Les problèmes des mercenaires et de la discrimination raciale mobilisent l’attention de la Troisième Commission
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, s’est penchée, aujourd’hui, sur le mercenariat et l’élimination de la discrimination raciale au cours d’une série de dialogues virtuels pendant lesquels l’impact de la pandémie de COVID-19 et des violences policières sur les personnes d’ascendance africaine a été mis en exergue à plusieurs reprises.
Dans un premier temps, la Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a attiré l’attention sur la résurgence actuelle des discours racistes et haineux, en particulier sur Internet et sur les réseaux sociaux, exacerbés dans le contexte de la COVID-19.
Pire, a fait observer Mme Yanduan Li, les politiciens et les personnalités publiques ont contribué à cet état, employant des expressions racistes et xénophobes qui ont alimenté la haine et la violence racistes contre les minorités nationales et ethniques, les personnes d’ascendance africaine et les peuples autochtones, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Ces groupes, en particulier les personnes d’ascendance africaine, ont également été victimes de profilage racial, de brutalités et d’usage excessif de la force par les responsables de l’application des lois, ce qui a entraîné des décès dans certains cas, a-t-elle en outre noté.
Les manifestations massives de solidarité avec George Floyd et le mouvement Black Lives Matter viennent rappeler que la lutte contre le racisme est un problème qui nous concerne tous, a insisté le Président du Groupe de travail intergouvernemental chargé de faire des recommandations en vue de l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. M. Refiloe Litjobo s’est toutefois préoccupé de la méconnaissance dont pâtissent ces documents dont on célébrera, l’an prochain, le vingtième anniversaire et qui constituent à ses yeux une étape importante dans la lutte contre le racisme.
De son côté, la Présidente du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine a déclaré qu’il est temps de s’attaquer aux « conséquences durables de l’injustice historique » et des pratiques qui normalisent le racisme systémique. Mme Dominique Day a notamment appelé à prendre en compte l’héritage du colonialisme, qui a « banalisé la traite des esclaves ». Il y a encore des « reliquats de cette mentalité », a-t-elle déploré, exhortant les pays à « dire la vérité sur l’histoire ».
En matière de formes contemporaines de racisme, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a alerté que les intérêts financiers liés à la numérisation du contrôle des frontières et de l’immigration sont les moteurs de l’expansion d’une industrie qui provoque des violations flagrantes des droits de l’homme des réfugiés, des migrants, des apatrides et d’autres groupes apparentés.
Même lorsque l’adoption de technologiques numériques novatrices est motivée par de bonnes intentions, ces innovations méritent un examen approfondi, a souligné Mme Tendayi Achiume. La technologie n’est jamais neutre mais est façonnée par les mêmes structures d’inégalité qui opèrent dans la société, a-t-elle signalé, décriant les approches qui considèrent que ce problème est purement technologique et que les informaticiens peuvent le résoudre en créant des algorithmes « sans biais ».
La Troisième Commission a également entendu le Président-Rapporteur du Comité spécial du Conseil des droits de l’homme chargé d’élaborer des normes complétant la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, M. Taonga Mushayavanhu, faire le point sur les discussions portant sur l’élaboration d’un protocole additionnel à cet instrument.
En ce qui concerne le mercenariat, le Président du Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes s’est inquiété des risques créés par le marché « opaque et rentable » des services privés de combat et d’appui au combat qui s’est développé parallèlement à l’évolution des conflits contemporains.
L’augmentation des conflits armés non internationaux et la prolifération de la variété d’acteurs non étatiques impliqués augmentent le nombre de clients potentiels pour ces services privés et rendent également plus difficiles la détermination des faits et l’établissement des responsabilité pour les violations et abus, a signalé M. Chris Kwaja.
Notant que certains mercenaires utilisent des drones, des cybercapacités et des systèmes d’armes de haute technologie, il a par ailleurs souligné la nécessité « vitale » pour les États d’élaborer des réponses politiques et réglementaires pour contrer le phénomène.
On retiendra également l’intervention de la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme et Directrice du Bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Mme Ilze Brands Kehris, qui s’est inquiétée de la santé financière de l’architecture des droits de l’homme, seulement « 3,7% du budget ordinaire » lui étant consacrés.
La couverture de ces dialogues virtuels a été compromise par une série de problèmes techniques.
La Troisième Commission dialoguera demain, mardi 3 novembre, à partir de 10 heures, avec M. Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
ÉLIMINATION DU RACISME, DE LA DISCRIMINATION RACIALE, DE LA XÉNOPHOBIE ET DE L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE (A/75/18, A/75/329, A/75/275, A/75/315 et A/75/363)
DROIT DES PEUPLES À L’AUTODÉTERMINATION (A/75/240 et A/75/259)
Déclarations liminaires de titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, d’autres experts et de hauts fonctionnaires, suivies d’un dialogue interactif
Exposé
Mme YANDUAN LI, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, a indiqué que la pandémie de COVID-19 a perturbé le cours normal des activités de son organe et a particulièrement affecté la possibilité d’examiner les rapports soumis par les États parties. Néanmoins, a-t-elle souligné, le Comité s’est engagé à s’adapter à cette « nouvelle réalité » en effectuant des travaux entre les sessions, car il reste convaincu que la protection de tous, notamment des plus vulnérables, face à la discrimination raciale est « plus impérative que jamais » dans le cadre de la crise actuelle.
Au cours de l’année écoulée, a précisé Mme Li, plusieurs sujets de préoccupation ont attiré l’attention du Comité, à commencer par la prévalence, la persistance et la montée des discours de haine raciale et des crimes de haine. Elle a noté que les discours racistes restent fréquents, en particulier sur Internet et sur les réseaux sociaux, et ont été exacerbés dans le contexte de la COVID-19. Les politiciens et les personnalités publiques ont continué d’exprimer des expressions racistes et xénophobes qui ont contribué à alimenter la haine et la violence racistes contre les minorités nationales et ethniques, les personnes d’ascendance africaine et les peuples autochtones, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, a-t-elle constaté, déplorant que les législations existantes ne soient pas toujours appliquées de manière efficace et ne soient pas pleinement conformes aux dispositions de l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Autre motif de préoccupation du Comité: les obstacles auxquels les personnes d’ascendance africaine, les peuples autochtones et d’autres minorités, en particulier les femmes et les filles, continuent de faire face pour la jouissance des droits énoncés dans la Convention, en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à l’éducation, au logement, aux soins de santé et aux services sociaux adéquats et à la participation aux affaires publiques et politiques. Ces groupes, en particulier les personnes d’ascendance africaine, ont également été victimes de profilage racial, de brutalités et d’usage excessif de la force par les responsables de l’application des lois, ce qui a entraîné des décès dans certains cas, a noté Mme Li, recommandant aux États parties de protéger les minorités nationales et ethniques contre toute forme de discrimination raciale dans leurs relations avec les responsables de l’application des lois.
