La Troisième Commission examine l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la vie privée, le droit à la santé et les personnes LGBT
L’impact sur le respect de la vie privée de l’utilisation de la technologie dans la réponse à la COVID-19 a mobilisé, aujourd’hui, l’attention de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, qui a également scruté l’impact de la crise sanitaire sur les personnes LGBT et le droit à la santé au cours d’une série de dialogues virtuels avec des titulaires de mandat.
« Le droit à la vie privée a été gravement et négativement affecté par la pandémie de COVID-19. » Tel a été le constat du Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée qui s’est préoccupé des répercussions de l’utilisation de la technologie pour effectuer le traçage des contacts dans le contexte de la crise sanitaire actuelle.
Même si le traçage des contacts porte atteinte à la vie privée, il peut être considéré comme une mesure de santé publique nécessaire, a reconnu M. Joseph Cannataci. Mais ce qui est préoccupant, ce sont les informations selon lesquelles les données personnelles et sanitaires, combinées à la technologie, sont utilisées pour exercer un contrôle sur les citoyens, et vraisemblablement avec un effet limité sur la santé publique, a fait savoir le Rapporteur pour qui ces mesures, même si elles sont légales, sont sujettes à caution quant à leur nécessité et leur proportionnalité.
Le principal risque pour la vie privée réside dans l’utilisation de méthodes non consensuelles, telles que la surveillance hybride, qui peuvent être utilisées à d’autres fins. Et dans certaines parties du monde, le traçage au moyen de la technologie est devenu dangereusement proche de la surveillance incessante et omniprésente, s’est-il inquiété. Au cours du dialogue interactif, plusieurs délégations, comme le Royaume-Uni et Malte, n’ont pas non plus écarté le risque que des États ne reviennent plus aux normes prépandémiques une fois que le risque de la COVID-19 sera atténué.
Les délégations se sont ensuite préoccupées de l’impact de la crise de la COVID-19 sur le droit à la santé, exposé par la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible.
Mme Tlaleng Mofokeng a présenté un rapport qui indique que l’impact du virus est davantage déterminé par la politique de santé publique, le leadership, les inégalités socioéconomiques, le racisme systémique et la discrimination structurelle que par des facteurs biologiques. Ce document souligne que la réalisation du droit à la santé physique et mentale, avant, pendant ou après une crise de santé publique, exige que tous les droits de l’homme soient pleinement respectés.
La Rapporteuse a également insisté sur le fait que les inégalités en matière de santé ne peuvent être surmontées par le seul système de santé car elles dépendent également de « déterminants sous-jacents et sociaux de la santé ». De nombreuses causes majeures de mauvaise santé mentale et physique découlent des atteintes à la dignité et des violations d’autres droits, y compris les droits à l’égalité, à la sécurité et à une participation égale dans la société, a-t-elle fait savoir.
Le même constat a été souligné par l’Expert indépendant chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre qui s’est préoccupé de la situation des personnes LGBT.
C’est en effet parmi les populations les plus pauvres, sans abri, sans accès aux soins de santé, que cette catégorie est surreprésentée, subissant de plein fouet l’impact du virus, a alerté M. Victor Madrigal-Borloz. Les personnes LGBT dépendent souvent des économies informelles fortement touchées par les restrictions dues à la COVID-19, tandis que la réponse à la pandémie exacerbe la discrimination, l’exclusion sociale et la violence.
À l’unisson, les délégations ont dénoncé le prétexte de la pandémie pour discriminer les personnes LGBT, s’interrogeant, à l’instar du Japon, sur les pratiques optimales à mettre en œuvre pour lutter contre ce phénomène.
Tout en reconnaissant qu’un « travail titanesque » doit être abattu, l’Expert indépendant a appelé à aller « au-delà des sentiers battus », car si les politiques sont décidées sans contribution de la société civile LGBT, « elles seront sans intérêt ».
