Sur fond de COVID-19, le Conseil de sécurité s’accorde sur la nécessité de coopérer mais affiche ses divergences sur la gouvernance mondiale
La crise planétaire liée à la pandémie de COVID-19 met non seulement gravement à l’épreuve la coopération internationale, elle met aussi en évidence les « carences incontestables » du système multilatéral, a affirmé ce matin le Secrétaire général de l’ONU devant le Conseil de sécurité à l’occasion d’un débat au sommet organisé par la présidence nigérienne sur le thème « Maintien de la paix et de la sécurité internationales: gouvernance mondiale post-COVID-19 ».
Le sommet, qui s’est une fois encore déroulé sous forme de visioconférence du fait de la pandémie, a été l’occasion pour la plupart des membres du Conseil de soutenir, non sans divergences, la coopération internationale, et le multilatéralisme, objets d’appels à une « réflexion innovante » sur la gouvernance mondiale de la part de M. Guterres.
Partisan d’un « multilatéralisme de réseau », fondé sur une coopération entre les organisations internationales et régionales, les institutions financières internationales et autres alliances et institutions mondiales, M. Guterres a rappelé que, depuis sa prise de fonctions en 2017, il avait fait du partenariat stratégique avec l’Union africaine (UA) une priorité, devenue un « cadre solide » pour la paix et la sécurité sur le continent. Sa position a reçu le soutien du Président de la Commission de l’UA, M. Moussa Faki Mahamat, pour qui une gouvernance mondiale efficace et équitable passe par une « synergie créatrice de nos intelligences ».
Améliorer l’efficacité de la gouvernance mondiale est avant tout la responsabilité de l’ONU, a répété M. Guterres, qui rappelé notamment son initiative « Action pour le maintien de la paix » et son appel au cessez-le-feu mondial immédiat du 23 mars, qui nécessite désormais selon lui un « effort collectif, mené par ce Conseil, pour faire taire les armes dans le monde entier d’ici à la fin de cette année ».
Ce ne sera pas facile car, a reconnu M. Guterres, « nous ne sommes pas en phase avec la réalité du monde d’aujourd’hui ». Alors que la pandémie « accentue les risques dans tous les domaines », il est « impossible de continuer à répondre à des risques globaux systémiques et prévisibles par des solutions ad hoc », a-t-il poursuivi. Le Secrétaire général en a appelé à une gouvernance mondiale « déterminée, coordonnée, souple et prête à réagir à l’éventail des défis auxquels nous devons faire face », qui non seulement regroupe les États, impuissants isolément, mais s’élargisse aux collectivités territoriales, aux entreprises, à la société civile, au monde universitaire et à la jeunesse.
Prenant en exemple les difficultés rencontrées pour faire du futur vaccin contre la COVID-19 « un bien public mondial, d’accès universel et d’un coût abordable », le Secrétaire général a jugé urgent que les institutions multilatérales soient « en mesure d’agir de manière décisive, sur la base d’un consensus mondial ». Son appel à une meilleure représentation des pays en développement a été repris au vol par le Président du Niger, qui a souhaité une telle représentation équitable au Conseil de sécurité, dont les pouvoirs devraient également être rééquilibrés avec ceux de l’Assemblée générale. Le Ministre fédéral des affaires étrangères de l’Allemagne a, quant à lui, souhaité que le Conseil de sécurité ne se réduise pas à une « brochette de grandes puissances », et regretté, tout comme le Président de la Tunisie, sa lenteur extrême –près de quatre mois- à s’entendre sur un soutien à l’appel du Secrétaire général.
En termes de mécanismes multilatéraux mondiaux, il n’existe actuellement « aucune structure alternative à l’ONU » pour mieux coordonner la réponse mondiale à la pandémie ou à d’autres calamités mondiales, a assuré le Vice-Premier Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie. De même, le chef de la diplomatie chinoise a souhaité que le rôle de l’ONU soit promu et que le Conseil de sécurité, « composante essentielle du système de la gouvernance mondiale », s’acquitte efficacement de ses responsabilités.
« La loi du monde dans lequel nous vivons, c’est l’interdépendance », a quant à lui soutenu le chef de la diplomatie française, rejoint dans cette analyse par son homologue russe. Ce dernier a toutefois déploré que la crise n’ait pas effacé les différences de vues et que certains succombent à « la tentation croissante de chercher à l’étranger des coupables pour leurs propres problèmes internes ». Il a notamment dénoncé les attaques récurrentes portées contre l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), mais aussi le maintien de sanctions unilatérales, qui touchent selon lui les couches les plus faibles des populations et limitent leur accès aux soins médicaux. Une position partagée au Conseil par l’Afrique du Sud et le Viet Nam.
Face à ces propos, les États-Unis, un des deux seuls États Membres à intervenir au simple niveau de sa représentante permanente, ont accusé « certains membres » du Conseil d’avoir saisi l’occasion du débat « pour cultiver les rancunes politiques ». Se disant « dégoûtée » par le contenu du débat, la représentante a jugé « en lambeaux » la réputation de l’OMS, accusée d’avoir « aidé la Chine à mentir au reste du monde », et a rappelé l’intention affirmée du Président Trump de « demander des comptes à la nation qui a déclenché ce fléau dans le monde: la Chine » avant d’affirmer que ce sont les États-Unis qui avaient apporté la plus forte contribution financière à la réponse de l’ONU à la pandémie grâce à un financement « fourni par de généreux contribuables américains ». Les propos de la délégation ont suscité une reprise de parole de trois des membres du Conseil, dont un « Ça suffit! » de la délégation chinoise.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES : GOUVERNANCE MONDIALE POST-COVID-19
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déclaré qu’« un virus microscopique est aujourd’hui la principale menace dans notre monde ». Crise à part entière, à la fois « imprévisible et dangereuse », la pandémie de COVID-19 « met manifestement à l’épreuve la coopération internationale », a-t-il ajouté, avant de constater: « une épreuve à laquelle nous avons échoué ». En ce soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation, « nous devons de toute urgence mener une réflexion innovante sur la gouvernance mondiale et le multilatéralisme, afin de les adapter au XXIe siècle », a-t-il estimé.