Elle a également évoqué l’impact de la pandémie sur les personnes les plus vulnérables à la discrimination raciale. À ses yeux, la COVID-19 a aggravé les inégalités de longue date auxquelles sont confrontées les minorités nationales et ethniques, qui ont été affectées de manière disproportionnée. Le Comité rappelle aux États parties leur obligation de veiller à ce que les mesures qu’ils prennent pour faire face à la pandémie soient pleinement conformes aux dispositions de la Convention, a-t-elle souligné.
Abordant la présentation des activités du Comité, Mme Li a fait savoir que son organe a tenu deux sessions, au cours desquelles il a examiné 12 rapports soumis par les États parties et a formulé des recommandations sur les préoccupations soulevées. Il a aussi tenu une réunion virtuelle spéciale pour l’élection des membres de son Bureau et du bureau de ses groupes de travail. Toutefois, il continue de faire face à la non-présentation de rapports. Lors de l’adoption du présent rapport annuel, a-t-elle précisé, 59 rapports d’États parties étaient en retard. À cet égard, elle a encouragé ces derniers à utiliser la procédure simplifiée de présentation de rapports.
Le Comité a également poursuivi ses travaux sur les communications interétatiques soumises au titre de l’article 11, a-t-elle encore noté. À sa quatre-vingt-dix-neuvième session, il a ainsi adopté des décisions déclarant recevables les deux communications présentées par le Qatar contre l’Arabie saoudite et le Qatar contre les Émirats arabes unis. À titre de suivi, le Comité a nommé les membres des deux commissions spéciales de conciliation, conformément aux dispositions de la Convention.
Concernant la communication interétatique présentée par l’État de Palestine contre Israël, le Comité a décidé, à sa centième session, qu’il était compétent et la procédure est en cours, a-t-elle ajouté. Enfin, dans le cadre de sa procédure d’alerte précoce, le Comité a traité des situations concernant 11 États parties. Les situations examinées étaient liées aux droits fonciers des peuples autochtones, à la discrimination dans l’éducation à l’encontre des minorités ethniques et à l’usage excessif de la force par les responsables de l’application des lois contre les personnes d’ascendance africaine.
Avant de conclure, la Présidente du Comité a espéré que les États seront en mesure de faire en sorte que le système des organes conventionnels soit « correctement financé » par le budget ordinaire de l’ONU. Appelant la Troisième Commission à rechercher des solutions sur ce sujet en coordination avec la Cinquième Commission, elle s’est aussi prononcée pour une reprise des réunions en personne « dès que possible », notant que l’adaptation numérique a montré la nécessité d’un projet dédié pour permettre une utilisation adéquate de la technologie par les organes conventionnels, en fonction de leurs besoins et en tenant compte des besoins des pays en développement.
Dialogue interactif
La Fédération de Russie a souhaité obtenir des précisions sur les paramètres de lancement par le Comité de la procédure d’alerte précoce à la lumière de la discrimination que subit la minorité russophone en Ukraine et dans les pays baltes, notamment en matière d’éducation, pour ce qui est de l’utilisation de leur propre langue pour accéder et recevoir des informations en russe. La délégation a demandé si cette procédure a été lancée pour les pays mentionnés, y compris en relation avec les lois sur la langue et l’éducation adoptées en Ukraine et en Lettonie, dont le but, a-t-elle affirmé, est de priver la minorité russophone du droit d’étudier dans sa langue maternelle. Elle a également voulu savoir si le Comité effectue un suivi a posteriori.
Le Mexique a souhaité savoir comment l’intelligence artificielle influence la discrimination raciale et dans quelle mesure la technologie peut être utilisée comme outil de prévention.
L’Union européenne a noté avec préoccupation que, sur 182 États parties à la Convention, 59 seulement ont estimé que le Comité avait autorité pour examiner les situations relevant de son mandat. Elle a appelé tous les États parties à reconnaître la compétence du Comité. Elle s’est par ailleurs félicitée des orientations formulées par le Comité sur les représailles et a espéré qu’elles apporteront une contribution importante pour les défenseurs des droits de l’homme.
L’Arabie saoudite a indiqué que les idées de ségrégation raciale et de xénophobie vont à l’encontre de la sharia islamique. La délégation a d’autre part assuré qu’à l’occasion du pèlerinage, les « frères du Qatar » ont eu le droit d’entrer sur le territoire du Royaume et ont été traités de façon positive, comme tous les autres pèlerins musulmans venus du monde entier.
Observant une montée du populisme et des discours de haine, particulièrement préoccupante en cette période de crise mondiale, l’Allemagne a voulu savoir comment les États peuvent efficacement contrer ces phénomènes sans pour autant limiter la liberté d’expression.
Considérant que la ratification universelle de la Convention est essentielle, la Turquie s’est déclarée particulièrement préoccupée par la résurgence du nationalisme et de l’antisémitisme, ajoutant que les membres de la communauté turque en Europe sont régulièrement la cible de discours de haine. Saluant la procédure d’alerte précoce mis en place par le Comité, elle a souhaité connaître l’évaluation de Mme Li à ce sujet.
Quelles mesures peuvent être prises au niveau international pour prévenir le fléau du racisme et de la discrimination raciale, sachant que la communauté internationale s’est davantage intéressée aux conséquences et pas suffisamment aux causes profondes, s’est interrogée l’Algérie qui a indiqué avoir adopté une nouvelle loi de lutte contre les discours de haine accompagnée d’une stratégie de prévention des discours haineux et racistes.
