SC/14275

Conseil de sécurité: la COVID-19 considérée à la fois comme un danger et une chance pour la consolidation de la paix

Le Secrétaire général de l’ONU a prévenu, aujourd’hui, au Conseil de sécurité, que la pandémie de COVID-19 risque d’exacerber les conflits et d’en faire naître d’autres et on doit la maîtriser, a ajouté son prédécesseur, pour en faire «  le portail d’un monde plus radieux  ».  

«  La COVID-19 est une tragédie humaine, mais les choix que nous faisons peuvent en atténuer l’impact  », a  déclaré M. António Guterres qui a identifié trois dangers majeurs, citant tout d’abord l’érosion de la confiance de l’opinion publique qui a le sentiment que les autorités gèrent mal la crise, manquent de transparence ou favorisent leurs alliés politiques.   

Le Secrétaire général a aussi cité la déstabilisation de l’ordre économique international, s’avouant particulièrement préoccupé par l’aggravation des vulnérabilités socioéconomiques, compte tenu d’une crise économique mondiale «  sans précédent  ».   «  Sans une action concertée, les inégalités, la pauvreté dans le monde et le risque d’instabilité et de violence pourraient empirer pendant des années  », a-t-il prévenu.  Enfin, le Secrétaire général s’est inquiété de la dégradation du tissu social, relevant que dans de nombreux pays, la COVID-19 a servi de prétexte pour réprimer brutalement des manifestations pacifiques.   

Après s’être réuni en personne hier, le Conseil de sécurité est revenu aux réunions virtuelles qu’il privilégie depuis la pandémie de Covid-19, grâce à un système de visioconférence spécialement conçu pour le Conseil.   Les 15 membres se sont tous exprimés, après les interventions de l’ancien Secrétaire général de l’ONU, membre du Conseil des sages et Fondateur du «  Center for Global Citizens  », M. Ban Ki-moon, et de la Directrice du «  Center on International Cooperation  » Mme Sarah Cliffe.  

Cette dernière a signalé, par exemple, que le choc économique actuel, le plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale et le plus étendu depuis 1870, risque de provoquer une contraction de la croissance mondiale de 5 à 6%, sachant qu’un taux de 5% peut augmenter de 50% les risques d’un conflit.  Nous sommes confrontés à un choc sanitaire et économique «  extrême  » qui doit être qualifié de risque pour la consolidation de la paix , a prévenu la spécialiste.   

D’ailleurs la Commission de la consolidation de la paix a été fermement appuyée par l’ancien Secrétaire général de l’ONU qui a estimé qu’elle devrait s’inspirer de son travail pendant l’épidémie d’Ebola, en 2014, et améliorer son fonctionnement dans certains domaines clefs, comme la sensibilisation à la situation de certains pays, l’offre d’un appui intégré et une meilleure compréhension des contextes et des priorités de tel ou tel pays.  

Une «  occasion générationnelle  » se présente à l’ONU pour contribuer à reconstruire en mieux.   Il faut, a encouragé M. Ban Ki-moon, maîtriser cette pandémie pour en faire « le portail d’un monde plus radieux  », au risque de laisser la «  tragédie d’occasions manquées  » intensifier le désœuvrement et la radicalisation dans les sociétés fragiles. 

M. Ban a toutefois déploré les mois «  gaspillés  » avant l’adoption de la résolution 2532 (2020), compte tenu des désaccords sur le contenu même du texte. Cela, a-t-il avoué, affaiblit le message que le Conseil de sécurité doit envoyer à toutes les parties belligérantes: le moment est venu de confronter notre ennemi commun.  La décision tardive du Conseil a également aggravé les situations volatiles, dans le contexte de la lutte contre la COVID-19, a-t-il ajouté, alertant que «  l’impact de la pandémie sur les situations de conflit est bien pire qu’on ne le pensait  ».   

La France a appelé  à  la mise en œuvre «  collective, intégrée et coordonnée » de la résolution 2532, y voyant une étape cruciale car le texte met en lumière la responsabilité collective et l’unité face à cette crise sans précédent.  Elle a également souligné que l’un des éléments clefs de la stabilité des pays en situation de conflit est la résilience de leurs systèmes de santé.  Il faut, a-t-il estimé, conforter l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans son rôle normatif, d’alerte et de coordination.  Cela n’exclut pas, le temps venu, de tirer les leçons de la gestion de la crise actuelle et d’engager les réformes nécessaires, a précisé la France.  

En attendant, « la course » aux vaccins contre la COVID-19 a été dénoncée par la Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie.  Mme Retno L.P. Marsudi a dit craindre la mise hors-jeu des pays touchés par les conflits.  La Chine a d’ailleurs affirmé qu’une fois disponible, le vaccin chinois sera « un bien public mondial ».  Elle a également exhorté les pays concernés à admettre les conséquences humanitaires de leurs sanctions unilatérales et à les lever, une position partagée par la Fédération de Russie qui y a vu « une urgence ».  Elle a aussi suggéré que la Commission de consolidation de la paix (CCP) contribue à mobiliser un soutien financier pour renforcer les systèmes de santé nationaux débordés. 

Quant au Conseil de sécurité, il doit, selon le Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, M. Niels Annen, doter les opérations de paix et les missions politiques spéciales de l’ONU d’un mandat et de moyens leur permettant de relever les défis directs et indirects de la pandémie.  Son homologue de l’Estonie, M. Urmas Reinsalus, a acquiescé: Discuter de la façon dont les opérations de paix pourraient adopter des approches plus sensibles à la pandémie « fait partie de l’équation ». 

La Section des communiqués de presse ne couvre que les déclarations faites en visioconférence dont les textes ont été transmis à temps par la Division des affaires du Conseil de sécurité.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a prévenu que la pandémie de COVID-19 menace non seulement les gains durement acquis du développement et de la consolidation de la paix, mais risque également d’exacerber les conflits et d’en faire naître d’autres.  Tout cela, a-t-il dit, signifie que notre engagement à maintenir la paix est plus urgent que jamais.  Les défis que représente cette pandémie souligne comme jamais auparavant l’impératif d’apporter des réponses cohérentes, multidimensionnelles et fondées sur plusieurs piliers, s’inscrivant dans la logique des objectifs de développement durable. 

M. Guterres a identifié trois dangers majeurs.  Il a tout d’abord parlé de l’érosion de la confiance de l’opinion publique qui a le sentiment que les autorités gèrent mal la crise, manquent de transparence ou favorisent leurs alliés politiques.  Le Secrétaire général a ensuite cité la déstabilisation de l’ordre économique international, s’avouant particulièrement préoccupé par l’aggravation des vulnérabilités socioéconomiques, compte tenu de la crise économique mondiale «  sans précédent  ».  Sans une action concertée, les inégalités, la pauvreté dans le monde et le risque d’instabilité et de violence pourraient empirer pendant des années, a-t-il prévenu.  