La couverture de cette séance a été compromise par une série de problèmes d’ordre technique.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 30 octobre, à partir de 15 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Déclarations liminaires de titulaires de mandat au titre des procédures spéciales et d’autres experts, suivies d’un dialogue interactif
Exposé
M. JOSEPH CANNATACI, Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée, a d’emblée fait observer que la pandémie actuelle a mis en évidence l’importance de la vie privée en tant que droit de l’homme en ces temps difficiles. M. Cannataci, qui présentait son cinquième et dernier rapport annuel (A/75/147), a expliqué qu’en raison de contraintes de temps, le document ayant dû être rédigé en juillet, de nombreux aspects de l’impact de la COVID-19 sur la vie privée n’ont pas pu être examinés en détail. Sept mois après l’irruption de la pandémie, « nous ne disposons toujours pas de données suffisantes » pour évaluer correctement l’impact de toutes les mesures adoptées. Mais une chose est sûre, a-t-il souligné, le droit à la vie privée a été gravement et négativement affecté par la pandémie.
M. Cannataci a expliqué que, dans le contexte de la lutte contre le virus, les données sur les individus sont devenues un outil essentiel pour les gouvernements, les scientifiques et d’autres acteurs - y compris les entreprises. Les crises de santé publique ont toujours fourni une base légitime pour le traitement des données, et même si le traçage des contacts porte atteinte à la vie privée, il peut être considérée comme une mesure de santé publique nécessaire, a-t-il reconnu.
Mais ce qui est préoccupant, ce sont les informations selon lesquelles les données personnelles et sanitaires, combinées à la technologie, sont utilisées pour exercer un contrôle sur les citoyens, et vraisemblablement avec un effet limité sur la santé publique. Même si elles sont légales, ces mesures sont sujettes à caution quant à leur nécessité et leur proportionnalité.
Il a indiqué que certains gouvernements et entreprises technologiques ont étendu le traçage manuel traditionnel des contacts à l’aide de la technologie pour suivre les personnes dont le test de dépistage à la COVID-19 s’est révélé positif, ainsi que leurs contacts. Les données générées ont permis de dresser des profils très exhaustifs des patients et de leurs contacts. Or, ces données suscitent des intérêts divers, variés et inégaux. Il a souligné qu’il existe suffisamment d’orientations pour permettre aux pays qui collectent des données dans le cadre de la riposte à la pandémie de COVID 19, de veiller à ce que leur utilisation soit légale, nécessaire et proportionnée dans une société démocratique. Il a notamment cité les orientations fournies par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ainsi que le règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne et la Convention no 108 du Conseil de l’Europe qui considèrent que les données sanitaires sont une « catégorie spéciale » nécessitant une forme de protection.
S’agissant de l’utilisation de la technologie dans les réponses aux pandémies, il a regretté que l’ingénierie de la protection de la vie privée ne soit pas aussi présente qu’elle le devrait.
Le principal risque pour la vie privée réside dans l’utilisation de méthodes non consensuelles, telles que la surveillance hybride, qui peuvent être utilisées à d’autres fins. Le traçage au moyen de la technologie est devenu, dans certaines parties du monde, dangereusement proche de la surveillance incessante et omniprésente, s’est-il inquiété. Et une telle surveillance n’est pas la panacée pour la pandémie de COVID-19.
Les pays qui ont réussi à lutter efficacement contre la COVID-19 en utilisant des méthodes traditionnelles de traçage des contacts, sans l’utilisation des applications de smartphones, de la géolocalisation ou d’autres technologies, ont insisté sur ce point, a-t-il fait observer. Toute mesure portant atteinte à la vie privée, notamment la surveillance technologique dont il est facile d’abuser, doit être manifestement légale, nécessaire et proportionnée, a-t-il souligné.
Le DP-3T (Decentralised Privacy-Preserving Proximity Tracing), un protocole open source de suivi basé sur Bluetooth, dans lequel les contacts d’un téléphone individuel ne sont stockés que localement, est, à ses yeux, un exemple de pratique prometteuse qui intègre le respect de la vie privée dans la conception.