Préoccupée par la montée de la discrimination raciale et de formes d’intolérance comme l’antisémitisme, notamment sur Internet et les réseaux sociaux, l’Indonésie a voulu savoir par quel moyen lutter efficacement contre ces fléaux. Les Émirats arabes unis ont pour leur part salué la procédure d’alerte précoce mis en place par le Comité.
De son côté, la République arabe syrienne a indiqué que sa région est confrontée à de graves violations des droits de la personne commises par l’occupant israélien, dans le Golan et dans d’autres territoires arabes. Ce sont des manifestations du racisme qui sont « couvertes politiquement », a-t-elle accusé, dénonçant l’impunité accordée à Israël par d’autres États Membres. Cette attitude reflète, selon elle, une tentative d’asseoir l’occupation et de semer le chaos dans la région.
En réponse à ces questions et commentaires, la Présidente du Comité a rappelé sommairement les mesures recommandées par son Comité pour lutter contre la discrimination raciale, un problème qui, a-t-elle souligné, « persiste depuis bien trop longtemps ». Insistant sur la résurgence actuelle des discours racistes et haineux, la Présidente du Comité a indiqué que cette question est au centre des travaux de son organe quant à l’application de la Convention. Le Comité a toujours du mal à agir face à l’impunité et à la mise en œuvre insuffisante des dispositions de la Convention, a-t-elle reconnu, tout en se félicitant des efforts consentis par des États parties pour lutter contre la propagation des discours de haine, notamment sur Internet et les réseaux sociaux. C’est un « engagement politique fort », a-t-elle salué. Elle a toutefois regretté qu’il ne soit pas plus facile pour les victimes de signaler ce type de discours.
Dans ce contexte, a-t-elle poursuivi, le Comité rappelle que les discours haineux sont contraires à la préservation du droit à la liberté d’expression. Il importe donc que les États parties luttent contre ces agissements, quels qu’en soient les auteurs, en prenant des mesures de prévention et de sensibilisation, et en favorisant la tolérance et l’entente entre les différents groupes ethniques ou religieux, a-t-elle plaidé.
Mme Li a par ailleurs fait une mise au point sur le rôle de son mandat. Le Comité est un organe conventionnel chargé d’examiner la mise en œuvre de la Convention par les États parties, ce qui implique un travail de surveillance mais non pas de mise en application de la Convention. En vertu de ce texte, les États parties sont tenus d’honorer leurs obligations conventionnelles et le Comité ne peut que les encourager à le faire. Dans ce cadre, a conclu la Présidente, la coopération entre le Comité et les États parties est fondamentale pour atteindre l’objectif de l’élimination de la discrimination raciale dans nos sociétés.
Exposé
M. REFILOE LITJOBO, Président du Groupe de travail intergouvernemental chargé de faire des recommandations en vue de l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, a d’entrée fait observer que les conséquences de la pandémie de COVID-19 en termes d’accès à la nourriture, à l’eau, aux soins médicaux, à l’emploi et à l’éducation touchent de manière disproportionnée les personnes et les groupes victimes de discrimination raciale.
La pandémie a entraîné la fermeture généralisée d’écoles et d’autres établissements d’enseignement et provoqué une perturbation sans précédent de l’éducation. Mais les enfants et les jeunes confrontés au racisme, à la discrimination raciale et à la xénophobie sont confrontés à des défis encore plus grands. Ce sont eux qui n’ont pas accès aux outils d’apprentissage à distance, à Internet ou à un soutien parental adéquat, a-t-il décrié.
En outre, les manifestations massives de solidarité avec George Floyd et le mouvement « Black Lives Matter » au cours des derniers mois viennent rappeler que la lutte contre le racisme est un problème qui « nous concerne tous ». Aucun pays n’est à l’abri du mal du racisme, a insisté le Président.
M. Litjobo a ensuite souligné que la Déclaration et le Programme d’action de Durban représentent une étape importante dans la lutte contre le racisme. Il s’agit d’un programme très vaste qui comprend des mesures visant à renforcer l’éducation et la sensibilisation, à lutter contre la pauvreté et la marginalisation, et à assurer un développement inclusif, a-t-il rappelé. Et les documents de Durban font également l’intersection entre la santé, la stigmatisation, le racisme et la discrimination raciale et soulignent le besoin urgent de s’attaquer à cette dimension.
Passant au rapport (A/75/315) de la dix-septième session du Groupe de travail, il a précisé que celui-ci est consacré aux préparatifs du vingtième anniversaire de la Déclaration et le Programme d’action de Durban.
Dans ce document, le Groupe constate « avec préoccupation » que le manque de connaissance du public sur le contenu de la Déclaration et du Programme d’action de Durban représente un obstacle sérieux à la mobilisation de la volonté politique nécessaire à leur mise en œuvre pleine et effective.
Le Groupe propose d’organiser, en 2021, un événement de haut niveau pour marquer cet anniversaire pendant le segment de haut niveau de la soixante-seizième session de l’Assemblée générale. Il recommande également au Conseil des droits de l’homme d’organiser, l’an prochain, une manifestation pour marquer cette célébration.
La participation de la société civile à ces événements doit être encouragée, et le Groupe recommande en outre au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) de préparer des documents d’information qui pourraient être diffusés lors de divers événements et par l’intermédiaire des centres d’information des Nations Unies.
Aujourd’hui plus que jamais, a conclu M. Litjobo, la Déclaration et le Programme d’action de Durban nous parlent, en tant que document qui peut aider nos sociétés à vivre dans l’égalité, le respect et la paix dans la richesse de notre diversité.
Dialogue interactif
Suite à cette intervention, la Fédération de Russie a constaté que dans certains États, le racisme prend un caractère systémique: les idées de supériorité raciale et nationale imprègnent tout le système de l’État et des relations publiques, et l’ampleur des pratiques discriminatoires s’étend. Elle a regretté que les autorités d’un certain nombre de pays occidentaux non seulement ferment les yeux sur ce mal, « en se cachant derrière le slogan de la protection de la liberté d’expression », mais introduisent également des normes discriminatoires dans leur législation. La délégation a appelé les États à ne pas encourager ni justifier aucune manifestation de racisme sous aucune de ses formes.
