions à la paix et la sécurité.
D’autre part, la santé économique de chaque pays est une question importante pour tous ses voisins, proches ou lointains, a poursuivi M. Akram. Notant, pour le déplorer, qu’en 75 ans depuis l’adoption de la Charte, les États Membres n’avaient « pas été à la hauteur des idéaux » de la sécurité coopérative envisagée, il a attribué cet échec à la guerre froide, avec un monde divisé en deux camps opposés, le Plan Marshall n’ayant véritablement touché, selon lui, que le Japon et les États-Unis. De son côté, le processus de décolonisation a laissé derrière lui des sociétés postcoloniales inéquitables avec, souvent, une dépendance militaire et économique à l’égard de anciennes structures coloniales. Dans les pays les plus puissants, les intérêts mercantilistes qui privilégient les gains économiques l’emportent sur les principes et buts de la Charte. « L’inégalité est la caractéristique de notre temps », a insisté M. Akram.
C’est au milieu de ces inégalités que le monde a été frappé par la pire pandémie depuis 1918 et la pire récession depuis 1930, a constaté le Président de l’ECOSOC, qui a prédit que plus de 100 millions de personnes allaient rechuter dans la pauvreté. Beaucoup de pays en développement connaissent des pertes de croissance et des niveaux d’endettement qui explosent, ce qui risque de semer le chaos et d’attiser les tensions, a-t-il mis en garde.
Rappelant qu’en mai dernier, le Secrétaire général avait lancé une initiative opportune de financement pour le processus de développement, M. Akram a jugé extrêmement « modeste et décevante », la réponse de la part de ceux qui sont en mesure d’agir. Il a appelé la communauté internationale à veiller à la relance de la croissance économique, ainsi qu’à la restructuration de la dette des pays en développement. L’objectif de 0,7% du PIB pour l’aide publique au développement ainsi que l’allègement de la dette pour les pays les plus endettés font partie des objectifs vitaux qui restent à atteindre, a-t-il rappelé.
M. Akram a aussi conseillé une réforme de l’architecture financière mondiale pour permettre le financement de mécanismes transparents de la dette, un régime fiscal international juste et une lutte contre les flux financiers illicites, afin de faire revenir en arrière les puissances économiques qui ont pris des mesures qui entravent le travail de l’OMC. Il a ensuite appelé à la réduction du fossé numérique, vitale par les temps qui courent. Il est fort peu probable que nous réussissions à nous mettre d’accord sur les mesures cruciales nécessaires pour lutter contre les changements climatiques, a également déploré M. Akram. Toutefois, l’ECOSOC entend bien lancer des initiatives lors du Forum sur le développement durable au printemps prochain, a ajouté son Président.
Jamais auparavant le bien-être et la survie n’ont été autant tributaires des actions et décisions des uns et des autres, a encore affirmé M. Akram. En ces temps difficiles, l’ONU est le seul acteur international doté de la capacité de soutenir l’engagement pour une bonne transition vers un ordre politique, social et économique équilibré, a-t-il conclu.
M. RALPH E. GONSALVES, Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines, a déclaré que « les conditions de vie dans les pays pauvres avaient été profondément bouleversées » par la pandémie, en parallèle avec l’érosion de la confiance du public vis-à-vis des normes démocratiques, la montée de la violence ethnique, sexuelle et sexiste, entre autres. Les États sont également désemparés face aux effets des changements climatiques et aux maladies qui les accompagnent, comme la dengue, ainsi que d’autres situations troublantes qui se chevauchent, a-t-il ajouté.
Ces troubles ne peuvent être abordés séparément ou à travers de moyens militaires, a ajouté le Premier Ministre, qui a mis en avant la nécessité de « réformes visionnaires », comme l’initiative « Action pour la paix » du Secrétaire général. De tels efforts doivent se fonder sur les besoins, priorités et intérêts des peuples plutôt que sur des considérations budgétaires reposant sur des calculs étriqués a ajouté M. Gonsalves, qui a au contraire plaidé pour une approche holistique, cohérente, à même de mobiliser l’intégralité du système multilatéral pour arracher les racines de l’instabilité.
