Conseil de sécurité: Réunion annuelle sur les méthodes de travail sur le thème « Transparence, efficience et efficacité » dans le contexte de la COVID-19
Ce matin, le Conseil de sécurité a tenu sa réunion annuelle sur ses méthodes de travail, en visioconférence publique, en abordant les questions de « transparence, efficience et efficacité », sujet plus que jamais d’actualité à la lumière des ajustements faits depuis deux mois pour pallier les contraintes de la COVID-19.
Si la pandémie a modifié, depuis mars, le fonctionnement du Conseil d’une manière difficile à imaginer il y a encore quelques mois, elle n’a cependant pas changé la centralité du mandat du Conseil, ni la nécessité de bien adapter ses méthodes de travail, a estimé le professeur Edward Luck, de Columbia University. En effet, le Conseil a montré sa résilience et sa flexibilité en modifiant ses méthodes travail, ont noté les États-Unis qui se sont dits « impressionnés » de voir qu’il était en mesure de poursuivre un travail « important et vital » durant cette période difficile.
Ce point de vue a été en grande partie partagé par les membres du Conseil, même si certains ont exprimé des réserves quant à la portée des ajustements déjà faits. En effet, même si le Conseil a très vite été en mesure d’adopter des résolutions et des déclarations présidentielles -par le biais d’une procédure écrite- et de tenir des réunions par « visioconférence ouverte » qui, depuis peu, sont retransmises en intégralité en direct sur le Webcast de l’ONU, pour répondre à l’impératif de transparence, la France et le Royaume-Uni ont dit attendre plus.
Ils ont pointé du doigt l’absence de consensus au sein du Conseil, qui s’est traduite par le fait que ni celui-ci, ni ses organes subsidiaires n’ont tenu de réunion « officielle » depuis le 12 mars. Par conséquent, il n’y a pas de transcription in extenso des réunions du Conseil, a regretté le Royaume-Uni. De son côté, la France a fait remarquer que la victime du nouveau processus de travail est le multilinguisme, puisque les réunions ne se tiennent plus qu’en anglais. « La légitimité et l’efficacité de l’ONU dépendent pourtant du respect de cette valeur fondamentale », a estimé la France. Le français étant une langue de travail à l’ONU, la délégation a fait part de son intention d’assumer la présidence du Conseil, le mois prochain, en utilisant le français. Autre écueil relevé par le Royaume-Uni, la nouvelle plateforme technique n’est pas en mesure de permettre des débats ouverts aux États non membres du Conseil.
De manière générale, les membres du Conseil ont insisté sur l’équilibre à trouver entre transparence et efficacité. Pour le Royaume-Uni et la France, cela dépend de l’équilibre entre réunion publiques et séances privées. Notant que depuis 2017, le Conseil est devenu « très public », puisqu’il passe désormais plus du double du temps en séance publique, la France a remarqué cependant qu’il a adopté moins de résolutions et moins de communiqués (160 en 2016; 110 en 2019). « C’est une baisse considérable », a estimé la délégation française tout en reconnaissant que le nombre de textes n’est pas l’unique façon de mesurer les résultats du Conseil et qu’il existe également des raisons politiques à la difficulté de parvenir à une position unie du Conseil. Or une position unie aura toujours plus d’influence sur les acteurs politiques en situation de conflit que 15 positions nationales, parfois contradictoires, lors d’une réunion publique, a fait valoir la France.
Le Royaume-Uni a également préconisé plus de formats informels privés afin de dialoguer entre membres du Conseil directement et de manière constructive avec les pays et les parties concernées, comme cela se fait lors des visites sur le terrain des membres du Conseil.
S’agissant de l’efficacité, la Chine a suggéré que le Conseil se focalise sur les questions urgentes, recherche des résultats et évite de se transformer en « épicerie qui vend tout ». Le Conseil, a-t-elle insisté, doit se concentrer sur les points chauds, promouvoir le règlement politique des différends et continuer à faire de l’Afrique sa priorité.