Plaidant pour un « multilatéralisme en réseau, fondé sur des liens et une coopération solides entre les organisations internationales et régionales, les institutions financières internationales et autres alliances et institutions mondiales », M. Guterres a rappelé que, depuis sa prise de fonctions, il avait fait du partenariat stratégique avec l’Union africaine (UA) une priorité, devenue un « cadre solide » pour la paix et la sécurité sur le continent.
Il convient, selon lui, d’approfondir cette collaboration en créant des liens solides et officiels avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et en communiquant régulièrement avec lui. L’Union africaine pourrait ainsi « mener des opérations d’imposition de la paix et de lutte contre le terrorisme, qui seraient appuyées par des mandats du Conseil de sécurité et bénéficieraient d’un financement prévisible, garanti par les contributions obligatoires ».
Pour M. Guterres, « c’est la seule façon de construire la coalition dont nous avons besoin pour lutter contre le terrorisme sur le continent africain et de mener à bien l’initiative phare de l’Union africaine pour faire taire les armes ».
Mais l’ONU a aussi la responsabilité d’améliorer l’efficacité de la gouvernance mondiale, a-t-il poursuivi. En témoignent l’accent mis sur la prévention, le renforcement de l’architecture de paix et de sécurité, l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et l’action menée pour mettre fin à l’exploitation et aux atteintes sexuelles dans l’ensemble du système des Nations Unies.
Tout en se félicitant de la résolution 2532 (2020) adoptée le 1er juillet en soutien de son appel au cessez-le-feu mondial immédiat, le Secrétaire général a jugé que « nous avons maintenant besoin d’un effort collectif, mené par ce Conseil, pour faire taire les armes dans le monde entier d’ici à la fin de cette année ». Mais si, à ses yeux, la responsabilité du fonctionnement de la gouvernance mondiale incombe au premier chef aux États Membres, la réforme de cette gouvernance « ne saurait se substituer à l’action collective » pour surmonter les défis communs.
Or, a constaté le Secrétaire général, « nous ne sommes pas en phase avec la réalité du monde d’aujourd’hui ». Pire, la pandémie « accentue les risques dans tous les domaines »: « les besoins humanitaires s’alourdissent, des décennies de progrès en matière de développement durable sont en jeu et les troubles sociaux se multiplient ».
Alors que de nombreux États du Sud se retrouvent « sans ressources financières ou pratiques » et que certains pays à revenu intermédiaire sont « écrasés par le fardeau de la dette » en tentant répondre à la crise, il importe que le Groupe de la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) « soutiennent les États Membres en leur donnant un meilleur accès aux dispositifs et aux outils », a affirmé M. Guterres.
Il faut aussi que le FMI reçoive des ressources plus importantes et qu’un appui renforcé soit apporté au Groupe de la Banque mondiale et à d’autres institutions financières et mécanismes bilatéraux, a préconisé le Secrétaire général, qui a rappelé en outre qu’il avait lancé en mai une initiative sur le financement du développement « axée sur des domaines qui sont essentiels à la survie et à la mise en œuvre d’une relance forte », notamment la liquidité mondiale, la stabilité financière et la vulnérabilité liée à la dette. Ses conclusions sont attendues la semaine prochaine, a-t-il précisé.
Toutefois, a ajouté M. Guterres, « nous ne pouvons pas continuer à répondre à des risques globaux systémiques et prévisibles par des solutions ad hoc ». Le monde a besoin d’une gouvernance « déterminée, coordonnée, souple et prête à réagir à l’éventail des défis auxquels nous devons faire face », a-t-il insisté, notant que « la solidarité est dans l’intérêt de chacun ».
Confrontés à des problèmes transfrontières comme la crise climatique, la montée des inégalités ou encore la cybercriminalité, les États ne peuvent y répondre chacun isolément, a relevé le Secrétaire général. Il faut donc « élargir notre idée de la gouvernance mondiale, et y inclure les entreprises, la société civile, les villes et les régions, le monde universitaire et la jeunesse », en s’appuyant sur des « mécanismes souples » et pas nécessairement sur des conférences internationales.
Rappelant à cet égard que les mécanismes de gouvernance mondiale avaient trop souvent exclu les femmes, il a fait valoir que, comme le démontre la pandémie, ces dernières sont « éminemment efficaces lorsqu’elles prennent les rênes ». De fait, a-t-il soutenu, « nous ne pouvons pas espérer surmonter la crise climatique, réduire les divisions sociales ou instaurer une paix durable sans la pleine contribution de toute la société ».
Convaincu que, dans ce cadre, les institutions doivent être « remaniées et renforcées », M. Guterres a estimé que la COVID-19 illustrait « les carences incontestables de notre système multilatéral ». En effet, a-t-il déploré, « lorsque les pays choisissent de faire cavaliers seuls, le virus gagne du terrain ». Appelant à une « approche rationnelle et équitable de la vaccination » pour réduire le nombre de décès évitables, il a reconnu les difficultés rencontrées pour mobiliser les ressources nécessaires afin que le vaccin « devienne un bien public mondial, d’accès universel et d’un coût abordable ».
« Il nous faut d’urgence des institutions multilatérales qui soient en mesure d’agir de manière décisive, sur la base d’un consensus mondial, pour le bien de la planète », a-t-il lancé, réclamant une meilleure représentation des pays en développement, « afin que toutes les parties aient leur place proportionnelle à la table mondiale ».
Avant de conclure, le Secrétaire général a indiqué qu’à l’occasion de cette réflexion sur l’avenir de la coopération multilatérale et le monde post-COVID-19, ouverte par la déclaration de l’Assemblée générale sur le soixante-quinzième anniversaire de l’ONU, il présenterait ultérieurement des analyses et des recommandations, avec « la solidarité pour fil conducteur ».