Le Président du Groupe de travail a ensuite de nouveau encouragé les États Membres à redoubler d’efforts pour une application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et appelé à saisir l’occasion du vingtième anniversaire de l’adoption de ces documents pour mobiliser la volonté politique autour de ces questions.
Exposé
M. CHRIS KWAJA, Président du Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, a présenté un rapport sur l’évolution du mercenariat, lequel, a-t-il indiqué, a connu un regain d’intensité dans différentes régions du monde. Il a notamment indiqué que l’implication des mercenaires conduit à l’intensification des conflits, et que nombre d’entre eux seraient impliqués dans des violations des droits de l’homme, que ce soit des exécutions extrajudiciaires ou le recrutement d’enfants.
Il a fait savoir qu’il existe des lacunes considérables dans la compréhension de la manière dont les mercenaires se sont adaptés aux conflits contemporains, ainsi qu’au sujet des risques et de l’impact de leurs activités sur les droits de l’homme, en raison du décalage entre la réalité sur le terrain et le cadre juridique international applicable aux mercenaires.
Le cadre juridique international applicable aux mercenaires et aux acteurs apparentés reflète le contexte historique spécifique dans lequel il a été développé, a-t-il expliqué. À l’époque, le terme était plus péjoratif que strictement juridique. Et les connotations politiques du terme mercenaire limitent les discussions à des débats tendant à savoir si tel ou tel acteur répond à la stricte définition juridique international du terme. À l’inverse, le rapport adopte une approche plus large en examinant une variété d’acteurs et d’activités qui s’inscrivent dans un « concept plus complet » d’activités liées au mercenariat.
Le Groupe de travail a identifié plusieurs catégories qui génèrent des activités liées aux mercenaires, à savoir, les combattants affiliés aux acteurs non étatiques armés; les combattants étrangers; les ressortissants étrangers recrutés par des services de sécurité d’État ou des entreprises militaires et de sécurité privées; et les cybermercenaires.
En outre, certaines personnes qui participent à des activités liées aux mercenaires vivent dans des conditions de sécurité socioéconomiques difficiles, ce qui pourrait les rendre plus enclins à être victimes de coercition, d’exploitation et d’abus lors de la réalisation de telles activités, a-t-il signalé.
M. Kwaja s’est inquiété des risques créés par le marché « opaque et rentable » des services privés de combat et d’appui au combat qui s’est développé parallèlement à l’évolution des conflits contemporains. L’augmentation des conflits armés non internationaux et la prolifération de la variété d’acteurs non étatiques impliqués, augmentent le nombre de clients potentiels pour ces services privés et rendent également plus difficiles la détermination des faits et l’établissement des responsabilité pour les violations et abus, a-t-il signalé.
Qui plus est, des États tiers utilisent des mercenaires et des acteurs apparentés comme moyen d’influencer à distance les conflits armés à l’étranger, ce qui leur permet de s’exonérer de toutes responsabilités. Dans ce contexte, le Président a fait part de sa satisfaction que le Conseil de sécurité ait rajouté à l’embargo sur les armes la fourniture de « mercenaires armés », élargissant ainsi la portée des restrictions.
Notant que certains mercenaires utilisent des drones, des cybercapacités et des systèmes d’armes de haute technologie, il a par ailleurs souligné la nécessité « vitale » de réponses politiques et réglementaires de la part des États. Par exemple, certains acteurs privés ont tiré profit du développement, de la maintenance et de l’exploitation de nouvelles technologies, des drones notamment. Ils sont également impliqués dans la création de nouvelles méthodes de guerre, y compris des cybercapacités et des systèmes d’armes de haute technologie. Ces technologies ont la capacité de causer des dommages importants, tout en compliquant davantage le processus d’établissement des responsabilités en fragmentant le processus de prise de décisions opérationnelle et tactique.
À la lumière des graves préoccupations soulevées par les formes évolutives des activités liées aux mercenaires, le Groupe de travail demande aux États de ne pas sous-traiter les activités équivalant à une participation directe aux hostilités et d’interdire la fourniture de services à but lucratif constituant une participation directe aux hostilités par des particuliers et des entreprises.
Dialogue interactif
La Fédération de Russie a appelé à réviser les normes juridiques internationales pour lutter contre le mercenariat, et à créer un cadre réglementaire international pour contrôler les activités des entreprises militaires et de sécurité privée, grâce à l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant.
Cuba s’est inquiétée du fait que certains États continuent de financer le mercenariat, et des répercussions que cela entraîne pour le droit à l’autodétermination des peuples, pointant notamment les États-Unis.
L’Azerbaïdjan a fait savoir que des « organisations terroristes arméniennes » ont été impliquées dans des actions impliquant des mercenaires dès les années 90, et que plus en plus de combattants étrangers font des victimes en Azerbaïdjan parmi les enfants, les femmes et les personnes âgées. Comment contrer ce phénomène a-t-elle demandé.
L’Union européenne (UE) s’est inquiétée des dangers que représentent le mercenariat et l’opacité de ces pratiques, tandis que l’Inde s’est intéressée aux moyens de contrecarrer l’utilisation des technologies modernes par les mercenaires.
Le Venezuela a voulu connaître l’opinion du Président du Groupe de travail au sujet de l’utilisation de mercenaires pour faire tomber des gouvernements institutionnels, précisant avoir été la cible de mercenaires entraînés en Colombie et payés par les États-Unis.
Existe-t-il des mécanismes qui permettent de documenter les transferts de mercenaires, a demandé à son tour l’Arménie qui a indiqué que de mercenaires ont été recrutés dans les territoires syriens détenus par la Turquie, notamment dans la région d’Alep, pour ensuite être envoyés au Haut-Karabakh. Ces propos ont été rejetés par la Turquie qui a exhorté l’Arménie à retirer ses forces du Nagorno-Karabakh.
Suite à ces questions et commentaires, le Président du Groupe de travail a indiqué que l’impact important des activités de mercenaires dans le monde attire l’attention sur le rôle des États dans les recrutements.
