Le Conseil de sécurité se penche sur les progrès « douloureusement lents » de la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits
La pandémie de COVID-19 a considérablement affecté la lutte contre les violences sexuelles en période de conflit, mais elle n’a pas changé les besoins des survivants, a fait remarquer la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question. Mme Pramila Patten participait aujourd’hui à la réunion que le Conseil de sécurité a tenue pour remédier aux lacunes de cette lutte; le Président du Conseil regrettant des progrès « douloureusement lents ».
Le Conseil compte désormais alterner réunions en personne et réunions virtuelles. Aujourd’hui, c’est chacun dans sa mission que les 15, dont beaucoup étaient représentés au niveau ministériel, ont fait leur déclaration et dialogué avec leurs invités. Outre la Représentante spéciale du Secrétaire général, l’actrice américaine et Envoyée spéciale du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Mme Angelina Jolie; la Fondatrice de « Voice Progressive » du Myanmar, Mme Khin Ohmar; et la Présidente de l’Association des femmes juristes de la République centrafricaine, Mme Nadia Fornel-Poutou ont également pris la parole.
La Représentante spéciale du Secrétaire général a estimé que le débat d’aujourd’hui ouvre la voie à une nouvelle décennie d’actions décisives autour de trois axes principaux: l’autonomisation des survivants et personnes à risque; le lancement d’actions fondées sur les rapports et informations reçus pour mettre les parties à un conflit en conformité avec les normes internationales; et l’amélioration de l’établissement des responsabilités en tant que pilier essentiel de la prévention et de la dissuasion.
Pour ce débat, le Conseil était saisi du dernier rapport soumis en application de la résolution 2467 (2019), un texte, a rappelé Mme Angelina Jolie, qui prévoit des sanctions et des dédommagements. « Les résolutions ne sont pas que des mots couchés sur le papier, ce sont des promesses qui doivent être tenues », a martelé l’actrice américaine.
Quinze mois après l’adoption de cette résolution, demandant au Secrétaire général d’évaluer les lacunes du programme de lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits, les progrès sont « douloureusement lents », a tranché le Ministre allemand des affaires étrangères dont le pays préside le Conseil de sécurité ce mois-ci. Jusqu’ici, a confirmé son homologue belge, un seul acteur étatique a été retiré de la liste qui figure en annexe du rapport annuel du Secrétaire général et 71% des parties, qui n’ont pris aucun engagement, y figurent depuis plus de cinq ans.
Avec ses homologues, le Ministre s’est attardé sur la lutte contre l’impunité et l’autonomisation des survivants. L’établissement des responsabilités est un élément essentiel, d’abord parce que la justice est une étape fondamentale de la réhabilitation et ensuite, parce que mettre fin à l’impunité est un élément dissuasif important, a estimé le Ministre britannique du Commonwealth. Au Myanmar, a alerté la Fondatrice de « Voice Progressive », l’impunité imprègne la totalité du système législatif et judiciaire national. Les condamnations sont extrêmement rares et peu souvent pour violence sexuelle, et les sentences ne sont en aucun cas proportionnelles à la gravité des actes commis.
On ne peut, a prévenu la Présidente de l’Association des femmes juristes de la République centrafricaine, lutter contre l’impunité dans l’insécurité, ni parler de justice dans un contexte où les armes circulent librement. Le mérite des solutions « novatrices » a été vanté par le Ministre allemand des affaires étrangères qui a attiré l’attention sur les tribunaux mobiles au Soudan du Sud ou encore sur le fait qu’un tribunal de Koblenz vienne d’ouvrir le premier procès de deux anciens fonctionnaires du régime syrien accusés de tortures et d’atteintes sexuelles. « Ces exemples montrent que bien que nous n’ayons pas de vaccin contre la pandémie de violence sexuelle, nous ne sommes certainement pas impuissants », s’est réjoui le Ministre.
Son homologue nigérienne a plaidé pour une approche contextualisée incluant des actions de proximité communautaires avec une prise en compte des mécanismes traditionnels de prise en charge. Qu’il s’agisse de garçons violés en République centrafricaine, des esclaves sexuels de Daech ou des mères d’enfants nés de la violence au Soudan du Sud, ces personnes ont besoin de solutions adaptées, a acquiescé le Ministre belge des affaires étrangères. Avec d’autres, la France a pointé du doigt le rôle de la justice internationale, insistant sur son appui à la Cour pénale internationale (CPI).
Elle a aussi rappelé sa décision de verser la somme de 6,2 millions d’euros au Fonds mondial créé par les Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege et Nadia Murad pour les survivants. Le Ministre britannique a également annoncé une contribution de 1,3 million de livres sterling au Fonds mondial qui, selon lui, aide les États et la société civile à répondre aux préoccupations spécifiques des survivants et des communautés. Ce Fonds, a-t-il insisté, finance des initiatives « cruciales ».
Les femmes ne sont pas seulement des victimes, elles sont aussi les piliers des communautés, a renchéri le Viet Nam. Leur égale représentation et leur pleine participation aux processus de prise de décisions sont des préalables à la réponse à la violence sexuelle en période de conflit. Le but ultime de cet agenda, a précisé la Chine, n’est pas une « guerre sans violence sexuelle » mais « un monde sans guerre », car, comme l’a dit la Fédération de Russie, cette violence une composante « sale mais inaliénable » d’un conflit armé. L’éradication des crimes de guerre va de pair avec le règlement même du conflit armé, a-t-elle souligné, en mettant également l’accent sur les prérogatives des autorités nationales dans la protection des civils. Le Conseil, a-t-elle voulu, doit rester dans les limites de son mandat et éviter d’interpréter cette question au-delà de ce qui a été agréé dans ses résolutions.
La Section des communiqués de presse ne couvre que les déclarations faites en visioconférence dont les textes ont été transmis à temps par la Division des affaires du Conseil de sécurité.