Enfin, le Secrétaire général s’est inquiété de la dégradation du tissu social, relevant que dans de nombreux pays, la COVID-19 a servi de prétexte pour réprimer brutalement des manifestations pacifiques.  En outre, au moins 23 pays ont reporté les élections nationales ou des referenda. 

Malgré ces problèmes, a poursuivi M. Guterres, la pandémie crée également des perspectives de paix.  Les gouvernements et les groupes armés dans le monde ont répondu favorablement à l’appel au cessez-le-feu mondial, même si la pandémie n’a pas réellement poussé les parties à suspendre les hostilités ou à s’accorder sur des cessez-le-feu permanents.  L’adoption, le mois dernier, de la résolution 2532 (2020) est un pas dans la bonne direction, mais il faut faire beaucoup plus pour traduire ces avancés en actes concrets sur le terrain, a-t-il dit. 

Le Secrétaire général a souligné que la riposte à la pandémie doit tenir compte des conflits, notamment s’appuyant sur une analyse multidimensionnelle de l’impact de cette pandémie sur les causes sous-jacentes de ces conflits.  Il a aussi insisté sur l’importance d’une participation élargie, au moment de concevoir la réponse humanitaire et de développement aux pandémies.  Il faut, s’est-il expliqué, trouvé les moyens d’impliquer plus activement les groupes de femmes qui, a-t-il affirmé, jouent un rôle central dans l’instauration de la paix au niveau communautaire. 

Maintenir la paix nécessite aussi l’adoption d’une approche intégrée et cohérente reposant sur la collaboration entre les acteurs de l’humanitaire, du développement et de la paix.  Les problèmes humanitaires doivent être réglés de manière globale et en cela, le Liban est un bon exemple.  Des partenariats encore plus solides doivent être établis avec les gouvernements, les organisations régionales et sous régionales, le secteur privé et la société civile, a-t-il enchainé.  Il faut veiller à ce que les institutions financières internationales fassent du maintien de la paix leur priorité et un élément central des stratégies de relèvement après la COVID-19.  La collaboration du Conseil de sécurité avec la Commission de consolidation de la paix est critique, a martelé le Secrétaire général. 

M. Guterres a aussi appelé à plus de souplesse et à l’adaptation des approches aux besoins de consolidation de la paix, dans le contexte de la pandémie.  Le Fonds pour la consolidation de la paix a identifié de nouveaux domaines mais que les demandes sont toujours supérieures à l’offre.  Nous espérons, a expliqué le Secrétaire général, approuver le versement d’une somme de 210 millions de dollars pour financer des projets cette année, mais c’est encore loin du « saut quantique » qu’il a appelé de ses vœux.  

Le Secrétaire général a aussi indiqué que face à la flambée mondiale de violence contre les femmes et les filles, la Spotlight Initiative a réaffecté quelque 20 millions de dollars à la riposte contre la COVID-19.  Mais ce n’est qu’une fraction de ce qui est nécessaire pour lutter contre cette « pandémie de l’ombre », s’est-il inquiété, notant que la violence fondée sur le sexe mine les efforts de paix durable. 

La COVID-19 est une tragédie humaine, mais les choix que nous faisons peuvent en atténuer l’impact.  Des réponses multidimensionnelles, coordonnées et sensibles aux conflits, ainsi que des approches « pan-sociales » sont plus que jamais essentielles, a insisté le Secrétaire général. 

« Il est vraiment étonnant qu’en réponse à cette pandémie, le monde soit parvenu à placer des milliards de personnes en confinement, boucler les frontières, suspendre le commerce et les migrations et fermer temporairement toute une gamme d’industries, mais il n’a pas réussi à imposer une trêve dans les conflits armés ».  

L’ancien Secrétaire général de l’ONU et membre du Conseil des sages, M. BAN KI-MOON, qui a tenu ses propos, a salué l’adoption de la résolution 2532, mais en déplorant les mois «  gaspillés  » à cause de désaccords sur le contenu même du texte.  Cela, a-t-il avoué, affaiblit le message que le Conseil de sécurité doit envoyer à toutes les parties belligérantes: le moment est venu de confronter notre ennemi commun.  La décision tardive du Conseil a également aggravé les situations volatiles, dans le contexte de la lutte contre la COVID-19: l’impact de la pandémie sur les situations de conflit est bien pire qu’on ne le pensait.  

Les efforts en cours dans le monde pour consolider la paix sont compromis et les avancées réalisées en termes de paix et de sécurité risquent d’être inversés, s’est inquiété l’ancien Secrétaire général.  La pandémie exerce aussi une énorme pression sur les États et certains voient l’occasion de multiplier les attaques, notamment Boko Haram et d’autres groupes au Nigéria, les gangs violents en RDC ou encore les cartels de la drogue au Mexique. 

M. Ban a rappelé que le Programme alimentaire mondiale (PAM) a alerté du risque croissant de famine dans les zones de conflit, notamment au Sahel où plus de 50 millions de personnes pourraient faire face à une crise alimentaire en raison des conflits et de la COVID-19.  L’impact humanitaire est tout simplement « consternant », s’est alarmé l’ancien Secrétaire général qui a prévenu que les groupes militants recrutent plus facilement lorsque les jeunes désespèrent de trouver un gagne-pain.  « Save the Children » a averti que 10 millions d’enfants risquent de ne jamais retrouver le chemin de l’école.  Cette «  tragédie d’occasions manquées  » intensifiera le désœuvrement et la radicalisation dans les sociétés fragiles, a-t-il prédit. 

M. Ban a rappelé l’adoption «  historique  », en 2016, par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, des résolutions conjointes sur la consolidation de la paix, axées sur l’importance de donner la priorité à la prévention, de répondre aux causes sous-jacentes des conflits et de concevoir des directives stratégiques à long terme.  Il s’est dit convaincu que ces enseignements peuvent être appliqués à la riposte à la COVID-19. 

M. Ban a estimé que la riposte de l’ONU doit viser les schémas d’exclusion systématiques et les autres causes sous-jacentes des conflits, et renforcer les capacités socioéconomiques des communautés et populations.  Cette crise, a—t-il encouragé, devrait nous pousser à bouleverser nos priorités et changer notre compréhension des menaces et des valeurs qui comptent vraiment.  L’ancien Secrétaire général a plaidé pour que l’on comble le fossé dans la protection sociale.  Si la crise de la COVID-19 limite les activités de consolidation de la paix de l’ONU, elle représente néanmoins une chance de promouvoir une réflexion approfondie sur les menaces émergeantes à ces activités, dont les pandémies, les inégalités et les changements climatiques. 