M. Gonsalves s’est dit favorable à un « continuum » entre paix, sécurité et bien-être socioéconomique. Ce faisant, l’importance de l’appropriation nationale et de l’inclusion est fondamentale aux fins d’une paix pérenne. La raison d’être morale de l’ONU est de garantir la liberté à tous les peuples. Il faut donc rapidement « fixer un nouveau cap », prendre des mesures hardies pour alléger les souffrances humaines, notamment dans les pays touchés par des conflits. Saint-Vincent-et-les Grenadines recommande une approche « pan-systémique » avec une plus grande coopération entre le Conseil de sécurité, l’ECOSOC et l’Assemblée générale. La Commission de consolidation de la paix (CCP) peut, elle aussi, jouer son rôle dans l’échange avec les organisations régionales et internationales et le Premier Ministre a rappelé qu’en dépit des défis logistiques posés par la pandémie, la CCP avait été en mesure de travailler avec de multiples acteurs.
M. Gonsalves a demandé aux pays développés d’honorer leurs engagements en matière de prêts à conditions préférentielles et d’adapter davantage de mesures pour pallier les effets des changements climatiques. Il a aussi appelé à lever les mesures coercitives unilatérales qui minent le développement durable, ne font qu’apporter des souffrances aux populations et « sont illégales ». Grâce à un multilatéralisme équilibré et solide, sur un pied d’égalité pour les pays industrialisés et les pays en développement, un avenir plus sûr est possible, a-t-il encouragé avec optimisme.
M. OTHMAN JERANDI, Ministre des affaires étrangères de la Tunisie, a déclaré que de nouveaux facteurs de conflits et de menaces à la paix et de sécurité internationales se juxtaposaient aujourd’hui. Parmi ces nouveaux facteurs, il y a les groupes terroristes aux ramifications internationales ou encore les risques liées au climat. Aujourd’hui, la pandémie de COVID-19 aggrave ces facteurs de risques, en rendant encore plus fragiles des situations qui l’étaient déjà. C’est pour cette raison que la Tunisie n’a eu de cesse de soutenir les efforts internationaux visant à lutter contre cette pandémie et à imposer des trêves dans les conflits en cours. Parmi ces efforts, il y a la résolution 2532 (2020), d’initiative franco-tunisienne, adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité, a rappelé le Ministre.
Face à ces évolutions, la Tunisie appelle à une nouvelle définition du paradigme de paix et de sécurité internationales, ainsi que du concept de sécurité collective, afin que la communauté internationale soit mieux armée pour faire face à ces nouvelles menaces. La stabilité du monde requiert aujourd’hui, plus que jamais, un rôle accru des Nations Unies et de son Secrétaire général, a également affirmé M. Jerandi.
Mme MERYAME KITIR, Ministre de la coopération au développement de la Belgique, a attiré l’attention sur les conséquences des événements climatiques de grande ampleur, lesquels provoquent déplacements, déclin économique, insécurité alimentaire et mécontentement social. Elle a ajouté que de telles conséquences formaient un terrain propice à l’instabilité politique et sociale, en rendant notamment les plus jeunes particulièrement vulnérables au recrutement par des groupes armés. Pour la Ministre, ces nouvelles menaces s’ajoutent aux causes plus traditionnelles des conflits, accroissant ainsi les tensions, qui plus est dans le contexte actuel de crise sanitaire mondiale. L’érosion du respect de l’état de droit et des normes internationales peut aussi être un facteur d’instabilité, a encore souligné Mme Kitir.
La Ministre a préconisé la prise de mesures pour prévenir l’apparition de nouveaux conflits et empêcher la réémergence de conflits anciens, le Conseil de sécurité devant être systématiquement alerté des signes d’intensification des tensions et des risques accrus pour la sécurité des communautés. Comme le Secrétaire général l’a dit à juste titre au début de cette année, la communauté internationale consacre encore beaucoup plus d’efforts au maintien de la paix qu’à sa prévention, a indiqué Mme Kitir. La Ministre a donc plaidé pour que le Conseil adopte une approche résolument holistique et préventive, en favorisant la coordination au sein du système des Nations Unies dans son ensemble et avec ses partenaires de manière proactive. Nous devons tous veiller à ce que nos actions dans les trois dimensions « paix et sécurité », « développement durable » et « aide humanitaire » s’inscrivent dans une approche coordonnée et cohérente, a insisté Mme Kitir.