Mme PRAMILA PATTEN, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, a déclaré que cette réunion a pour ambition de trouver des moyens efficaces de transformer les engagements en réalité et les résolutions en résultats. « Nous nous réunissons dans l’esprit de poursuivre une approche centrée sur les survivants, qui garantisse que les survivantes de violences sexuelles en temps de guerre ne seront pas oubliées, même au milieu d’une pandémie sans précédent qui attire l’attention du monde. » Pour Mme Patten, la violence sexuelle liée aux conflits est un crime qui fait reculer la cause de l’égalité des sexes et la cause de la paix. Ces deux questions sont selon elle imbriquées, ce qui signifie qu’une plus grande égalité entre les sexes doit entraîner une plus grande stabilité sociale, et vice-versa.
La Représentante spéciale a précisé que le rapport dont est saisi le Conseil de sécurité aujourd’hui fait état de 3 000 cas de violences sexuelles liées aux conflits vérifiés par l’ONU et commis au cours d’une seule année. Elle a indiqué que la grande majorité des incidents ont visé des femmes et des filles (96%), bien que plus d’une centaine de cas confirmés aient également touché des hommes et des garçons ainsi que des personnes LGBTQI. Et 848 cas étaient des attaques contre des enfants.
Le rapport souligne la nécessité impérieuse d’une approche centrée sur les survivants, telle qu’exprimée pour la première fois par ce Conseil dans la résolution 2467 (2019). « Une approche centrée sur les survivants et fondée sur les droits nécessite des solutions sur mesure qui renforcent la résilience, redonnent voix et choix aux survivants et tiennent compte des diverses expériences de toutes les personnes concernées », a précisé Mme Patten.
Le rapport couvre 19 pays jugés préoccupants et chaque section pays comprend une recommandation ciblée qui peut être citée à des moments pertinents: autorisations de mandats de maintien de la paix, délibérations par pays, décisions de sanctions ou encore conception de négociations de paix, d’accords de cessez-le-feu et de processus de justice transitionnelle.
Après avoir souligné les défis et initiatives en cours en République centrafricaine, en Somalie, au Myanmar ou encore au Soudan du Sud, Mme Patten a rappelé que de nombreuses femmes yézidies sont toujours captives de l’EIIL en Syrie et en Iraq et que des victimes de violences sexuelles lors du conflit en Bosnie-Herzégovine en 1995 se battent toujours pour faire reconnaître leur statut de victime. De plus, bien que la violence sexuelle soit utilisée comme tactique terroriste en Iraq, au Nigéria, au Mali, en Somalie et en Syrie, ces crimes n’ont jamais été poursuivi en tant que tel.
Chaque rapport sur le viol en temps de guerre montre que ces crimes ne sont pas assez signalés, à cause de la peur de la stigmatisation et des représailles, d’un manque d’accès aux services et au système judiciaire, et des normes sociales néfastes concernant l’honneur, la honte et le blâme des victimes. Mme Patten a ajouté que même si les arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information ont élargi la base factuelle pour l’action, l’efficacité de ces arrangements est proportionnelle aux moyens et capacités qui lui sont consacrées.
Le rapport liste également 54 parties soupçonnées de manière crédible d’avoir commis ou d’être responsables de schémas de violence sexuelle dans des situations inscrites à l’ordre du jour de ce Conseil. Plus de 70% sont des auteurs persistants, qui figurent sur cette liste depuis au moins cinq ans. Pour la première fois, cette année, le rapport présente une évaluation des lacunes en matière de respect des dispositions, qui note le mépris actuel des normes et obligations internationales par les parties aux conflits armés.
Par conséquent, Mme Patten a jugé urgent d’arriver à une plus grande cohérence entre la pratique de l’inscription et l’imposition des mesures ciblées et progressives pour obtenir des changements de comportement. Notant que la violence sexuelle se caractérise par des taux stupéfiants d’impunité et de récidive, elle s’est félicitée que huit régimes de sanctions incluent désormais la violence sexuelle dans leurs critères de désignation de parties pour ces crimes.
Mme Patten a témoigné avoir, depuis 2009, collaboré de manière constructive avec de nombreuses parties, aboutissant à la signature de 10 communiqués conjoints ou cadres de coopération avec les États. Elle a aussi encouragé l’adoption de communiqués unilatéraux et de codes de conduite par plusieurs groupes armés non étatiques. Cette expérience a montré que le dialogue stratégique est plus efficace sous l’ombre d’une menace crédible de responsabilisation et d’application du droit, a-t-elle noté.
Alors que 2020 marque le vingtième anniversaire de la résolution 1325 (2000), le vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing (1995) et le soixante-quinzième anniversaire de la Charte des Nations Unies (1945), Mme Patten s’est inquiétée d’un climat politique mondial marqué par le recul des droits des femmes. Elle a expliqué que ce recul se manifeste par des représailles contre les femmes défenseures des droits humains, par des risques physiques et financiers pour les organisations féminines de la société civile ainsi que par le rétrécissement de l’espace civique.
Le programme pour les femmes, la paix et la sécurité s’appuie aujourd’hui sur 10 solides résolutions qui constituent une stratégie pour résoudre la question des violences sexuelles en conflit armé de manière plus équitable et plus complète.
« Si la pandémie de COVID-19 a considérablement affecté le travail des Nations Unies, dont la lutte contre les violences sexuelles en période de conflit, le virus n’a pas changé les besoins des survivants », a fait remarquer Mme Patten, avant de souligner que le débat d’aujourd’hui ouvre la voie à une nouvelle décennie d’action décisive, selon trois axes principaux.
Premièrement, il faut autonomiser les survivants et les personnes à risque grâce à des ressources accrues et une prestation de services de qualité, afin de favoriser un environnement propice dans lequel ils peuvent signaler les violations en toute sécurité et demander réparation. Deuxièmement, il faut agir sur la base des rapports et informations reçus pour mettre les parties en conformité avec les normes internationales. Troisièmement, Mme Patten a appelé à renforcer la responsabilisation en tant que pilier essentiel de la prévention et de la dissuasion, garantissant que lorsque les parties ne respectent pas leurs engagements, elles sont dûment tenues de rendre des comptes.