Le professeur Luck a rappelé que les 15 membres du Conseil avaient su trouver un terrain d’entente sur des questions qui semblaient obstinément controversées au cours des 25 dernières années. Il a réfuté la vision simpliste de certains observateurs qui voient dans la réforme du Conseil une lutte entre membres permanents et non permanents, entre « nantis et démunis », dans laquelle certains gagnent alors que d’autres perdent.
Le Conseil agit au nom de l’ensemble des membres de l’ONU et, à ce titre, il devrait régulièrement entendre ces membres, a renchéri la Directrice exécutive du « think tank » Security Council Report, Mme Karin Landgren, qui a aussi abordé la question de l’interaction du Conseil de sécurité avec d’autres acteurs. Même si ces échanges se sont renforcés –notamment avec les organisations régionales et la société civile-, elle a dit que le moment est venu pour le Conseil de les élargir et de les approfondir.
Cela pourrait facilement commencer par une interaction plus soutenue avec l’Assemblée générale et le Conseil économique et social (ECOSOC) ou encore avec la Commission de consolidation de la paix, a-t-elle proposé, une idée reprise par la Chine. La Fédération de Russie a émis la même idée en ce qui concerne l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), tout en regrettant que sa demande de tenir une visioconférence ouverte en formule Arria avec la participation du Directeur général de l’OIAC n’ait pas été retenue.
Dans le contexte de la COVID-19, Mme Landgren a encouragé le Conseil à tenir des réunions virtuelles avec des chefs de gouvernement, des parlementaires, des ministres et divers représentants de la société civile, ainsi qu’avec les pays fournisseurs de contingents et de forces de police pour les consulter plus régulièrement.
Le Conseil a également entendu l’intervention de la Présidente du Groupe de travail informel sur la documentation et les autres questions de procédure, Mme Inga Rhonda King, de Saint-Vincent-et-les Grenadines, et celles du Vietnam et de la Fédération de Russie.
L’intégralité de la réunion était retransmise en direct sur le Webcast des Nations Unies.
La Section des communiqués de presse ne couvre que les déclarations faites en visioconférence dont les textes ont été transmis à temps par la Division des affaires du Conseil de sécurité.
Mme KARIN LANDGREN, Directrice exécutive de Security Council Report, un « think-tank » qui existe depuis 15 ans, a abordé la question de l’interaction du Conseil de sécurité avec d’autres acteurs, en reconnaissant qu’elle s’est renforcée à certains égards – notamment avec les organisations régionales, comme par exemple le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et l’Union européenne, et avec la société civile, en invitant des représentant à participer à certaines réunions. Le moment est venu pour le Conseil, selon elle, d’élargir et d’approfondir ses interactions externes pour trois raisons, à commencer par le fait que le Conseil agit au nom de l’ensemble des membres de l’ONU. Par conséquent, le Conseil devrait régulièrement entendre ces membres, a plaidé Mme Landgren.
L’autre raison évoquée est la nature changeante des menaces à la sécurité. À ce titre, elle a proposé que si les membres du Conseil préfèrent avoir une vision relativement étroite du rôle de celui-ci dans la lutte contre les nouvelles formes de menace, le Conseil pourrait envisager d’engager un dialogue actif avec les organes qui ont la responsabilité de prévenir et de répondre aux menaces modernes à la sécurité et aux causes sous-jacentes des conflits.
La troisième raison donnée par le Security Council Report en faveur d’interactions élargies est que, plus que jamais, le Conseil en a la capacité. Connu pour être « dynamique et créatif » en tant que maître de ses propres méthodes de travail, le Conseil s’est adapté aux nouvelles exigences de la pandémie mondiale. C’est l’occasion, selon Mme Landgren, de retenir les meilleurs outils utilisés récemment pour permettre au Conseil d’interagir de manière plus agile et réactive avec le reste du monde.