M. ALVIN BOTES , Vice-Ministre des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud, a souhaité que le Conseil organise plus de discussions sur les facteurs socioéconomiques de conflits émergeants pour faire mieux connaître leurs effets déstabilisants. Il a ajouté que « la paix et la sécurité sont inextricablement liés au développement » et que les pays subissant des conflits armés étaient confrontés à des défis considérables pour leur développement durable, car leurs institutions et leurs capacités de gouvernance sont débordées.
Les pays qui souffrent du sous-développement sont aussi confrontés à des difficultés pour maintenir leur propre sécurité et sont ainsi particulièrement vulnérables au crime organisé, à la violence intercommunautaire et au terrorisme, a ajouté le Vice-Ministre.
En 2020, la pandémie a ajouté une nouvelle strate de complexité à la résolution des conflits, et au maintien de la paix, a relevé M. Botes. Ces défis, joints aux changements climatiques et à d’autres facteurs de tension, sociaux et écologiques, devraient motiver une plus grande coopération entre les Nations Unies et leurs partenaires et les acteurs locaux, car ils augmentent les risques de conflits violents, comme c’est le cas dans le Sahel, le bassin du lac Tchad, la Corne de l’Afrique et une partie des Caraïbes.
Pour M. Botes, l’objectif 13 de développement durable –la lutte contre les changements climatiques- comme les 16 autres objectifs sont critiques pour la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le Vice-Ministre a prôné une collaboration avec les agences de l’ONU pour traiter des racines du sous-développement et profiter de l’expérience du Conseil de sécurité en matière de résolution des conflits. Il a encouragé le Conseil à travailler avec les autres organisations de l’ONU et les organisations régionales comme l’Union africaine, afin que le Conseil puisse être informé sur l’impact potentiel des facteurs de conflits et d’insécurité.
LORD TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre d’État du Royaume-Uni pour le Common Wealth, l’ONU et de l’Asie du Sud du Royaume-Uni, a déclaré que « bien que la politique du pouvoir, l’agression et l’oppression représentent toujours des facteurs bien réels des conflits contemporains, de nouvelles menaces à la paix apparaissent aujourd’hui ». En particulier celle de l’exclusion : « Exclusion des communautés vulnérables, exclusion des minorités religieuses, exclusion des femmes des processus civiques, politiques, économiques et sociaux, une exclusion qui mène directement à la pauvreté, au désespoir, à la violence et à l’extrémisme », a-t-il scandé, avant d’ajouter à la liste des menaces, « la pression qu’exercent sur les sociétés les urgences sanitaires et les changements climatiques ». Le Ministre a ajouté que ces facteurs sont propices aux conflits et au recul des acquis en matière de développement et de maintien de la paix et qu’ils exigent une meilleure compréhension des liens d’interdépendance noués entre la paix, la sécurité et le développement durable.
M. Ahmad a jugé essentiel d’aborder l’impact des changements climatiques sur la multiplication des risques de conflits. Citant l’érosion des terres fertiles, cause de pénuries alimentaires et de tensions intercommunautaires, et la menace que font peser les ouragans et l’élévation du niveau des mers sur l’existence même de communautés et de pays entiers, il a rappelé que le prochain sommet COP 26 de Glasgow au Royaume-Uni l’année prochaine offre l’occasion d’une action concertée.
Revenant au sujet de l’exclusion, le Ministre a rappelé que même les économies avancées sont vulnérables aux chocs et que les progrès de la paix et du développement peuvent être compromis si des pans de la population sont marginalisés ou si les droits de l’homme ne sont pas respectés. « Les pays qui protègent les droits des plus vulnérables, comme les droits des exclus, des minorités et des femmes, se révèlent être les nations les plus fortes » a-t-il déclaré, ajoutant que des institutions fortes et inclusives sont essentielles à la résilience et au maintien d’une paix durable. Enfin, M. Ahmad a noté qu’une meilleure analyse des problèmes, une planification coordonnée entre les nations participantes, les Nations Unies et d’autres partenaires internationaux et institutions financières internationales, peut recentrer les efforts de prévention et leur assurer des ressources suffisantes.
