En cours au Siège de l'ONU

Forum politique de haut niveau,
4e, 5e & 6e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7000

Le Forum politique entend un vibrant plaidoyer en faveur des pays en situation particulière qui courent le risque d’être « laissés de côté »

La seconde journée du Forum politique de haut niveau pour le développement durable, placé sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC), a été marquée par deux tables rondes, en matinée, au cours desquelles un vibrant plaidoyer a été fait en faveur des petits États insulaires en développement (PEID), des pays les moins avancés (PMA) et des pays en développement sans littoral qui voient compromises leurs ambitions de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Les différents orateurs étaient venus présenter les perspectives des 47 PMA, des 58 PEID et des 32 pays en développement sans littoral, en droite ligne de la mise en œuvre de l’objectif 10 de développement durable portant sur la réduction des inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre.

Alors que certains pays font partie de plusieurs catégories vulnérables à la fois, le Paraguay, qui s’est exprimé au nom des pays en développement sans littoral, a fait observer que « ce n’est pas du tout un hasard si l’ONU a établi un bureau chargé de coordonner l’appui à ces trois groupes de pays ». 

En effet, pour le cas des PMA, ces pays continuent de faire face à une incidence élevée de pauvreté avec une part de 35% de leur population, voire plus, qui vit encore dans une pauvreté extrême.  De leur côté, les pays en développement sans littoral souffrent toujours d’une marginalisation dans le domaine commercial, la preuve étant que leur contribution aux échanges mondiaux reste inférieure à 1%.  Quant aux PEID, en plus d’être vulnérables aux chocs exogènes, ils sont parmi les plus affectés par les changements climatiques.

Alors que ces pays manquent de ressources et de capacités en vue d’enclencher les leviers du développement, notamment en raison de diverses contraintes et contingences nationales et internationales, ils sont en plus souvent en marge des processus décisionnels mondiaux et ne peuvent tirer pleinement parti de la mondialisation économique.  Pour expliquer la situation, la Haute Représentante de l’ONU pour les PMA, les pays en développement sans littoral et les PEID a présenté quelques statistiques peu reluisants les concernant, avant de plaider pour qu’ils continuent d’être prioritaires dans l’allocation de fonds pour le développement.

Malheureusement, pour l’instant, les chiffres de l’ONU montrent le contraire.  Le montant net des sommes versées au titre de l’aide publique au développement (APD), de 149 milliards de dollars en 2018, représente une diminution en valeur réelle de 2,7% par rapport à 2017.  Si de nombreuses voix, telle celle du Malawi qui parlait au nom des PMA, ont déploré cette tendance à la baisse, l’Union européenne a rappelé qu’elle reste la principale pourvoyeuse d’aide aux pays en situation particulière.  La Turquie s’est pour sa part enorgueillie d’avoir consenti 350 millions de dollars d’APD par an depuis 2011, un montant supérieur à l’exigence des 0,7% du revenu national brut recommandés par l’ONU.  En plus, le pays accueille la Banque de technologies pour les PMA qui a pour but de faciliter la transformation structurelle de ces pays. 

En plus de l’APD, un parlementaire d’Haïti a suggéré de s’appuyer sur la diaspora de ces pays.  Dans le sien par exemple, alors que le budget annuel est de 2 milliards de dollars, les transferts de fonds de la diaspora haïtienne s’élèvent à 2,5 milliards.  À ce propos, l’ONU a évalué que le montant des fonds envoyés par les migrants s’est élevé à 529 milliards de dollars en 2018, soit une augmentation de 9,6% par rapport à 2017.  Pour compléter ces fonds internationaux, Oxfam estime que la fiscalité est un élément clef dans les efforts d’inclusion et de réduction des inégalités. 

Plaidant pour la pleine mise en œuvre des six objectifs du Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie 2014-2024, le Paraguay a lancé un appel « fraternel » aux pays de transit, à l’ONU et à toutes les parties prenantes afin que soit renforcé le soutien aux pays en développement sans littoral, car ceux-ci courent réellement le risquent d’être laissés sur le côté. 