Le Rapporteur spécial a ensuite indiqué que, dans le cadre de l’évaluation objective des mesures de santé publique prises face à la COVID 19, il faudra déterminer si d’autres méthodes auraient permis d’éviter les décès dans la même mesure que les stratégies envahissant la vie privée qui ont été déployées. Ce « test » permettrait de déterminer si la mesure est nécessaire et proportionnée dans une société démocratique et si elle est autorisée par le droit international relatif à la vie privée.
Dialogue interactif
« La pandémie aura-t-elle des effets à long terme sur la vie privée, étant donné les moyens techniques utilisés? » a demandé Malte, rappelant au passage que le traçage des populations devait respecter les droits de l’homme, dans le cadre d’une « responsabilité sociale proportionnée, temporaire et non discriminatoire ».
L’Union européenne a estimé que les technologies numériques susceptibles de contribuer à la lutte contre la pandémie doivent être utilisées dans le plein respect des droits de l’homme, y compris le droit à la vie privée. Dans ce contexte, comment les États peuvent-ils s’assurer que leurs réponses à la pandémie respectent et protègent spécifiquement le droit à la vie privée de groupes ou personnes spécifiques?
Le Rapporteur spécial envisage-t-il le risque que certains États ne reviennent plus aux normes prépandémiques une fois que le risque de la COVID-19 sera atténué, et continuent à appliquer des niveaux de surveillance de leur population élevés, a demandé le Royaume-Uni qui a assuré utiliser de multiples mesures de protection « pour éviter toute surveillance non autorisée », de façon systématique.
À son tour, l’Allemagne a voulu prendre connaissance des exemples de meilleures pratiques de respect de la vie privée, expliquant par ailleurs avoir procédé à une décentralisation des données de traçage. Appartenant à divers groupes de pays défendant le droit international relatif à la vie privée dans l’espace numérique, le Mexique a appelé à ce que les initiatives visant à juguler le virus ne servent pas à des activités de marginalisation ou de répression de groupes vulnérables.
La Chine a dénoncé des actes de « surveillance électronique à large échelle » commis par « les États-Unis et d’autres pays » qui, selon elle, « violent les droits des citoyens », et les principes fondamentaux du droit international. « La NSA, le FBI, la CIA ont collecté des informations venant des courriels et des chats depuis longtemps; et le système PRISM viole systématiquement les droits à la vie privée », a-t-elle décrié. La délégation a appelé les États-Unis à faire cesser « ces violations à grands échelle ».
Pour la Fédération de Russie, le droit à la vie privée ne peut être « absolu », et l’intérêt de la société doit prévaloir sur le respect de la vie privée des individus. L’accès aux données personnelles, en revanche, doit être conforme aux normes du droit international selon la Russie, qui a jugé important que la communauté internationale, ainsi que les entreprises de technologies de l’information et des communications (TIC), fournissent une assistance technique aux États Membres.
Au nom du Groupe de Genève, le Brésil a par ailleurs regretté que, malgré les visites du Rapporteur spécial dans six pays différents, aucun rapport relatif à ces visites n’a été publié à temps, ce qui les rend moins utiles aux débats ultérieurs. Le Groupe a espéré que ces rapports seront disponibles plus tôt à l’avenir.
Répondant aux questions et observations, le Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée a indiqué avoir compilé des recommandations détaillées sur les questions relatives à la vie publique, invitant les États Membres à les mettre en œuvre. Pour lui, les données liées à la COVID-19 relèvent des données sanitaires, mais il faudrait, cependant, les étoffer plus en avant. Il a indiqué qu’un rapport sur toutes les applications et toutes les mesures prises dans différents pays est en cours de préparation, mais que les informations en la matière restent assez vagues à ce stade.
Les technologies sont-elles utiles, sont-elles fiables? Et, si elles ne sont pas utilisées par les populations, est-ce en raison d’un manque de confiance ou alors leur efficacité n’a pas encore été démontrée? Autant de questions complexes qui méritent d’être étudiées et auxquelles il compte apporter des réponses mises à jour d’ici à juin prochain.