Au vu des conséquences dramatiques des activités des mercenaires, qui peuvent aller jusqu’à menacer la souveraineté même des États, les États Membres doivent se montrer plus proactifs dans leur riposte. Les États doivent appliquer leurs propres règles et assumer leurs responsabilités, mais aussi coopérer davantage avec le Groupe de travail, a-t-il souligné, après avoir rappelé que la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires n’est pas juridiquement contraignante.
M. Kwaja s’est ensuite félicité de l’accord conclu entre les parties au conflit libyen qui ont décidé de rappeler tous les mercenaires de la Libye d’ici six mois. Il a aussi annoncé que le rapport 2021 du Groupe de travail portera sur le mercenariat et l’espace numérique, une question qui préoccupe le monde aujourd’hui.
La Colombie a ensuite pris la parole pour accuser le Gouvernement de Nicolas Maduro d’avoir financé des attentats en Colombie.
Exposé
Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme et Directrice du Bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), a présenté trois rapports au titre des points relatifs à l’ordre du jour, dont un relatif à la Décennie internationale pour les personnes d’ascendance africaine (A/75/363). Elle a indiqué que ce document détaille notamment comment les enfants et les jeunes d’ascendance africaine subissent la discrimination raciale et souligne comment la pandémie de COVID-19 a amplifié les formes de discrimination existantes.
Le rapport intitulé « Appel mondial en faveur de l’élimination totale du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, ainsi que l’application intégrale et le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban » (A/75/561), disponible pour le moment dans une version pré-éditée sur la plateforme e-deleGATE, formule des recommandations concrètes pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée et souligne l’impact disproportionné de la COVID-19 sur les minorités raciales et ethniques, laquelle a mis à nu les inégalités structurelles et la discrimination raciale qui se sont manifestées dans l’accès aux soins de santé, le suivi et les dépistages sanitaires et les informations ciblées pour ces groupes.
Ce rapport indique également que les gens sont de plus en plus impatients de voir s’attaquer aux inégalités structurelles profondément enracinées et au racisme qui contribuent à la violence contre les personnes d’ascendance africaine. La pandémie ayant mis en évidence de profondes faiblesses dans la prestation des services de santé publique et des inégalités structurelles qui entravent l’accès à ces questions, les États Membres devraient s’assurer que ces questions sont correctement traitées dans leur réponse, a-t-elle ajouté.
La confluence de l’examen à mi-parcours de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine et du vingtième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Durban vient rappeler la nécessité de redoubler d’efforts pour lutter efficacement contre le racisme structurel et systémique et la discrimination raciale. Une contribution importante à cette fin serait la convocation d’une réunion de haut niveau à la soixante-seizième session de l’Assemblée générale pour commémorer l’anniversaire susmentionné.
Mme Brands Kehris a ensuite présenté un rapport consacré à la réalisation du droit des peuples à l’autodétermination (A/74/309) qui présente un résumé des principaux développements relatifs à la réalisation de ce droit dans le cadre des activités des principaux organes de l’ONU et de ceux de ses mécanismes relatifs aux droits de l’homme.
Dialogue interactif
À la question de l’Union européenne, qui s’interrogeait sur la promotion et la protection de l’espace civique au sein de l’ONU, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a indiqué que le HCDH travaille d’arrache-pied à la protection de la société civile, à la promotion de l’espace civique et la participation de la société civile à l’ONU notamment à Genève où elle participe déjà aux travaux du Conseil des droits de l’homme. Pour ce qui est de la Troisième Commission, cette question devra être discutée entre les délégations, a-t-elle ajouté.
Comment soutenir et protéger la société civile et les journalistes en Bélarus, ont ensuite demandé la Lituanie et la Lettonie, suite à quoi la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a fait savoir que le HCDH suit de très près le problème du harcèlement des journalistes, y compris en ligne, et qu’il fera bientôt un rapport sur la question.
Elle a également souligné que la question de l’autodétermination doit rester à l’ordre du jour de l’ONU, suite aux interventions de l’Algérie qui a appelé à sa pleine application, et de l’Inde pour qui le principe d’autodétermination ne doit pas être utilisé contre un État Membre en particulier.
La Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a aussi souligné qu’en matière des droits de la personne, l’ONU doit parler d’une seule voix. La responsabilité de protéger les droits de l’homme doit être au cœur de l’action de l’ONU, a insisté Mme Brands Kehris, qui a toutefois déploré le sous-financement du pilier « droits de la personne », seuls 3,7% du budget ordinaire lui étant consacrés.
Exposé
Mme DOMINIQUE DAY, Présidente du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, a présenté trois rapports à la Troisième Commission: le rapport annuel de son mandat, intitulé « COVID-19, racisme systémique et manifestations mondiales » (A/HRC/45/44), et les rapports faisant suite aux visites officielles des pays en Équateur et au Pérou (A/HRC/45/44/Add.1 et A/HRC/45/44/Add.2). Le rapport annuel examine comment la pandémie de COVID-19 a révélé la discrimination raciale dans les institutions conçues pour conférer justice, équité et réparation, a-t-elle précisé, prenant pour exemple les personnes d’ascendance africaine qui, bien qu’ayant souffert d’infections et de mortalité à la COVID-19 de manière disproportionnée, n’ont pas bénéficié de la protection des forces de l’ordre. Au contraire, celles-ci ont ciblé les personnes d’ascendance africaine violemment et en toute impunité en appliquant les restrictions, a-t-elle déploré.
Pour Mme Day, il est d’une « importance vitale » que les États reconnaissent que les personnes d’ascendance africaine restent parmi les plus exposées et ont besoin de protection. Le fait de ne pas apprécier les risques auxquels sont confrontées ces populations a facilité les disparités raciales durant la pandémie, a-t-elle souligné, notant que le racisme systémique est au cœur de cette violence normalisée. À cet égard, a-t-elle relevé, la Déclaration de Durban reconnaît que les préjugés sociaux et la discrimination raciale qui prévalent dans les institutions publiques et privées continuent de créer des obstacles aux droits de l’homme pour les personnes d’ascendance africaine. De fait, a-t-elle soutenu, la discrimination raciale ne peut être atténuée en ignorant la race et en prétendant que les mentalités héritées du colonialisme et du commerce et trafic d’Africains réduits en esclavage n’existent plus. Elle a également estimé que le fait de ne pas conserver des données ventilées « cache les violations des droits de l’homme et l’impact de la pandémie de COVID-19 ».