La Commission de consolidation de la paix devrait s’inspirer de son travail pendant l’épidémie d’Ebola, en 2014, et améliorer son fonctionnement dans certains domaines clefs.  L’ancien Secrétaire général a cité la sensibilisation à la situation de certains pays et l’offre d’un appui intégré.  Il conviendrait également de permettre aux acteurs de l’ONU de créer un espace politique et d’identifier des points d’entrées pour la consolidation de la paix grâce à une meilleure compréhension des contextes et des priorités de tel ou tel pays. 

M. Ban a aussi voulu que l’on accorde davantage d’attention au rôle des organisations régionales dans la prévention, la détection précoce et la réponse aux conflits potentiels.  La technologie numérique permettrait également de rendre la consolidation de la paix plus inclusive, en rassemblant un plus large éventail d’acteurs.  Mais, a-t-il prévenu, cela ne pourra se faire que si l’on trouve d’urgence une solution à la fracture numérique qui s’est aggravée depuis les mesures de confinement. 

M. Ban a ensuite jugé que même pendant la crise de COVID-19, l’idéal de la consolidation de la paix et l’esprit qui sous-tend les résolutions jumelles sur l’autonomisation des communautés locales, des femmes et des jeunes, doit être renforcé. 

Mme SARAH CLIFFE, Directrice du « Center on International Cooperation » de l’Université de New York, a indiqué que la pandémie a mis à nu les fragilités dans tous les pays, que ce soient les systèmes de santé ou le tissu économique, social et politique.  Le choc économique, le plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale et le plus étendu depuis 1870, ne fait que s’amplifier, avec le risque qu’il ne provoque une contraction de la croissance mondiale de 5 à 6%.  Or, le taux de  5% est susceptible de faire augmenter de 50% les risques d’un conflit. 

L’experte s’est aussi inquiété des obstacles pratiques à l’avancement des processus de paix et à l’organisation des élections.  Les réunions physiques sont importantes pour renforcer la confiance et les négociations inter-afghanes se sont déjà heurtées à des problèmes en raison de la COVID-19.  Les différends électoraux sont souvent à l’origine d’un conflit.  Or, la pandémie risque de les favoriser, compte tenu des difficultés à contrôler les processus électoraux.  Reporter une élection est souvent la seule action responsable mais cela se traduira par une pression accrue pour des élections en 2021 et en 2022. 

Mme Cliffe s’est également dit préoccupée de la crise mondiale de la faim, puisque les gens n’ont plus assez de revenus nécessaires pour acheter de la nourriture.  Ce n’est pas une question d’accès mais de revenus.  Des flambées de prix ont été constatées dans certaines zones de conflit.  Or, le prix des denrées alimentaires est le facteur qu’il faut surveiller pour évaluer le risque d’un conflit. 

Selon les prévisions de la Banque mondiale, les envois de fonds des migrants diminueront de 110 milliards de dollars cette année, ce qui représente les deux tiers du montant de l’aide publique au développement (APD).  Parmi les 10 pays qui dépendent le plus de ces flux, huit sont en situation de conflit ou post-conflit et trois sont toujours inscrits à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, à savoir Haïti, la Somalie et le Soudan du Sud. 

Mme Cliff a aussi pointé les inégalités d’accès à la santé, les pays en développement peinant à se procurer des équipements de protection individuelle, des kits de dépistage et des médicaments.  Cela ne fait que creuser l’écart dans la capacité à enrayer la COVID-19.  Cette situation sape la confiance et il faut craindre que l’écart ne se creuse lorsqu’un vaccin sera trouvé.  Les pays développés font déjà de la surenchère, en commandant les vaccins par anticipation, et les pays en développement n’ont pas ce luxe. 

Mme Cliff s’est attardée sur les perspectives positives pour la consolidation de la paix.  Dans toutes les régions, les sondages font état d’une demande sans précédent pour plus d’action collective.  Les populations réalisent, certes brutalement, pourquoi les gouvernements et la coopération internationale existent: certaines crises ne peuvent tout simplement pas être résolues par un seul pays.  Mais ces «  bulles de confiance  » dureront moins d’un an si aucune mesure n’est prise.  C’est une occasion à saisir, certes limitée dans le temps. 

S’agissant de l’appel au cessez-le-feu mondial du Secrétaire général, Mme Cliff a estimé qu’il est encore temps de renforcer la mise en œuvre de la résolution 2532.  Elle a appelé le Conseil de sécurité à intervenir davantage auprès des organisations régionales et sous- régionales pour faire retentir l’appel. 

Ce qui était au départ une crise sanitaire s’est transformé en crise économique.  À moins d’une action mesurée, elle pourrait devenir une crise politique et sécuritaire, a enchainé Mme Cliffe.  Elle a appelé l’ONU à renforcer les capacités nationales et la confiance entre les citoyens et les États. 

Par des approches sensibles aux conflits qui appuient la souveraineté, l’ONU peut aider les gouvernements à faire face aux risques avant qu’ils ne s’aggravent, grâce, par exemple, à la surveillance infranationale des prix des denrées alimentaires, à des investissements sérieux dans le bon déroulement des élections et à la réduction des inégalités ou de la corruption dans le contexte de la riposte à la COVID-19. 

Mme Cliffe a aussi appelé à investir dans la santé et à assurer un accès équitable aux vaccins.  C’est une préoccupation internationale car la pandémie nous a enseigné que personne n’est à l’abri tant que tout le monde n’est pas à l’abri, a-t-elle dit.  Pour ce faire, elle a plaidé pour l’augmentation des impôts, en particulier pour tous ceux qui se seraient enrichis récemment. 

Ces questions socioéconomiques risquent de devenir des menaces à la paix et à la sécurité internationales si elles ne sont pas résolues.  Analyser ce facteur de risque ne veut pas dire que le Conseil de sécurité doit diriger les activités sanitaires ou économiques.  Mais nous sommes confrontés à un choc sanitaire et économique « extrême » qui doit être qualifié de risque pour la consolidation de la paix, a prévenu la spécialiste.  

Mme RETNO LESTARI PRIANSARI MARSUDI, Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, a comptabilisé au moins 69 pays qui, entre février 2020 et aujourd’hui, ont décidé de reporter leurs élections en raison de la crise de COVID-19, alors que pour certains d’entre eux ce sont des éléments essentiels d’un processus de paix.  « La consolidation de la paix et le maintien de paix sont ainsi devenus des tâches encore plus difficiles. »  La Ministre a alors présenté trois points pour lutter au mieux contrer la pandémie.  Premièrement, le maintien de la paix doit faire partie intégrante de notre riposte globale à cette pandémie, a-t-elle recommandé en demandant de continuer à soutenir ces pays en conflit pour qu’ils adoptent une approche holistique de la crise sanitaire et de ses implications socioéconomiques à la paix et à la sécurité.  « Notre soutien devrait se concentrer sur le renforcement des capacités et des ressources institutionnelles des pays touchés par les conflits. »  Elle a aussi conseillé qu’il faut d’aborder l’inégalité d’accès aux soins de santé publique et aux traitements de la COVID-19 dans les pays touchés par les conflits.  La Ministre a aussi dénoncé la concurrence pour acquérir le vaccin contre la COVID-19 qui écarterait ces pays.  Un environnement international favorable est également important pour maintenir la paix pendant cette pandémie, y compris dans la région de l’Asie du Sud-Est, a-t-elle ajouté.  

