Débat de l’ECOSOC sur l’intégration: sans les nouvelles technologies, il sera impossible d’atteindre les objectifs de développement durable, selon M. Guterres
Le débat consacré à l’intégration tenu aujourd’hui, comme chaque année, par le Conseil économique et social (ECOSOC), a permis d'entendre la présentation par le Secrétaire général de l’ONU du rapport annuel du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination pour 2018. À cette occasion, M. António Guterres a prévenu que « sans les nouvelles technologies et les avancées technologiques futures, il sera impossible d’atteindre les objectifs de développement durable ».
« Donner des moyens d’action aux populations et assurer l’inclusion et l’égalité » était le thème de cette session annuelle qui a pris davantage d’importance depuis le renforcement de l’ECOSOC voulu par l’Assemblée générale (résolution 72/305). Le but est d’examiner et de réunir toutes les contributions des États Membres, des organes subsidiaires de l’ECOSOC, des entités des Nations Unies et d’autres parties prenantes, afin notamment de « promouvoir l’intégration équilibrée des trois dimensions du développement durable » et de formuler des recommandations pratiques à soumettre au Forum politique de haut niveau, dont la session commence demain.
Dans le rapport qu’il a présenté, le Secrétaire général a détaillé la méthodologie utilisée par le Conseil des chefs de secrétariat, qualifiant celui-ci de « forum unique pour élaborer des politiques stratégiques » et de « moteur de l’intégration et de la cohérence ». En fonctionnant comme un groupe de réflexion, ce conseil est devenu « un élément essentiel pour renforcer le rôle de coordination et de direction du leadership des Nations Unies », a estimé le Secrétaire général en constatant qu’ « on y parle librement et en toute franchise », en essayant de relever les défis actuels tout en gardant un œil sur l’avenir.
Le Secrétaire général a invité les hauts responsables du maintien de la paix et de la sécurité à « avoir une approche intégrée et inclusive de la prise de décisions et de la planification et obtenir des résultats coordonnés et cohérents en termes de développement durable ». Il a aussi mis l’accent sur la jeunesse, arguant que « dans un monde marqué par des changements rapides et une dynamique de pouvoir en constante évolution, et où plus de la moitié de la population a moins de 30 ans, le système des Nations Unies a le devoir d’inviter les jeunes à la table ».
Ma priorité, a ajouté M. Guterres, est de faire entrer les Nations Unies dans le XXIe siècle. Pour ce faire, il a demandé au Conseil des chefs de secrétariat d’examiner les opportunités et les défis des technologies de pointe et de la quatrième révolution industrielle, ainsi que la manière dont le système des Nations Unies doit réagir. Les technologies ont rendu le monde plus connecté et le commerce plus efficace, a défendu le Secrétaire général pour qui donc, sans les nouvelles technologies et les avancées technologiques futures, il sera impossible d’atteindre les objectifs de développement durable. Le Secrétaire général a assuré qu’à l’ONU, les spécialistes examinent les questions relatives à l’intelligence artificielle, au cyberespace, à la biotechnologie et aux nouveaux armements.
En outre, le « cadre d’interopérabilité sémantique » récemment créé lance l’ONU dans une nouvelle ère de gestion des documents législatifs et normatifs produits par les différents organes des Nations Unies, au détriment du « paradigme papier ». Avoir des documents lisibles sur machine dans un format commun et riche d’un point de vue sémantique est un atout considérable pour la mise en œuvre du Programme 2030, lequel nécessite un mécanisme d’examen robuste et un cadre solide pour élaborer les meilleures politiques, a admis le Secrétaire général.
À moins de 11 ans de la date prévue pour la réalisation des objectifs de développement durable, il est plus important que jamais d’améliorer la contribution de l’ECOSOC au développement durable, a déclaré Mme Inga Rhonda King, Présidente de l’ECOSOC. Celui-ci peut aider à explorer les options politiques, la cohérence et les compromis à faire pour accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, en s’appuyant sur la richesse du travail de ses organes subsidiaires et du système des Nations Unies, a-t-elle assuré. Selon Mme King, la présentation du rapport annuel du Conseil des chefs de secrétariat par le Secrétaire général constitue un élément crucial du mandat du débat consacré à l’intégration tel qu’il a été redéfini.