Poursuivant, Mme Day a indiqué qu’au cours de la période considérée, le Groupe de travail s’est rendu en Équateur et au Pérou. Au cours de sa mission en Équateur, du 16 au 20 décembre 2019, il a pu constater que la Constitution équatorienne de 2008 protège les droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine et reconnaît les droits collectifs des Afro-Équatoriens. Il s’est aussi félicité du lancement par Quito d’une politique de mise en œuvre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. Malgré cela, a-t-elle ajouté, le Groupe de travail est préoccupé par la situation des droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine en Équateur, en raison notamment des activités des industries extractives et des graves dommages environnementaux qui affectent les Afro-Équatoriens.
Le Groupe de travail s’est ensuite rendu au Pérou, du 25 février au 4 mars 2020, et s’est félicité des bonnes pratiques adoptées par ce pays pour promouvoir les droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine. Néanmoins, a indiqué Mme Day, il reste préoccupé par la situation de ces personnes qui n’ont ni droits fonciers ni reconnaissance par l’État des droits collectifs et sont souvent exploités par les employeurs du secteur privé. Il est particulièrement inquiet pour les « populations intersectionnelles », c’est-à-dire les femmes, les migrants, les jeunes et les personnes LGBTI d’origine africaine. À l’occasion de son bicentenaire, a-t-elle plaidé, le Pérou devrait reconnaître de manière significative les contributions afro-péruviennes, lutter contre les pratiques d’exploitation du travail, assurer une éducation publique de qualité et des programmes incorporant les contributions des Afro-Péruviens, et intégrer les voix afro-péruviennes dans toutes les prises de décisions ayant un impact sur leurs communautés.
Évoquant ensuite les conséquences de la COVID-19 pour son mandat, elle a fait état du report des sessions annuelles à la fin de l’année et de la tenue de réunions virtuelles. La vingt-septième session publique, du 30 novembre au 4 décembre, se concentrera sur « l’urgence du présent »: le racisme systémique et les leçons de 2020, a annoncé Mme Day. Le Groupe de travail organisera par ailleurs une série de réunions régionales publiques avec des personnes d’ascendance africaine et la société civile, et une réunion d’experts sur ses Directives opérationnelles concernant l’inclusion des personnes d’ascendance africaine. La session publique précédemment prévue sur le racisme environnemental, la crise climatique et les personnes d’ascendance africaine se tiendra du 22 au 26 mars l’année prochaine, a-t-elle ajouté.
En outre, le Groupe de travail a participé au débat d’urgence sur le racisme systémique tenu par le Conseil des droits de l’homme (CDH) en juin, a-t-elle encore noté, avant d’appeler les États à rendre opérationnelle l’Instance permanente sur les personnes d’ascendance africaine afin qu’elle puisse commencer son « important travail ».
En conclusion, Mme Day a estimé qu’il est temps de s’attaquer aux « conséquences durables de l’injustice historique » et des pratiques qui normalisent le racisme systémique. Le déni des preuves de racisme systémique et l’impunité qui y est associée font échouer les demandes urgentes de justice et de changement, a-t-elle fait valoir, en citant le cas de Breonna Taylor, aux États-Unis. D’après elle, la protestation sociale mondiale a amplifié la demande mondiale pour que la violence contre les personnes d’ascendance africaine cesse et pour que les États soient des « diseurs de vérité » et des exécutants de la justice.
Dialogue interactif
La Fédération de Russie a constaté que, dans le contexte de la COVID-19, la nature systémique de la discrimination raciale, laquelle sous-tend le fonctionnement de tout le système étatique, y compris ses composantes sociales, économiques et politiques, « est particulièrement prononcée dans certains pays développés ». Évoquant les cas de discrimination raciale entraînant une absence d’accès aux soins médicaux, à la protection sociale, à l’emploi et à l’éducation, elle a appelé les États à prendre des mesures concrètes pour s’attaquer efficacement aux causes profondes du racisme systémique et à garantir les droits des personnes d’ascendance africaine dans la période actuelle.
Observant, elle aussi, que la pandémie a eu un effet transversal dans tous les domaines de la société et a exacerbé les discriminations, l’Union européenne a plaidé pour une réponse globale, avec le concours de l’ONU et de ses agences spécialisées. Dans ce contexte, elle a voulu connaître les meilleures pratiques permettant d’assurer la participation des personnes d’ascendance africaine à tous les niveaux de décision.
Rappelant les circonstances du décès de George Floyd, aux États-Unis, la Chine a mis l’accent sur les brutalités policières et les arrestations de manifestants contre le racisme dans ce pays. Chacun peut voir comment les personnes d’ascendance africaine sont traitées aux États-Unis, a souligné la délégation pour qui l’injustice sociale dans ce pays exige l’attention des États Membres. Relevant en outre que les Afro-Américains souffrent davantage des effets de la pandémie que les Américains blancs, notamment d’une discrimination dans l’accès aux soins de santé, elle a demandé à l’Assemblée générale de suivre cette situation de près et de prendre les mesures qui s’imposent.
Notant que le rapport annuel du Groupe de travail mentionne les différentes sociétés qui ont enregistré, pendant la pandémie, une aggravation des inégalités aux dépens des personnes d’ascendance africaine, le Brésil a souhaité savoir quel rôle pourraient jouer les instruments de lutte contre la discrimination en cours d’élaboration.