Le grand groupe des femmes a, pour sa part, évoqué les femmes d’Afrique sub-saharienne dont 85% sont économiquement vulnérables.  Pour que les choses changent, elle a appelé à une « révolution de la responsabilisation et de la redevabilité » sur le continent.  Le grand groupe des autochtones a mentionné la situation de ces défenseurs des droits qui sont privés de leurs droits les plus élémentaires.

Par ailleurs, la Vice-Première Ministre du Samoa, qui parlait au nom du Forum des îles du Pacifique, a rappelé que ce sont les Orientations de Samoa qui ont inspiré les objectifs de développement durable, l’Accord de Paris sur les changements climatiques et d’autres accords intergouvernementaux.  Fataliste, elle a annoncé que la région du Pacifique ne sera pas en mesure de réaliser les objectifs de développement durable en dehors de quelques cibles, faisant observer que les vulnérabilités ont augmenté tandis que les inégalités se sont creusées. 

Alors que de nombreux PEID ont déploré le manque de fonds, les pays des Caraïbes ont dit avoir créé une fondation sur la prévention des catastrophes et signé un mémorandum d’accord régional sur les pêches qui met en place une assurance contre les conséquences des ouragans.  L’Irlande a rappelé que les PEID n’ont pas les moyens de naviguer entre les systèmes de financement existants, avant d’appeler à un partenariat à long terme avec les pays insulaires.  En attendant, Maurice a recommandé à ses pairs d’exploiter le potentiel de la coopération Sud-Sud, alors que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au développement a mis l’accent sur le caractère crucial de ce droit qui est matérialisé par ces multiples accords internationaux.

Le Forum politique de haut niveau, qui a examiné dans l’après-midi l’état de la mise en œuvre du huitième objectif de développement durable (travail décent et croissance économique), poursuivra ses travaux demain, jeudi 11 juillet, à partir de 9 heures.

DONNER DES MOYENS D’ACTION AUX POPULATIONS ET ASSURER L’INCLUSION ET L’ÉGALITÉ

Table ronde 1: Perspectives des petits États insulaires en développement (PEID), y compris les principales conclusions de l’examen à mi-parcours des Orientations de Samoa

Cette table ronde était animée par Mme EMELE DUITUTURAGA, ancienne Directrice exécutive de Pacific Islands Association of Non Governmental Organisations (PIANGO), et les délégations ont salué le fait que, pour la première fois, une discussion du Forum de haut niveau est animée par un représentant de la société civile.

Le premier expert à s’exprimer, Mme FIAME NAOMI MATAAFA, Vice-Première Ministre de Samoa, qui parlait au nom du Forum des îles du Pacifique, a rappelé que les Orientations de Samoa, le document adopté à la Conférence de 2014 sur les petits États insulaires en développement (PEID), ont inspiré les objectifs de développement durable relatifs aux changements climatiques, à l’exploitation durable des océans et des mers, aux partenariats et aux moyens de mise en œuvre.  Elles sont aussi à l’origine de l’Accord de Paris, a indiqué Mme Mataafa, qui a voulu y voir la preuve du pouvoir du leadership collectif et de la voix des PEID.  Elle s’est ensuite lancée dans l’énumération des efforts, des défis et des solutions de mise en œuvre des objectifs de développement durable dans la région du Pacifique.  Depuis 2015, les îles du Pacifique ont intégré le Programme de développement durable à l’horizon 2030, les Orientations de Samoa et d’autres engagements mondiaux en les cadrant avec les réalités du Pacifique. 