La journée s’est articulée autour de trois tables rondes sur les thèmes suivants: Mettre en œuvre un Programme de développement durable à l’horizon 2030 centré sur les personnes pour une planète plus saine; Partenariats pour les peuples, la planète et la prospérité; Des sociétés prospères et pacifiques à l’ère des objectifs de développement durable.
Dans l’après-midi, l’ECOSOC a pris note, sans vote, du rapport que venait de présenter le Secrétaire général, et a pris acte des progrès accomplis à ce jour dans l’exécution de toutes les réformes prescrites par l’Assemblée générale (résolutions 71/243 et 72/279). La Fédération de Russie, qui a assuré avoir soutenu le consensus sur cette résolution, a réitéré la nécessité de l’approche régionale sur la mise en œuvre de la réforme du système des Nations Unies, et de l’élaboration d’un modèle commun d’accord pour tous les bailleurs de fonds sur les projets de développement durable. Ces projets devraient être non politisés, a-t-il recommandé. Les Îles Marshall, au nom des membres du Forum des îles du Pacifique, ont salué la décision de créer un bureau multipays pour le Pacifique Nord, car cette région a besoin de sa propre feuille de route.
L’ECOSOC a, en outre, élu huit experts à l’Instance permanente pour les droits des peuples autochtones: Mme Hindou Oumarou Ibrahim (Tchad), Mme Anne Nurgam (Finlande), M. Phoolman Chaudhary (Népal), M. Geofrey Scott Roth (États-Unis), M. Simon Freddy Riveros (Bolivie), M. Dario José Mejia Montalvo (Colombie), M. Aleksei Tsykarev (Fédération de Russie) et Mme Hannah McGlade (Australie).
L’ECOSOC débutera demain, mardi 9 juillet, à partir de 9 heures, son Forum politique de haut niveau pour le développement durable.
DÉBAT CONSACRÉ À L’INTÉGRATION (E/2019/10)
Déclarations liminaires
Mme INGA RHONDA KING (Saint (Saint-Vincent-et-les Grenadines), Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé que l’année dernière, l’Assemblée générale, dans sa résolution 72/305 sur le renforcement de l’ECOSOC, avait changé la durée, le mandat et la portée de son débat consacré à l’intégration. Nous avons maintenant un débat consacré à l’intégration « plus conséquent », qui tire parti du travail du système des Nations Unies et des organes subsidiaires de l’ECOSOC pour accompagner la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a fait remarquer la Présidente. Le segment de cette année donne une vue d’ensemble des travaux des organes subsidiaires et un aperçu de ce qu’ils ont accompli dans le cadre du thème principal de l’ECOSOC et du Forum politique de haut niveau pour le développement durable. Le segment permettra de rassembler les analyses et les propositions politiques du système des Nations Unies et d’ouvrir la voie à l’examen thématique du Forum politique de haut niveau, a-t-elle dit.
À moins de 11 ans de la date prévue pour la réalisation des objectifs de développement durable, il est plus important que jamais d’améliorer la contribution de l’ECOSOC au développement durable et au progrès vers ces objectifs, a poursuivi Mme King. Elle a souligné que, comme nous avons appris des examens volontaires nationaux de ces quatre dernières années, les liens entre les objectifs de développement durable et les compromis à faire pour y arriver compliquent la mise en œuvre du Programme 2030. Le Conseil, à son avis, peut aider à explorer les options politiques, la cohérence et les compromis à faire pour accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, en s’appuyant sur la richesse du travail de ses organes subsidiaires et du système des Nations Unies, a-t-elle assuré. Selon la Présidente de l’ECOSOC, la présentation du rapport annuel du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies par le Secrétaire général constitue un élément crucial du mandat du segment de l’intégration tel qu’il a été redéfini, a estimé Mme King.
M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus), Vice-Président de l’ECOSOC, a indiqué que ce segment de l’intégration doit examiner les liens qui existent entre les cinq objectifs de développement durable dont l’examen est prévu au cours de la session du Forum politique de haut niveau. Le segment, a-t-il ajouté, permettra de rassembler les messages clefs des organes subsidiaires de l’ECOSOC et d’intégrer les contributions des États Membres, du système des Nations Unies et des principales parties prenantes, avec pour ambition la promotion de l’intégration équilibrée des trois dimensions du développement durable. M. Rybakov a souligné que le message des organes subsidiaires de l’ECOSOC est « limpide »: il faut appuyer la mise en œuvre des objectifs de développement durable. Le débat sur l’intégration, a-t-il rappelé, doit planter le décor du Forum politique de haut niveau, placé sous les auspices de l’ECOSOC, qui débute demain.