Tout en notant que la prévention est la meilleure réponse, Mme Patten a reconnu la difficulté de mesurer les progrès du pilier prévention. « La violence sexuelle persiste non pas parce que les cadres et obligations existants sont inadéquats, mais parce qu’ils sont mal appliqués », a-t-elle conclu avant de rappeler que la résolution 1820 (2008) ne demandait rien de moins que « la cessation immédiate et complète par toutes les parties aux conflits armés de tous les actes de violence sexuelle contre les civils ». « Si cette résolution a écrit une nouvelle norme et tracé une ligne à ne pas franchir, nous devons démontrer clairement les conséquences dans les cas où elle est franchie. » Mme Patten a insisté pour que les auteurs soient mis sous les projecteurs de l’examen international et pour qu’on montre que « justice doit être faite et être vue comme étant rendue ». Elle a aussi insisté pour que les survivants soient considérés par la société comme les détenteurs de droits qui seront finalement respectés et appliqués.
Mme ANGELINA JOLIE, Envoyée spéciale du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, a parlé aujourd’hui de l’un des groupes de victimes les plus ignorés: les enfants. Pour la première fois, la résolution 2467 (2019) a mis les victimes, leurs droits et leurs besoins au centre de toutes les actions. « Mais les résolutions, les mots sur le papier, ne sont que des promesses, or ce qui importe c’est que ces promesses soient tenues. » Selon Mme Jolie, « comme chaque membre de ce Conseil le sait », il n’y a rien de pire que ne pas honorer une promesse faite à un enfant. « Pourtant c’est ce que nous faisons, année après année, à d’innombrables enfants. »
L’Envoyée spéciale a fait remarquer qu’aucun continent n’est épargné par les violences sexuelles à l’endroit des enfants, encourageant tous les pays à examiner de très près leurs propres lois, le traitement médiatique de ces crimes, le traitement des victimes et les attitudes sociales. Elle a rappelé qu’en 2014 Daech a attaqué la communauté yézidie en Iraq: de nombreux enfants ont été assassinés mais près de 2 000 enfants sont retournés dans leurs foyers. Ils sont beaucoup à souffrir d’angoisse, de dépression et aussi de cauchemars, ce qui est typique chez les enfants ayant subi un traumatisme. De nombreux enfants ont vu des membres de leurs familles être assassinés et leur mère violée, a rappelé Mme Jolie. Elle a cité les propos d’un docteur qui a soigné des femmes et filles yézidies: selon lui, quasiment toutes les filles entre 9 et 17 ans ont été violées.
L’Envoyée spéciale a indiqué que le peu de soins disponibles sont offerts principalement aux femmes victimes qui ont subi un traumatisme indicible, pendant que les enfants ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin. Les travailleurs humanitaires affirment que les programmes et services pour les enfants yézidis sont insuffisants, a-t-elle illustré, ajoutant que c’est le cas dans tous les zones de conflits dans lesquelles elle s’est rendue.
« Pour être franche, le manque de services s’explique par l’incapacité de la communauté internationale à fournir les fonds nécessaires et par le manque de volonté politique. » Mme Jolie a expliqué que les violences sexuelles et de genre sont un domaine qui est sous-financé de manière chronique dans les appels humanitaires de l’ONU, recevant moins d’1% de l’aide. « Pensez seulement au nombre de vies qui pourraient être sauvées si nous doublions seulement ce pourcentage. »
L’Envoyée spéciale s’est demandé combien d’enfants et de jeunes adultes souffrent en silence dans le monde, en rappelant que la violence sexuelle contre les enfants est très insuffisamment documentée. Le Secrétaire général a parlé l’an dernier d’une tendance préoccupante de violences contre de très jeunes garçons et filles dans de nombreux pays. Le docteur Mukwege, Prix Nobel, a indiqué avoir soigné des bébés de 6 mois dans son hôpital comme victimes de viol. Mme Jolie a en outre noté que dans certains pays le viol n’est pas illégal et que les femmes et les filles sont obligées d’épouser ceux qui les ont violées, tandis que dans beaucoup d’endroits, comme en Syrie ou au Myanmar, aucun individu accusé de violence sexuelle systématique liée à un conflit n’a répondu de ses actes. « Ce sont tous des choix. Les choix d’États Membres de l’ONU. Nos choix. » Nous devons nous préparer à admettre que nous avons échoué et faire le travail de fond pour aider les victimes, changer les lois et attitudes et rendre les responsables comptables de leurs actions, a-t-elle recommandé. Mme Jolie a rappelé que la résolution précitée prévoit des sanctions et des dédommagements. « Ces promesses doivent être tenues. »
En conclusion, l’Envoyée spéciale a appelé à honorer ces promesses, à aller au-delà de la rhétorique et à appliquer les décisions du Conseil. « S’il vous plaît, tenez les auteurs pour responsables de leurs actes, remédiez aux causes profondes de la violence et discrimination de genre dans vos pays, et augmentez les ressources financières pour les programmes qui répondent aux besoins des victimes, y compris les victimes invisibles: les enfants. »
Mme KHIN OHMAR, au nom du Groupe de travail des ONG sur les femmes, la paix et la sécurité, a expliqué qu’en tant que femme birmane, elle milite depuis 30 ans pour la démocratie, les droits humains, l’égalité des genres et la paix dans son pays, le Myanmar. Elle a affirmé que l’Armée birmane a longtemps utilisé le viol, ce crime « inqualifiable », comme arme de guerre contre les communautés ethniques. Elle en a voulu pour preuve les récits « terrifiants » des femmes rohingya durant les prétendues « opérations de nettoyage » de 2016 et de 2017. Ces faits sont bien connus et ont été confirmés l’année dernière par la Mission internationale indépendante d’établissement des faits de l’ONU au Myanmar, selon laquelle « la violence sexuelle est le symbole des opérations militaires des forces armées Tatmadaw. »
Pourtant, s’est indignée la militante, le Myanmar ne cesse de nier l’existence de ces crimes et la Commission d’enquête indépendante sur le Myanmar n’a non plus rien dit dans son rapport final de janvier 2020. L’impunité, a alerté Mme Ohmar, imprègne la totalité du système législatif et judiciaire national. Elle se fonde sur une constitution ancrée dans l’impunité de l’armée. Les enquêtes sont bloquées et les témoins sont menacés. Les condamnations sont extrêmement rares et peu souvent pour violence sexuelle. Quant aux sentences, elles ne sont, en aucun cas, proportionnelles à la gravité des actes commis.