En conclusion, le Ministre a rappelé au Conseil de sécurité ses obligations, celles de ne pas rester en retrait en cas de menace à la paix et à la sécurité internationales. La Charte des Nations Unies et les traités internationaux imposent aux États le respect des droits de l’homme et du droit humanitaire international, a-t-il déclaré. « Et il revient au Conseil d’exercer son obligation d’appeler ces violations par leur nom : des menaces à la paix et à la sécurité mondiales ».
M. ANDRES RUNDU, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, a rappelé l’action de son pays en matière de consolidation de la paix depuis les années 1970, à travers notamment son implication dans l’élaboration et l’évaluation des programmes de prévention des conflits. Les processus de paix doivent être inclusifs et prendre en compte les contributions de ceux qui travaillent localement, en particulier les femmes, qui sont à la fois les plus touchées par les tensions et les principales forces de propositions aux sorties de crise, a-t-il ajouté.
Pour M. Rundu, seule une approche holistique du Conseil de sécurité lui permettra de s’attaquer efficacement aux causes profondes des conflits et de contribuer à l’établissement de systèmes judiciaires propices à la résilience et à la restauration des droits de l’homme. Il a par ailleurs indiqué que l’Estonie continuait de miser sur la mobilisation des nouvelles technologies aux fins de développement durable et de sécurité collective. À cet égard, il a signalé que le Gouvernement estonien avait mis l’accent sur des solutions numériques pour gérer le plus efficacement possible la pandémie de COVID-19, convaincu, « comme l’a déclaré notre Présidente en septembre dernier devant ce Conseil », que les développements technologiques « nous permettront à tous de maintenir la cohérence de notre monde et d’améliorer la coopération entre États et groupes d’États en temps de crise ».
M. Andres Rundu a également déclaré que la résolution des conflits était la première condition à la réalisation des objectifs de développement durable et à la prospérité du plus grand nombre, l’ONU devant être un catalyseur de cet effort commun en facilitant le partage des bonnes pratiques.
M. NIELS ANNEN, Ministre d’État au Ministère des affaires étrangères de l’Allemagne, a indiqué que, sous la présidence allemande en juillet, le Conseil de sécurité avait tenu un débat similaire sur deux questions connexes sur la pandémie et la sécurité. Tous les conflits actuels sont la combinaison de plusieurs facteurs, ce qui exige une réponse rapide du Conseil pour être à la hauteur des attentes de la communauté internationale. Les défis du XXIe siècle ne sont pas les mêmes que ceux du siècle dernier et imposent des solutions contemporaines, a-t-il rappelé, et le Conseil doit prendre en considération toutes les questions pressantes que le monde attend qu’il traite, surtout pour la prévention, la consolidation et la pérennisation de la paix.
La COVID-19 est un défi pluridimensionnel aux incidences multiples sur l’environnement, l’accroissement des conflits, l’entrave au développement, a déclaré M. Annen, pour qui la pandémie risque de faire apparaître des reculs dans le développement durable et le maintien de la paix. Le Ministre d’État a encouragé le Secrétaire général à intégrer cette nouvelle dimension dans ses prochains rapports, étant donné que les populations vulnérables plongées dans les conflits en sont affectées de manière disproportionnée. Les besoins en matière d’instauration de la paix ne sont pas assez financés, a en outre déploré M. Annen, tout en relevant que le Secrétariat faisait des efforts, qui restent toutefois encore insuffisants.
M. Annen a prévenu que l’année 2020 serait la plus chaude de tous les temps et que les répercussions des changements climatiques ne manqueront pas de se faire ressentir, menaçant l’existence même de certaines nations. Dès lors, le Conseil de sécurité doit assumer ses responsabilités en prenant en compte les changements climatiques dans ses décisions. Ce débat permettra d’ancrer cette question dans l’ordre du jour du Conseil car le réchauffement climatique est une menace, en particulier pour le Sahel, a ajouté M. Annen. La réponse humanitaire de 1,3 milliard de dollars apportée à cette région est appréciable mais il s’agit d’abord de prendre des mesures plus robustes, a-t-il estimé.