Rapport annuel d’ensemble du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination pour 2018
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, qui a présenté le rapport annuel du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination (CCS), a indiqué que le rapport présente les points saillants des principales activités menées par l’ensemble du système des Nations Unies et donne des informations sur les progrès accomplis pour contribuer à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Peu après ma prise de fonctions, a dit le Secrétaire général, j’ai souligné mon intention de rapprocher les entités des Nations Unies, conscient de notre interdépendance et de nos objectifs communs.
Le CCS, a estimé M. Guterres, est un forum unique qui peut et doit constituer un espace d’élaboration des politiques stratégiques et un moteur de l’intégration et de la cohérence. En fonctionnant davantage comme un groupe de réflexion, le CCS est devenu un élément essentiel pour renforcer le rôle de coordination et de direction du leadership des Nations Unies. Nous nous servons de ce forum pour parler librement et en toute franchise, en essayant de relever les défis actuels, tout en gardant un œil sur l’avenir, a affirmé le Secrétaire général.
Les membres du CCS possèdent des capacités « multidimensionnelles, multisectorielles et multidisciplinaires » et les réunions sont l’occasion d’exploiter cette richesse d’expertises pour relever les défis communs qui ne peuvent être abordés qu’au plus haut niveau du leadership, a poursuivi M. Guterres. Il a dit avoir adopté une approche moins formelle et plus ciblée des réunions du CCS qui examine moins de problèmes mais de manière plus approfondie. Chaque chef de secrétariat participe à titre individuel et apporte « sa part de sagesse », laissant à la porte « le chapeau de son organisation ».
Le Secrétaire général a aussi dit avoir invité les hauts responsables du maintien de la paix et de la sécurité pour avoir une approche intégrée et inclusive de la prise de décisions et de la planification et obtenir des résultats coordonnés et cohérents en termes de développement durable. Pour la première fois, a ajouté le Secrétaire général, j’ai invité mon Envoyé pour la jeunesse car dans un monde marqué par des changements rapides et une dynamique de pouvoir en constante évolution, et où plus de la moitié de la population a moins de 30 ans, le système des Nations Unies a le devoir d’inviter les jeunes à la table.
Mon but, a-t-il aussi expliqué, est que chaque membre du CCS quitte les réunions avec une compréhension et une vision communes des priorités immédiates du système des Nations Unies, avec de la clarté quant à la contribution de chaque entité et avec la conviction de devoir faire preuve de courage. Ma priorité c’est de faire entrer les Nations Unies dans le XXIe siècle, a rappelé le Secrétaire général. Il est revenu sur l’innovation qu’il a apportée, il y a plus d’un an et demi, quand il a demandé au CCS d’examiner les opportunités et les défis des technologies de pointe et de la quatrième Révolution industrielle, ainsi que la manière dont le système des Nations Unies doit réagir.
Bien que ces technologies aient rendu le monde plus connecté et le commerce plus efficace, elles peuvent aussi être utilisées à mauvais escient pour propager la xénophobie et les divisions. Mais, a prévenu le Secrétaire général, sans ces nouvelles technologies et les avancées futures, il sera impossible d’atteindre les objectifs de développement durable.
Nos spécialistes des politiques, a-t-il expliqué, ont examiné de près les questions relatives à l’intelligence artificielle, au cyberespace, à la biotechnologie et aux nouveaux armements. Nos spécialistes de la gestion et de l’administration ont exploré la manière d’intégrer les technologies de pointe et les nouvelles méthodes de travail mais aussi d’insuffler une dose d’esprit novateur. Par exemple, les entités ont adopté le cadre d’interopérabilité sémantique qui lance l’ONU dans une nouvelle ère de gestion des documents législatifs et normatifs produits par les différents organes des Nations Unies, au détriment du « paradigme papier ». Avoir des documents lisibles sur machine dans un format commun et riche d’un point de vue sémantique est un atout considérable pour la mise en œuvre du Programme 2030, lequel nécessite un mécanisme d’examen robuste et un cadre solide pour des politiques informées et le respect du principe de responsabilité.