Elle a également plaidé pour une interaction cohérente avec l’ensemble des États Membres de l’ONU, ce qui pourrait facilement commencer avec l’Assemblée générale (AG) et l’ECOSOC. Les États Membres ont clairement exprimé leur souhait d’avoir un dialogue constructif, a-t-elle noté en rappelant les propos de l’Argentine lors du débat public de l’année dernière sur les méthodes de travail, qui avait appelé à un « dialogue fluide » entre le Conseil et l’AG. Les séances de synthèse mensuelles à la fin de presque chaque présidence du Conseil sont un forum qui permet un dialogue plus fluide, en particulier si elles sont interactives et consacrent du temps aux commentaires des États non membres du Conseil, et si elles figurent dans le programme de travail mensuel du Conseil et dans le Journal des Nations Unies, comme demandé dans une note présidentielle de décembre dernier.
Pointant du doigt les hésitations du Conseil pour reconnaître parfois de nouvelles formes de menaces mondiales, comme les menaces climatiques, les cybermenaces, celles liées aux pandémies ou encore les causes profondes de conflits, la Directrice exécutive a posé la question suivante: « Si ce Conseil ne s’empare pas de ces questions, qui doit le faire? » De son avis, si le Conseil ne veut pas empiéter sur les mandats d’autres organes, il pourrait y avoir des échanges renforcés entre le Conseil et ces organes. Mme Landgren a cité l’ECOSOC et la Commission de consolidation de la paix (CCP) comme plateformes de discussion sur la prévention, les transitions des opérations de paix, les développements à l’échelle de la région et les risques et défis actuels pour le maintien de la paix, qui peuvent concerner également les pays ne figurant pas à l’ordre du jour du Conseil. Que ce soit avec l’ECOSOC, l’AG, la CCP ou d’autres, les membres du Conseil devraient, à son avis, développer des moyens pour travailler de manière cohérente et partager la charge de travail avec ces entités de manière à faire face aux menaces à la paix et à la sécurité.
L’année dernière, M. François Delattre, qui était le Représentant permanent de la France en poste, avait exprimé ses regrets de façon mémorable au sujet de l’attention relativement éphémère que le Conseil est en mesure d’accorder au mandat des opérations de paix, phénomène qu’il décrivait comme « adopter et oublier », a rappelé Mme Landgren. Depuis, le Conseil a activement cherché à renforcer son interaction avec le terrain, y compris à travers les missions de visite qui sont devenues un outil efficace. Cependant, la COVID-19 a interrompu ces sorties sur le terrain, a-t-elle regretté, mais cela ne devrait pas empêcher pour autant les réunions virtuelles avec des chefs de gouvernement, des parlementaires, des ministres et divers représentants de la société civile. De même pour les agences et fonds et programmes des Nations Unies présents sur le terrain, d’autant plus qu’à l’heure actuelle, ces interlocuteurs sont potentiellement disponibles, libérés de leurs contraintes de temps, de sécurité et de logistique qui font partie intégrante de la plupart des visites sur le terrain du Conseil.
De même, la technologie peut ouvrir des possibilités d’engagement plus régulier avec les pays fournisseurs de contingents et de forces de police, a encore suggéré Mme Landgren ajoutant que des discussions virtuelles avec le terrain et ces pays peuvent se faire à divers moments du cycle du mandat, atténuant ainsi les risques « d’adopter et d’oublier ».
M. EDWARD C. LUCK, professeur en pratiques des affaires internationales et publiques à la Columbia University, a déclaré que si l’épidémie de COVID-19 a modifié le fonctionnement du Conseil de manière « inimaginable », il y a encore quelques mois, elle n’a cependant pas changé la centralité du mandat du Conseil ni l’importance d’adapter ses méthodes de travail. La réflexion que le Conseil de sécurité mène depuis un quart de siècle sur la manière dont il gère les activités liées au maintien de la paix et à la sécurité internationale ne s’est pas toujours traduite par de meilleures performances sur le terrain, a tranché le professeur. Mais le Conseil a tout de même amélioré sa transparence et son efficacité, en se taillant une réputation d’organe intergouvernemental le plus souple et le plus adaptable du système des Nations Unies.