Parmi les autres menaces, le Ministre d’État a cité le détournement des fonds destinés à la participation des femmes à la paix et à la sécurité. Il a encouragé à la participation de toutes les couches de la société aux processus de paix pour construire des sociétés plus résilientes. Il a aussi encouragé la Commission de la consolidation de la paix à fournir des conseils « précis » au Conseil de sécurité, fondé sur sa position unique. Le Ministre d’État a enfin recommandé de maintenir ces « questions complexes » à l’examen du Conseil.
M. LE HOAI TRUNG, Ministre adjoint des affaires étrangères du Viet Nam, a estimé que c’était le bon moment pour réfléchir aux causes des conflits contemporains et rappeler que les menaces proviennent principalement des violations des principes mentionnés dans les Articles 26 et 25 de la Charte des Nations Unies, qui touchent aux relations amicales entre État et à l’égalité souveraine des États. Notant que certains États imposent leurs volontés à d’autres et pratiquent l’ingérence ainsi que la course aux armements, le Ministre a insisté sur l’importance du droit de la mer dans le maintien de la paix. Parmi les défis qui affectent la communauté internationale, il a cité « la calamité de la COVID », un défi non sécuritaire qui a un impact négatif sur les populations. Il a par ailleurs encouragé les États à développer des relations amicales fondées sur le respect du droit International et à écouter l’appel du Secrétaire général à un cessez le feu général.
Appelant à la levée de sanctions et de mesures unilatérales, le Ministre a insisté sur la nécessité d’un recours accru au multilatéralisme, souhaitant aussi que l’ONU soit au centre du règlement des conflits et que le Conseil de sécurité soit uni et axé sur la diplomatie préventive. Encourageant les États à s’attaquer aux racines des conflits et à renforcer les mécanismes d’alerte et de protection des populations civiles, il a demandé des efforts accrus pour renforcer le développement économique, pour une gouvernance digne de ce nom en particulier pour les pays touchés par la COVID-19, ainsi qu’un meilleur accès aux marchés et un soutien financier pour les pays les plus vulnérables. Le Ministre a conclu en rappelant que le Viet Nam, pays à revenu intermédiaire, dont l’histoire a été marquée par la guerre, privilégie le renforcement d’une communauté de paix par une fructueuse collaboration avec les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en vue d’une stabilité régionale et se dit prêt à travailler avec tous ses partenaires de la communauté internationale.
M. SERGEY VERSHININ, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, s’est réjoui du caractère « emblématique » de cette présidence confiée à Saint-Vincent-et-les Grenadines, pays représentatif d’États insulaires en développement qui traversent une phase difficile avec la double problématique des changements climatiques et de la pandémie. Rien ne saurait remplacer la coopération solidaire, l’entraide et une démarche systémique, a affirmé M. Vershinin, regrettant au passage que certains États n’agissent pas dans ce sens.
Le Vice-Ministre a appelé, en premier lieu, à un cessez-le-feu mondial et fait valoir l’initiative du Président Putin d’ouvrir des « couloirs verts » pour l’acheminement de l’assistance humanitaire aux plus vulnérables. Il faut une démarche taillée sur mesures et non des recettes toutes prêtes, a estimé M. Vershinin, qui s’est ensuite prononcé contre les pressions, se disant convaincu qu’une bonne gestion vers un développement socioéconomique durable était la clef.
M. Vershinin a jugé essentiel de bien diviser les tâches entre les organes de l’ONU et n’a pas soutenu l’idée selon laquelle le Conseil devrait traiter des effets des changements climatiques. Les entités concernées de l’ONU ont un rôle prépondérant à jouer à cet égard, a-t-il affirmé.
M. Vershinin a réitéré la solidarité de la Fédération de Russie à l’égard des petits États insulaires en développement, mettant en avant le rôle joué par la Commission de consolidation de la paix, « instance consultative » qui œuvre sur la base des priorités des États. Un échange sincère et honnête permettra de trouver des solutions à ces problèmes complexes et pressants, a-t-il assuré.