M. MOUSSA FAKI MAHAMAT, Président de la Commission de l’Union africaine (UA), a déclaré que la réponse apportée à la pandémie de COVID-19 jusqu’à présent avait démontré que la santé de l’espèce humaine était une question de paix et de sécurité de premier ordre. Les ravages résultant de la pandémie sont incommensurables, a-t-il ajouté, en rappelant que des centaines de millions de gens à travers le monde étaient désormais exposés à la précarité, à la pauvreté, et à l’insécurité et livrés à de nombreuses incertitudes.
Dans ce contexte, l’aide de la communauté internationale s’est trouvée limitée par les restrictions imposées aux transports aériens et maritimes, a observé M. Mahamat, qui a souligné l’impact de cette situation pour l’Afrique: les groupes armés et les organisations terroristes l’ont exploitée pour intensifier leurs activités criminelles, comme l’illustre la situation dans le bassin du lac Tchad, s’est-il alarmé. M. Mahamat a aussi dénoncé les multiples violences sexuelles et sexistes visant la population civile.
M. Mahamat s’est donc félicité de l’adoption de la résolution 74/270 par l’Assemblée générale et de la résolution 2532 (2020) du Conseil de sécurité. Pour sa part, face à cette pandémie, l’Union africaine et ses différents organes, en particulier sa structure technique, ont su faire preuve d’une remarquable efficacité, a estimé le Président de la Commission. Le vrai message de l’Afrique, a-t-il ajouté, est de vous inviter à « mettre en synergie créatrice nos intelligences » au service d’un multilatéralisme revitalisé et d’une gouvernance mondiale efficace et équitable.
M. MAHAMADOU ISSOUFOU, Président du Niger, a estimé que la crise engendrée par la pandémie de COVID-19 était l’occasion de repenser la gouvernance mondiale pour répondre aux défis globaux. Dans ce cadre, a-t-il précisé, la priorité doit porter sur la gouvernance politique. Rappelant l’appui de son pays aux efforts du Secrétaire général en faveur d’une réforme de l’ONU et de l’instauration d’un ordre mondial plus démocratique, M. Issoufou a plaidé pour que toutes les régions du monde soient représentées de manière équitable au Conseil de sécurité, que son pays préside ce mois-ci. Pour le Niger, il importe également d’élargir le nombre des membres permanents et de réduire l’usage du droit de veto. Quant à l’Assemblée générale, il convient de rééquilibrer ses pouvoirs avec ceux du Conseil de sécurité.
Au regard des limites observées, il est également urgent de revenir sur les concepts de sécurité collective, a poursuivi le Président du Niger. En effet, la nature des conflits évolue et les missions de l’ONU doivent évoluer parallèlement. À l’influence croissante des organisations criminelles non étatiques et terroristes s’ajoute le risque de confrontation entre les États eux-mêmes, a relevé M. Issoufou, qui a réitéré son appel à une dénucléarisation de notre planète.
Évoquant ensuite l’aggravation des inégalités entre les pays et à l’intérieur de ces pays, M. Issoufou a constaté que l’écart entre les plus riches et les plus pauvres était aujourd’hui plus important qu’il ne l’était dans l’antiquité. Cette escalade est la plus grande menace à laquelle la communauté internationale doit faire face, a averti le Chef de l’État, pour qui la « main invisible » du marché ne peut corriger de tels déséquilibres. Pour y remédier, le Niger préconise l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, voire d’un impôt sur le capital. Cela nécessite aussi une réforme de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale du commerce, a fait observer M. Issoufou.
Le Président du Niger a d’autre part jugé urgent de construire un monde sans pauvreté. Nous produisons suffisamment de richesses pour l’éradiquer, a-t-il assuré, voyant dans ce fléau le terreau du terrorisme et de la criminalité organisée. Pour M. Issoufou, l’institution d’un revenu universel de base pour chaque individu est une solution à envisager, à l’image de ce que fait le Niger avec ses transferts d’argent au bénéfice des plus vulnérables. La crise exige aussi un meilleur partage du travail et une réforme des institutions financières mondiales, a-t-il poursuivi, notant que l’Afrique concentre l’immense majorité des personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
Enfin, le Président Issoufou a fait observer que, depuis le début de l’ère industrielle, notre modèle de développement agresse la nature. Cela a pour conséquence un réchauffement de la planète et la disparition d’un grand nombre d’espèces ces dernières années. Il a donc souligné l’urgence à mettre en œuvre l’Accord de Paris sur le climat, jugeant que les instruments mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ne suffisaient plus pour faire face à de telles menaces. La pandémie marque la fin d’une époque et la nécessité de repenser notre système de sécurité collective, a-t-il conclu.
M. MATAMELA CYRIL RAMAPHOSA, Président de l’Afrique du Sud, a dit espérer que le Conseil de sécurité continuerait de jouer un rôle clef pour veiller à ce que cette pandémie ne vienne saper la paix et la sécurité à travers le monde. L’Afrique du Sud soutient, aux côtés de l’Union africaine, l’appel lancé par le Secrétaire général et l’ONU à un cessez-le-feu mondial et au renforcement de l’aide humanitaire au bénéfice des sociétés vulnérables, a-t-il poursuivi.
M. Ramaphosa a lancé un appel à lever les mesures de sanctions unilatérales pendant la durée de la pandémie afin de permettre aux pays visés de bénéficier de l’approvisionnement et de l’aide dont ils ont tant besoin. Il s’est dit convaincu que nous avons besoin d’un Conseil de sécurité qui reflète mieux les Nations Unies, dans le respect de l’égalité souveraine de tous les États. Devant les besoins économiques, sociaux et humanitaires criants « de nos pays », M. Ramaphosa a exhorté à agir pour réaliser, « avec un sentiment d’urgence », les objectifs de développement durable. Il a affirmé en conclusion l’importance de prioriser la coopération plutôt que l’unilatéralisme.
Mme KERSTI KALJULAID, Présidente de l’Estonie, a renouvelé le soutien de son pays à l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial et a estimé que le développement technologique était le domaine qui nous aidait à maintenir la cohérence de notre monde post-COVID-19 et à continuer à coopérer les uns avec les autres.