Le CCS a aussi demandé à son secrétariat de développer une série d’instruments pour aider les entités du système des Nations Unies à cultiver et promouvoir l’innovation et, en conséquence, explorer des territoires inconnus comme l’élaboration de politiques mieux ciblées sur la personne, l’analyse des écosystèmes ou encore la gestion des partenariats innovants. L’École des cadres des Nations Unies entend lancer le premier instrument cet été. Comme il faut repenser les systèmes d’éducation, de protection sociale, de régulation, voire « notre propre rôle » dans le monde, le CCS a mis au point une stratégie sur « L’avenir du travail » qui devra être appliquée par toutes les entités.
En réponse à l’appel lancé par les États Membres pour renforcer la coordination et la cohérence interinstitutions face au problème mondial de la drogue, le CCS a adopté en 2018 une position commune avec l’engagement à soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de politiques qui placent l’individu, la santé et les droits de l’homme au centre et à promouvoir une approche axée sur la santé publique.
Avant de terminer, le Secrétaire général a attiré l’attention sur les mesures prises contre le harcèlement sexuel, l’adoption cette année de la Stratégie des Nations Unies pour l’inclusion du handicap, celle de la Stratégie de gestion de la durabilité qui couvre la période allant de 2020 à 2030 et le lancement, en mai dernier, d’un appel conjoint au sommet sur l’action pour le climat prévu pour septembre. Le CCS est déterminé à faire de ce sommet et des autres réunions importantes qui se dérouleront pendant la semaine de haut niveau un moment de mobilisation et de rassemblement, a conclu le Secrétaire général.
Débat interactif
Le débat qui a suivi la présentation par le Secrétaire général du rapport annuel du CCS a entendu le Maroc rappeler que l’objectif de la réforme du Secrétaire général entamée en 2017 est d’avoir une ONU équipée pour le XXIe siècle. La réforme met l’accent notamment sur les incidences des nouvelles technologies dans la réalisation des objectifs de développement durable, a-t-il rappelé.
De même, du côté du Mexique dont le représentant a souligné l’importance de la direction que donne le débat consacré à l’intégration pour guider les actions du système des Nations Unies pour le développement. Le représentant a aussi mis l’accent sur l’importance des changements technologiques pour la réalisation des objectifs de développement durable. Un consensus sur la question au sein de l’ONU est nécessaire à son avis, dans la mesure où des différences d’accès aux technologies pourraient accentuer encore l’écart entre les individus. Il a mis en garde contre les risques que fait peser l’intelligence artificielle sur le secteur de l’emploi. S’agissant du problème mondial de la drogue, il a jugé nécessaire d’appuyer la dépénalisation de la consommation et d’appliquer la politique de la proportionnalité des peines quant aux sanctions qu’encourent les consommateurs.
Réagissant à ces interventions, Mme SIMONA PETROVA, modératrice et Secrétaire du CCS, a indiqué que celui-ci s’était concentré sur ces questions en 2018 et y avait apporté plusieurs éléments de réponse. Elle a également abordé la question de l’intelligence artificielle et des avancées technologiques mentionnées dans le rapport du CCS, soulignant leurs conséquences sur le développement durable, le travail du CCS, du système des Nations Unies et du personnel de l’Organisation.
Table ronde 1: Mettre en œuvre un Programme de développement durable à l’horizon 2030 centré sur les personnes pour une planète plus saine
L’engagement à « ne laisser personne de côté » nécessite de mettre en œuvre un Programme de développement durable à l’horizon 2030 en restant « centré sur les personnes », ont souligné les intervenants à la première table ronde du débat consacré à l’intégration de l’ECOSOC. Les participants ont ainsi insisté sur la nécessité de réduire les inégalités et autres discriminations qui constituent des obstacles sur la voie d’un développement véritablement durable.
D’entrée de jeu, l’animateur de la discussion, M. ABDOULAYE MAR DIEYE, Sous-Secrétaire général, Administrateur adjoint du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et Directeur du Bureau des politiques et de l’appui aux programmes au PNUD, a donné l’exemple de la finale de la coupe du monde féminine jouée hier à Lyon, « un spectacle de meilleure facture que les matchs des hommes », selon lui, pour souligner l’importance de l’investissement dans l’égalité entre les genres. Il faut notamment donner les moyens appropriés aux footballeuses, a-t-il dit.
Cela reviendrait à avoir les mêmes environnements d’entraînement, des arbitres qui soient justes et des règles qui soient acceptées par tous, a renchéri Mme SAKIKO FUKUDA-PARR, Vice-Présidente du Comité des politiques de développement des Nations Unies. Mme Fukuda-Parr a fait une analogie avec l’économie mondiale dont les règles sont de plus en plus remises en cause: ce sont les personnes et les communautés les plus marginalisées qui en payent le prix.