La Chine a rappelé que la communauté internationale est confrontée à des défis historiques et qu’il était nécessaire d’identifier les racines des conflits, autant que de reconnaître « qu’investir dans le développement est le moyen le plus important et le plus rentable d’investir dans la paix. » La Chine a noté que la fracture Nord Sud constitue l’obstacle majeur à la réalisation du Programme 2030 et que l’éradication de la pauvreté revêt une urgence nouvelle. Citant d’autres défis, la délégation a encouragé la lutte contre la pandémie et la protection des vies humaines par des efforts conjoints avec l’OMS et par la distribution mondiale de vaccins. Elle a par ailleurs insisté sur la nécessité d’une bonne gouvernance pour faire face aux changements climatiques, rappelant que le Président chinois s’est engagé à réduire les émissions d’ici à 2030 et à atteindre la neutralité carbone en 2060, preuve de la responsabilité dont fait preuve son pays dans le domaine de l’environnement. Elle a par ailleurs appelé plus d’États à adhérer à l’Accord de Paris sur les changements climatiques.
« Sans investissement dans la paix et dans le développement, la paix ne peut prendre racine a répété la Chine, ce qui implique une aide au renforcement des structures étatiques et gouvernementales, facteurs essentiels de la sécurité nationale des pays. La Chine a ajouté que « vu l’interconnexion des problèmes, aucun pays ne peut assumer seul ses obligations ». La sécurité relève donc d’un effort commun, conditionné par le dialogue entre les pays qui doivent s’abstenir de profiter des difficultés d’autres États. La Chine a appelé à « rejeter la mentalité de la guerre froide » et à éviter les tensions entre groupes de pays, encourageant particulièrement les puissances nucléaires à montrer leur engagement pour le règlement des conflits. Elle a par ailleurs prôné le renforcement de la lutte contre le terrorisme par des mesures contondantes, rappelant qu’il ne saurait être lié à aucune ethnie ou religion. La Chine a insisté sur la nécessité d’efforts de déradicalisation contre les idéologies extrémistes.
Enfin, la Chine a insisté sur la question du cyberterrorisme et sur la nécessité d’une collaboration mondiale en ce domaine, ajoutant qu’aucun pays ne devrait réduire sa coopération technologique en donnant pour prétexte ses propres impératifs de sécurité nationale. « Le Cyberespace doit être fondé sur des règles, car il constitue un moteur du développement et de la paix » a-t-elle déclaré, ajoutant que « nous vivons dans un village interconnecté » où le multilatéralisme doit être protégé et où tous les pays, quelle que soient leur taille et leur puissance, doivent profiter d’un ordre international fondé sur des règles. Les membres du Conseil de sécurité ont la responsabilité particulière d’éviter les divisions, a-t-elle rappelé, et les grands pays doivent agir en tant que tels, en promouvant le bien commun.
Le Niger a déclaré que l’un des meilleurs moyens pour garantir et consolider la paix de manière durable consistait à investir dans le développement durable et équitable, en particulier dans les États fragiles. La délégation a ensuite observé que la majorité des 58 États identifiés comme fragiles étaient également des États touchés par des conflits et à revenus faibles. Or, si les tendances actuelles persistent, d’ici à 2030, pas moins de 80% des plus pauvres vivront dans des contextes fragiles, qui sont également plus vulnérables à l’insécurité et aux crises. Par ailleurs des études ont établi un lien entre la pauvreté, l’analphabétisme et la radicalisation. Or, c’est aussi sur le terreau de la pauvreté que prospère le terrorisme, et les jeunes qui ne sont pas scolarisés courent un risque beaucoup plus élevé d’être recrutés par des groupes terroristes armés comme Boko Haram.
Pour le Niger, une des menaces sécuritaires les plus graves actuellement sont les changements climatiques. Celui-ci exacerbe les vulnérabilités existantes et sape la croissance économique et les gains de développement des dernières décennies.