Le plus important, selon Mme Mataafa, a été la présentation d’un rapport régional unique pour les multiples engagements.  Depuis lors, neuf pays du Pacifique ont participé au processus d’examen national volontaire, mais la région a d’abord fait une évaluation par les pairs.  Une autre innovation est le rapport quadriennal sur le développement durable dans le Pacifique en 2018.  La région a donné la priorité à l’autonomisation et l’inclusion des groupes vulnérables, l’accès à l’éducation, la protection sociale, l’égalité des genres et des personnes handicapées.  Au titre des progrès, le rapport souligne aussi la croissance économique, le retour du tourisme, de la pêche et des envois de fonds, l’amélioration de l’autonomisation des femmes et des progrès dans la gestion et la conservation marine. 

En dépit de ces efforts et de ces progrès, a nuancé Mme Mataafa, les résultats sont mitigés avec des pays et des sous-groupes de pays connaissant plus de progrès par rapport à d’autres.  En tant que région, le Pacifique ne sera pas en mesure de réaliser les objectifs de développement durable en dehors de quelques cibles, a admis la Vice-Première Ministre en relevant que les vulnérabilités ont augmenté et que les inégalités se sont creusées.  Le Pacifique a connu un bon début mais ce n’est clairement pas suffisant, selon elle.  Nous sommes ravis du financement du Fonds vert pour le climat de 1,57 milliard de dollars, a-t-elle dit en mettant en garde du défi, maintenant, de la mise en œuvre et du bon usage de cet argent pour le renforcement des capacités et des institutions ainsi que des partenariats et des investissements dans les systèmes statistiques.

Mme Mataafa a conclu en partageant les cinq leçons apprises par les PEID.  Il faut, a-t-elle énuméré, des systèmes solides et des financements stables pour être en mesure de mettre en œuvre et de rendre compte des résultats; équilibrer et intégrer la lutte mondiale pour la justice climatique pour répondre aux besoins nationaux immédiats; accélérer rapidement les efforts visant à mettre en œuvre des interventions transformationnelles et novatrices, y compris l’accès à la technologie, au commerce, aux technologies de l’information et des communications (TIC) et au savoir-faire; accélérer les partenariats; et enfin des processus plus rationalisés et cohérents pour la mise en œuvre des politiques mondiales et l’établissement des rapports, de manière adaptée aux capacités limitées des PEID.

Il est nécessaire de simplifier les processus car les petits pays n’ont pas les moyens de naviguer entre les mille systèmes de financement existants, a renchéri M. PAT BREEN, Ministre d’État du commerce, de l’emploi, du marché numérique, de la protection des données de l’Irlande, pour qui il faut un partenariat à long terme avec les pays insulaires pour la mise en œuvre des objectifs qui les concernent en particulier.  C’est dans cette optique que l’Irlande promeut, pour ces pays, des partenariats dans l’éducation, la lutte contre les inégalités et le financement.  L’Irlande veut aider ces pays à promouvoir la croissance inclusive, le tourisme, et améliorer les relations avec les diasporas en essayant notamment d’inverser la fuite des cerveaux.  Le Ministre a paraphrasé le Président Kennedy, en soulignant son origine irlandaise, en disant que « l’Irlande est un petit pays mais dont l’influence est mondiale et très importante ».  Cette influence est présente ici aux Nations Unies, a assuré le Ministre.

Donnant l’exemple de son « petit pays », Mme YVONNE HYDE, Directrice au Ministère du développement économique et du pétrole de Belize, a dit que la stratégie de croissance pour le développement durable adoptée par son gouvernement met l’accent sur la croissance durable basée sur le lien entre tous les objectifs de développement durable.  Nous mettons l’accent sur les facteurs de succès comme l’éducation, la technologie ou encore les infrastructures, a-t-elle précisé.  Le Gouvernement a mis en place une politique de la petite enfance en créant des classes maternelles dans les 140 villages de Belize.  L’éducation est centrée sur les élèves, et l’apprentissage de la technologie se fait dans les cycles secondaires.