Que ce soit dans l’économie comme en matière de football, force est de constater que ce sont les équipes les mieux préparées qui sont les plus susceptibles de remporter la victoire, a rebondi M. CHEIKH NIANG, Représentant permanent du Sénégal et Président de la cinquante-septième session de la Commission du développement social. Il a aussi mis en avant ces inégalités qui font que les équipes disputent la même compétition avec des atouts inégaux.
Comment donc accélérer les progrès en matière d’autonomisation des populations, d’inclusion et d’égalité, tout en réalisant les objectifs de développement durable? À cette question de l’animateur de la discussion, le représentant du Sénégal a rappelé que les richesses sont concentrées entre les mains d’une poignée de gens, « les fameux 1% des plus riches ». Il faut donc, a-t-il insisté, renforcer les capacités des populations, notamment les plus vulnérables.
La Vice-Présidente du Comité des politiques de développement des Nations Unies, a expliqué que son organe promeut les politiques de développement qui n’accentuent pas la marginalisation et les inégalités de « ceux qui sont laissés pour compte ». Elle a salué le potentiel des technologies pour réduire les fossés existants, insistant sur la nécessité de « mettre les technologies au service de la majorité ».
Justement, les meilleures pratiques en matière de science, de technologie et d’innovation qui sont recensées par l’ECOSOC pourraient permettre d’accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a suggéré le Représentant permanent adjoint du Mexique auprès des Nations Unies, M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA. Selon l’animateur de la table ronde, l’intelligence artificielle, qui est tant convoitée, pourrait aggraver encore plus les inégalités, puisque ce sont les couches sociales les plus nanties qui vont exploiter ce filon, ainsi que les pays les plus industrialisés.
La Directrice exécutive adjointe du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme CHARLOTTE PETRI GORNITZKA, a, de son côté, plaidé pour que les technologies permettent aux enfants et aux jeunes de s’émanciper. Il faut, a-t-elle insisté, réduire le fossé numérique qui sépare les jeunes des adultes, « étant donné que la plupart des emplois du futur seront peu ou prou liés au numérique ». Dans le même temps, a-t-elle prôné, il faut élargir les prestations sociales en faveur des enfants. Elle a noté à cet égard que, selon les études menées, « chaque dollar investi dans la vaccination permet un retour sur investissement de 44 dollars ».
Le Mexique a rappelé que les inégalités commencent en effet dès le bas âge, à la maison, quand on attribue des tâches différentes à la jeune fille et au jeune garçon. Il a donc plaidé pour des changements socioculturels, avant de se féliciter que son pays ait pris les devants, puisque le Parlement et le Gouvernement du Mexique comptent désormais en leur sein le même nombre d’hommes et de femmes. Le représentant a aussi rappelé que l’intégration la plus urgente à faire est celle des femmes « qui représentent tout de même la moitié de la population mondiale ». « C’est même un impératif moral en plus d’être une décision raisonnable », a argué l’animateur du débat en expliquant qu’intégrer les femmes dans l’économie permettrait de multiplier par 2 la croissance des économies, notamment en Afrique. Le continent perd en effet entre 100 millions et 1 milliard de dollars par an du fait des inégalités entre les genres, selon une étude du PNUD.
Le Mexique est par ailleurs intervenu pour saluer la décision « emblématique » du Conseil de sécurité qui entend décloisonner les questions de « paix et sécurité » et celles relatives au « développement » en ce qui concerne Haïti. Il a ainsi rappelé que le 25 juin dernier, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 2476 (2019) pour instituer un Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Selon M. Sandoval, c’est l’occasion pour l’ONU de faire preuve d’« intégration » en Haïti: les efforts de l’ONU dans ce pays peuvent ainsi passer de l’aide humanitaire au développement. Le délégué d’Haïti a confirmé que les causes fondamentales de l’insécurité dans son pays sont dues à la précarité économique des populations.
En fin de compte, la Vice-Présidente du Comité des politiques de développement des Nations Unies a souligné que l’exigence de ne laisser personne à la traîne est « un grand engagement en vue de réduire la pauvreté et faire face aux inégalités les plus extrêmes ». Elle a néanmoins estimé que les indicateurs mesurant la mise en œuvre des objectifs de développement durable ne sont « malheureusement pas à la hauteur de nos ambitions ».