Un projet de loi sur les violences faites aux femmes, dont l’élaboration a duré sept ans et qui ne couvre pas les femmes de manière significative, ni ne respecte les obligations internationales du Myanmar, vient à peine d’être soumis au Parlement. Aujourd’hui, a indiqué Mme Ohmar, la situation des déplacés rohingya, kamans, rakhines, chin et autres communautés ethniques, qui était déjà délicate, a empiré à cause des restrictions dues à la pandémie. L’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive s’est dangereusement rétréci. De graves crimes internationaux sont encore commis dans tout le Myanmar, a poursuivi Mme Ohmar, surtout dans l’État rakhine, par les mêmes auteurs du génocide contre les Rohingya.
Mme Ohmar a exhorté le Conseil de sécurité à saisir la Cour pénale internationale (CPI) ou à créer un tribunal international spécial pour aller au-delà de l’enquête « restreinte » que mène en ce moment la CPI. La communauté internationale doit aussi obtenir du Myanmar le respect des mesures provisoires établies par la Cour internationale de Justice (CIJ). Mme Ohmar a appelé à l’abrogation des lois discriminatoires, le rétablissement de la citoyenneté des Rohingya et la fin des restrictions à la liberté de mouvement et à l’accès à l’aide humanitaire. Ce sont les conditions d’un retour digne, volontaire, et sûr des Rohingya, a-t-elle tranché. Elle a regretté qu’à ce jour l’enquête Rosenthal sur les défaillances de l’ONU dans la prévention des atrocités n’a produit aucun changement concret. Elle a appelé l’Envoyé Spécial de l’ONU à résister au discours nationaliste, clivant et dangereux du Gouvernement et à s’opposer à la distribution de cartes d’identité dont l’objectif est de nier l’existence même des Rohingya.
Mme NADIA CARINE FORNEL-POUTOU, Présidente exécutive de l’Association des femmes juristes centrafricaines (AFJC), a expliqué que son association travaille sur la protection des droits de l’homme et soutient les survivants de la violence sexuelle, en leur apportant une assistance psychosociale et légale, et en les orientant vers un centre médical, des centres d’écoute, des paralégaux et des assistants psychosociaux. La Présidente exécutive a axé son intervention sur l’impératif de lutter contre l’impunité et d’aider les survivants à surmonter leur expérience traumatique.
Membre active de la société civile, Mme Fornel-Poutou a dit totaliser plusieurs années d’expérience professionnelle dans la promotion et la défense des droits de la femme et de l’enfant, la lutte contre l’impunité et la prise en charge juridique des violences basées sur le genre en République centrafricaine. Elle a espéré que sa déclaration incitera toutes les personnes présentes à poursuivre leur important travail pour mettre un terme à ces pratiques horribles. Pour comprendre la situation à laquelle les femmes sont confrontées au quotidien en RCA, Mme Fornel-Poutou a partagé le témoignage d’une des femmes et des filles avec lesquelles son organisation travaille.
« J’ai 17 ans, j’ai grandi à Bangui. En 2013, les Séléka sont entrés dans la ville. Quatre hommes sont arrivés à notre domicile, alors que j’y étais avec ma maman et ma petite sœur. Ils étaient grands, habillés en tenue militaire, leurs visages voilés par des tissus noirs. L’un d’eux a demandé où étaient passés les hommes de la famille. Ma mère a répondu qu’il n’y en avait pas. Ils ont giflé ma mère et ont jeté ma petite sœur au sol. Alors qu’elle pleurait, un des soldats lui a arraché ses vêtements et l’a brutalement poussée à même le sol. Pendant que j’observais les yeux plein de larmes, leur chef a dit qu’il fallait qu’on me fasse la même chose. J’avais très mal et malgré mes cris ils ne se sont pas arrêtés. Les douleurs dans mon ventre ont duré un mois. On m’a conduite à l’hôpital de Bimbo, où l’on m’a dit que j’étais enceinte mais que l’enfant était mort dans mon ventre. »
Mme Fornel-Poutou a avancé le chiffre de 13 028 cas recensés en 2019, dont 12 249 concernaient des femmes et des filles. Selon son association, 15% de cas concernaient des hommes et 85% des femmes en 2019. Elle a estimé qu’il s’agit sans doute d’une sous-représentation des hommes qui sont encore plus stigmatisés lorsqu’ils sont victimes de ces crimes. Ces graves violations des droits de l’homme ont comme source les conflits et les normes socioculturelles en matière de genre en vigueur, a-t-elle expliqué.
Depuis le début de la crise, les services de protection sont soit absents soit dysfonctionnels, a constaté Mme Fornel-Poutou, même si des mesures ont été prises par le Gouvernement, comme la création de l’Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences sexuelles à l’égard des femmes et des enfants (UMIRR) et de la Cour pénale spéciale (CPS). De même, le Gouvernement tente de mettre en œuvre les résolutions 1820 et 1888 du Conseil de sécurité qui condamnent le viol comme arme de guerre et crime contre l’humanité.
Cependant, a poursuivi la Présidente exécutive, la question de sécurité reste une préoccupation majeure car on ne peut lutter contre l’impunité dans l’insécurité, ni parler de justice dans un contexte où les armes circulent librement. Mme Fornel-Poutou a fait un certain nombre de recommandations au Conseil de sécurité et d’abord, assurer réellement la protection des civils contre les graves violations du droit international humanitaire. La MINUSCA, a-t-elle précisé, doit renforcer les Forces armées centrafricaines et les Forces de sécurité intérieures. Le Conseil doit aussi soutenir les organisations de la société civile et assurer leur accès aux mécanismes de l’ONU liés à la prévention des violences sexuelles et sexistes.
En troisième lieu, la Présidente exécutive a demandé au Conseil de sécurité de soutenir le développement du système judiciaire en renforçant l’UMIRR, en appuyant les tribunaux ordinaires nationaux et la Cour pénale spéciale et en plaidant pour que les actes de violence sexuelle liés aux conflits fassent l’objet d’une attention particulière de la part de tous les mécanismes de justice transitionnelle, judiciaires et non judiciaires.