Le Gouvernement de Maurice investit dans sa principale ressource que sont les ressources humaines, a indiqué pour sa part M. RAKESH BHUCKORY, Conseiller au Ministère des affaires étrangères, de l’intégration régionale et du commerce international de Maurice, en vantant les mérites de son « excellent système de protection sociale ».  Pourtant, a-t-il reconnu, cela ne suffit pas, car 10% de la population demeure dans la pauvreté relative.  Pour lutter contre l’exclusion, le Gouvernement a introduit une stratégie à effet rapide en réorganisant notamment le système éducatif, en créant un registre social et en élaborant un « Plan Marshall ».  En 2018, un revenu minimum national et la « taxe négative sur les revenus » ont été instaurés.  Cela a permis de réduire les écarts entre les riches et les autres, s’est félicité le Conseiller.  En ce qui concerne le système éducatif, il est devenu plus inclusif et moins élitiste en misant sur plus de formations techniques et professionnelles.  La communauté internationale doit aider les PEID une fois qu’ils ont fixé leurs priorités nationales, a plaidé le Conseiller ministériel en guise de conclusion.

La région des Caraïbes investit beaucoup dans l’éducation de qualité, une des stratégies de développement, a indiqué M. DOUGLAS SLATER, Sous-Secrétaire général du Secrétariat pour le développement humain et social de la Communauté des Caraïbes, en détaillant les investissements faits dans l’éducation et la formation et dans le corps enseignant.  Mais les résultats ne sont pas tout à fait à la hauteur des attentes du XXIe siècle, a-t-il regretté.  « Nous voulons établir avec nos partenaires une coopération dans les domaines du suivi et de l’évaluation. »  C’est la raison de la création d’une fondation sur la prévention des catastrophes et la signature d’un mémorandum d’accord régional sur les pêches pour les Caraïbes qui met en place une assurance contre les conséquences des ouragans.  La CARICOM a besoin d’accès aux financements pour relever les défis communs entre tous les PEID, a insisté M. Slater.  Il a aussi eu le souci, dans l’élimination de la pauvreté, d’axer les efforts sur la personne et non sur la production. 

Pour que les PEID soient en mesure de réaliser le Programme 2030, Mme STACY-RICHARDS-KENNEDY, Directrice du bureau du développement de l’Université des Indes occidentales (Trinité-et-Tobago), a préconisé de lutter contre le faible taux d’accès aux universités.  C’est une grave menace pour le développement durable dans ces pays, a-t-elle argué.  Pour elle, la solution passe par la création d’une nouvelle université et le lancement de cours en ligne pour l’apprentissage à distance.  Elle a appelé les partenaires à épauler les PEID dans ce domaine, pour pouvoir généraliser l’apprentissage des jeunes et tout au long de la vie.

Autonomiser les jeunes pour créer le changement, c’est ce qu’a recommandé avant tout M. WILLY MISSACK, Chargé de projet au Pacific Climate Change Collaboration, Influencing and Learning (PACCCIL) et Coordonnateur de Vanuatu Climate Action Network (VCAN) et à OXFAM, qui a aussi insisté sur l’importance de l’appropriation locale des objectifs de développement durable.  Pour que les jeunes puissent participer au développement, il faut leur offrir une éducation de qualité et investir dans les ressources humaines, le renforcement des capacités et le transfert de ressources, afin de parvenir à des résultats durables.

Au cours du débat qui a suivi, les intervenants ont souligné l’importance des partenariats avec les PEID, en particulier sur le plan financier, pour les aider à réaliser les objectifs de développement durable et à résoudre les problèmes qui leur sont spécifiques. 