Deuxièmement, a poursuivi Mme Marsudi, le maintien de la paix exige une synergie entre les travaux de tous le système des Nations Unies.  L’ONU devrait intégrer une approche sensible aux conflits dans sa réponse pandémique, a-t-elle suggéré ajoutant que le Conseil de sécurité doit jouer son rôle pour assurer l’application intégrale de la résolution 2532 (2020).  La cessation globale des hostilités et la pause humanitaire permettraient d’apporter en temps opportun de l’aide et des traitements contre la COVID-19 aux civils dans les conflits.  Elle a aussi suggéré que la Commission de consolidation de la paix élabore une stratégie globale des Nations Unies pour faire face aux conséquences à long terme de la COVID-19.  

Troisièmement, s’est inquiétée la Ministre, le dernier rapport du Secrétaire général sur la consolidation de la paix et le maintien de la paix a montré une diminution de la part de l’aide publique au développement consacrée à la consolidation de la paix dans les pays touchés par les conflits.  La majorité de ces pays sont maintenant confrontés à un choix difficile entre les dépenses consacrées aux infrastructures de santé ou à la consolidation de la paix, a fait remarquer Mme Marsudi.  

M. PHAM BINH MINH, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Viet Nam, a dit que son pays avait réussi à contrôler la pandémie de COVID-19 assez tôt, mais que la réémergence récente du coronavirus au Viet Nam est un rappel brutal qu’aucun pays ne peut gagner seul cette bataille.  Lorsque la pandémie a frappé le Viet Nam, il nous a frappés durement, a-t-il reconnu en constatant les énormes pressions sur le système de santé et sur le développement socioéconomique.  « Elle a perturbé tous les aspects de notre vie de manière sans précédent et de façon impensable. »  Personne ne peut imaginer le niveau de dévastation que cette pandémie peut apporter aux zones touchées par les conflits, a fait remarquer le Ministre en plaidant pour des solutions multidimensionnelles face à une telle crise multidimensionnelle.  Au niveau national, il a prôné une approche gouvernementale qui permette notamment de contrôler la pandémie et de renforcer les institutions ainsi que la confiance et la coopération.  Il a ajouté qu’un soutien particulier doit être apporté aux personnes les plus vulnérables dans les conflits et les crises sanitaires, en particulier les personnes âgées, les femmes et les enfants, les personnes handicapées, les réfugiés et les personnes déplacées.  

À l’échelle mondiale, a continué le Ministre, une menace comme la COVID-19 ne peut être freinée qu’en travaillant ensemble par le biais d’efforts multilatéraux.  Le Viet Nam se félicite de l’adoption de la résolution 2532 (2020) du Conseil de sécurité et de l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial immédiat et d’une facilitation des activités humanitaires.  M. Minh a demandé la levée des sanctions qui peuvent saper la capacité des pays à répondre à la pandémie de COVID-19.  « Maintenir la paix en période de pandémie peut avoir un grand impact même avec les plus petites actions, pour gagner le cœur et l’esprit de la communauté locale, a aussi dit le Ministre qui s’est dit « ému » par l’histoire d’une Vietnamienne Casque bleu, en République centrafricaine, qui fabrique des masques pour aider à protéger ses collègues soldats de la paix et les populations locales.  

Pour M. URMAS REINSALU, Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, a tout d’abord dénoncé la répression violente des manifestations pacifiques au Bélarus.  Il a ensuite déclaré qu’il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 ajoute un fardeau supplémentaire aux situations déjà fragiles.  Les pressions économiques et sociales que fait peser la pandémie ainsi que ses conséquences sur les efforts de développement peuvent agir comme « multiplicateurs de menaces » et exacerber les tensions existantes, a-t-il constaté.  « Nous l’avons déjà vu dans la région du Sahel où des groupes extrémistes armés et violents abusent cyniquement de la situation pour leur propre bénéfice. »  Le Ministre a estimé que les missions de maintien de la paix ont besoin de notre soutien constant pour continuer à opérer pendant cette pandémie: elles doivent pouvoir exécuter de leur mandat, promouvoir la résolution des conflits, soutenir les États hôtes et protéger les populations civiles.  Discuter de la façon dont les missions de maintien de la paix de l’ONU pourraient adopter des approches plus sensibles à la pandémie fait partie de l’équation, a dit le Ministre 

Pour que la consolidation de la paix et le maintien des activités de paix soient véritablement durables, nous avons besoin d’une volonté politique et d’une forte appropriation par les gouvernements et les communautés locales, a prôné M. Reinsalu en recommandant aussi de faire en sorte que les processus de consolidation de la paix soient inclusifs, en associant notamment les artisans de la paix locaux, en particulier des femmes et les jeunes qui sont souvent à l’avant-garde de ces activités et qui sont aussi les plus touchés par les conflits.  Il a cité des exemples encourageants en provenance d’Afghanistan, du Niger, de l’Iraq et de nombreux autres endroits où l’ONU a soutenu avec succès les capacités et initiatives locales de consolidation de la paix, dont beaucoup sont dirigées par des femmes.  Cela est particulièrement important dans le contexte du coronavirus, qui a aggravé la vulnérabilité de ceux qui sont les moins protégés dans la société.  Le Ministre a également demandé de prendre en compte les besoins des femmes dans la riposte à la pandémie et d’assurer une représentation égale des femmes dans tous les processus de planification et de prise de décisions dans les interventions liées au coronavirus. 

L’Afrique du Sud, qui a dit avoir tiré de nombreuses leçons de la pandémie, a insisté sur le besoin crucial d’une collaboration internationale et d’institutions multilatérales solides et sur l’urgence d’une assistance socioéconomique aux plus vulnérables.  Cette approche multilatérale, qui implique une aide financière, est de la plus haute nécessité compte tenu de la nature insoluble des pandémies mondiales en général, ainsi que de l’éventail complexe de défis qui découlent d’un phénomène mondial aussi répandu, a ajouté l’Afrique du Sud.  Il ne faut pas perdre de vue ce qu’il a fallu faire pour aider les personnes en situation de conflit à se sortir de la violence, de la destruction et de l’insécurité, ni les effets néfastes d’une nouvelle instabilité et de la réémergence des conflits.  À cet égard, l’Afrique du Sud continuera d’appuyer l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial et d’une pause humanitaire afin de concentrer l’attention sur la pandémie et de tenter d’en atténuer les conséquences.  Cet appel a été réitéré et souligné par l’Union africaine, a indiqué la délégation.  Bien qu’il soit important de mettre l’accent sur le soutien post-conflit dans tous les efforts de consolidation de la paix, il faut aussi aider les gouvernements à réagir adéquatement pour protéger leurs populations de la pandémie et pour surmonter les difficultés et les implications économiques, a suggéré l’Afrique du Sud.   