Table ronde 2: Des sociétés prospères et pacifiques à l’ère des objectifs de développement durable
Pour avoir des sociétés prospères et pacifiques, quels sont les défis et comment les surmonter? Que peuvent faire l’ONU et ses organes subsidiaires? a demandé la modératrice de la table ronde, Mme ALICIA BARCENA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) pour lancer la discussion.
Mme ALENA KUPCHYNA (Bélarus), membre de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, a souligné l’importance de l’« esprit de Vienne » qui privilégie le recours à des décisions consensuelles au sein de la Commission. Cela facilite énormément l’action sur le terrain et la participation de la société civile dans la prévention du crime, a-t-elle dit. La représentante a conseillé d’accorder une attention particulière à l’éducation, à l’accès à la justice et à l’insertion des jeunes notamment par le sport. Elle a vanté les mérites de cette commission, « certes loin de New York, mais centrée sur la personne ». Pour la représentante, « lutter contre la criminalité est un aspect indispensable de la construction de sociétés prospères et pacifiques et pour le développement ».
M. MHER MARGARYAN (Arménie), Président de la Commission de la condition de la femme, a expliqué que pour parvenir à des sociétés prospères et pacifiques et pour les maintenir, il faut un cadre politique permettant aux individus de prendre en charge leur famille par eux-mêmes. En outre, l’action climatique doit être axée sur la personne car toutes les activités humaines dépendent du climat, a ajouté le représentant. Prévenir les conflits et pérenniser la paix appellent la participation effective des femmes, a-t-il aussi plaidé, ajoutant que les organisations de femmes peuvent d’ailleurs jouer un rôle central dans la réussite des efforts de réconciliation. Le Président de la Commission a recommandé, de manière générale, d’œuvrer en faveur de l’autonomisation des femmes et des filles ainsi que de l’égalité hommes-femmes. Sur ce dernier point, il a plaidé pour des financements qui garantissent effectivement l’égalité entre les sexes dans des domaines comme la santé, l’éducation et les soins pour la petite enfance.
« Si tu veux la paix, il faut cultiver la justice », a dit M. MOUSSA OUMAROU, Directeur général adjoint pour les opérations et les partenariats de l’Organisation internationale du Travail (OIT), en citant la devise de l’Organisation à sa création. La réponse à la question de sociétés pacifiques que nous nous posons aujourd’hui se trouve déjà dans cette phrase entendue 100 ans plus tôt à la création de l’OIT, a indiqué M. Oumarou. Il a souhaité la mise en œuvre effective du Programme 2030 pour pouvoir relever les défis des sociétés pacifiques et prospères, plaidant en particulier pour que soit réalisé l’objectif 8 sur la création d’emplois et le travail décent. Tous les autres objectifs dépendent de l’objectif 8, a insisté le Directeur. Il a en outre exhorté à renforcer le système multilatéral, afin de résoudre ensemble les problèmes mondiaux. S’agissant de la technologie, il faut que l’homme soit à la commande et non la situation inverse où l’homme court après la technologie, a plaidé M. Oumarou, qui a également insisté sur l’importance de la gouvernance tripartite comme cela se fait à l’OIT depuis un siècle avec la participation des États Membres, des employés et des employeurs.
« Ne pas baisser les bras et rester optimiste », a préconisé à son tour M. GUILLERMO ROQUE FERNÁNDEZ DE SOTO VALDERRAMA (Colombie) en rappelant que le Programme 2030 est le dernier accord obtenu grâce au multilatéralisme: il faut donc le préserver. La Colombie, a-t-il souligné, s’est distinguée par son leadership qui a mis en évidence l’importance des liens entre les objectifs de développement durable, les défis nationaux de développement et le plan de paix. Ces objectifs ont la capacité d’unir les acteurs étatiques et non-étatiques autour de thèmes qui sont importants pour tous, a-t-il relevé en qualifiant ces objectifs de « vecteurs de développement ». Le plan de développement de la Colombie est d’ailleurs en harmonie avec les objectifs de développement durable, a-t-il assuré en précisant qu’il prévoit l’élimination des écarts entre les régions et les populations. La Colombie travaille aussi concrètement à la mise en œuvre du plan de paix et compte atteindre tous ses objectifs dans 15 ans. Le Gouvernement offre des opportunités économiques aux anciens guérilleros, a-t-il dit en indiquant notamment que plus de 1 600 anciens combattants ont bénéficié de projets de développement agricole. Le représentant a enfin souligné le rôle essentiel de la Commission de la consolidation de la paix pour garantir des sociétés prospères et pacifiques.