Quant à la mesure du risque, il a pris l’exemple d’entreprises qui ont offert aux gouvernements du monde entier des solutions de surveillance. Il est maintenant relativement bon marché pour les gouvernements de déployer ces outils qui ne sont pas toujours efficaces pour lutter contre la COVID-19, mais une fois mis en place, les pays pourraient être tentés de continuer à les utiliser. À cet égard, il a indiqué que « nous collectons des données » qui feront l’objet de discussions plus tard.
M. Cannataci a par ailleurs appelé la Chine à accepter sa demande de visite pour lui permettre de constater par lui-même comment fonctionnent dans la pratique les mesures de protection mises en place par le Gouvernement. Il a aussi précisé que les rapports sur les visites effectuées dans les différents pays feront l’objet de discussions à Genève en mars 2021.
Exposé
S’adressant pour la première fois à la Troisième Commission, Mme TLALENG MOFOKENG, Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a indiqué d’entrée qu’elle avait pris ses fonctions au mois d’août, en pleine pandémie de COVID-19 qui « met plus que jamais en évidence l’importance du droit à la santé et son interconnexion avec tous les droits humains ». Elle a ensuite précisé que sa présentation concernerait le rapport (A/75/163) préparé par son prédécesseur, M. Dainius Pūras, lequel a analysé la crise actuelle au prisme des principes du droit à la santé qu’il a développés au cours de son mandat de six ans.
Ce rapport soutient que l’impact du virus est davantage déterminé par la politique de santé publique, le leadership, les inégalités socioéconomiques, le racisme systémique et la discrimination structurelle que par des facteurs biologiques, a-t-elle expliqué. M. Pūras y exprime notamment sa préoccupation face à l’utilisation « omniprésente et invasive » de la technologie pour régir la vie quotidienne. Il conclut que la réalisation du droit à la santé physique et mentale, avant, pendant ou après une crise de santé publique, exige que tous les droits de l’homme soient pleinement respectés, a relaté Mme Mofokeng. Le rapport souligne aussi la nécessité de protéger les personnes en situation de vulnérabilité contre les impacts économiques et sociaux de la crise, a-t-elle ajouté, insistant sur le fait que les inégalités en matière de santé ne peuvent être surmontées par le seul système de santé car elles dépendent également de « déterminants sous-jacents et sociaux de la santé ». Selon elle, de nombreuses causes majeures de mauvaise santé mentale et physique découlent des atteintes à la dignité et des violations d’autres droits, y compris les droits à l’égalité, à la sécurité et à une participation égale dans la société.
Abordant les grandes lignes de son mandat pour les trois prochaines années, la Rapporteuse spéciale a expliqué qu’elle s’appuierait sur le principe central de dignité, qui « imprègne le droit à la santé ». En tant que femme noire, elle a dit comprendre que les gens ne sont pas intrinsèquement vulnérables, mais que leurs vulnérabilités sont causées par les obstacles auxquels ils sont confrontés dans les contextes sociaux, économiques et politiques dans lesquels ils vivent. À cette aune, elle espère mieux comprendre l’impact négatif de la colonisation, du racisme et des structures oppressives inscrites dans l’architecture mondiale de la santé, qui a, selon elle, un « impact disproportionné » sur les Noirs, les peuples autochtones et les communautés de couleur ainsi que ceux des pays en développement.
Mme Mofokeng a indiqué qu’en tant que médecin et praticien de la santé en matière de santé sexuelle et reproductive, elle souhaite s’appuyer sur les travaux déjà réalisés dans ce domaine. De l’avis de l’experte, une question importante est l’impact de la criminalisation et la nécessité d’une absence de discrimination en ce qui concerne les problèmes de santé liés à la consommation de drogues, au travail du sexe, aux personnes LGBTA+ et intersexuées, aux avortements sécurisés, à la santé des personnes handicapées et à la santé mentale des adolescents.