En réponse à ces questions et observations, la Présidente du Groupe de travail a tout d’abord observé que toutes les délégations ont constaté un creusement des inégalités au détriment des personnes d’ascendance africaine. En cette période de pandémie et alors que débute la deuxième moitié de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, elle a invité les pays à y réfléchir plus avant. Selon elle, il convient en premier lieu de faire en sorte que nos discours nationaux soient plus complexes et inclusifs afin de refléter tous les groupes de population. Elle a aussi appelé de ses vœux la création d’un espace de réflexion sur l’histoire, le colonialisme et les pratiques raciales qui se sont perpétuées. Nous avons besoin d’un changement de mentalité, a-t-elle estimé, jugeant que l’Instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine peut guider la discussion à ce sujet. Il est essentiel de complexifier l’identité nationale plutôt que de nier l’existence de pans entiers des populations, a-t-elle insisté.
S’agissant des pratiques optimales en la matière, la Président du Groupe de travail a souligné les efforts de certains pays qui s’emploient à nuancer le « propos national » et à prendre en compte toutes les voix, sans sélection, afin qu’elles puissent se faire entendre. Mais beaucoup reste à faire, a-t-elle convenu. Citant l’expérience de sa visite en Belgique, il y a un an, elle a dit avoir observé que les enfants d’origine africaine y étaient le plus souvent orientés vers une formation professionnelle plutôt que vers un enseignement long. On voit là l’impact qu’ont les enseignants dans ces pratiques, a-t-elle commenté, souhaitant que les personnes d’ascendance africaine aient autant de chances que les autres d’aller à l’université. Cela implique notamment une réforme des manuels scolaires tenant compte du rôle joué par les personnes d’ascendance africaine dans les différentes sociétés et affirmant leur appartenance pleine et entière à ces sociétés, a souligné Mme Day. Il faut aussi prendre en compte l’héritage du colonialisme, qui a banalisé la traite des esclaves, car il y a encore des « reliquats de cette mentalité », a-t-elle déploré, exhortant les pays à « dire la vérité sur l’histoire » et à « enrichir » leur discours national pour que toutes les communautés s’y reconnaissent.
Exposé
Mme E. TENDAYI ACHIUME, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a indiqué qu’en raison de « circonstances atténuantes », dues notamment à la pandémie de COVID-19 et à la levée de boucliers contre le racisme systémique qui a triplé sa charge de travail, elle n’était pas en mesure de présenter la version finale de son rapport thématique, rappelant au passage que les titulaires de mandats travaillent à titre bénévole avec très peu de ressources.
Elle a indiqué que ledit rapport porte sur la discrimination raciale, les technologies numériques émergentes et le contrôle des frontières et de l’immigration. Elle a mis en exergue le phénomène des « frontières numériques », dont le contrôle repose de plus en plus sur l’apprentissage par machine, des systèmes de prise de décisions algorithmiques automatisés, l’analyse prédictive et les technologies numériques associées. Ces technologies sont intégrées dans les documents d’identification, les systèmes de reconnaissance faciale, les capteurs au sol, les drones de vidéosurveillance aérienne, ainsi que les bases de données biométriques, entre autres.
Les gouvernements et les organisations internationales, y compris les agences humanitaires de l’ONU pour les migrants et les réfugiés, se tournent de plus en plus vers ces infrastructures, en partenariat étroit avec des entreprises technologiques privées. Pour les gouvernements et les organisations internationales, l’attrait de cette technologie est une plus grande efficacité dans les tâches associées au contrôle des frontières et de l’immigration, tandis que le secteur privé tient à tirer des bénéfices considérables de l’expansion du contrôle numérique des frontières et de l’immigration.
Mme Achiume a notamment mis en garde contre le « complexe industriel frontalier » où les intérêts financiers liés à la numérisation du contrôle des frontières et de l’immigration sont les moteurs de l’expansion d’une industrie qui provoque des violations flagrantes des droits de l’homme des réfugiés, des migrants, des apatrides et d’autres groupes apparentés. Même lorsque l’adoption de technologique numérique novatrice est motivée par de bonnes intentions, ces innovations méritent un examen approfondi. La technologie n’est jamais neutre mais est façonnée par les mêmes structures d’inégalité qui opèrent dans la société, a-t-elle signalé. Et, il a été démontré qu’accorder une confiance aveugle à son pouvoir de vaincre le racisme contribue à des résultats discriminatoires. En effet, un des plus grands défis à relever pour lutter contre l’utilisation et la conception racialement discriminatoires des technologies numériques se trouve dans les approches qui considèrent que ce problème est purement technologique et que les informaticiens peuvent le résoudre en créant des algorithmes « sans biais ».
Parmi les exemples de discrimination raciale liés à l’utilisation des technologies numériques dans le contrôle des frontières, elle a cité les incitations à la discrimination contre les réfugiés et les migrants qui circulent sur les médias sociaux et qui peuvent provoquer des actes de violence. Des actes discriminatoires directs ou indirects peuvent également résulter de la collecte obligatoire de données biométriques; de systèmes d’enregistrement automatisés; ou encore l’extraction de données provenant de téléphones mobiles et de renseignements figurant sur les réseaux sociaux au sujet des migrants et des réfugiés. Elle a aussi mis en garde contre les structures d’exclusion racialement discriminatoires associées à la surveillance humanitaire, à l’expérimentation technologique, à l’externalisation des frontières et au contrôle de l’immigration.
Elle a appelé les États à élaborer des approches éthiques pour la gestion des technologies, conformément au droit international des droits de l’homme, et à veiller à ce que ces approches éthiques ne fonctionnent pas comme un substitut à l’application des obligations juridiquement contraignantes existantes.
La Rapporteuse spéciale a ensuite présenté un rapport consacré à la montée de l’antisémitisme, de la discrimination raciale et des théories du complot dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Elle a indiqué que la pandémie avait révélé les liens entre les crises liées à la « catastrophe » de la santé publique et aux rhétoriques et politiques ethnonationalistes. Alors que les régimes populistes et les extrémistes exploitent et alimentent les inquiétudes à propos de la pandémie, il est devenu de plus en plus évident que l’ethnonationalisme n’est pas un problème marginal mais qu’il affecte les structures qui sont censées soutenir la promotion et la protection des droits de l’homme, a-t-elle mis en garde. En plus de documenter la nature des violations qui ont été omniprésentes au cours de cette période, le rapport souligne l’urgence de ripostes à la pandémie qui garantissent les principes fondamentaux d’égalité et de non-discrimination.