Belize a été catégorique: les PEID n’ont pas les ressources pour lutter contre les problèmes pressants et fondamentaux.  Ils ont donc besoin de financements accessibles et de partenariats efficaces.  Ils ont aussi besoin de renforcer les systèmes de collectes de données qui aident à élaborer les stratégies et à bien cibler les actions.  En réponse, la Directrice au Ministère du développement économique et du pétrole de Belize a insisté sur l’importance des données pour établir de meilleures stratégies et des financements plus adaptés, ainsi que pour améliorer les formations et les infrastructures, entre autres.  Les partenariats sont importants avec les bailleurs de fonds et le secteur privé, a-t-elle reconnu.  La Sous-Secrétaire générale du Secrétariat pour le développement humain et social de la Communauté des Caraïbes a souligné en particulier l’importance des transferts des technologies vers les PEID.  Le Ministre d’État du commerce, de l’emploi, du marché numérique, de la protection des données de l’Irlande a, lui, mis l’accent sur le partenariat dans la création d’emploi pour les jeunes, les financements et la gestion de la dette.  « Nous voulons travailler sur cette question avec le système des Nations Unies. » 

Pour Tonga, pays qui fait face au défi de la réforme du secteur public pour garantir la croissance, notamment dans les secteurs de la pêche et du tourisme, il est fondamental que le système des Nations Unies repense le multilatéralisme et le régionalisme. 

Les PEID doivent parler d’une voix unie au Sommet du développement durable en septembre, a recommandé de son côté la Norvège en réaffirmant l’engagement de son gouvernement à leur égard et en rappelant que le Premier Ministre norvégien s’était rendu dans ces pays.  La Sous-Secrétaire générale du Secrétariat pour le développement humain et social de la Communauté des Caraïbes a salué cet engagement de la Norvège pour les PEID. 

La Jamaïque a fait part de ses problèmes de capacités institutionnelles qui l’empêchent de mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  Le plan national de développement jamaïcain est aligné sur le Programme 2030 et le Gouvernement a élaboré une feuille de route dans laquelle figurent des actions ciblées pour obtenir des résultats rapides. 

Comme autres obstacles majeurs auxquels sont confrontés les PEID, la République dominicaine a parlé des changements climatiques et des épidémies, prônant l’établissement de politiques de protection pour y faire face.  Ces catastrophes ont le pouvoir de réduire à néant les progrès et d’aggraver la pauvreté, ce qu’il faut éviter à tout prix, a expliqué la délégation dominicaine.  Mais la principale question, selon elle, est de savoir comment faire pour que tout cela se traduise en amélioration des conditions des citoyens. 

Pour les Fidji comme pour d’autres, le problème principal est le système actuel de financement qui empêche les PEID d’accéder aux fonds de développement.  Ces pays doivent en outre débattre entre eux de leurs priorités, de la voie à suivre et de ce qu’ils attendent du repositionnement du système des Nations Unies, a souhaité la délégation.

Le partenariat entre les PEID est très important, a renchéri le Conseiller au Ministère des affaires étrangères, de l’intégration régionale et du commerce international de Maurice.  Le Conseiller a recommandé d’apprendre à exploiter le potentiel de la coopération Sud-Sud entre les PEID et de mieux apprendre les uns des autres.  La Modératrice a insisté, en guise de conclusion, sur l’importance des investissements dans le développement à travers les partenariats.  Cela a déjà été exprimé dans les Orientations de Samoa, a-t-elle rappelé en demandant aux pays développés de revoir leur position sur la question. 

Table ronde 2: Les perspectives des pays les moins avancés et des pays en développement sans littoral

Cette seconde session d’examen thématique était consacrée à l’évaluation des progrès accomplis et des difficultés rencontrées pour autonomiser les populations et garantir l’inclusion et l’égalité des chances dans les pays les moins avancés (PMA) et les pays en développement sans littoral, deux catégories de pays qui figurent parmi les plus vulnérables et qui courent le risque d’être laissés sur le bas-côté de la route menant au développement durable.

De nombreux habitants de ces pays sont en effet victimes de la pauvreté et du manque d’accès aux services de base, indiquent des rapports de l’ONU.  Ces pays manquent de ressources et n’ont pas les capacités qui leur permettraient d’enclencher les leviers du développement, notamment en raison de diverses contraintes et contingences nationales et internationales.  De plus, ces deux groupes de pays sont souvent marginalisés dans les processus décisionnels mondiaux et ne peuvent tirer pleinement parti de la mondialisation économique.   