M. HEIKO MAAS, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a annoncé qu’« aujourd’hui nous parlons d’une pandémie ». « D’un virus bien plus ancien que la COVID-19 mais tout aussi dévastateur ». La violence sexuelle et sexiste en période de conflit détruit des vies et des communautés depuis des années, et pas un seul vaccin n’est en vue, a-t-il regretté, déplorant que 20 ans après l’adoption de la résolution 1325 et plus d’un an depuis celle de la résolution 2467, les progrès demeurent « douloureusement lents ». Il a également relevé que la COVID-19 aggrave la situation des rescapés. Le confinement entrave leur accès aux services médicaux et juridique ; le manque de signalisation des cas de violence sexuelle devient de plus en plus préoccupant ; et de nombreuses femmes, filles et garçons ne peuvent pas échapper à la « proximité brutale » de leur bourreau. La mise en œuvre du programme femmes, paix et sécurité, notamment de la résolution 2467, est un devoir pour nous tous, et plus encore face à la COVID-19, a-t-il dit.
Le Ministre a souligné que les rescapés doivent obtenir l’appui médical et juridique qu’ils méritent, indiquant dans la foulée que l’Allemagne travaille actuellement avec la Dr Denis Mukwege Foundation en République démocratique du Congo. Les femmes doivent, en outre, jouer un rôle central dans la consolidation de la paix, a-t-il plaidé. Il a également voulu que les sanctions jouent un rôle plus important pour mettre un terme à la violence sexuelle. Il faut faire cesser l’impunité, a-t-il insisté, faisant part de son appui à des solutions novatrices comme les tribunaux mobiles devant lesquels comparaissent des violeurs au Soudan du Sud. Il a également annoncé qu’un tribunal de Koblenz, en Allemagne, avait récemment ouvert le premier procès de deux anciens fonctionnaires du régime syrien accusés de tortures et d’atteintes sexuelles. « Ces exemples démontrent que bien que nous n’ayons pas de vaccin contre la pandémie de violence sexuelle, nous ne sommes certainement pas impuissants. »
Mme NALEDI PANDOR, Ministre des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud, a estimé que bien que la situation des femmes et des filles dans les conflits demeure désespérée et inacceptable, elles ne doivent en aucun cas être considérées comme des victimes « passives ». Elle a voulu que l’on redouble d’efforts pour changer cette perception et reconnaître le rôle fondamental qu’elles peuvent jouer en tant que vecteur de changement. Notant que la violence sexuelle est intrinsèquement liée aux inégalités entre les sexes, elle a milité pour la pleine participation des femmes à tous les processus de maintien de la paix et de la sécurité, ainsi qu’à la mise en œuvre de la résolution 2493.
Le problème de violence sexuelle doit également être intégré à la riposte à la COVID-19, a-t-elle enchaîné. Elle a aussi appelé à une mise en œuvre cohérente des mesures liées à l’établissement des responsabilités pour les crimes commis, à commencer par l’interdiction pour les États inscrits dans l’annexe du rapport du Secrétaire général de participer aux opérations de paix de l’ONU. La violence sexuelle doit également être un critère de désignation pour les sanctions, a-t-elle ajouté. Mme Pandor a demandé des rapports sur la situation en Palestine et au Sahara occidental, avant d’insister sur la nécessité de financer comme il se doit les programmes de lutte contre la violence sexuelle et sexiste en période de conflit. Il faut mieux partager les informations et obtenir de l’ONU qu’elle coordonne mieux ses efforts avec les organisations régionales et sous-régionales, la société civile et les organisations de femmes.
M. PHILIPPE GOFFIN, Ministre des affaires étrangères et de la défense de la Belgique, a souligné que les rescapés de la violence sexuelle ne constituent pas un groupe homogène. Qu’il s’agisse de garçons violés en République centrafricaine, des esclaves sexuels de Daech ou des mères d’enfants nés de la violence au Soudan du Sud, ces personnes ont besoin de solutions adaptées. Le Ministre a relevé que les efforts visant à octroyer des réparations aux survivants de la violence sexuelle liés au conflit ont eu des effets positifs en Colombie et en Iraq. Il faut tirer les leçons de l’expérience des rescapés pour mieux prévenir les violations, mieux détecter les signes précurseurs, notamment la discrimination, les discours de haine et les incitations à la violence, et améliorer la collecte de preuves, a-t-il estimé.
M. Goffin s’est inquiété de ce que la mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité demeure « trop faible ». Un seul acteur étatique a été retiré de la liste qui figure en annexe du rapport annuel et 71% des parties, qui n’ont pris aucun engagement, y figurent depuis plus de cinq ans, a-t-il regretté. Le Ministre a jugé essentiel de sauvegarder les arrangements de suivi, d’analyse et de communication sur la violence sexuelle. L’accès à la justice est également crucial, mais il est souvent insuffisant dans les zones de conflit du fait d’un cadre normatif limité, de la faiblesse des institutions juridiques ou encore de l’absence de confiance dans les acteurs étatiques qui peuvent être eux-mêmes auteurs de violence.
Le Ministre a également noté que toutes les résolutions du Conseil de sécurité sur la violence sexuelle font référence à un instrument de sanctions ciblées à l’encontre des responsables. Or aucun d’eux n’a jamais été ciblé par des sanctions, a-t-il déploré. Il a appelé à œuvrer pour l’égalité des sexes, une véritable participation des femmes aux processus de paix, et un soutien accru aux organisations de défense des droits des femmes. Une action soutenue et des pressions politiques incessantes demeurent indispensables, a-t-il martelé.
Mme ELBACK ZEINABOU TARI BAKO, Ministre de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant du Niger, s’est alarmée de ce que la violence à l’égard des femmes et des filles connait une recrudescence sans précédent notamment dans les régions de Diffa et Tillabéri, au Sahel. Dans le bassin du lac Tchad, des groupes terroristes, tels que Boko Haram, procèdent à des enlèvements de filles et de femmes pour les intégrer de force dans leurs rangs. Au courant du premier trimestre 2020 dans la région de Diffa, 54 incidents d’enlèvements de 144 personnes, dont 48 femmes et 29 enfants, ont été enregistrés, a-t-elle précisé.