Exprimant son inquiétude quant aux questions de violence sexiste et de violations sur la base de l’orientation sexuelle réelle ou imputée ou encore de l’identité de genre, elle s’est aussi déclarée préoccupée par le soutien insuffisant apporté aux victimes. Elle a évoqué, à cet égard, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et asexuées mais aussi les survivantes de violence sexiste et de féminicide dans de nombreux pays.
Dans le cadre de son mandat, la Rapporteuse spéciale prévoit en outre d’accorder une attention particulière aux questions de financement de la santé, y compris sexuelle et reproductive, de maladies négligées, de changements climatiques, de migration et d’innovation. Enfin, elle souhaite approfondir le travail effectué par ses prédécesseurs au sujet des agents de santé, qui sont essentiels pour garantir la disponibilité, l’acceptabilité, l’accessibilité et la qualité des services de santé pour tous.
Dialogue interactif
La Fédération de Russie a tout d’abord souhaité que les titulaires de mandat évitent les doublons dans leurs activités. La délégation a ensuite présenté les différentes mesures prises en Russie pour riposter à la COVID-19, indiquant que le pays a été le premier à fermer ses frontières pour protéger sa population. En outre, a précisé la délégation, la Russie a créé un conseil national de lutte contre le virus, renforcé les services d’urgence de ses établissements de soins et instauré des mécanismes de paiement supplémentaires pour les médecins et les agents de santé. Parallèlement, 370 laboratoires analysent les tests de dépistage et plus de 58 millions de citoyens russes en ont déjà bénéficié. La Russie a également été le premier pays à développer des vaccins. Le premier a été enregistré le 11 août et fait l’objet de tests, tandis que le deuxième, qui a été enregistré le 13 octobre, entrera en phase de test le 1er janvier 2021.
La COVID-19 entraîne en effet stress et angoisse en raison de la distanciation physique et de l’isolement qu’elle impose, mais aussi de ses impacts comme le chômage et la violence domestique, a constaté l’Union européenne. Malgré la demande croissante dans le monde entier, a noté l’UE, les services de santé mentale essentiels sont perturbés ou à l’arrêt dans 93% des pays. La délégation a aussi demandé à la Rapporteuse spéciale ce qu’elle considère être la question la plus urgente pour son mandat.
Le Qatar s’est félicité de la baisse du nombre de personnes infectées dans le pays ainsi que du nombre de patients hospitalisés, attribuant ces diminutions aux mesures de prévention et de traitement prises par son gouvernement sans discrimination d’aucune sorte. Le pays, a-t-il ajouté, s’emploie également à fournir des soins de santé mentale au travers de ses différentes institutions de santé publique.
S’exprimant au nom des coprésidents des 23 pays membres du Groupe des Amis de la solidarité pour la sécurité sanitaire mondiale, la République de Corée a jugé essentiel, face à la résurgence des épidémies, d’améliorer la prévention et le dépistage grâce à une action coordonnée et une coopération internationale robuste. Elle a aussi plaidé pour que les mesures d’urgence prises contre la COVID-19 soient provisoires et proportionnées.
El Salvador a estimé à son tour que, dans la situation de crise sans précédent que connaît le monde, la solution va au-delà des questions de traitement et de vaccin. La véritable solution réside, selon lui, dans la coopération internationale afin de faire de la lutte contre la pandémie une priorité dépassant les intérêts nationaux. La délégation a indiqué qu’au plan national, une attention particulière est portée, en matière de santé mentale, aux femmes enceintes ou venant d’accoucher, aux enfants de moins de 5 ans et aux personnes souffrant de troubles psychologiques.
L’Algérie a souligné qu’il revient à chaque pays de définir ses politiques de santé publique et appelé à garantir le libre accès aux traitements et aux médicaments. C’est la condition nécessaire pour assurer la bonne santé physique et mentale des populations, a-t-elle affirmé. Évoquant les effets de la COVID-19 dans le monde, elle a ensuite souligné l’importance de la diplomatie multilatérale sanitaire pour lutter contre ces difficultés sans politisation. Selon elle, la pandémie doit être l’occasion de créer un monde fondé sur la solidarité, notamment en matière de santé.