L’animatrice de cette table ronde, Mme HOPE MULI, Chargée de projet régionale à « Opening Contracting, Hivos », a donc demandé aux participants de présenter les perspectives de ces deux groupes de pays dans le contexte actuel de mise en œuvre des objectifs de développement durable.

M. JERRY TARDIEU, membre du Congrès de Pétion-Ville (Haïti), a plaidé pour une plus grande implication des parlementaires des PMA comme le sien dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable, en recommandant aussi de faire participer toutes les forces vives de ces pays aux initiatives de développement, y compris la diaspora.  Pour convaincre de l’importance de cette implication, il a comparé le budget annuel d’Haïti (2 milliards de dollars) avec le montant annuel des transferts de fonds de la diaspora haïtienne (2,5 milliards de dollars).

Il est vrai, a ajouté M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au développement, que le droit au développement doit respecter certains principes comme l’inclusion.  La budgétisation des efforts à cette fin est donc cruciale, a-t-il expliqué, pour arriver à la participation de tous au développement.  Il a aussi rappelé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, tout comme le Programme d’action d’Addis-Abeba et d’autres accords internationaux, sont le triomphe même du droit au développement. 

Mme FEKITAMOELA KATOA’UTOIKAMANU, Haute Représentante de l’ONU pour les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (PEID), a présenté quelques statistiques relatives aux PMA et aux pays en développement sans littoral, avant de plaider pour que ces catégories de pays continuent d’être prioritaires dans le financement du développement, non sans mentionner l’impact de la Banque des technologies en faveur des PMA et du « laboratoire d’idées pour les PMA » qui sert d’incubateur d’idées pour résoudre les problèmes de ces pays.  Elle a aussi insisté sur l’importance de la mobilisation des ressources nationales.

Selon M. RICARDO FUENTES-NIEVA, Directeur exécutif d’Oxfam Mexique, ces ressources nationales, notamment les impôts, doivent bénéficier de politiques adéquates afin d’assurer qu’elles financent la fourniture de services de base aux populations.  En effet, Oxfam estime que la fiscalité est un élément clef dans les efforts d’inclusion et de réduction des inégalités.  Les fonds ainsi dégagés pourraient par exemple servir au financement de programmes en faveur de la couverture médicale universelle ou d’éducation pour tous.  M. Fuentes-Nieva a aussi plaidé pour l’élimination des inégalités entre les sexes, notamment en matière salariale. 

Mme DOMA TSHERING, Représentante permanente du Bhoutan auprès des Nations Unies et cofacilitatrice de la déclaration politique sur l’examen à mi-parcours de la mise en œuvre du Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie, a exhorté la communauté internationale à accompagner ces dernier dans leurs efforts de diversification de l’économie et pour faciliter leur intégration aux chaînes de valeurs mondiales.  Au vu des difficultés commerciales que connaissent ces pays, le Bhoutan estime que le commerce électronique peut être une solution, mais il faut au préalable que ces pays investissent davantage dans les TIC.

Le délégué du Paraguay, qui parlait au nom des pays sans littoral, a abondé dans le même sens en plaidant pour la mise en œuvre des six objectifs du Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie 2014-2024.  L’évaluation à mi-parcours prévue en décembre prochain permettra de mesurer les progrès, a-t-il dit.  Le ton est déjà donné avec les évaluations régionales qui ont révélé la lenteur des progrès, a-t-il noté.  Le représentant du Paraguay a donc lancé un « appel fraternel » aux pays de transit, aux Nations Unies et à toutes les parties prenantes afin que soient renforcés les appuis aux pays en développement sans littoral qui courent le risquent d’être laissés sur le côté.  Il a expliqué que ce n’est pas un hasard si le Secrétariat de l’ONU a établi un Bureau chargé de coordonner l’appui aux PMA, aux pays en développement sans littoral et aux PEID.