Cette pandémie nous a montré que le monde du travail, de l’éducation, de la communication, des services a radicalement changé, a encore observé Mme Kaljulaid. « Que devons-nous faire maintenant? » Nous devons adapter notre modèle de gouvernance mondiale à ce que nous voyons dans le monde réel, ce qui constitue potentiellement « une opportunité en or » pour les pays cherchant à sauter le pas, ainsi que pour les personnes qui ont les compétences nécessaires pour participer au marché mondial des services, mais qui viennent de pays d’où il est difficile d’offrir ces services pour le reste du monde. Dans ce contexte, a ajouté la dirigeante, nous avons besoin d’une structure de gouvernance mondiale qui créera un environnement juridiquement favorable à tous ces développements.
M. KAÏS SAÏED, Président de la Tunisie, a jugé que le Conseil de sécurité devait jouer un rôle central pour faire face aux répercussions de la pandémie, notamment en ce qui concerne la paix et la sécurité internationales. Réaffirmant son appui aux initiatives du Secrétaire général et du Président de l’Union africaine, M. Saïed a averti que ces répercussions risquaient d’être ressenties pendant des générations et menaçaient d’accroître les tensions entre les puissances et d’affaiblir le multilatéralisme. De plus, a-t-il souligné, aucun pays n’est à lui seul en mesure de faire face à cet ennemi invisible et transnational.
Dans ce contexte, a poursuivi M. Saïed, la Tunisie, en coordination avec la France, a déposé un projet de résolution au Conseil de sécurité, insistant sur le fait que la lutte contre la COVID-19 exigeait davantage de solidarité internationale. Une réponse cohérente, coordonnée et collective sous la supervision de l’ONU est impérative, a-t-il argué, avant d’appeler à un cessez-le-feu immédiat et complet dans le monde entier, conformément à l’appel lancé le 23 mars par le Secrétaire général.
Pour la Tunisie, l’adoption de cette résolution a envoyé un message positif sur l’engagement du Conseil à lutter contre la COVID-19. Mais, a déploré M. Saïed, il a fallu quatre mois de négociations ardues pour y parvenir, ce qui témoigne des profondes divisions au sein de l’instance. Ce sont ces mêmes divisions qui ont entravé la capacité du Conseil à traiter de questions essentielles, telles que « la juste cause palestinienne », a poursuivi le Président. Il convient par conséquent d’accélérer le processus de réforme du Conseil afin qu’il devienne plus flexible.
Évoquant les conséquences directes et immédiates de la pandémie, M. Saïed a dit s’attendre à ce que les difficultés sociales et économiques provoquées par le virus soient les pires depuis le siècle dernier. Tous les indicateurs montrent que l’économie mondiale connaîtra une récession de plus de 5%, qui poussera des millions de personnes dans le chômage et la pauvreté, notamment dans les pays en développement, a-t-il rappelé. De tels facteurs peuvent alimenter les tensions, conduisant à un cycle de conflits.
Pour le Président de la Tunisie, les Nations Unies doivent aujourd’hui dépasser le concept traditionnel de sécurité, qui ne recouvre pas tous les risques auxquels l’humanité est confrontée. Nous devons élaborer de nouveaux concepts qui intègrent des menaces comme les pandémies, les changements climatiques et la cybercriminalité, a-t-il plaidé. L’ampleur des problèmes souligne l’importance de la solidarité pour lutter contre la pauvreté, tout en luttant sur le front environnemental. Ainsi, la Tunisie appelle la communauté internationale à continuer à apporter toute l’aide qui s’impose au continent africain, ce qui passe notamment par une restructuration de la dette étrangère.
Dans ce contexte, M. Saïed a appelé à davantage de sensibilisation quant à l’importance des valeurs humaines. « Il nous faut coopérer davantage pour instaurer un ordre plus juste et œuvrer de concert pour faire de cette crise un nouveau départ », a-t-il conclu.
M. WANG YI, Ministre des affaires étrangères de la Chine, a jugé urgent d’améliorer la gouvernance mondiale, laquelle doit refléter les réalités géopolitiques contemporaines. Aussi a-t-il formulé cinq propositions en ce sens, la première consistant à poursuivre le principe de consultations et de bénéfices partagés. Les menaces telles que la pandémie de COVID-19 se jouent des frontières et rendent indispensable de faire de chaque pays un acteur, un contributeur et un bénéficiaire de la paix dans le monde, a-t-il observé. Dans ce contexte, les pays en développement, particulièrement vulnérables, doivent être davantage écoutés.
Plus largement, le chef de la diplomatie chinoise a estimé que la communauté internationale devait se mobiliser pour répondre aux menaces sécuritaires non conventionnelles, comme les opérations terroristes ou les crises financières ou sanitaires. En outre, les pays les plus développés doivent « donner l’exemple » en apportant une plus grande contribution à la paix dans le monde, a préconisé le Ministre, pour qui il faut rejeter « la mentalité de la guerre et les préjugés idéologiques ».
M. Wang a ensuite préconisé de défendre le droit et les règles de base qui gouvernent les relations internationales, comme le respect de la souveraineté et le règlement des différends par des moyens pacifiques. Enfin, le rôle de l’ONU doit être promu, l’Organisation étant la plus apte à jouer un rôle dirigeant. Le Conseil de sécurité, qui est une composante essentielle du système de la gouvernance mondiale, doit quant à lui s’acquitter efficacement de ses responsabilités, en vertu de la Charte des Nations Unies, a conclu le Ministre.
M. SERGEY LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a fait valoir que, face à la pandémie qui frappe le monde, il importait de tirer les leçons et les bonnes conclusions. Cette crise, a-t-il dit, a mis en évidence l’interdépendance de tous les États dans tous les domaines de la vie sociale. À la menace de la COVID-19 s’ajoutent celles du terrorisme et du risque de prolifération des armes de destruction massive, a-t-il souligné, notant que personne ne pouvait s’y soustraire. Cela signifie, selon lui, qu’il faut y répondre ensemble.