Rien que dans la région du bassin du lac Tchad, près de 10 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire en raison des conflits armés, a également fait observer la délégation. Plus de 100 000 personnes sont déplacées dans la seule région de Diffa, et près de 250 000 réfugiés ayant fui le Nigéria vivent dans les zones frontalières du Cameroun, du Tchad et du Niger et dans d’autres parties du Sahel central. C’est pourquoi le Niger, avec un groupe des membres du Conseil de sécurité, tente de faire en sorte que les risques liés au climat soient pris en compte de manière plus systématique.
La République dominicaine a rappelé l’attachement de son pays au principe de prévention « qui incombe à l’ensemble des composantes du système des Nations Unies ». Elle a jugé que le respect de ce principe est d’autant plus précieux aujourd’hui que la seule manière de lutter efficacement contre la COVID-19 est de « conjuguer nos talents et expertises ». Le lien entre climat et sécurité ne peut plus être remis en question, a tranché la délégation, ce qui doit, selon elle, inciter le Conseil de sécurité à poursuivre sa recherche des solutions novatrices et concertées pour empêcher, en particulier, que le climat ne devienne demain la première source de conflits et de tensions dans le monde.
Améliorer la qualité de vie des populations et renforcer, par l’application du droit, notre condition humaine n’est pas un luxe mais le meilleur moyen de parvenir à une paix durable, laquelle « commence et finit par la protection des droits des personnes », a poursuivi la République dominicaine. Elle a encore insisté sur le fait que la protection des droits de l’homme est une condition qui permet de maintenir la cohésion des sociétés, puisque, « on l’a vu dans certaines sociétés, être infecté par la COVID-19 c’est être dénué de droit et donc condamné à mort ». C’est pourquoi la délégation a vu comme un « devoir international moral » la mise à disposition d’un vaccin pour tous, lorsque cela sera possible. D’autre part, elle a appelé à l’implication des femmes et des jeunes pour que ceux-ci deviennent des fers de lance de la mobilisation citoyenne en faveur de la paix et de la sécurité, conditions essentielles à la réalisation du développement durable. « Les principes de la Charte des Nations Unies n’appellent au fond à rien d’autre en promouvant une action unie et le multilatéralisme. »
L'Indonésie a appelé au renforcement des capacités nationales pour que soit assurées une présence efficace de l’État, la protection et la fourniture des besoins fondamentaux des populations ainsi que la lutte contre la pauvreté et les inégalités, autant d’atouts « essentiels pour briser durablement le cycle des conflits ». Il est impératif de renforcer les capacités institutionnelles des pays touchés par les conflits, afin de créer un environnement propice à la paix et à la sécurité, a encore estimé la délégation, préconisant à son tour l’adoption par le Conseil de sécurité d’une approche holistique pour s’attaquer aux causes profondes des conflits. Sur ce point, elle a attiré l’attention sur l’importance d’allouer des ressources nécessaires aux missions politiques spéciales et aux opérations de maintien de la paix, pour qu’elles soient en mesure, dans les pays où elles sont déployées, d’accompagner l’investissement dans les capacités nationales de prévention des conflits. Dans le même sens, l’Indonésie a demandé que ces missions de l’ONU mandatées par le Conseil de sécurité soient en mesure de fournir des bases solides pour un développement socioéconomique durable.
Après avoir mis l’accent sur l’importance des efforts concertés de l’ONU et de ses partenaires institutionnels, notamment dans l’échange d’informations et la mobilisation de l’expertise et des capacités, la délégation a souhaité que l’on exploite davantage le potentiel des organisations régionales et sous-régionales, « qui ont des connaissances approfondies, une perspective unique et un lien local solide qui sont essentiels pour aider les pays à construire une paix durable ». Aucun acteur ne peut à lui seul s’attaquer aux facteurs de conflits et d’insécurité, a conclu l’Indonésie, en appelant les membres du Conseil à continuer de travailler ensemble à la réalisation d’un monde enfin exempt du fléau de la guerre.