La Ministre a aussi indiqué qu’une étude de 2015 sur l’ampleur et les déterminants des violences basées sur le genre au Niger a révélé que 53% de la population subissent ou ont subi ce type de violence au courant de leur vie. Le taux de prévalence sur la population féminine est de 60%.
Selon la Ministre, l’un des moyens les plus efficaces de lutter contre les violences sexuelles liées au conflit est la prévention, y compris l’accès à une éducation de qualité. Au Niger, les attaques contre l’éducation et les écoles deviennent de plus en plus préoccupantes du fait du conflit. Or, l’accès à l’éducation, en particulier pour les filles, est un moyen sur de pallier les causes profondes de la violence sexuelle, parmi lesquelles la discrimination sexiste, le manque d’opportunités économiques et les « masculinités toxiques ».
La Ministre a appelé les États Membres à mettre en place ou renforcer l’assistance juridique et judiciaire aux rescapés, au-delà des dimensions sanitaire, psychologique, sociale et économique. Cette approche, a-t-elle estimé, doit être contextuelle et inscrire des actions de proximité communautaires avec une prise en compte des mécanismes traditionnels de prise en charge. Elle a aussi insisté sur l’importance des données fiables et ventilés. Enfin, dans les zones de conflit, a-t-elle conclu, il est essentiel que les États garantissent que les actes de violences sexuelles fassent l’objet d’enquêtes et que les auteurs soient punis.
M. TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre du Commonwealth, des Nations Unies et de l’Asie du Sud du Royaume-Uni, a déclaré que son pays a versé plus de 46 millions de livres sterling pour la lutte contre les violences sexuelles en situation de conflit. Deux survivants de ces violences conseillent d’ailleurs mon Ministère, celui des affaires étrangères et le Cabinet du Premier Ministre, a indiqué le Ministre. L’établissement des responsabilités est un élément essentiel, a-t-il dit, d’abord parce que la justice est une étape fondamentale de la réhabilitation et ensuite, parce que la fin de l’impunité est un élément dissuasif important.
Le Ministre a aussi mis l’accent sur la nécessité de respecter les normes internationales les plus élevées s’agissant de la collecte des preuves. Cela veut dire, s’est-il expliqué, protéger les survivants de tout autre préjudice lorsqu’ils signalent des crimes et mener des enquêtes plus sûres et plus éthiques. Le Ministre a annoncé une contribution de 1,3 million de livres sterling au Fonds mondial pour les survivants lancé par les lauréats du Prix Nobel de la paix, Nadia Murad et Denis Mukwege. Ce Fonds, a-t-il estimé, aide les États et la société civile à répondre aux préoccupations spécifiques des survivants et des communautés. Ce Fonds, a-t-il insisté, finance des initiatives cruciales, comme au Soudan du Sud, où l’on compte 700 000 bénéficiaires. Alors que nous venons de marquer le vingtième anniversaire de la résolution historique 1325 du Conseil de sécurité, le Ministre a souligné la responsabilité collective de veiller à ce que la résolution 2467 devienne aussi historique, en rendant les États Membres et l’ONU comptables de leurs actes.
Nous ne pouvons pas discuter de la violence sexuelle dans les conflits sans reconnaître les effets très graves de la pandémie de COVID-19 sur les femmes et les filles, ont déclaré les États-Unis, avant de rappeler que le Conseil de sécurité a, le 2 juillet dernier, discuté de l’impact des mesures de quarantaine et de confinement comme facteurs aggravants des risques de violence sexiste, en particulier la violence exercée par un partenaire intime. La délégation américaine s’est réjouie de ce que la résolution 2532 aborde spécifiquement cette dynamique et rappelé que ce sont les États-Unis qui ont porté dès 2008 la question de la violence sexuelle dans les conflits à l’attention du Conseil de sécurité. Cette initiative a conduit à l’adoption de la résolution 1820. La violence sexuelle dans les conflits, ont souligné les États-Unis, est une question de sécurité internationale qui exige un leadership et une action continus de la part des Nations Unies et de tous les États Membres.
Cette violence est liée à d’autres formes d’abus, dont les mariages précoce et forcé et l’esclavage sexuel. Les États-Unis ont donc déclaré qu’il faut augmenter le nombre des conseillers en genre dans les missions et jugé essentiel de renforcer la capacité des institutions nationales faire avancer des processus d’établissement des responsabilités crédibles et inclusifs pour les crimes commis. Le débat de cette année permet de se concentrer sur une approche centrée sur les survivants et fondée sur les droits. L’Administration Trump, ont indiqué les États-Unis, soutient les victimes et forme le personnel judiciaire en République centrafricaine. Nous menons aussi une campagne d’information publique, conforme au plan de mise en œuvre de la stratégie femmes, paix et sécurité, dirigée par Ivanka Trump. En 2019, l’Administration Trump a versé plus de 150 millions de dollars.
Pour la France, l’accès des victimes à la justice et aux soins de base, notamment aux services de santé sexuelle et reproductive, est un défi majeur, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19. La délégation a regretté la politisation de ces questions au détriment de l’intérêt des femmes et des filles et condamné le recours aux violences sexuelles comme tactiques de guerre et de terreur, avec pour objectif de traumatiser durablement les populations et miner ainsi tous les efforts pour trouver une issue aux crises.
La lutte contre l’impunité est la meilleure des dissuasions, a fait valoir la France pour laquelle les responsables de violences sexuelles doivent être poursuivis et condamnés de manière systématique. Il faut que cela soit une priorité au niveau national, a exigé la délégation, qui a également pointé du doigts le rôle à jouer par la justice internationale en cas de crimes de masse. À ce titre, elle a soutenu l’action de la Cour pénale internationale.
La prévention des violences sexuelles implique de s’attaquer aux inégalités de genre, a poursuivi la France en notant que ce type de violences reste exacerbé par les discriminations, les préjugés et les stéréotypes. La montée de discours politiques ouvertement sexistes, misogynes ou homophobes renforce les violences sexistes et sexuelles, a-t-elle dénoncé. Pour combattre ce fléau, le Conseil, a affirmé la France, a identifié des solutions dont la participation des femmes à tous les niveaux des processus de décisions et leur émancipation économique et sociale. La délégation a également plaidé pour la prise en charge des survivantes de violences sexuelles, y compris lorsque les procédures judiciaires sont inaccessibles ou bloquées.