Elle a ainsi affirmé soutenir l’appel du Secrétaire général en faveur de l’abandon de mesures et de sanctions coercitives unilatérales afin de permettre aux gouvernements et aux sociétés touchés d’avoir les ressources nécessaires pour obtenir les fournitures vitales et médicales nécessaires, ainsi que des équipements de protection individuelle pour faire face à la pandémie.  « Nous soutenons également les appels en faveur d’un allégement de la dette et d’un report et d’un soutien solide à la reprise en Afrique. »  Pour l’Afrique en particulier, a plaidé la délégation, les mesures de lutte contre la pandémie de COVID-19, telles que les lois sur le confinement et la distanciation sociale, ont nui aux économies informelles dont dépendent les moyens de subsistance de nombreuses personnes.  Les revenus familiaux ont été mis en péril, aggravant les misères sociales d’innombrables personnes à travers le continent.  Dans la plupart des pays en développement, ce scénario est susceptible d’opposer les citoyens en détresse aux gouvernements nationaux par le biais de protestations nationales accrues, menaçant ainsi la sécurité nationale, la paix et la stabilité, a encore craint l’Afrique du Sud.  « Il est dans notre intérêt collectif que l’ONU commence à se concentrer sur cette sombre réalité en focalisant l’attention des agences des Nations Unies sur les effets socioéconomiques de la COVID-19 sur les pays en développement. » 

M. NIELS ANNEN, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a proposé quatre points dans la lutte contre la pandémie de COVID-19.  Premièrement, le Conseil de sécurité doit encourager le Secrétaire général à intégrer pleinement l’impact de la pandémie sur la sécurité dans ses rapports.  Le Conseil doit veiller à ce que les opérations de paix et les missions politiques spéciales de l’ONU soient dotées d’un mandat et de moyens pour pouvoir relever les défis directs et indirects de la pandémie.  Cela est particulièrement important pour les transitions au Darfour ou en Guinée-Bissau.   

Deuxièmement, a ajouté le Ministre, il faut des efforts intégrés de consolidation de la paix pour répondre à la pandémie de COVID-19.  Nous devons, a-t-il dit, faire progresser la coordination et la cohérence au sein du système des Nations Unies, de ses agences, de ses fonds et programmes.  Il faut intégrer les leçons tirées de la pandémie dans les processus à l’examen de l’architecture de consolidation de la paix.  

Troisièmement, a poursuivi le Ministre, la consolidation et le maintien de la paix ont un besoin urgent de financement.  L’Allemagne, a-t-il indiqué, vient de verser 15 millions d’euros au Fonds pour la consolidation de la paix.  En tant que membre du Conseil de financement du Fonds pour les femmes, la paix et l’action humanitaire, l’Allemagne, a indiqué le ministre, a appuyé la mise en place d’une fenêtre d’intervention d’urgence au Fonds, mettant à sa disposition la somme de 2,5 millions de dollars.  Grâce à cette fenêtre, les organisations de femmes dans le monde entier peuvent demander des financements.  

Quatrièmement, le Ministre a plaidé pour des approches inclusives afin de renforcer la résilience.  Tous les efforts seront vains s’ils ne sont pas fondés sur l’appropriation nationale, a-t-il prévenu.  Le respect des droits de l’homme et des processus politiques inclusifs, permettant à tous les segments de la société, en particulier les femmes, les jeunes et les groupes marginalisés, de participer de manière significative, sont essentiels pour renforcer la résilience, a professé le Ministre. 

La Chine a souligné que la solidarité et la coopération sont l’arme la plus puissante dans la lutte mondiale contre la COVID-19, les pays touchés par des conflits étant le maillon le plus faible de cette lutte.  Elle a appelé toutes les parties à un conflit à répondre dès que possible à l’appel du Secrétaire général qui demande un cessez-le-feu mondial, non seulement pour déposer les armes et faire taire les armes, mais aussi pour coordonner les actions contre la COVID-19.  La Chine, qui collabore avec la Commission de consolidation de la paix pour fournir des programmes de réponse et de reconstruction adaptés aux pays, a suggéré au Fonds pour la consolidation de la paix de redéfinir les priorités de ses projets et de ses ressources à cette fin.  Estimant également que les sanctions unilatérales sapent gravement la capacité des pays ciblés à répondre à la pandémie et à sauvegarder les moyens de subsistance, elle a exhorté une fois de plus les pays concernés à admettre les conséquences humanitaires négatives de ces sanctions unilatérales et à lever celles-ci.  

Passant en revue les actions menées par la Chine depuis l’épidémie de COVID-19, la délégation a dit avoir fait son possible pour soutenir et aider les pays dans le besoin, y compris un grand nombre de pays inscrits à l’ordre du jour du Conseil.  En juin, le président Xi Jinping a présidé un sommet extraordinaire Chine-Afrique sur la solidarité contre la COVID-19.  De plus, la Chine a décidé d’annuler la dette des prêts sans intérêt des pays africains concernés d’ici à la fin de 2020.  La Chine a également annoncé que le développement et la distribution du vaccin COVID-19 chinois, une fois disponible, deviendra un bien public mondial. La Chine est prête à continuer d’apporter des biens médicaux aux pays touchés, à partager son expérience en matière de diagnostic et de traitement et à envoyer des experts médicaux pour aider les pays dans leur riposte à la pandémie. 

Compte tenu de l’impact de la COVID-19, la Chine a appelé à repenser et améliorer le maintien de la paix et à renforcer les approches de consolidation de la paix.  Ces réponses doivent, selon elle, être centrées sur les personnes pour développer un ensemble de méthodes efficaces permettant de lutter contre la pandémie.  S’agissant de la consolidation de la paix, la Chine a demandé de placer les intérêts des citoyens au premier plan, de respecter l’appropriation par les peuples des pays hôtes et de promouvoir un processus de paix inclusif.  Elle a également plaidé en faveur d’un maintien de la paix par le développement.  Le processus de consolidation de la paix dans les pays touchés par un conflit peut facilement revenir à la case départ après une ou deux crises en raison de la faible base socioéconomique des pays, a-t-elle souligné en martelant que le développement est la clef principale pour résoudre tous les problèmes.  Dès lors, la communauté internationale devrait attacher une grande importance à l’impact de la COVID-19 sur la situation socioéconomique des pays touchés par un conflit, et les aider à améliorer la capacité de développement durable, à renforcer leurs systèmes de santé publique et à préserver et faire progresser les acquis de la consolidation de la paix. 