La réforme est un processus et non un événement, a souligné le professeur. Beaucoup d’observateurs, a-t-il reconnu, ont été tentés d’y voir une lutte entre membres permanents et non permanents, entre « nantis et démunis » dans laquelle certains gagnent et d’autres perdent. C’est beaucoup trop simple, a estimé le professeur. Ces 25 dernières années, les 15 membres ont su trouver un terrain d’entente sur des questions qui semblaient obstinément controversées. Les 10 membres non permanents auraient-ils plus d’influence qu’on ne le croit ou les cinq membres permanents seraient-ils plus souples qu’on ne le pense? Peut-être que tout le monde a tout simplement réalisé qu’il est de l’intérêt général d’avoir un Conseil qui fonctionne plus facilement et plus efficacement. Aucune des mesures agréées n’a en effet remis en cause de près ou de loin les privilèges conférés par la Charte aux membres du Conseil, dont le moindre n’est pas le droit de veto. « Ces inégalités inhérentes » ne sont pas près de disparaître, a constaté le professeur.
Dans ce cas, comment les autres 92% des États membres de l’ONU participent à ces discussions? Ce type de débat, a estimé le professeur, est une occasion en or pour autant que les 15 membres du Conseil écoutent. Il est vrai que jusqu’ici, ils ont montré une certaine disposition à jongler avec de nouvelles idées et à tenir compte de l’évaluation des autres. L’accord sur les huit notes du mois de décembre a été un succès « impressionnant », a poursuivi le professeur, en prévenant que le test ultime sera de voir à quel point ces mesures seront mises en œuvre, et ce, sous l’œil affûté des « observateurs externes ». Beaucoup, a-t-il fait observer, se plaignent du manque d’interactivité pendant les consultations. Est-ce un problème particulièrement difficile à résoudre car il faut dire que conditions actuelles ne semblent pas propices à des accords rapides. Après tout, il a fallu plusieurs mois de consultations ardues pour adopter les notes de décembre. Mais, a conclu le professeur, il ne fait aucun doute que la recherche de meilleures méthodes de travail se poursuivra.
Les États-Unis ont déclaré que le Conseil de sécurité a montré sa résilience et sa flexibilité en modifiant ses méthodes travail durant cette pandémie de COVID-19. Ils se sont dits « impressionnés » de voir que les membres du Conseil poursuivent un travail « important et vital » dans cette période difficile, témoignant ainsi de l’engagement et du professionnalisme de chaque délégation autour de « cette table virtuelle ». Le Conseil de sécurité, se sont félicités les États-Unis, a admirablement établi une procédure d’adoption des résolutions qui permet la prolongation des opérations de maintien de la paix et des régimes de sanctions, dans l’intérêt de la paix et de la sécurité internationales. Le Conseil a également organisé de nombreuses visioconférences, dont beaucoup, comme celle-ci, ont été retransmises en direct, permettant à tous les États Membres et au monde de voir ses membres débattre de questions pressantes de l’heure. « Cette transparence est importante », se sont réjouis les États-Unis.
Ils ont salué le travail accompli par le Koweït, ces deux dernières années, à la tête du Groupe de travail sur les procédures et la documentation. La mise en œuvre de la note 507 et de celles qui ont suivi doit être le principal objectif du Groupe de travail, ont estimé les États-Unis pour lesquels il est tout aussi important de trouver le bon équilibre entre transparence et efficacité.
Le Royaume-Uni s’est félicité que le Conseil ait réussi, depuis le mois de mars, à passer à une situation où les visioconférences ouvertes du Conseil sont désormais diffusées en direct sur le Webcast de l’ONU, y voyant « une étape particulièrement importante pour la transparence des travaux du Conseil ». Il a ajouté que le Conseil est également en mesure d’adopter des résolutions et des déclarations présidentielles par le biais d’une procédure écrite. La délégation a néanmoins regretté que les méthodes de travail du Conseil n’aient pas permis de répondre de manière plus agile et efficace à cette crise. Invoquant l’Article 28 de la Charte des Nations Unies, qui exige que le Conseil soit organisé de manière à lui permettre de fonctionner en permanence, le Royaume-Uni a pointé du doigt l’absence de consensus au sein du Conseil, puisque ni celui-ci ni ses organes subsidiaires n’ont tenu de réunion officielle depuis le 12 mars. Par conséquent, il n’y a pas de transcription in extenso de ses réunions, a regretté la délégation. De plus, sa plateforme technique n’a pas été en mesure d’assurer l’interprétation simultanée ou d’accueillir des débats ouverts et le Conseil continue de souffrir de problèmes techniques. Les réunions se déroulent sans bénéficier du cadre établi par le Règlement intérieur provisoire et des mécanismes de règlement de désaccords qu’il prévoit, a poursuivi la délégation pour laquelle il faut continuer de chercher des moyens pour améliorer les méthodes de travail du Conseil tant qu’il n’y a pas de retour à la normale, et même au-delà pour pouvoir réagir plus rapidement et plus efficacement à toute future crise.