Dialogue interactif
Quelles mesures peuvent être prises pour lutter contre l’intolérance et l’antisémitisme? a demandé le Royaume-Uni, suite à quoi la Rapporteuse spéciale a indiqué que le partenariat établi entre le Gouvernement britannique et les communautés juives pour lutter contre l’antisémitisme est un exemple à suivre.
À l’Algérie, qui voulait connaître le thème de la célébration du vingtième anniversaire de la Déclaration de Durban l’année prochaine, la Rapporteuse spéciale a insisté sur la nécessité de communiquer à l’extérieure de l’ONU sur le contenu et la portée de ladite déclaration. Quelles sont les meilleures pratiques pour mener des consultations pendant la pandémie avec les groupes les plus vulnérables dont les personnes avec un statut migratoire irrégulier? a voulu savoir le Mexique. Selon la Rapporteuse spéciale, il existe de nombreux moyens d’interagir avec ces groupes tout en respectant la distanciation sociale.
Que faire pour combattre l’islamophobie, a demandé à son tour le Pakistan suite à quoi la Rapporteuse spéciale a insisté sur la responsabilité des dirigeants politiques. Et comment respecter l’équilibre entre la liberté d’expression et la liberté religieuse, ont voulu savoir la Fédération de Russie et la Malaisie. Les différentes libertés ne doivent pas être opposées entre elles, ce qu’il faut c’est établir un équilibre entre elles, a indiqué la Rapporteuse spéciale.
L’Union européenne s’est inquiétée du rôle de l’intelligence artificielle dans la propagation des messages haineux et discriminatoires. Comment lutter contre les théories du complot? C’est un problème difficile, a reconnu la Rapporteuse spéciale qui a recommandé d’examiner les différents modes de fonctionnement des discours de haine, soulignant en outre la responsabilité des plateformes sociales. Pour ce qui est des théories du complot, c’est un problème grave, a indiqué la Rapporteuse spéciale, car elles nourrissent la discrimination. Les dirigeants politiques ne doivent pas être complices de ces théories.
S’agissant de la contribution de la société civile à la lutte contre la discrimination, une question soulevée par les États-Unis, la Rapporteuse spéciale a appelé à la mise en œuvre des obligations juridiques des gouvernements, notant que celles-ci doivent également être respectées par les acteurs du secteur privé. La Norvège s’est préoccupée de la protection des jeunes défenseurs des droits de l’homme, y compris en ligne. Ce que l’on voit en ligne est un reflet de ce l’on voit dans le monde réel, a expliqué la Rapporteuse spéciale qui a reconnu que les défenseurs des droits de l’homme ne sont pas suffisamment protégés dans les deux mondes. Elle par ailleurs fait observer, en réponse au Venezuela, que son mandat ne couvre par la question de la contribution des politiques coercitives unilatérales à l’intolérance et à la discrimination raciale.
Exposé
M. TAONGA MUSHAYAVANHU, Président-Rapporteur du Comité spécial du Conseil des droits de l’homme chargé d’élaborer des normes complétant la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui a présenté le dernier rapport (A/HRC/42/58) de cet organe, a indiqué qu’en avril 2019, le Comité a consacré un temps considérable à la négociation d’éléments susceptibles de constituer un protocole additionnel à la Convention. Puis, en octobre 2020, des experts juridiques ont délibéré sur quatre « modules ».
S’agissant de la diffusion de discours de haine, les experts ont noté la nécessité d’utiliser un langage précis à des fins de pénalisation. Les débats ont également porté sur le manque de définition du terme « discours de haine » et l’absence de référence à « l’incitation à la haine ». Une discussion préliminaire sur l’impact des discours en et hors ligne a également eu lieu.
Pour ce qui est de la cybercriminalité raciale, les discussions ont porté sur la prévention et l’établissement des responsabilités, le pouvoir des entreprises technologiques et l’équilibre à établir entre le Protocole facultatif, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et les articles 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En outre, les experts ont noté que la notion de crime de haine n’était pas une catégorie juridique dans de nombreux pays.
Les experts se sont également penchés sur toutes les formes contemporaines de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, dans le but de déterminer si le Protocole devrait tenir compte de la religion et de la conviction, s’il existe un écart de protection en matière de discrimination dans ces domaines, et s’il ne vaudrait pas mieux répondre au problème avec une convention plutôt qu’un protocole additionnel à la Convention.
Les discussions ont aussi porté sur les mesures préventives pour lutter contre la discrimination raciale et xénophobe, les experts ayant cherché à déterminer si ces mesures s’appliquent uniquement aux États ou également aux entités corporatives.
Le Président a souligné que les travaux du Comité sont particulièrement pertinents compte tenu du fait que de nombreuses personnes continuent d’être victimes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie ou d’intolérance. Il a rappelé les manifestations qui ont vu le jour suite au meurtre de George Floyd, un Afro-Américain non armé tué par la police, ainsi que l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la santé des personnes d’ascendance africaine, ainsi que les discriminations dont ont été l’objet les personnes d’ascendance asiatique.
À la lumière de ces faits, le Comité doit continuer de renforcer la protection des victimes au nombre toujours croissant de ces fléaux. Des lois sont nécessaires pour lutter efficacement contre la discrimination, la xénophobie et autres intolérances connexes, et bien que la pénalisation soit l’objectif, le Comité devrait également continuer d’envisager des mesures préventives qui permettraient de compléter la pénalisation.
Dialogue interactif
Quels sont les défis auxquels se heurte le Comité dans l’exécution de son mandat, a demandé le Zimbabwe qui a par ailleurs appelé à la pleine mise en œuvre de la Déclaration de Durban.
L’Union européenne a estimé que la Convention devrait être la base de tous les efforts de lutte contre le racisme. « Notre action devrait être la pleine mise œuvre de la Convention, car celle-ci n’a pas de lacunes », a-t-elle déclaré.
Répondant aux délégations, le Président du Comité spécial a insisté sur l’importance de la volonté politique pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie. Il a encouragé les États Membres à faire part de leurs vues, notamment sur le fait de savoir s’il est important d’avoir un protocole additionnel ou pas.