SG/SM/19452-SC/13689

Mercenaires en Afrique: le Secrétaire général appelle à renforcer l’action sur le plan de la prévention, des poursuites judiciaires et de la lutte contre les causes profondes

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, lors du débat de haut niveau du Conseil de sécurité consacré aux activités mercenaires en Afrique, à New York, aujourd’hui:

Je remercie la présidence de la Guinée équatoriale d’avoir organisé ce débat de haut niveau sur les activités mercenaires en tant que facteur d’insécurité et de déstabilisation en Afrique et, comme l’indique la note de cadrage dont nous sommes saisis, particulièrement en Afrique centrale.  Je me félicite de la présence du Président de la République de Guinée équatoriale à la présente séance.

L’utilisation de mercenaires remonte à la nuit des temps.  De l’Antiquité à nos jours en passant par le Moyen Âge, ceux qui se battent pour une récompense financière ou autre compensation matérielle ont quasiment toujours été présents sur les champs de bataille.  La nature obscure de cette pratique rend les données difficiles à obtenir, mais les rapports suggèrent une recrudescence de l’utilisation de mercenaires et d’autres combattants étrangers.  Si les statistiques sont vagues, l’incidence des mercenaires d’aujourd’hui est on ne peut plus limpide. 

La présence de mercenaires et d’autres combattants étrangers aggrave les conflits et menace la stabilité.  Certains mercenaires vont de guerre en guerre, exerçant leur métier de la mort avec une énorme puissance de feu, peu de comptes à rendre et un mépris total du droit international humanitaire.  Les activités mercenaires portent atteinte à l’état de droit et perpétuent l’impunité.  Elles favorisent l’exploitation illégale et inéquitable des ressources naturelles d’un pays.  Elles provoquent des déplacements à grande échelle et des tensions intercommunautaires.  Même Machiavel, connu pour sa tolérance face aux comportements contestables, écrivait dans Le Prince que les troupes mercenaires sont « désunies, ambitieuses, sans discipline, infidèles ».

La nature des activités mercenaires a évolué au fil des ans.  Aujourd’hui, elles exploitent et se nourrissent d’autres fléaux, tels que la criminalité transnationale organisée, le terrorisme et l’extrémisme violent.  En Afrique, qui est au cœur du débat d’aujourd’hui, les activités mercenaires demeurent un sujet de grave préoccupation.  Nous avons été témoins d’activités illicites et de trafic de la part des groupes terroristes et mercenaires opérant au Sahel, ainsi que de l’implication présumée de mercenaires dans les violences postélectorales en Côte d’Ivoire en 2010.

Les mercenaires et d’autres combattants étrangers ont commis d’innombrables violations des droits de l’homme et du droit humanitaire contre les civils en République centrafricaine.  Ils ont également entravé les déplacements des éleveurs le long des routes traditionnelles, notamment à la frontière avec le Cameroun.  En représailles à leurs attaques répétées, des pasteurs ont recruté d’autres groupes armés ou rebelles pour se protéger et protéger leur bétail, alimentant ainsi le cycle de la violence.  La Guinée équatoriale elle-même a fait état de graves atteintes contre son propre gouvernement.  En effet, l’année dernière, l’Ambassadeur Anatolio Ndong Mba, de la Guinée équatoriale, a souligné devant le Conseil la nécessité de « faire preuve de vigilance et contrôler ces groupes qui sèment l’insécurité et l’instabilité ». 

Pour relever ces défis, il faut agir sur de nombreux fronts.  Premièrement, nous devons renforcer les régimes juridiques, aux niveaux mondial et national.  Seuls 35 États sont parties à la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires, adoptée par l’Assemblée générale en 1989 (voir résolution 44/34 de l’Assemblée générale, annexe).  La Guinée équatoriale a récemment adhéré à la Convention et deviendra la trente-sixième partie à la fin du mois.  Seuls trois membres actuels du Conseil de sécurité en sont parties.  J’appelle les États qui n’ont pas encore adhéré à la Convention à y adhérer ou à la ratifier sans délai.

Le cadre juridique comprend également d’importants instruments africains, notamment la Convention de l’Organisation de l’unité africaine -prédécesseur de l’Union africaine- sur l’élimination du mercenariat en Afrique et la Convention de l’Afrique centrale pour le contrôle des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions et de toutes pièces et composantes pouvant servir à leur fabrication, réparation et assemblage.  Le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale et le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique continueront d’appuyer l’application de ces normes, ce qui contribuera à l’avancement du programme de l’Union africaine visant à faire taire les armes d’ici 2020.  Renforcer le régime juridique, c’est aussi le préciser.  La définition juridique internationale du mercenaire est très étroite, ce qui compromet l’efficacité des enquêtes et des poursuites.

Deuxièmement, nous devons renforcer la coopération bilatérale, régionale et internationale.  La coopération en matière de gestion des frontières sera cruciale pour endiguer les flux d’armes et d’acteurs armés étrangers qui circulent largement sans entraves dans toute l’Afrique centrale.  Ces mesures pourraient inclure des commissions frontalières mixtes, des mécanismes conjoints de surveillance de la sécurité des frontières et l’échange régulier de renseignements entre les forces de défense nationales.  La coopération sera également essentielle pour renforcer la capacité des institutions nationales chargées de la justice, de la sécurité et des droits de l’homme de s’acquitter de ces fonctions fondamentales et de mettre en œuvre les instruments juridiques pertinents.  Un État doit pouvoir exercer un monopole sur l’usage de la force sur son territoire, avec des forces armées et une police capables de protéger les personnes tout en respectant l’état de droit. 

Le partenariat stratégique entre l’ONU et l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et les pays de la région est primordial.  Je remercie le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, de son excellente coopération.  Le Comité consultatif permanent des Nations Unies chargé des questions de sécurité en Afrique centrale est un autre élément du tableau, de même qu’INTERPOL, qui a elle aussi un rôle important à jouer.

Troisièmement, nous devons examiner les facteurs politiques, économiques, sociaux et psychologiques qui sont à l’origine des activités mercenaires.  Le Groupe de travail de l’ONU sur l’utilisation de mercenaires a recommandé un large éventail de mesures, dont la lutte contre l’exclusion, l’amélioration de la participation citoyenne, la garantie d’une bonne gouvernance, la prestation de services publics équitables et la protection des minorités et autres groupes vulnérables.  Des efforts accrus pour créer des perspectives pour les jeunes seront essentiels pour réduire l’attrait du mercenariat et la menace de la radicalisation.  Nous devons également faire davantage pour autonomiser les femmes et prendre en compte les dimensions sexospécifiques des activités mercenaires. 

Nos efforts en vue de la réalisation des objectifs de développement durable peuvent nous aider dans tous ces domaines, ce qui est une raison supplémentaire de les accélérer.  L’Organisation des Nations Unies est prête à continuer d’aider les gouvernements à lutter contre les activités mercenaires, notamment en approfondissant notre dialogue avec les organisations régionales et institutions nationales compétentes.  J’exhorte tous les pays à coopérer avec le Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, notamment ceux que le Groupe souhaite visiter.  Ensemble, renforçons notre action sur tous les aspects de ce problème, de la prévention aux poursuites judiciaires et de l’atténuation des effets des activités mercenaires à la lutte contre leurs causes profondes.

 

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