La Chine a, elle aussi, appelé à renforcer la coopération internationale pour mettre fin à la crise sanitaire. À cet égard, la délégation a fait remarquer que les efforts de maîtrise de la pandémie en Chine ont enregistré de « bons résultats ». Nous avons respecté nos obligations internationales et immédiatement alerté l’OMS et les pays, a-t-elle indiqué. Nous avons fourni des diagnostics et nous communiquons ces données aux parties intéressées. Nous continuerons à travailler avec toutes les parties pour lutter contre cette pandémie et y mettre fin, a-t-elle assuré.
Même son de cloche du côté de Cuba qui a plaidé pour davantage de coopération internationale pour éviter que le droit à la santé recule dans le monde. La délégation a ensuite observé que la pandémie a mis à nu la politique discriminatoire des États-Unis, qui néglige les soins de santé pour les Américains désavantagées et menace ceux des pays comme Cuba. Elle a dénoncé à cet égard la campagne des États-Unis visant à discréditer l’envoi dans 59 pays de brigades de santé cubaines en dépit de l’embargo imposé à l’île.
Reprenant la parole, cette fois à titre national, la République de Corée a indiqué qu’elle remédie à l’impact de l’utilisation de la technologie sur les droits de l’homme en mettant l’accent sur la dignité des personnes. La délégation a mentionné, à titre d’exemple, l’introduction d’un dépistage anonyme; la mise à disposition de ressources pour les personnes handicapées, ainsi que le renforcement des lignes directrices concernant l’usage des données et la protection de la vie privée. Selon la délégation, la participation civique aux mesures de distanciation sociale a contribué au succès des mesures prises, de même que la politique de couverture sanitaire universelle qui permet d’obtenir des services de dépistage et de soins à bas coût.
« La COVID-19 a agi comme un révélateur en montrant que la communauté internationale n’était pas prête à affronter une telle crise », a déclaré la Rapporteuse spéciale en réponse aux commentaires des délégations. Les systèmes de santé publique manquent de matériels essentiels, en particulier de moyens de dépistage de la maladie, et, pour de nombreuses personnes dans le monde, la santé reste défaillante en termes d’accès, a-t-elle fait observer.
Pour la Rapporteuse spéciale, les différents exemples fournis par les délégations peuvent servir d’inspiration pour la coopération internationale car certains pays enregistrent des résultats encourageants en matière de soutien social aux personnes. Pour que chacun puisse jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, il faut que soient respectés les droits à l’information, à la dignité et à la non-discrimination, a-t-elle soutenu. Parmi les mesures prophylactiques, le droit à l’information est, selon elle, essentiel car on ne peut empêcher la propagation du virus dans les pays qui n’ont pas de système d’information et de sensibilisation correct. Parfois, a-t-elle relevé, la peur prend le dessus, en particulier chez les enfants, et les pays manquent souvent d’expertise pédiatrique.
Mme Mofokeng s’est également déclarée préoccupée par les effets de la pandémie sur la santé de nombreux travailleurs, notamment ceux qui sont employés dans des chaînes de production alimentaire et qui sont souvent des femmes. Ces personnes n’ont pas suffisamment de protection sur le plan du droit du travail, a-t-elle alerté, appelant à la mise en place de systèmes d’appui.
Convaincue de la nécessite de tenir compte des facteurs sociaux pour répondre à la pandémie, Mme Mofokeng a également souhaité qu’un soutien soit apporté aux États pour qu’ils réforment leurs lois et programmes empêchant encore l’accès de tous aux soins de santé. Il est crucial, à cet égard, que le droit à la santé sexuelle et reproductive demeure accessible, a-t-elle souligné, rappelant qu’il s’agit d’une partie intégrante du droit à la santé. Elle a par ailleurs plaidé pour que la propriété intellectuelle permette une accessibilité universelle aux données de santé. Ce n’est que par cet effort de transparence que l’on pourra mettre l’humain au cœur de l’action, a assuré la Rapporteuse spéciale.