La délégation a également soulevé la tension qui peut exister entre les soucis de transparence et d’efficacité qui sont mis en évidence dans la note conceptuelle. Le défi, selon elle, est de maintenir un équilibre approprié entre réunions publiques et fermées. Pour atteindre cet équilibre, les membres du Conseil doivent aborder le programme de travail mensuel avec un esprit ouvert, a suggéré le Royaume-Uni invitant à ne pas céder à la facilité de suivre le même format chaque fois qu’un problème apparaît à l’ordre du jour. Il a souligné qu’en réunion informelle, les États Membres de l’ONU ont la possibilité de participer, ce qui offre un gage de transparence, mais la nature fermée de ces réunions supprime la possibilité de s’adresser aux médias. Le Royaume-Uni a également reconnu que les réunions à huis clos ne sont pas toujours plus efficaces. Pour cela, les membres du Conseil doivent participer à ces réunions avec la volonté d’engager une discussion et d’envisager une action. « Malheureusement, nous voyons encore trop souvent des membres du Conseil lisant des déclarations préparées à l’avance ou refusant d’engager une discussion sérieuse sur les résultats ou les prochaines étapes », a regretté la délégation. Elle a également insisté sur l’importance de promouvoir la participation de la société civile aux activités du Conseil, en appelant cependant à gérer le risque de représailles contre elle.
S’agissant de l’efficacité, le Royaume-Uni a regretté que le Conseil passe encore trop de temps dans de longues réunions qui traitent de conflits d’hier plutôt que d’assumer ses responsabilités pour régler les conflits d’aujourd’hui et prévenir de futurs conflits. Il est en faveur des séances d’information informelles qui présentent une analyse prospective du Secrétariat ainsi que du format des « discussions sur le canapé » pour relever ce défi. Cependant, les discussions informelles ne remplacent pas les réunions du Conseil - notamment pour des raisons de transparence, a rappelé la délégation invitant à soumettre le programme de travail du Conseil à une analyse critique et à être prêts à soumettre de nouvelles questions au Conseil.
La France a souligné la « flexibilité collective » des membres du Conseil pour s’adapter rapidement aux contraintes posées par la pandémie de COVID-19. Alors que le Conseil passait aux réunions par visioconférence, il a su maintenir la transparence, autant que cela était possible sur le plan technique, et sa capacité de prendre des décisions, s’est-elle félicitée. La seule victime de ce processus est le multilinguisme, a regretté la France pour laquelle le régime linguistique de l’ONU devrait permettre le bon fonctionnement de ses organes délibérants. « La légitimité et l’efficacité de l’ONU dépendent du respect de cette valeur fondamentale. » Huit semaines après le début des restrictions liées à la COVID-19, la délégation a dit attendre du Secrétariat de fournir en priorité une interprétation simultanée dans les six langues officielles. En tout état de cause, le français étant également une langue de travail à l’ONU, la France a exprimé l’intention d’assumer la présidence du Conseil le mois prochain en utilisant le français.