Réagissant à ces exposés, le Cambodge a fait remarquer que des sociétés prospères et pacifiques ne peuvent être atteintes sans financement adéquat pour le développement. Le problème de financement au sein de l’ONU doit d’abord être résolu, a déclaré le représentant. Il faut, en outre, une meilleure coopération et un vrai partenariat mondial, a-t-il plaidé, regrettant l’absence de volonté politique sur cette question qui éloigne les perspectives de développement. Le représentant a assuré de son appui à la réforme du Secrétaire général dont le succès dépend du financement du système des Nations Unies pour le développement.
L’ONU a des outils qu’il faut utiliser et des parties prenantes qu’il faut effectivement faire participer, a indiqué la modératrice. Il faut en outre passer de la vision de la sécurité nationale à celle de la sécurité humaine, a-t-elle conclu.
Table ronde 3: Partenariats pour les peuples, la planète et la prospérité
Selon des données de l’ONU, environ 1 million d’espèces animales et végétales sont maintenant menacées de disparition et certaines, depuis des décennies. Il est désormais clair que les politiques environnementales actuellement en vigueur ne suffiront pas pour atteindre les objectifs du Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique adopté en 2010 par les Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB).
De ce fait, des politiques intégrées sont essentielles pour surmonter les approches en silo dans les domaines économique, social et environnemental, indique la note de concept distribuée aux délégations. Elle précise qu’il faudra un partenariat mondial renforcé pour recentrer les actions sur ce qui peut aider le plus les populations les plus vulnérables du monde. C’est dans cette optique que les participants à la dernière table ronde de la journée ont proposé quelques pistes d’amélioration des politiques intégrées de développement.
Comment combler les lacunes et surmonter les difficultés liées à l’élaboration de politiques intégrées? Telle fut la première question de l’Animateur du débat, M. ELLIOT HARRIS, Sous-Secrétaire général au développement économique et Économiste en Chef au Département des affaires économiques et sociales (DAES).
Pour Mme GERALDINE FRASER-MOLEKETI, Présidente du Comité d’experts de l’administration publique et Chancelière de l’Université Nelson Mandela, la clef du succès passe par la mise en œuvre de l’objectif 16 de développement durable (paix, justice et institutions efficaces). Selon l’experte qui intervenait par visioconférence depuis l’Afrique du Sud, il faut rendre cet objectif plus visible. C’est pourquoi il est important de procéder, a-t-elle prôné, à des changements systémiques tout en veillant à trouver le bon équilibre entre changement et efficacité. Elle a aussi demandé de mettre l’accent sur la planification à long terme.
Il sera difficile de réaliser les objectifs de développement durable si les tendances actuelles persistent, a averti M. MAHMOUD MOHIELDIN, Vice-Président principal du Groupe de la Banque mondiale. Il a évoqué la situation du continent africain où tous les indicateurs de mise en œuvre sont au rouge, à l’exception de ceux en rapport avec l’objectif 5 (égalité entre les sexes). Comme solution de rattrapage, il a recommandé en priorité de combler le fossé qui existe en matière de données. Alors que tout le monde parle aujourd’hui des « mégadonnées », il ne faudrait pas oublier qu’il y a des « microdonnées » à disposition, a-t-il tenu à rappeler. Il a aussi suggéré que les programmes de développement soient mis en œuvre de manière transversale sur le terrain.
M. SATYA TRIPATHI, Sous-Secrétaire général et responsable du Bureau du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a pour sa part mis l’accent sur l’objectif 12 (consommation et production durables). Selon lui, il s’agit de « la clef pour ouvrir la voie vers la préservation de la biodiversité ».
M. JUKKA SALOVAARA, Représentant permanent de la Finlande auprès des Nations Unies, a donné l’exemple de la mise en œuvre de politiques intégrées dans son pays. Il a expliqué que ces politiques demandent une planification sur le long terme, accompagnée d’une budgétisation tenant compte des principes du développement durable. C’est ainsi que la Finlande a transformé l’imposition des voitures pour tenir compte de leur émission de gaz carbonique. En outre, afin de susciter l’engagement de tous les acteurs, le pays a recensé pas moins de 2 000 engagements volontaires de diverses parties prenantes, y compris les municipalités et les acteurs du secteur privé.