Malheureusement, a poursuivi le Ministre, cette crise n’a pas effacé les différences de vues intergouvernementales. De nombreux pays ont la tentation croissante de chercher à l’étranger des coupables pour leurs propres problèmes internes. Malgré la situation actuelle, on voit perdurer les sanctions unilatérales, a-t-il déploré, appelant à la levée des restrictions qui touchent selon lui les couches les plus faibles des populations et limite leur accès aux soins médicaux.
D’après le chef de la diplomatie russe, la proposition faite par le Président Putin, en avril devant le G20, en faveur de « couloirs verts » sans sanction reste d’actualité. Pourtant, a-t-il regretté, certains restent sourds aux besoins de tous les pays. La Russie considère pour sa part que les actions doivent être concertées, sous l’égide de l’ONU, enceinte irremplaçable pour le dialogue. À cet égard, M. Lavrov a qualifié d’injustes les attaques récurrentes portées contre l’ONU et ses agences spécialisées, à commencer par l’OMS. À toutes les étapes de la crise, celle-ci a réagi avec professionnalisme, en contact étroit avec tous les États Membres, a salué le Ministre.
M. Lavrov a ensuite confirmé que la Russie, qui met au point son propre vaccin Spoutnik, est prête à coopérer dans le domaine épidémiologique avec tous les pays. Le Président Putin a en outre proposé d’organiser une conférence de tous les pays qui travaillent à l’élaboration d’un vaccin, a-t-il indiqué, estimant que la pandémie nous mettait devant un choix: se refermer sur soi ou travailler ensemble. Cette deuxième option nécessite de faire preuve de volonté politique, notamment au sein du Conseil, a fait observer M. Lavrov, qui a rappelé l’initiative russe visant à convoquer un sommet des cinq membres permanents -le « G5 »- quand la situation sanitaire permettra la tenue physique d’une telle réunion. Lors de sa présidence du Conseil, en octobre, la Fédération de Russie mettra l’accent sur le renforcement de la coopération et sur le respect des buts et principes de la Charte des Nations Unies, a conclu M. Lavrov.
M. LOUIS STRAKER, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères et du commerce international de Saint-Vincent-et-les Grenadines, a estimé que le chevauchement des risques sanitaires, socioéconomiques, politiques et sécuritaires précipités par la pandémie de COVID-19 avait placé le système multilatéral devant son défi le plus complexe depuis la Seconde Guerre mondiale. « La COVID-19 a mis à nu le fait incontestable que les défis complexes d’aujourd’hui ne seront pas résolus par des stratégies militaires et a donné la preuve irréfutable que, dans notre monde de plus en plus interconnecté, le développement inégal des économies, des systèmes de santé et des institutions de gouvernance produit des vulnérabilités collectives », a analysé M. Straker. À cet égard, nous pouvons et nous devons faire mieux pour renforcer les capacités des plus vulnérables d’entre nous et promouvoir l’inclusion, la paix et la résilience conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030. Cela reste le principal modèle pour un monde pacifique, juste et sûr.
Dans ce contexte, le Vice-Premier Ministre a souligné le besoin de modalités de financement du développement plus prévisibles et fiables. Il a réitéré les appels déjà lancés aux pays développés pour qu’ils honorent leurs engagements en matière d’aide publique au développement et pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. « Pour ceux qui subissent les effets des aléas climatiques, cette défaillance des grands émetteurs constitue un acte d’hostilité. D’Haïti à la Corne de l’Afrique en passant par le Moyen-Orient, les implications des changements climatiques sur la paix et la sécurité doivent être pleinement reconnues et résolument prises en compte », a mis en garde M. Straker. En outre, alors que débute la décennie d’action pour accélérer les objectifs de développement durable, des stratégies intégrées et cohérentes qui rassemblent tous les organes et institutions spécialisées des Nations Unies, dans le cadre de leurs mandats respectifs, sont nécessaires d’urgence, a-t-il recommandé.
M. JEAN-YVES LE DRIAN, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, a déclaré que le mot d’ordre du monde d’aujourd’hui était « interdépendance ». Selon lui, les États doivent resserrer les rangs et mettre à profit l’interdépendance des défis actuels. Il a ajouté que le Conseil avait un rôle central à jouer à cet égard. Faisant écho à l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial adopté par le Conseil de sécurité dans la résolution 2532 (2020), le Ministre a averti que, tout en s’attaquant à la crise des soins de santé, les pays ne devaient pas perdre de vue les autres grands défis qui se posent. Rappelant l’universalité des droits de l’homme, il a affirmé qu’il ne saurait y avoir de place pour le « relativisme » ou pour les tentatives visant à les faire reculer, même dans le cadre d’une situation d’urgence.
Le chef de la diplomatie française a ensuite appelé les nations à rester sur leurs gardes face à de telles érosions, soulignant en particulier la nécessité de garantir le respect des droits reproductifs des femmes. Simultanément, les traitements et vaccins contre la COVID-19 doivent être considérés comme des biens communs, a déclaré M. Le Drian, qui a apporté son soutien au travail de l’OMS ainsi qu’à la création d’un projet de Haut Conseil pour la santé humaine et animale. Il appartient à la communauté internationale d’ancrer sa reprise de l’après-pandémie de COVID-19 dans la poursuite du développement durable, a-t-il ajouté, plaidant également pour une réforme du Conseil de sécurité qui élargirait la représentation des nations africaines et interdirait l’exercice du droit de veto dans les situations marquées par des atrocités de masse.
M. PHAM BINH MINH, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Viet Nam, a déclaré que les mécanismes multilatéraux mondiaux et régionaux devaient être renforcés, l’ONU devant servir d’« incubateur » aux initiatives de coopération multilatérale pour la paix, le développement et la prospérité. D’autres réformes devraient être entreprises pour faire de l’ONU une organisation plus forte et efficace, capable de remplir son rôle d’harmonisation des intérêts et des comportements des États face aux changements monumentaux de notre temps.