Les États-Unis ont dit reconnaître que les conflits violents sont chaque fois plus fréquents, que les pays fragiles sont particulièrement exposés et ce sont souvent les citoyens ordinaires qui paient le plus lourd tribu. La délégation a ensuite dénoncé l’exploitation illégale des ressources naturelles comme le bois ou les minerais, qui entrave le développement. Au Venezuela, des mines sont exploitées à mauvais escient et des groupes terroristes colombiens essaient aussi de propager le conflit par l’exploitation illégale des ressources naturelles, a-t-elle notamment dénoncé.
La délégation a également dénoncé la corruption, qui sape la primauté du droit, ainsi que l’autoritarisme qui prévaut dans certains pays. Ainsi, l’Iran, principale source du terrorisme dans le monde, se sert de son influence pour propager la violence et la terreur. Ce pays est au centre du conflit syrien, appuie les Houthistes au Yémen et reste à l’œuvre en Iraq, a-t-elle dénoncé. En conséquence, le programme de sanctions des États-Unis à son encontre a pour objectif majeur de limiter la capacité d’acteurs malveillants, comme l’Iran, de s’adonner à leurs activités, a expliqué la délégation. Les critiques des sanctions doivent comprendre que ce système sert à lutter contre les conflits.
Par ailleurs, 70% de l’aide de l’Agence américaine pour le développement international, soit environ 30 milliards de dollars, profitent aux États les plus fragiles, a fait valoir la délégation, qui a également rappelé que le États-Unis payaient 25% du budget de la Commission de consolidation de la paix.
Les États-Unis rappellent qu’il est de notoriété publique que les pays qui ne font pas la part belle à la participation des femmes ne réussissent pas dans leur politique. La délégation a rappelé l’initiative de l’Administration américaine actuelle, « Stratégie sur les femmes, la paix et la sécurité ».
La délégation a mis l’accent sur la récente signature d’accords de paix entre Israël et plusieurs pays arabes, fondés sur une « entente mutuelle et la prospérité de chaque nation ». En Syrie, le processus politique de la résolution pertinente de l’ONU est le seul moyen de mettre fin à un conflit qui perdure depuis 10 années maintenant, a-t-elle encore affirmé.
Les États-Unis s’efforceront de recourir à tous leurs outils diplomatiques et économiques pour rendre le monde plus sûr et pacifique et exhortent à un redoublement d’efforts pour que la vision de la paix durable puisse se concrétiser.
La France partage l’avis selon lequel les changements climatiques menacent la paix et la sécurité. Alors que le Conseil de sécurité a reconnu ses effets néfastes à plusieurs reprises, il est temps d’inscrire notre action dans une démarche de prévention en anticipant notamment les conséquences humanitaires des catastrophes environnementales, a donc estimé la délégation.
C’est pourquoi la France souhaite que le Secrétaire général puisse présenter tous les deux ans un état des lieux des risques pour la paix et la sécurité internationales dus aux changements climatiques. La France est également d’avis que le Conseil de sécurité doit anticiper plus systématiquement les effets déstabilisateurs des pandémies. Pour cette raison, elle soutient « fermement » l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et mondial afin de faciliter la lutte contre la pandémie. Tout doit être fait pour accélérer la mise en œuvre de la résolution 2532 (2020) adoptée à l’unanimité le 1er juillet dernier, a estimé la délégation.
Pour la France, les pays en situation de conflit ou de post-conflit sont particulièrement vulnérables. C’est pourquoi la France plaide pour plus de vigilance vis-à-vis des droits de l’homme, car leur violation, la rupture de l’ordre constitutionnel, l’exclusion des femmes ou des jeunes peuvent conduire aux violences, à des déplacements de populations et à la déstabilisation d’États et de régions entières. Cela n’est pas nouveau et les situations à l’ordre du jour du Conseil nous le rappellent tous les jours, a reconnu la délégation. Mais il faut aller plus loin. Pour la France, le Conseil de sécurité doit se saisir des situations de violations massives des droits de l’homme. Elle est ainsi favorable à des exposés réguliers devant le Conseil de sécurité de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, comme il en existe avec le Haut-Commissaire pour les réfugiés. Le Conseil de sécurité peut renforcer les synergies avec le Conseil des droits de l’Homme, continuer à interagir avec les défenseurs des droits de l’homme, tout en respectant son mandat, estime la France.