Exposé
M. VICTOR MADRIGAL-BORLOZ, Expert indépendant chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, a indiqué que les personnes LGBTI sont surreprésentées parmi les populations pauvres, sans abri ou sans accès aux soins de santé, ce qui les rends particulièrement vulnérables aux impacts de la COVID-19 (A/75/258).
De plus, la réponse à la pandémie a exacerbé la discrimination, l’exclusion sociale et la violence susmentionnées. L’existence de lois de criminalisation, par exemple, expose davantage les personnes LGBT aux mauvais traitements, aux arrestations et détentions arbitraires. En restant à la maison, les jeunes LGBT subissent la violence domestique. Par ailleurs, les personnes LGBT dépendent souvent des économies informelles fortement touchées par les restrictions imposées en raison de la COVID-19. La réaffectation des ressources de santé a intensifié les pénuries de traitement pour les personnes vivant avec le VIH et ont eu un impact sur la capacité des hommes et des femmes transgenres à recevoir une thérapie hormonale ou des soins sexospécifiques. À cela s’ajoute l’augmentation des discours de haine incitant à la violence contre les personnes LGBT, y compris les discours d’éminents dirigeants politiques ou religieux imputant l’existence de la pandémie aux personnes LGBT. Certains États ont également adopté des mesures qui ciblent intentionnellement les personnes LGBT sous le couvert de santé publique.
L’Expert a fait des propositions sous forme de lignes directrices pour améliorer la vie des personnes LGBT durant la pandémie, et une fois que la crise a été surmontée. Il a notamment appelé à reconnaître que les personnes LGBT existent partout et qu’elles sont durement touchées par la pandémie. Le soutien du travail de la société civile LGBT et des défenseurs des droits humains est aussi important, et il importe de protéger les personnes LGBT contre la violence et la discrimination dans le contexte de la pandémie. Enfin, les personnes LGBT doivent être représentées au sein des processus de conception, de mise en œuvre et d’évaluation des mesures spécifiques à la COVID-19.
M. Madrigal-Borloz a indiqué que les organisations LGBT ont forgé un système d’alerte précoce, de collecte de données, de secours d’urgence, de sensibilisation et de suivi. Ce système est d’une profonde valeur pour les personnes LGBT, car il a démontré sa capacité unique à répondre efficacement aux besoins aux niveaux les plus intimes et locaux. Ce système a joué un rôle déterminant pour créer des alliances mondiales uniques, notamment pour lutter contre le VIH ainsi que pour initier une transformation sociale d’une ampleur sans précédent en favorisant l’inclusion des personnes LGBT dans la société.
Dialogue interactif
Que faire pour éviter que la pandémie soit érigée en prétexte pour limiter les droits des personnes LGBT? Et comment établir un dialogue avec les instances religieuses notamment dans le cadre du mariage de personnes du même sexe? a demandé l’Espagne.
La réponse à la pandémie doit garantir l’égalité d’accès aux services aux personnes LGBTI, y compris les services de santé, la protection sociale, l’emploi et le logement, et les protéger de la violence et de la discrimination, a déclaré l’Union européenne qui a voulu savoir par quel moyen faire avancer la représentation des personnes LGBTI dans le processus de conception, de mise en œuvre et d’évaluation des mesures spécifiques à la COVID-19.
Quelles ripostes mettre en place pour lutter contre la discrimination des personnes LGBTI, a demandé le Mexique au nom d’un groupe de pays, une question également évoquée par l’Irlande qui a voulu savoir s’il existe des exemples de meilleures pratiques de mise en œuvre des lignes directrices définies par l’Expert. La délégation a également exhorté les États à garantir un environnement sûr et propice aux personnes LGBTI.
Le Royaume-Uni s’est intéressé à la collecte de données concernant l’impact de la COVID-19 sur les personnes LGBTI. Comment encourager les pays à collecter ces données en toute sécurité? Y a-t-il d’autres méthodologies que les réseaux et comment s’assurer que les États n’abusent pas de ces données? À ce sujet, les Pays-Bas ont voulu savoir comment les États pourraient contribuer à ces efforts. Et quelles stratégies mettre en œuvre pour améliorer la collecte de données sur les personnes LGBTI sans pour autant leur nuire, ont demandé à leur tour les États-Unis qui se sont par ailleurs déclarés préoccupés par les lois criminalisant le statut ou la conduite LGBTI et dont l’impact négatif peut être renforcé par les restrictions d’urgence liées à la pandémie.