Le Vice-Premier Ministre a par ailleurs appelé à la levée des sanctions unilatérales, qui nuisent au développement socioéconomique des nations et aux moyens de subsistance de la population, en particulier l’embargo imposé à Cuba. Selon lui, la pandémie de COVID-19 exige des engagements plus forts pour promouvoir un développement durable, inclusif et centré sur l’homme.
Dans la lutte contre la COVID-19, et malgré les difficultés, le Viet Nam, s’est enorgueilli M. Minh, a enregistré des résultats positifs et remarquables. « Nous avons réussi à contenir la pandémie tout en favorisant le développement social et économique », s’est-il félicité. Par solidarité internationale, le Viet Nam s’est en outre engagé dans la coopération et le partage d’expériences avec de nombreux pays, y compris le soutien apporté aux personnes les plus touchées par la pandémie et aux efforts internationaux communs.
En tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies pour la période 2020-2021, le Viet Nam promeut le dialogue, la désescalade des tensions et de la confrontation, et des solutions justes et raisonnables aux problèmes de paix et de sécurité régionaux et mondiaux, a aussi assuré le Vice-Premier Ministre.
Et en tant que président de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) pour l’année 2020, le Viet Nam travaille avec ses autres États membres pour construire une région de paix, d’amitié et de coopération, afin de concrétiser la vision de l’ASEAN en tant que communauté politiquement cohérente, économiquement intégrée et socialement responsable. En collaboration avec les pays à l’intérieur et à l’extérieur de la région, nous nous engageons à maintenir et à promouvoir la paix, la stabilité, la sécurité et la sûreté maritimes et la liberté de navigation dans la mer de l’Est (mer de Chine méridionale), conformément au droit international, en particulier à la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer, a assuré M. Minh. « Nous appelons toutes les parties concernées à faire preuve de retenue, à éviter les actes unilatéraux qui compliqueraient la situation et à régler les différends par des moyens pacifiques dans le respect des processus diplomatiques et juridiques », a-t-il encore ajouté.
M. PHILIPPE GOFFIN, Ministre des affaires étrangères de la Belgique, a mis l’accent sur les impacts dévastateurs de la pandémie de COVID-19 dans les domaines économique, social et sanitaire. Il a notamment averti que les campagnes de vaccination étaient fortement perturbées par cette crise et que de nombreux enfants étaient susceptibles de mourir du fait de cette négligence. Le Ministre a regretté à cet égard que la méfiance et la désinformation sapent les discours de santé publique.
M. Goffin a d’autre part constaté que des groupes armés profitent de cette situation pour déstabiliser des régions entières. Les conséquences de cette crise mondiale se font surtout sentir chez les groupes vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les réfugiés et les personnes déplacées, a poursuivi le Ministre, qui a évoqué une aggravation des inégalités et un très lourd coût humain.
Dans ce contexte, M. Goffin a dit partager l’appel du Secrétaire général en faveur d’une coopération accrue et d’une réforme de la gouvernance mondiale. La Belgique soutient également l’appel de M. Guterres pour un cessez-le-feu mondial et immédiat ainsi que les autres initiatives du système onusien pour répondre à la crise de la COVID-19 sur le terrain. La Belgique exhorte en outre tous les États à partager des données précises avec l’OMS afin de garantir l’efficacité de la réponse sanitaire. Rappelant qu’elle a contribué à hauteur de 22 millions d’euros à ces efforts, la Belgique a aussi tenu à souligner que l’Union européenne dans son ensemble participait grandement à la solidarité internationale pour soutenir les pays les plus frappés.
Face à ce défi énorme, le monde ne peut se permettre une fracture géostratégique, a relevé M. Goffin. Sa réponse doit être fondée sur la confiance et la volonté politique, ce qui nécessite du Conseil qu’il améliore ses méthodes de travail. En effet, a constaté le Ministre, nous avons mis trop de temps pour adopter la résolution 2532 (2020). Pour la Belgique, le Conseil doit aussi réfléchir à une adaptation de ses missions de paix, sans quoi ses décisions risquent de devenir moins conséquentes. Cette crise est aussi une crise sécuritaire, de protection et des droits humains, a souligné en conclusion M. Goffin, qui a appelé à « faire davantage et ensemble ».
M. TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre d’État pour l’Asie du Sud et le Commonwealth du Royaume-Uni, a considéré que la crise de la COVID-19 avait certes rapproché la communauté internationale, comme en témoigne l’Alliance du Vaccin GAVI, mais qu’elle nous avait aussi séparés, en mettant à l’épreuve notre système international. Il est donc de notre intérêt collectif qu’un système multilatéral renforcé émerge de la situation actuelle. Alors que des centaines de millions de personnes sont confrontées à l’insécurité alimentaire, le Royaume-Uni, a annoncé le Ministre, a versé cette année 150 millions de dollars qui viennent s’ajouter au milliard de dollars déjà versés au niveau international pour lutter contre la famine.
Le Ministre d’État a tenu à assurer que son pays défendait les valeurs de la Charte des Nations Unies. Alors que nous célébrons le soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation, nous devrions veiller à ce que celle-ci soit mieux armée pour lutter contre les menaces complexes qui se multiplient aujourd’hui, a-t-il conclu.
M. NIELS ANNEN, Ministre d’État au Ministère fédéral des affaires étrangères de l’Allemagne, a observé que la communauté internationale se trouvait « à la croisée des chemins » pour ce qui est de la gouvernance mondiale. « Si l’un d’entre nous échoue, nous échouerons tous », a-t-il averti.
Afin d’empêcher que ne surviennent des crises comme celle de la COVID-19, des institutions fortes sont nécessaires, a estimé le Ministre d’État. Dans le cadre de la réforme des Nations Unies qu’elle appelle de ses vœux, l’Allemagne estime que des principes de base doivent être défendus, notamment ceux qui président à la Charte de l’Organisation. Mais il faut aussi faire preuve d’innovation pour relever les défis d’aujourd’hui. Or, a constaté M. Annen, le Conseil a perdu en confiance et n’a pas été en mesure de s’exprimer clairement face à la COVID-19. De fait, lorsqu’il est considéré comme étant une « brochette de grandes puissances », nous y perdons tous, a affirmé M. Annen, préconisant une réforme de l’instance pour qu’elle ne perde pas en pertinence.