La France a d’ailleurs dit avoir pris la décision d’accorder 6,2 millions d’euros au Fonds mondial Mukwege/Murad, après avoir financé en 2019 à hauteur de 5 millions d’euros un projet d’autonomisation des femmes par un meilleur accès aux services de santé sexuelle et reproductive et par la prise en compte des violences sexuelles dans la région du Wadi Fira au Tchad.
La Chine a rappelé que les femmes et les filles subissent toujours le poids des guerres, souffrent le plus du terrorisme et des déplacements de population et sont particulièrement exposées aux violences sexuelles dans les situations de conflit et d’après conflit, condamnant la violence sexuelle dans les conflits, en particulier l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de guerre et de terreur. Le but ultime de l’agenda de la violence sexuelle dans les conflits n’est pas une « guerre sans violence sexuelle », a-t-elle remarqué, mais plutôt un monde sans guerres. Pour la délégation c’est le moyen le plus efficace de protéger les femmes, les filles et les autres groupes vulnérables de la violence sexuelle. La délégation en a profité pour réitérer son ferme appui à l’appel du Secrétaire général Guterres en faveur d’un cessez-le-feu mondial et pour plaider en faveur d’une approche holistique pour promouvoir l’égalité des sexes, faire progresser l’autonomisation des femmes et lutter contre la violence sexuelle dans les conflits.
« L’esprit du programme Femmes, paix et sécurité consiste à reconnaître les femmes non seulement en tant que victimes de la guerre, mais aussi en tant que contributrices fortes et expertes à la paix. » Or, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes sont essentielles à cette transformation et pour que les femmes réalisent leur plein potentiel, a souligné la Chine avant d’appeler à intensifier les efforts en matière d’égalité des sexes, à éliminer les disparités structurelles, la discrimination et les stéréotypes et à garantir aux femmes un accès égal à l’éducation, aux soins de santé et à un travail décent. Il faut également accélérer l’émancipation des femmes, les sortir de la pauvreté, accroître leur représentation et leur leadership dans les processus de prise de décisions et renforcer leur rôle dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a ajouté la délégation.
Enfin, la Chine a appelé à unir les forces pour éliminer la violence sexuelle dans les conflits tout en respectant la souveraineté et l’appropriation nationales. S’appuyant sur le cadre normatif et institutionnel existant, il faut, selon elle, soutenir les actions de prévention et de dissuasion de la violence sexuelle aux niveaux national, régional et international. Il faut également faire au mieux pour protéger et aider les survivants, en accordant toujours la priorité à leurs besoins et à leurs droits, et en tenant les auteurs des violences pour responsables. Mais, a relevé la Chine, ce sont les pays concernés qui en sont responsables en premier lieu. Compte tenu du fait que presque tous les gouvernements dont les forces nationales sont citées dans le rapport du Secrétaire général ont pris des engagements formels à cet égard, la Chine leur a asséné qu’il est temps de combler le fossé entre les engagements pris et leur mise en œuvre effective.
La Fédération de Russie a déclaré que la violence sexuelle n’est pas un phénomène isolé. Elle est une composante « sale mais inaliénable d’un conflit armé ». Il serait naïf, a-t-elle estimé, de chercher à supprimer un crime spécifique d’une situation de conflit armé. L’éradication des crimes de guerre va de pair avec le règlement même du conflit armé. Il est impossible de combattre la violence sexuelle sans la participation active des autorités nationales qui ont la responsabilité première de la protection des civils. La lutte contre l’impunité et l’établissement des responsabilités relèvent des prérogatives d’un État souverain. Nous devons éviter toute politisation du sujet et vérifier soigneusement toutes les informations communiquées au Conseil. Il ne faut pas se tromper de perspective, a mis en garde la Fédération de Russie, lorsqu’il s’agit de traiter de la violence sexuelle en temps de conflit armé. Il faut distinguer clairement violence sexuelle comme crime de guerre et violence sexuelle comme actes criminels. Le Conseil, a-t-elle insisté, doit rester dans les limites de son mandat et éviter d’interpréter cette question au-delà de ce qui a été agréé dans ses résolutions. La Fédération de Russie a exhorté l’ONU et ses partenaires à se montrer exemplaires. La politique de tolérance zéro doit s’appliquer à tous, y compris aux opérations de maintien de la paix et mutatis mutandis aux acteurs humanitaires et ONG qui travaillent dans les pays en conflit.
Saint-Vincent-et-les Grenadines s’est dit bien conscient du fait que la violence sexuelle en période de conflit survient dans un contexte d’insécurité et d’asymétries de pouvoir qui sont « historiques, structurels, institutionnalisés et systémiques ». La justice de genre, cruciale pour éliminer toutes les formes de violence qui lui sont liées, exige la mise en œuvre de vastes stratégies en vue d’assurer la participation sociale, économique et politique des femmes et des filles, à tous les niveaux, conformément au Programme 2030.
La délégation a salué la récente création d’un fonds mondial pour les survivantes, en rappelant que toute réponse doit privilégier le point de vue des victimes sur leur propre processus de guérison au sein des mécanismes judiciaires de dédommagement, ainsi qu’au sein des organes décisionnels. Les coutumes locales, les traditions et expertises doivent également se voir accorder la priorité en vue de développer les mécanismes institutionnels de justice et de reddition de comptes. « Ces actions doivent être entreprises en parallèle d’une transformation structurelle plus vaste afin d’éliminer toutes les inégalités de genre, à tous les niveaux, dans le respect des normes fondamentales de souveraineté et d’indépendance politique. »
La délégation a regretté la lenteur des progrès et souligné la nécessité d’intégrer de manière constante la question du genre dans le travail de maintien de la paix du Conseil afin d’aboutir à des mandats capables d’aider les pays dans leur riposte à la violence sexuelle. En conclusion, la délégation s’est rangée aux côtés de ceux qui mettent en garde contre une diversion de soins critiques et de ressources, alors que la pandémie exige une riposte mondiale robuste. Ladite riposte doit inclure un financement dédié aux soins de santé nécessaires aux victimes de violence sexuelle et en raison du genre, a conclu Saint-Vincent-et-les Grenadines.