Le Représentant permanent de la Jamaïque auprès des Nations Unies, M. COURTENAY RATTRAY, a indiqué que les autorités de son pays ont identifié des facteurs susceptibles de créer des changements à grand impact dans la société. La question des changements climatiques fait partie de ces facteurs de changement, a-t-il précisé, expliquant ainsi pourquoi la Jamaïque a choisi d’atténuer les effets néfastes des changements climatiques dans tous les secteurs de la vie nationale.
En plus de l’adoption de nouvelles approches pour renforcer la compilation des données nationales, les Philippines mettent en œuvre des pratiques à succès qui ont fait leur preuve dans d’autres pays. Mme KIRA CHRISTIANNE DANGANAN AZUCENA, Chargée d’affaires à la Mission permanente des Philippines aux Nations Unies, a aussi exprimé le vœu de voir une meilleure cohérence au sein du système des Nations Unies.
Mme FRASER-MOLEKETI du Comité d’experts de l’administration publique a de son côté demandé que l’objectif 16 de développement durable soit examiné chaque année par l’ECOSOC, y voyant une chance d’arriver à une amélioration des actions des institutions onusiennes dans le domaine de la paix, de la justice et des institutions efficaces. Même s’il a aussi appelé à une meilleure coordination entre différents organes des Nations Unies, M. TRIPATHI du PNUE a déploré le fait qu’il y a toujours, au sein du système onusien, cette tentation de revenir aux cloisonnements. « Il faut résister », a-t-il lancé.
Déclarations de clôture
M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a dit qu’il partagera les recommandations de ce débat à l'ouverture du Forum politique de haut niveau pour le développement durable qui débutera demain. Ce débat consacré à l’intégration nous a permis de prendre du recul et de réfléchir, a relevé le haut fonctionnaire. Il a été dit que la réalisation du Programme 2030 nécessite « plus d’intégration et plus de cohérence ». Cependant, au cours des dernières années, plusieurs pays ont cité les politiques intégrées comme un « défi majeur ». Certains ont mis en place un mécanisme institutionnel, d’autres ont donné la priorité à la mobilisation de gouvernements et des sociétés civiles tout entière autour des objectifs de développement durable. Il faut en outre s’attaquer aux inégalités et à la pauvreté. M. Liu a indiqué que beaucoup de personnes risquent d’être laissées sur le côté à cause de l’augmentation du nombre et de l’intensité des catastrophes naturelles, du chômage, du manque de respect des droits de l’homme et de la discrimination. Cela nécessite de réitérer l’engagement de ne laisser personne sur le côté. L’intégration et la cohérence des politiques peuvent aider à lutter contre le dénuement et les sources de discrimination qui empêchent de sortir de la pauvreté et de vivre dans la dignité et le respect, a estimé le Secrétaire général adjoint.
M. VALENTIN RYBAKOV, Vice-Président de l’ECOSOC, a dit que les contributions et les recommandations des organes subsidiaires sur le thème de ce segment de l’intégration ont souligné une fois de plus que la réalisation des objectifs de développement durable et l’avènement d’un monde inclusif ne sont pas choses faciles. Nous faisons face à de nombreux obstacles dont certains sont de nature structurelle et exigent un changement transformateur. Les discussions ont aussi remis au goût du jour les relations étroites entre les « 5P » (population, paix, prospérité, planète et partenariat), a-t-il noté, soulignant ainsi que « la population et son bien-être devraient être au centre de tout ce que nous faisons ». Elles ont montré les complexités d’assurer l’inclusion de nos sociétés et de nos systèmes politiques et la nécessité d’actions dans de nombreux domaines.
Ces discussions ont aussi souligné la richesse des expertises des organes subsidiaires de l’ECOSOC et du système des Nations Unies pour le développement. Nous devons utiliser ces organes pour explorer les multiples facettes des objectifs de développement durable, trouver des synergies entre les différentes cibles, faire des compromis et réfléchir à la manière d’accélérer les progrès dans la réalisation de la vision du Programme 2030. Cela assurera une mise en œuvre cohérente et coordonnée du Programme 2030 et aidera à accélérer la réalisation des objectifs de développement durable. Le Vice-Président a ensuite rappelé le prochain sommet sur le développement durable prévu en septembre, qui sera l’occasion de faire un examen complet de l’action mondiale en faveur du Programme 2030.