Les travaux du Conseil sont plus transparents et ouverts que jamais, a poursuivi la France: presque tous les rapports du Secrétaire général au Conseil sont rendus publics et ses membres passent plus de temps en réunion publique qu’en séance privée. Néanmoins, la fonction du Conseil n’est pas seulement d’être une agora où différents points de vue sur une situation spécifique sont présentés, a souligné la délégation. « Le Conseil est un organe exécutif » et sa spécificité réside dans son pouvoir d’enquêter sur tout différend ou situation afin de déterminer s’il peut y avoir une menace à la paix et la sécurité internationales et d’agir en fonction pour arrêter les guerres et les atrocités de masse. Pour être efficace, il doit être animé par un esprit de coopération et de compromis, a martelé la France qui a également plaidé pour davantage de discussions privées au nom de l’efficacité et de l’efficience du Conseil dans ce rôle exécutif.
Tous les diplomates savent que pour parvenir à un consensus sur des questions difficiles, les échanges directs à huis clos sont souvent plus propices à un accord, s’est expliquée la délégation. Elle a également défendu l’idée que les conversations à huis clos entre membres du Conseil et le Secrétariat sur la mise en œuvre des mandats du Conseil sont plus productives que la présentation publique de positions nationales. Notant que depuis 2017 le Conseil est devenu « très public », puisqu’il passe désormais plus du double du temps en séance publique, la France a remarqué qu’à mesure que ses travaux devenaient plus publics, le Conseil a adopté moins de résolutions et moins de communiqués. Le nombre total de textes adoptés est passé d’environ 160 par an en 2016 à 110 en 2019. « C’est une baisse considérable », a estimé la délégation même si elle reconnaît que le nombre de textes n’est pas la seule façon de mesurer les résultats du Conseil et qu’il existe également des raisons politiques à la difficulté de parvenir à une position du Conseil. À cet égard, elle a martelé qu’une position unie du Conseil aura toujours plus d’influence sur les acteurs politiques en situation de conflit que 15 positions nationales, parfois contradictoires, lors d’une réunion publique. La délégation a préconisé de recourir davantage aux formats informels privés ou aux réunions officielles privées afin de dialoguer directement et de manière constructive avec les pays et les parties concernées, comme cela se fait lors des visites sur le terrain des membres du Conseil.
La France a également souligné que pour que le Conseil soit efficace, il est important de réaffirmer la nécessité d’un esprit de compromis. L’utilisation récurrente de la menace de veto ne peut être un moyen de négociation, a-t-elle estimé.
La Chine a souligné que la COVID-19 a causé des défis sans précédent au fonctionnement du Conseil de sécurité. Améliorer l’efficience, l’efficacité et la transparence est nécessaire pour répondre à cette situation extraordinaire. En cette année du soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, nous avons besoin du multilatéralisme, d’une ONU forte, d’un Conseil de sécurité robuste, de solidarité et de coopération entre les États Membres. Elle a estimé que renforcer la communication et la coopération entre les membres du Conseil est la base pour promouvoir des solutions aux questions difficiles. La Chine a appelé les États Membres à avoir une attitude « responsable et constructive », à s’engager dans les consultations sur un pied d’égalité, à renforcer la confiance mutuelle, à dissiper les appréhensions et à rechercher un terrain d’entente. Sur les grandes questions de paix et de sécurité internationales, les membres du Conseil doivent s’efforcer de dégager un large consensus, tenir compte des préoccupations de toutes les parties, empêcher la politisation et veiller à ce que le Conseil joue un rôle crucial aux moments critiques.
La Chine a aussi suggéré de se focaliser sur les questions urgentes, de rechercher des résultats et d’éviter de se transformer en « une épicerie qui vend tout ». Le Conseil, a-t-elle insisté, doit se concentrer sur les points chauds, promouvoir le règlement politique des différends et continuer à faire de l’Afrique sa priorité. Il doit s’engager contre les causes profondes des conflits avec d’autres organisations, pour le développement par la paix et la paix par le développement. Aujourd’hui, il faut une coopération internationale contre la COVID-19, appuyer l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial et lever immédiatement les sanctions unilatérales, a réitéré la Chine.