La Chine a également insisté sur l’impérieux renforcement du leadership politique et sur la participation de l’ensemble de la société.  Dans de nombreux pays, un leadership politique fort et une cohésion sociale ont rendu possible la détection précoce, l’isolement, le diagnostic et le traitement des cas de COVID-19, a expliqué la Chine pour laquelle il est important de renforcer l’autorité des gouvernements légitimes des pays touchés par un conflit, afin qu’ils puissent conduire l’ensemble de la société vers la consolidation de la paix, la sécurité et de la stabilité à long terme. 

Le Niger a regretté que l’appel au cessez-le-feu lancé par le Secrétaire général n’ai pas été entendu, de manière générale, par les parties belligérantes. Il a ainsi mentionné les récentes attaques de Boko Haram et de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) dans le bassin du lac Tchad et au Sahel, qui montrent que les extrémistes violents tentent de profiter de la pandémie pour déstabiliser les gouvernements, en intensifiant leurs attaques contre des cibles civiles et militaires.  « En plus d’être à la fois une crise de santé publique et une crise humaine, la pandémie affecte gravement l’économie de pays déjà fragile comme ceux du G5 Sahel. »  Le produit intérieur brut de ces pays pourrait se contracter de 7 à 8% en 2020, pour certains d’entre eux, tandis que l’épidémie a causé 339 millions de dollars de pertes en taxes douanières et en recettes non fiscales en juin. 

Notant que les opérations de paix sont fortement affectées par le gel des rotations et le risque de propagation de la maladie au sein des troupes et de la population, le Niger a félicité l’ONU, la MINUSMA et l’UNOWAS pour avoir mis en place des mesures strictes et efficaces visant à minimiser et atténuer l’impact de la pandémie au Sahel.  Le Niger a estimé que, malgré les difficultés, la crise actuelle offre des possibilités d’adapter et de réorienter, voire de transformer, les réponses des missions des Nations Unies afin que personne ne soit laissée pour compte et que les gains durement acquis durant les processus de paix soient préservés. 

Face au risque d’une récession mondiale l’année prochaine et au-delà, le Niger a jugé impératif d’encourager des moyens novateurs de financement en réduisant la fragmentation des activités de consolidation de la paix et en intégrant de nouveaux outils dans les approches actuelles.  Il a appelé à soutenir les approches de financement qui se focalisent sur les priorités des pays et leur permettent de développer des mécanismes de financement innovants et conçus localement.  Alors que nous célébrons le soixante-quinzième anniversaire de la fondation de l’ONU, l’adaptation et la transformation des opérations de paix est indispensable, selon le Niger, pour prévenir et atténuer les conflits de demain. 

La Belgique a rappelé que le 1er juillet 2020, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la résolution 2532 (2020) qui reconnait que la pandémie pourrait inverser les progrès de consolidation de la paix réalisés par les pays en transition et sortant d’un conflit, un texte qui appelle toutes les parties concernées du système des Nations Unies à accélérer la réponse à la pandémie.  « Il est maintenant temps de réfléchir davantage à l’approche à adopter et aux leçons à tirer. »  La première priorité est, selon la délégation, le multilatéralisme.  La coopération internationale, la collaboration et la responsabilité collective sont et restent essentielles, a-t-elle souligné puisque «  tant que la pandémie affecte l’un de nous, elle nous affecte tous  ». Or, les problèmes collectifs exigent des réponses collectives et de telles réponses ne peuvent et ne seront trouvées que «  si nous travaillons ensemble  », a déclaré la Belgique en citant l’ONU et ses États Membres, les organisations régionales et sous-régionales, les institutions financières internationales, le secteur privé et la société civile.  Elle a mis en garde contre la tentation d’utiliser la COVID-19 comme prétexte pour enfreindre les droits de l’homme ou le droit international humanitaire.  La Belgique a noté que les restrictions imposées au nom du virus sont parfois disproportionnées, illimitées dans le temps et prises sans beaucoup, voire aucun fondement scientifique. 

Constatant les impacts négatifs de la pandémie sur l’ensemble du cycle du conflit, la Belgique a appelé à faire preuve d’innovation dans tous les aspects de la prévention des conflits, du maintien de la paix, de la consolidation de la paix et de la pérennisation de la paix afin de préserver les acquis durement acquis du passé, de renforcer la résilience et de jeter les bases d’un avenir meilleur. Compte tenu de sa fonction à la fois de plateforme et de pont à travers l’ensemble du système des Nations Unies ainsi que de son engagement précoce en réponse à la pandémie de COVID-19, la Commission de consolidation de la paix, mais aussi le Fonds pour la consolidation de la paix, sont dans une position unique pour contribuer à la lutte contre la pandémie.  Il convient donc d’intégrer leurs points de vue et recommandations dans l’examen des questions au sein du Conseil de sécurité, a conclu la Belgique. 

La pandémie du COVID-19 continue de faire des victimes alors qu’elle met à l’épreuve notre détermination collective - en tant que nations, régions et communauté internationale, a constaté Saint-Vincent-et-les Grenadines.  Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la forte baisse des activités économiques ont exacerbé les inégalités tandis que les confinements prolongés ont eu des conséquences désastreuses pour les opérations humanitaires, le secteur de l’éducation et autres protections sociales, essentiels à la paix.  Dans les pays touchés par un conflit, la pandémie a accentué les risques sécuritaires alors que des accords de paix délicats ont été fragilisés.  De nombreuses parties belligérantes, y compris des groupes armés, continuent d’ignorer les appels de l’ONU à un cessez-le-feu mondial.  Les personnes vulnérables ont été affectées de manière disproportionnée par les pénuries alimentaires, les déplacements ou la violence sexuelle et fondée sur le sexe, avec le risque de réduire à néant les acquis de la consolidation de la paix. 

Cependant, a constaté la délégation, ces derniers mois, l’architecture de consolidation de la paix des Nations Unies a joué un rôle crucial pour renforcer les arrangements institutionnels entre les États et les institutions financières internationales, lesquels arrangements sont essentiels pour éviter les conflits dans de nombreux contextes fragiles.  Saint-Vincent-et-les Grenadines s’est félicité du Plan mondial de réponse humanitaire pour le COVID-19 et du Fonds pour la consolidation de la paix.  Mais, a-t-il prévenu, les deux restent largement sous-financés.  La délégation a fait un appel du pied aux donateurs et au secteur privé en faveur de ces véritables «  bouées de sauvetage  ».  Les donateurs, a-t-elle précisé, doivent honorer leurs engagements s’agissant de l’APD et de l’allègement de la dette.  Pour finir, la délégation a estimé qu’il faut renoncer aux mesures coercitives unilatérales qui entravent la capacité des pays de faire face à la pandémie. 