Comment lutter contre les pratiques de diabolisation dans les régions où les discriminations existent, a demandé à son tour la Nouvelle-Zélande qui s’est enorgueillie d’avoir un des parlements les plus « arc-en-ciel » au monde.
La persistance des violences et des discours homophobes et transphobes, parfois encouragés par des autorités publiques, a également préoccupé la France qui a voulu savoir dans quelle mesure les États peuvent faciliter les activités de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme dans le contexte sanitaire actuel et contribuer à la visibilité des personnes LGBTI?
L’Allemagne a voulu en savoir plus sur les répercussions de la pandémie pour les personnes LGBTI, Malte a appelé à s’assurer que cette communauté ne fasse pas l’objet de discrimination dans le cadre des mesures prises pour lutter contre la pandémie, et l’Argentine s’est intéressée aux bonnes pratiques permettant d’aider les personnes LGBTI. La Thaïlande a fait savoir pour sa part qu’elle reconnaît les couples homoparentaux.
Quelles sont les pratiques optimales et de coopération entre les gouvernements et la société civile pour lutter contre les discriminations envers les personnes LGBTI, s’est enquis à son tour le Japon. Et par quels moyens veiller à ce que les personnes LGBTI puissent être prises en compte dans les plans de relève postpandémie, a demandé la Belgique.
Que pouvons-nous apprendre de nos partenaires internationaux en matière de mesures pour faire la différence dans le traitement des personnes LGBTI dans le contexte de la pandémie, a voulu savoir le Canada, appuyé par Israël qui a voulu connaître les « mesures intéressantes » prises par les États pour lutter contre les discriminations. Quelles sont les mesures qui doivent être prises dans les dispositions nationales pour que les droits des personnes LGBTI soient pris en compte, a demandé à son tour l’Italie.
La Norvège s’est intéressée aux mesures devant être prises immédiatement pour lutter contre la violence dans le cadre de la pandémie; la République tchèque s’est préoccupée de la situation des jeunes LGBTI; et le Liechtenstein a souligné l’importance d’associer les personnes LGBTI aux mesures pour lutter contre la COVID-19.
Il faut sortir des sentiers battus car c’est un travail titanesque que nous avons devant nous, a déclaré l’Expert indépendant suite à ces questions et commentaires. Selon lui, les ripostes à la pandémie doivent pouvoir contrebalancer les tendances à la violence en gardant à l’esprit que le respect des droits de la personne fait partie de la riposte contre la pandémie. Il a également appelé à continuer d’alimenter le réseau LGBTI et de promouvoir un discours politique fort. L’un des éléments fondamentaux est l’élimination de la violence qui se manifeste du plus haut niveau, jusqu’aux actions des décideurs politiques, a-t-il souligné. Si les politiques sont décidées sans contribution de la société civile LGBTI, elles seront sans intérêt, car les mécanismes de défense des communautés LGBTI, qui ont souvent été attaquées, feront en sorte qu’elles n’auront pas d’impact.
Concernant la collecte de données, le respect de la vie privée et la légalité, il a souligné que le renforcement de la confiance dans ces domaines est un processus de longue haleine. Les autorités publiques se sont souvent rendues coupables de discrimination, donc elles doivent à présent instaurer un climat de confiance. Les communautés LGBT doivent être protégées si elles fournissent des données, notamment en cas de changement de gouvernement, surtout en raison de la polarisation des systèmes politiques dans le monde entier, a-t-il fait valoir.
L’Expert a par ailleurs demandé l’interdiction des thérapies de conversion qu’il a qualifiées de cruelles, avant de se décrire comme « un catalyseur de toutes les énergies positives du monde entier ».