Le Conseil de sécurité, a-t-elle poursuivi, doit être impartial et faire preuve de transparence, améliorer la communication et la coordination avec les autres organes des Nations Unies, en particulier l’Assemblée générale et le Conseil économique et social. Il doit travailler étroitement avec le Secrétariat et compter sur le professionnalisme de ce dernier, tout en lui donnant les directives politiques nécessaires. La Chine a d’ailleurs encouragé les prochaines présidences tournantes du Conseil à assurer une bonne coordination, à renforcer la synergie et à éviter les doublons. Le Conseil, a-t-elle ajouté, doit mieux se préparer aux situations d’urgence et pour ce faire, rester fidèle à la Charte des Nations Unies et à son Règlement intérieur provisoire. La COVID-19, a conclu la Chine, pose un formidable défi au travail du Conseil. Elle a donc demandé des efforts supplémentaires pour améliorer les moyens techniques et les services de conférence, au cas où le Conseil serait confronté à d’autres situations d’urgence.
La pandémie ayant donné une impulsion inattendue, la Fédération de Russie a salué le fait que, malgré des discussions quelque peu prolongées sur les méthodes de travail provisoires du Conseil, ses membres aient finalement pu convenir de modalités et que le Conseil « fonctionne plutôt bien aujourd’hui » compte tenu des circonstances. Pour la délégation, le Conseil dispose maintenant des outils nécessaires pour travailler presque aussi intensément qu’auparavant, voire plus. En réponse aux appels de certains membres à élaborer des plans d’urgence, la Russie a estimé que cela avait déjà été fait, la preuve étant que le Conseil fonctionne aujourd’hui dans le cadre de ces plans. La Russie a toutefois suggéré de réfléchir à des plans d’urgence supplémentaires concernant les opérations et le fonctionnement du Conseil pour l’après-confinement, arguant qu’il faut s’y préparer dès maintenant.
La question des méthodes de travail du Conseil est délicate, a noté la délégation qui dit avoir toujours soutenu les efforts du Conseil dans le but de rendre ses travaux plus démocratiques et plus transparents. À ce sujet, elle a regretté que sa demande d’une visioconférence ouverte avec la participation du Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), en formule Arria, n’ait pas été retenue cette semaine « étant donné que de nombreuses questions que nous avions prévu de lui poser intéressent certainement le public ». Il est dommage, à ses yeux, que cette suggestion n’ait pas été soutenue par « les collègues qui se sont fait les champions de la transparence à d’autres occasions ». Cela dit, la Russie a dit soutenir pleinement ceux qui préconisent de trouver un équilibre entre efficacité et transparence.
À cet égard, la délégation a mis l’accent sur la question des « porte-plume », en rappelant que la note 507 stipule que tout membre du Conseil de sécurité peut l’être et que plusieurs membres peuvent agir en tant que co-porte-plume. Cependant, a noté la délégation, en réalité, seuls trois membres permanents sont aujourd’hui les porte-plume sur la plupart des dossiers inscrits à l’ordre du jour du Conseil. Elle a saisi cette occasion pour attirer l’attention des membres du Conseil sur son projet de note présidentielle relatif à la question des porte-plume, et s’est dite prête à s’engager activement et de manière constructive avec tous afin de l’adopter. Le but est que la rédaction des documents du Conseil se fasse de manière plus inclusive et permette la pleine participation de tous ses membres.
La délégation a également soulevé la question des radiations et des exemptions humanitaires, estimant qu’il y avait beaucoup à analyser et à améliorer à ce sujet. Elle a également proposé d’étendre l’institution du médiateur à tous les comités de sanctions, y voyant un pas important vers l’amélioration de l’équité et de la transparence des régimes de sanctions et vers le renforcement de l’état de droit dans la mise en œuvre des décisions du Conseil. De plus, la délégation a appelé à nouveau à ne pas surcharger et « abuser » de l’ordre du jour du Conseil de sécurité en examinant des sujets thématiques inscrits à l’ordre du jour de l’Assemblée générale, de l’ECOSOC ou d’autres organes des Nations Unies.
Les efforts visant à améliorer les méthodes de travail du Conseil de sécurité ne pourront aboutir à des résultats concrets que lorsque les membres du Conseil s’abstiendront d’avoir des approches politisées et lorsqu’ils coordonneront leurs initiatives sur la base du respect mutuel des préoccupations et des priorités de chacun, a conclu la délégation.