La Fédération de Russie a d’emblée dénoncé l’un des trois invités du Conseil de sécurité qui « a utilisé le débat d’aujourd’hui pour introduire un sujet qui est tout à fait étranger au sujet de la discussion du jour ».  Elle a demandé au Président du Conseil « de dissuader les invités d’abuser des réunions du Conseil de sécurité et à coller à l’ordre du jour annoncé ».  La délégation a rappelé que la réponse du Conseil à l’épidémie d’Ebola, il y a plusieurs années, avait contribué, en introduisant des mesures spécifiques dans les résolutions sur le Libéria et la République démocratique du Congo, à contenir la propagation du virus et à en atténuer les conséquences avec l’aide de l’ONU et de la communauté internationale.  Cette réponse a prouvé l’efficacité de la réaction du Conseil aux pandémies dans des contextes de pays, plutôt que dans un contexte global, a estimé la Fédération de Russie en faisant valoir que ce sont les organismes compétents des Nations Unies responsables de certains aspects qui doivent apporter des réponses professionnelles et des efforts d’atténuation et de relèvement.  Elle a souligné à cet égard le rôle crucial de l’OMS pour assurer la cohérence de la réponse multilatérale à la pandémie de COVID-19 et à son impact, en particulier les aspects médicaux.  La communauté internationale devrait soutenir conjointement les travaux de l’OMS, a recommandé la délégation. 

La Russie s’est dit préoccupée par les tentatives signalées de groupes armés illégaux de profiter de la pandémie pour obtenir des avantages sur le terrain et saper les processus de paix, notant une augmentation de l’activité terroriste a été signalée dans la région du Sahara-Sahel.  Elle a donc plaidé pour que la pause humanitaire et la cessation des hostilités ne s’appliquent pas aux opérations de lutte contre le terrorisme, comme le recommande la résolution 2532 (2020). 

Il est nécessaire d’assurer la continuité et l’efficacité des efforts de consolidation de la paix de l’ONU, tout en respectant strictement les directives applicables en matière de santé publique, a ajouté la Russie.  À cet égard, la Commission de consolidation de la paix (CCP)pourrait contribuer à mobiliser un soutien financier pour renforcer les systèmes de santé nationaux surchargés, à la demande des gouvernements hôtes, a suggéré la délégation.  

L’une des mesures urgentes du rapport susmentionné du Secrétaire général sur les « responsabilités partagées » est la nécessité de renoncer aux sanctions qui limitent sérieusement la capacité des pays touchés à répondre aux défis liés à la pandémie, a rappelé la Fédération de Russie en disant soutenir ces propositions du Secrétaire général et en soulignant les effets socioéconomiques dangereux et aggravants des sanctions unilatérales sur le maintien de la paix, principalement dans les pays en développement.  La Russie a proposé que le Secrétariat de l’ONU prépare une note d’orientation sur l’impact des sanctions sur la lutte contre la COVID-19, qui pourrait inclure une évaluation des conséquences négatives des mesures coercitives sur la consolidation de la paix et le maintien de la paix. 

Enfin, la Russie a indiqué avoir alloué plus de 30 millions de dollars pour soutenir les réponses à la pandémie, signalant avoir officialisé hier le premier enregistrement de vaccins contre la COVID-19 dans le monde.  « Les tests cliniques ont montré des niveaux élevés de son efficacité et de sa sécurité. »  Plusieurs autres vaccins prometteurs sont en cours de préparation pour des tests cliniques, a ajouté la délégation en indiquant également que plusieurs agents antiviraux russes pour le traitement de la COVID-19, ainsi que des diagnostics, sont déjà enregistrés dans le pays.  « Nous sommes prêts à coopérer internationalement avec tous les partenaires intéressés dans le développement et l’introduction de vaccins et de médicaments afin d’assurer une réponse mondiale coordonnée à la propagation de la COVID-19 et d’une victoire commune sur la pandémie. » 

La France a appelé à la mise en œuvre « collective, intégrée et coordonnée » de la résolution 2532 (2020) sur la pandémie de  COVID-19, portée par la Tunisie et la France, voyant dans l’adoption de ce texte une étape cruciale, car elle a mis en lumière la responsabilité collective et l’unité face à cette crise sans précédent.  C’est la responsabilité non seulement des membres de ce Conseil mais aussi de l’ensemble des Nations Unies, a-t-elle souligné, en mettant l’accent en particulier sur leur engagement de prévention des conflits, de médiation et d’action humanitaire.   La Commission de consolidation de la paix a également un rôle important à jouer, a noté la France, en invitant à pleinement soutenir le Fonds de consolidation de la paix, « un outil qui a fait la preuve de sa pertinence et de son efficacité ».   

 La France a rappelé que les pays en situation de conflit ou de post-conflit sont particulièrement à risque dans le contexte de la pandémie.  La COVID-19 et les mesures prises pour l’endiguer ont pu alimenter les tensions, engendrer des discours haineux voire des violences, a-t-elle relevé.  Elles ont généré de fausses rumeurs, des récits anxiogènes et des actions de désinformation, alors que certains ont été tentés de profiter de la pandémie pour restreindre les libertés publiques.  La pandémie a aussi mis à mal la confiance dans les institutions et la résilience économique des plus vulnérables.  Compte tenu de tout cela, la France a invité à réfléchir collectivement aux moyens de lutter contre ces menaces.  

L’un des éléments clefs de la stabilité de ces pays est la résilience de leurs systèmes de santé, a-t-elle affirmé avant d’appeler à soutenir les efforts de l’ONU et de l’OMS en ce sens.  L’OMS doit notamment être confortée dans son rôle normatif, d’alerte et de coordination.  Cela n’exclut pas, le temps venu, de tirer les leçons de la gestion de la crise actuelle et d’engager les réformes nécessaires, a précisé la délégation.   Pour sa part, la France a engagé 500 millions d’euros dans le projet  ACT-A, dont elle a été à l’origine, pour accélérer le développement et l’accès aux traitements, diagnostics et vaccins contre la COVID-19.    La délégation a également réitéré l’importance de l’intégration d’une perspective de genre dans la réponse à la crise de COVID-19, et d’une attention particulière aux femmes et à la jeunesse en tenant compte de leurs besoins spécifiques dans la réponse à la pandémie, et en garantissant leur participation pleine, active et effective à tous les niveaux de décision, afin de reconstruire de manière durable et égalitaire.   

La France contribuera activement à cette réflexion notamment à travers l’organisation du Forum de Paris pour la paix en novembre 2020 puis, en partenariat avec ONU-Femmes et le Mexique, du Forum Génération Égalité.  