La protection de la santé ne sera possible que si l’OMS est renforcée de manière durable, a en outre estimé le Ministre d’État. La pandémie doit être l’occasion de relever les défis de l’OMS dans le domaine de la santé, et ce, même si aujourd’hui « nos attentes dépassent ses capacités ».
En outre, a poursuivi M. Annen, nous devons faire plus en matière de prévention des crises et de leurs catalyseurs, tels que les changements climatiques. Pour cela, il importe de défendre le multilatéralisme, dont l’avenir dépend en partie du « rôle fort » joué par l’Union européenne. En tant que membre de l’ Union européenne, l’Allemagne continue d’appuyer les Nations Unies et les approches conjointes pour faire face aux défis de la communauté mondiale et appelle à « investir dans ce système et dans sa légitimité ».
M. MAHENDRA SIREGAR, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, a rappelé que l’ONU avait, depuis le début de la pandémie, utilisé tous les outils à sa disposition pour y répondre, notamment en lançant un appel au cessez-le-feu mondial et un plan mondial de réponse humanitaire. De son côté, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité la résolution 2532 (2020), qui contient des dispositions importantes pour lutter contre la COVID-19.
Pour M. Siregar, le Conseil devrait continuer à jouer un rôle important, en continuant de surveiller les engagements pris pour respecter le cessez-le-feu, en soutenant les efforts des opérations de l’ONU sur le terrain pour aider les pays hôtes, en garantissant l’acheminement de l’aide humanitaire et en veillant à ce que les progrès obtenus dans la consolidation de la paix ne subissent pas de revers.
Il faut cependant noter que le Conseil de sécurité n’est pas le seul organe de l’ONU doté d’une compétence pour s’attaquer à cette crise, a tempéré le Vice-Ministre, pour qui tous les organes des Nations Unies doivent faire preuve de coordination à cet égard. Or, bien qu’une réponse internationale urgente et coordonnée soit plus que jamais nécessaire, les frictions peuvent malheureusement renforcer les facteurs qui rendent de nombreux organes des Nations Unies dysfonctionnels, au risque d’entraîner une nouvelle érosion de la confiance dans les institutions mondiales, a prévenu M. Siregar. Certains peuvent même plaider pour une refonte totale des principes et des engagements envers le système de gouvernance mondiale, a-t-il observé.
Pourtant, a rappelé le Vice-Ministre, il n’existe actuellement aucune structure alternative à l’ONU pour mieux coordonner la réponse mondiale à la pandémie ou à d’autres calamités mondiales. C’est pourquoi il a conclu en plaidant pour l’élaboration d’une stratégie globale à long terme de relèvement et de résilience.
« Honte à chacun de vous »: c’est par ces mots que la délégation des États-Unis a débuté son intervention, se disant à la fois « étonnée » et « dégoûtée » par le contenu du débat d’aujourd’hui. « J’ai vraiment honte de ce Conseil, dont certains membres ont saisi l’occasion pour cultiver les rancunes politiques », a poursuivi la délégation. « Mon Dieu. Je suis déçue au nom des gens auxquels vous essayez de venir en aide, en gaspillant cette opportunité à des fins politiques. Le président Trump l’a dit très clairement, nous ferons tout ce qui doit être fait, même si c’est impopulaire, car, laissez-moi vous dire que ce n’est pas un concours de popularité. Ceci dit, j’ai l’intention de rendre mes remarques aujourd’hui responsables et adaptées au sujet à l’ordre du jour », a affirmé la représentante.
Les États-Unis n’ont pas ménagé leurs efforts de lutte contre la COVID-19, tant au niveau national qu’à l’étranger, a affirmé la délégation. Cela s’est traduit par d’énormes investissements dans le traitement et les soins, ainsi que par l’activation d’un effort national pour développer des vaccins, des actions qui « ont sauvé d’innombrables vies et permis d’envisager la perspective de mettre fin rapidement à la pandémie ».
À ce jour, nous avons également alloué plus de 20 milliards de dollars au profit de la réponse internationale, y compris pour développer des vaccins, des traitements et des infrastructures de santé, ont affirmé les États-Unis. Pour eux, « ce financement, fourni par de généreux contribuables américains, sauve des vies dans plus de 120 pays à travers le monde ». En outre, les États-Unis ont dit avoir contribué à hauteur de plus de 900 millions de dollars à la réponse de l’ONU, « de loin la plus importante de tous les États Membres à ce jour ». La délégation a cité notamment cinq États actuellement membres du Conseil de sécurité: le Niger (4,6 millions de dollars), l’Afrique du Sud (8,4 millions), l’Indonésie (5 millions), le Viet Nam (9,5 millions), la Tunisie (600 000 dollars).
Il n’est pas toutefois possible qu’un pays ou une poignée de pays répondent à la part du lion de ces besoins croissants, a ajouté la délégation. Alors que nous continuons à mobiliser des ressources, nous devons également renforcer l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial et soutenu par le Conseil de sécurité dans la résolution 2532 (2020), « étant entendu que les efforts légitimes et nécessaires de lutte contre le terrorisme se poursuivront ».
Malheureusement, les premiers signes de respect de l’appel du 23 mars dans les zones de conflit ont commencé à céder la place à une escalade de la violence, a regretté la délégation. Les États-Unis condamnent dans les termes les plus forts les organisations terroristes qui ont profité de cette situation difficile et appellent les États qui commanditent le terrorisme, « notamment la République islamique d’Iran », à cesser définitivement et complètement de financer et d’armer des terroristes à travers le monde.