Après avoir reconnu que la violence sexuelle liée aux conflits est un crime contre l’humanité, l’Indonésie a dénoncé le fait que malgré une décennie d’attention concertée au Conseil de sécurité, l’on voie des problèmes de plus en plus complexes dans la protection des survivants et de leurs familles. Il faut, a-t-elle plaidé, les capacités des autorités nationales pour faciliter l’accès des victimes à la justice. Outre la justice, a-t-elle ajouté, un processus complet de resocialisation et de réintégration des survivants est important. Il est également essentiel d’impliquer les communautés locales, en particulier les chefs religieux et les organisations dirigées par des femmes, pour atténuer la stigmatisation.
Pour l’Indonésie, la participation des femmes aux missions de maintien de la paix peut rassurer les victimes. Les femmes Casques bleus sont bien placées pour gagner le cœur et l’esprit des communautés touchées, a fait valoir la délégation. Elle a d’ailleurs précisé qu’à ce jour, 159 soldates de la paix indonésiennes ont été formées à la lutte contre la violence sexuelle dans les conflits. Cette lutte, a insisté l’Indonésie, requiert également la participation des femmes en tant que négociatrices et médiatrices. Ce mois-ci, a-t-elle rappelé, nous avons organisé un webinaire sur « le rôle des femmes négociateurs et médiateurs dans le maintien de la paix et la sécurité régionales ».
L’Estonie s’est dite préoccupée par les attaques qui visent les femmes défenseuses des droits humains et militantes politiques dans le but de faire taire leurs voix dans les processus de paix. Également alarmée par le fait que 70% des parties énumérées dans les rapports du Conseil de sécurité sont des auteurs qui figurent sur la liste depuis des années en toute impunité, l’Estonie a estimé que ces informations devraient alimenter les discussions du Conseil sur ce point. Malgré l’attention et la documentation accrues, les auteurs de violences sexuelles n’en sont tenus pour responsables que dans seulement une fraction des cas, s’est indignée la délégation pour laquelle cela signifie que l’un des outils les plus puissants du Conseil pour l’empêcher n’est pas utilisé. Les normes sociales discriminatoires et la stigmatisation empêchent les survivantes de signaler les cas de violence sexuelle et d’accéder à des informations ou à des services partout dans le monde, a-t-elle poursuivi en exigeant que cela change.
En Iraq et en Syrie, des milliers de femmes et de filles ont été enlevées et contraintes à l’esclavage sexuel au cours des dernières années. Pourtant, a constaté l’Estonie, il n’y a toujours aucun acte d’accusation en Iraq pour violences sexuelles commises par l’EIIL et aucun auteur n’a été poursuivi pour violences sexuelles en Syrie. Même situation au Myanmar, et cela malgré les recommandations de la Mission internationale d’établissement des faits, qui a constaté que la violence sexuelle était une caractéristique des opérations de l’armée en 2016 et 2017.
L’Estonie a dit soutenir les mécanismes du Conseil de sécurité sur la violence sexuelle dans les conflits, y compris la surveillance sur le terrain, les rapports du Secrétaire général et du Représentant spécial ainsi que les travaux du Groupe informel d’experts. Elle a souligné l’importance d’un financement suffisant pour les conseillères en protection des femmes. Elle s’est félicitée que la violence sexuelle soit devenue un critère de désignation utilisé par les comités des sanctions du Conseil et a appuyé son application dans la pratique. L’Estonie continue de soutenir l’Équipe d’experts dans sa coopération avec les institutions nationales pour lutter contre l’impunité et venir en aide aux victimes. À ce titre, elle a souligné le rôle des mécanismes internationaux de responsabilisation, y compris la CPI, qui, dans une étape importante en 2019, a déclaré Bosco Ntaganda coupable de crimes contre l’humanité, y compris le viol et l’esclavage sexuel. La délégation a également appuyé les éléments de la résolution 2467 décrivant une approche centrée sur les survivants pour répondre à la violence sexuelle.
Notant « avec consternation » les difficultés que le Conseil continue de rencontrer pour reconnaître et combattre la violence sexuelle dans des contextes spécifiques, l’Estonie a mis en garde que cela porte atteinte à la fois aux victimes et à l’une des principales tâches du Conseil qui est le maintien de la paix et de la sécurité. La violence sexuelle est une caractéristique répandue et parfois systémique des conflits, a-t-elle martelé, prévenant aussi qu’elle peut perpétuer les divisions et les animosités à l’origine des conflits pour les années à venir.
Le Viet Nam a déploré la persistance de la violence sexuelle, 20 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000), et plaidé, afin d’y remédier, pour une approche globale conjuguant mesures de prévention et de relèvement et efforts visant à répondre à ses causes profondes. Une approche centrée sur les survivantes est impérative. La délégation a souligné la nécessité d’apporter aux victimes soins de santé, soutien psychologique, formation, aide juridique et aide à l’emploi et à la réintégration socioéconomique.
Les femmes ne sont pas seulement des victimes, elles sont aussi les piliers des communautés, a dit le Viet Nam. Leur égale représentation et leur pleine participation aux processus de prise de décisions sont des préalables à la prévention des conflits et à la réponse à la violence sexuelle en période de conflit. Cela devrait aider les initiatives menées à répondre de manière adéquate aux besoins et intérêts des victimes, tout en surmontant la stigmatisation des victimes.
La délégation a appelé la communauté internationale à renforcer la coopération et l’échange des meilleures pratiques entre pays et entre régions afin de mieux mettre en œuvre le programme « femmes, paix et sécurité » et renforcer la réponse à la violence sexuelle. Enfin, le Viet Nam a rappelé que les victimes de violence sexuelle en période de conflit courent le risque accru d’être laissées sur le bord de la route. Dans ce contexte de pandémie, la protection et l’autonomisation des femmes doivent bénéficier d’une attention plus soutenue.