La Tunisie a indiqué que depuis le début de la pandémie, elle n’avait eu de cesse d’alerter sur ses répercussions sans précédents et multidimensionnelles et sur les défis qu’elle fait peser sur le maintien de la paix et de la sécurité. Elle a rappelé qu’elle avait initié, avec la France, la résolution 2532 (2020) et a retracé les grandes lignes de son dispositif.  La délégation a estimé que l’atténuation des conséquences de la pandémie et la riposte face aux défis qu’elle pose en matière de maintien de la paix doit se faire dans le cadre d’une approche multidimensionnelle complète.  Cette riposte doit être conduite avec un ferme appui politique collectif et la volonté de renforcer la solidarité et la coopération.  

La Tunisie a insisté sur l’importance de mettre en œuvre ladite résolution. Il est également essentiel, selon la délégation, de mettre l’accent sur plusieurs points: le renforcement des mécanismes locaux de règlement des conflits, les processus politiques de paix ainsi que la participation des femmes et des jeunes aux initiatives de consolidation de la paix, de réponse à la COVID et de dialogue inclusif. 

Les États-Unis ont salué le fait que plusieurs groupes armés aient déclaré un cessez-le-feu en réponse à l’appel du Secrétaire général, avant même l’adoption de la résolution 2532.  Malheureusement, nombre d’entre eux sont en train de s’effondrer, notamment aux Philippines, a regretté la délégation qui s’est aussi inquiétée du regain des tension entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.  Les États-Unis ont vivement condamné les organisations terroristes qui cherchent à profiter de la situation, pointant notamment Daech et Al-Qaida, lesquels font de la pandémie un outil de recrutement. 

Les États-Unis ont dit avoir contribué de plus de 1,6 milliard de dollars à l’aide économique, sanitaire et humanitaire, une somme qui vient s’ajouter aux près de 2 milliards de dollars déjà promis pour la lutte contre la COVID-19 dans le monde.  Cette aide fait elle-même partie des plus de 12 milliards de dollars versée par le Gouvernement américain pour la riposte mondiale, notamment le développement de vaccins et des thérapies. 

Les États-Unis ont appelé la communauté internationale à faire preuve du même engagement face à d’autres crises humanitaires en cours.  La COVID-19 ne se contente pas de causer des morts, il paralyse aussi les économies du monde entier. Lorsque l’on examinera comment gérer au mieux de futures pandémies et limiter leur impact sur la sécurité internationale, il faudra, ont dit les États-Unis, tirer les enseignements de la COVID-19 et reconnaitre l’importance vitale de la transparence.  Il est également crucial de veiller à la mise en place de mesures de protection dans les zones de conflit ou à risque. 

La COVID-19 est bien plus qu’une crise sanitaire, a déclaré la République dominicaine, y voyant un problème multidimensionnel avec des conséquences et des défis complexes et imbriqués pour la consolidation de la paix.  Comme le reconnaît la résolution 2532, les progrès de la consolidation de la paix et du développement réalisés par les pays en transition et sortant d’un conflit pourraient être annihilés par la pandémie, a-t-elle rappelé.  Dans les pays fragiles et touchés par des conflits, cette pandémie bouleverse les économies et les sociétés, aggrave encore les causes profondes des conflits et réduit l’espace humanitaire.  La violence sexiste s’intensifie ainsi que les autres violations des droits humains. La pandémie a mis au jour des inégalités structurelles et les disparités dans l’accès aux services de base.  

Dès lors, le renforcement de la coopération internationale est particulièrement important, a affirmé la République dominicaine, parlant aussi de la coopération Sud-Sud et triangulaire et insistant sur la responsabilité partagée et la solidarité mondiale.  Une partie de la solution à la pandémie passe par des réponses sensibles aux conflits et aux risques.  Il faut renoncer aux réponses « trop sécuritaires » et à celles qui réduisent l’espace civique.  Il faut tirer parti de l’expertise de la société civile, en particulier des groupes de femmes et de jeunes.  La vision des jeunes, a dit la République dominicaine, n’est pas de « rebondir » après cette pandémie, mais de « reconstruire en mieux ».  Si l’on suit cette approche et si l’on comprend que des crises comme Ebola ont offert un espace pour réaliser des objectifs essentiels de consolidation de la paix, alors il faut considérer la COVID-19 comme une fenêtre d’opportunité, a conclu la République dominicaine. 

Le Royaume-Uni a dit être déterminé, en tant que membre de ce Conseil et seule économie de pointe à atteindre l’objectif de 0,7% d’APD, à faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter que les pays ne basculent dans la crise.  Avec la crise de la COVID-19, cela signifie jouer son rôle pour garantir une action multilatérale coordonnée, globale et collaborative, a expliqué la délégation qui veut donner la priorité aux pays qui sont les plus vulnérables aux chocs.  Cela signifie aussi qu’il faut trouver des réponses adaptées et calibrées aux risques et se mobiliser pour prévenir les crises dans un esprit de solidarité. 

Le Royaume-Uni est préoccupé par les conséquences de la COVID-19 sur les personnes les plus vulnérables du monde, et, dans cet esprit, est en train de redéfinir la priorité de certains de ses programmes existants.  Malgré les pressions exercées sur l’économie mondiale, il faut mobiliser des ressources pour les pays qui en ont le plus besoin, a estimé la délégation.  C’est la raison pour laquelle, en collaboration avec l’Inde, le Royaume-Uni a fait pression pour un plan d’action ambitieux du G20, avec 200 milliards de dollars de soutien de la Banque mondiale et des banques régionales de développement pour l’investissement dans les programmes de santé et l’aide fiscale d’urgence aux pays les plus pauvres.  La délégation a également abordé l’impératif de l’accès universel et équitable au futur vaccin pour les plus vulnérables du monde.  

Pour le Royaume-Uni, il est important que le système des Nations Unies fasse plus pour intégrer la consolidation de la paix et la sensibilité aux conflits dans les réponses humanitaires, économiques et les efforts de développement face à la COVID-19.  Ainsi, il a recommandé que l’ONU et ses partenaires aident les pays à générer une appréciation commune des risques de conflit afin de s’assurer que les réponses n’exacerbent pas par inadvertance les facteurs d’instabilité.  Par conséquent, le Royaume-Uni a demandé au Secrétaire général de fournir des orientations supplémentaires au système des Nations Unies sur cette question sous la forme d’une note d’orientation.  

Mais l’ONU ne peut à elle seule empêcher les pas en arrière en termes de paix et de développement, a poursuivi la délégation.  Il faut travailler ensemble pour empêcher la déstabilisation, a estimé le Royaume-Uni qui est gravement préoccupé par le risque croissant de famine en 2020, accéléré par l’impact de la COVID-19.  De plus, la complexité de la crise de la COVID-19 rend essentielle la collaboration entre l’ONU et les institutions financières internationales pour une réponse internationale efficace.  Les réponses macroéconomiques menées par ces institutions et les réponses socioéconomiques menées par l’ONU devraient jouer des rôles complémentaires, a conclu le Royaume-Uni. 

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