À propos de origines de la pandémie, la délégation a rappelé les propos du Président Trump dans son allocution à l’Assemblée générale mardi, qui a annoncé son intention de « demander des comptes à la nation qui a déclenché ce fléau dans le monde: la Chine ». La décision du « Parti communiste chinois » de dissimuler les origines de ce virus, d’en minimiser le danger et de supprimer la coopération scientifique a transformé une épidémie locale en pandémie mondiale, a-t-elle affirmé. Pour les États-Unis, les actions du « Parti communiste chinois » prouvent que tous les États Membres ne sont pas également attachés à la santé publique, à la transparence et au respect de leurs obligations internationales.
Nous devons tous nous engager à nouveau à un partage complet et rapide des données de santé publique les uns avec les autres, a poursuivi la délégation, pour qui le danger posé par les organisations internationales « corrompues » est tout aussi troublant. La réputation de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est « en lambeaux » aujourd’hui après qu’elle a aidé la Chine à mentir au reste du monde, ont encore affirmé les États-Unis. À ce jour, les scientifiques du monde n’ont toujours pas une compréhension complète des origines, des caractéristiques et de la propagation du virus, « une compréhension que seul le Parti communiste chinois peut fournir », ont-ils allégué. Ce manque d’indépendance, de transparence et de responsabilité est la raison pour laquelle le Président Trump a pris la décision de retirer les États-Unis de l’OMS, a justifié la délégation, en réitérant l’appel de Washington à réformer cette organisation.
Pour la République dominicaine, la crise de la COVID-19 est la plus importante depuis la fondation de l’ONU et une menace pour la paix et la sécurité internationales. Elle risque d’engendrer de nouveaux conflits et de remettre en question les progrès réalisés dans le domaine du développement, a ajouté la délégation, qui a constaté que ce choc mondial avait mis à nu les failles du système structurel de l’ONU.
Pour y faire face, nous avons besoin d’un multilatéralisme efficace et inclusif, a prôné la délégation. Il convient, selon elle, de proposer une réponse basée sur le principe de solidarité et prenant en compte les besoins des plus faibles. Il importe également de faciliter les efforts du Secrétaire général et de l’OMS dans la coordination d’une réponse internationale, avec le concours des États et de la société civile. La pandémie ayant fait apparaître un problème d’accès aux services de base, notamment pour les plus vulnérables, il est aussi essentiel de développer la résilience des communautés. Nous devons travailler directement avec elles et avec ceux qui œuvrent pour la paix au niveau local, a plaidé la délégation.
Cependant, a relevé la République dominicaine, les politiques nationales à elles seules ne suffisent pas. Face à la polarisation politique croissante et aux tensions géopolitiques qui remettent l’ordre international en question, des efforts doivent être déployés pour renforcer le multilatéralisme. Pour la délégation, il est ainsi urgent d’investir dans le développement, de garantir la sécurité d’Internet et de lutter plus efficacement contre la cybercriminalité. Cela suppose une coopération internationale sans précédent et le renforcement de l’interaction du Conseil de sécurité avec d’autres organes des Nations Unies, a-t-elle souligné. Avant de conclure, la délégation a souhaité la mise en place d’un système de reddition des comptes pour garantir la mise en œuvre effective du cessez-le-feu mondial, conformément à la demande de la résolution 2532 (2020).
La Chine a repris la parole pour se plaindre des propos tenus par la délégation des États-Unis, dont les points de vue exprimés aujourd’hui étaient selon elle « sans rapport avec le sujet à l’ordre du jour ». Elle a rejeté les attaques dont son pays a fait l’objet, en pointant du doigt la désinformation américaine visant Beijing.
« Ça suffit », a tranché la délégation, « vous avez généré suffisamment de problèmes à travers le monde ». Le peuple chinois s’est uni dans sa lutte contre la pandémie aux niveaux national et international. Pourquoi les États-Unis ont-ils, face à la pandémie, « la moitié des morts au niveau mondial » alors qu’ils disposent d’une technologie de pointe et d’une science avancée? Dans ce pays, ce sont les minorités qui souffrent le plus de la pandémie, a observé la Chine. Les États-Unis devraient comprendre qu’accuser autrui, pointer du doigt, mentir, induire en erreur ne leur permettra pas de résoudre leurs propres problèmes. Isolés face à la communauté internationale, ils doivent se réveiller, ouvrir les yeux, cesser leur manipulation politique en se concentrant sur la lutte contre la COVID-19 sur leur territoire, en coordination avec l’OMS. Les États-Unis se présentent toujours comme une « force du bien », mais il est temps pour eux de s’acquitter de leurs responsabilités en vertu du droit international, plutôt que de privilégier la voie de l’exceptionnalisme, de nourrir les confrontations, d’imposer leur monopole pour endiguer les progrès technologiques d’autres pays, a conclu la délégation chinoise.
Reprenant à son tour la parole, la Fédération de Russie a déploré que les États-Unis aient choisi cette réunion pour accuser « de façon infondée » l’un des membres du Conseil. Nous n’avons pas compris en quoi consistaient ces accusations, a-t-elle indiqué, renvoyant aux propos du Ministre Lavrov à cet égard. Observant que la délégation américaine avait prôné l’unité et non la division, la délégation s’est étonnée que son discours ne corresponde pas à un tel appel. La tragédie actuelle n’a pas apaisé les tensions mais les a aggravées, a-t-elle ajouté. Plusieurs pays ont cherché à pointer du doigt l’étranger. Certains profitent aussi de la situation pour satisfaire leurs intérêts à court terme ou régler des comptes, a poursuivi la délégation russe, jugeant « injuste » d’attaquer le système de l’ONU et ses agences spécialisées, notamment l’OMS. Cette dernière a réagi de manière professionnelle, en contact étroit avec les États Membres, a-t-elle fait valoir.
L’Indonésie a rappelé à tous les membres du Conseil de sécurité ce qu’avait dit le Président de ce pays devant l’Assemblée générale lors de son débat général, à savoir qu’un monde sain et productif ne pourrait être réalisé que si notre engagement collectif est consolidé.