M. RICHARD SSEWAKIRYANGA, Coprésident du Partenariat CSO Partnership for Development Effectiveness, une platforme réunissant des organisations de la société civile du monde entier pour promouvoir une coopération au développement efficace, a dit, pour sa part, que le reclassement des PMA en pays à revenu intermédiaire doit désormais être basé sur les indicateurs de développement humain et plus seulement sur le revenu par habitant.  Il a rappelé que les PMA ont une population très jeune, d’où l’importance d’investir en priorité pour l’épanouissement des habitants.  Après des appels insistant sur la nécessité pour ces pays de renforcer leurs capacités fiscales, il a souhaité que les Nations Unies « envisagent sérieusement » la mise en place d’une structure intergouvernementale consacrée aux questions de fiscalité, tout en s’assurant notamment de la représentation équitable des PMA en son sein.

Le représentant du Malawi a pris la parole au nom des PMA, rappelant que 35% de la population de ces pays vit dans l’extrême pauvreté et se désolant de voir diminuer l’aide publique au développement (APD) qui leur est consacrée.  De même, les membres du groupe des PMA font face à des soucis d’endettement et au défi de la mobilisation de ressources nationales, entre autres problèmes.  Le représentant du Népal a dit que son pays, qui est enclavé, est également de la catégorie des PMA, mais qu’il est désormais prêt au reclassement dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire.  Pour cela, le pays entend se doter d’une bonne stratégie pour une transition en douceur, laquelle devrait être soutenue par l’ONU, a-t-il plaidé.  Devant cette peinture avantageuse de l’état du pays, une représentante de la société civile du Népal a décrié les inégalités de la société népalaise « plombée par un système traditionnel de castes » qui produit des laissés pour compte, selon elle.  Elle a appelé à mettre fin à ce système du passé, avant d’implorer une aide en faveur de la région Asie-Pacifique qui compte de nombreux PMA ainsi que des pays sans littoral.

Le grand groupe des femmes a, pour sa part, parlé du cas des Africaines de la région sub-saharienne où 85% des femmes sont économiquement vulnérables.  Pour que les choses changent, elle a appelé à une « révolution de la responsabilisation et de la redevabilité » sur le continent.  Le grand groupe des autochtones n’était pas en reste.  Sa représentante a mentionné la situation de ces 20 leaders autochtones qui ont perdu la vie au Guatemala en 2018, ou encore les 34 du Cambodge qui ont été emprisonnés l’an dernier alors qu’ils défendaient leurs droits.  Elle a expliqué que les autochtones sont persécutés lorsqu’ils défendent leur terre et leurs ressources.  « Les projets de développement ne doivent pas constituer des excuses pour bafouer les droits élémentaires des peuples autochtones », a-t-elle martelé.

Le délégué de l’Union européenne a rappelé que l’UE est toujours l’un des principaux pourvoyeurs d’aide aux pays en situation particulière, tandis que la déléguée de la Turquie, a rappelé que son pays a consenti 350 millions de dollars d’APD par an depuis 2011, un montant qui est supérieur à l’objectif des 0,7% du revenu national brut recommandé par l’ONU.  En plus, le pays est fier d’accueillir la Banque de technologies pour les PMA qui a pour but de faciliter la transformation structurelle de ces pays. 

Pour l’instant, le Niger est loin d’une telle transformation, a déploré son délégué qui a fait savoir que 20% du budget national est dédié aux questions de sécurité, ce qui ne laisse pas beaucoup de fonds pour financer les efforts de développement durable.  Enfin, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC) a invité les États à établir des planifications et des budgets en tenant dûment compte de la préparation aux risques de catastrophes.  À défaut, ils courent le risque de voir s’évaporer des gains de développement durement acquis, a prévenu la IFRC.

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