ECOSOC: le quatrième Forum sur la science, la technologie et l’innovation évalue les atouts et les risques de ces outils à la lumière du Programme 2030
Technologies numériques, intelligence artificielle, automatisation, biotechnologie, nanotechnologie… Ces nouvelles technologies ayant un impact considérable sur l’économie, les sociétés et l’environnement, des efforts s’imposent pour éviter qu’elles ne viennent creuser encore davantage le fossé numérique. C’est ce qui est ressorti de cette première journée du quatrième Forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation (STI) pour la réalisation des objectifs de développement durable, qui s’est ouvert aujourd’hui, sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC).
Constatant que la lutte contre la pauvreté s’avère de plus en plus difficile et que le problème de la faim resurgit, sans oublier les conséquences des changements climatiques, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Liu Zhenmin, a souligné que les STI étaient nécessaires pour trouver des solutions dans tous les secteurs et déterminantes pour concrétiser les objectifs de développement durable. De son côté, la Présidente de l’ECOSOC, Mme Inga Rhonda King, a appelé à redoubler d’efforts pour avancer dans ces domaines, tout en reconnaissant que ces changements ne sont pas toujours assez rapides pour faire face aux défis.
Venu présenter les derniers travaux du Mécanisme de facilitation des technologies, M. Alexander Trepelkov, du Département des affaires économiques et sociales, a notamment averti qu’à moins d’agir de manière proactive dans ce domaine -donc « faciliter les technologies »-, les inégalités pourraient être exacerbées avec le risque que beaucoup se trouvent bloqués, sur le long terme, dans le « piège de faible technologie ». Une situation qui, a-t-il souligné, va à l’encontre de l’objectif principal du Programme de développement durable à l’horizon 2030, « ne laisser personne de côté ».
M. Trepelkov a aussi parlé de l’impact de la production automatisée et de l’intelligence artificielle sur le développement, notant que ces outils peuvent accélérer la tendance à la baisse des coûts opérationnels et du recours à des travailleurs dans un large éventail de secteurs. Dans de nombreux pays, cela pourrait se traduire par une concentration encore plus importante de la richesse et une baisse de la demande pour la main-d’œuvre moins qualifiée, a-t-il alerté, tout en reconnaissant que les opinions des experts divergent quant au réel impact de la robotique sur l’emploi.
« De nombreux pays devront donc repenser leur trajectoire de développement afin d’intégrer ces nouvelles technologies et repenser leurs approches en matière d’emplois, d’inclusion, de distribution des revenus et de contrat social », a-t-il indiqué.
Les STI ont aussi été vues sous l’angle de leur impact sur l’environnement. M. Trepelkov a notamment fait observer qu’outre les déchets électroniques, les nouvelles technologies consomment énormément d’électricité, comme l’illustre la cybermonnaie, dont la consommation en électricité est digne de celle d’un pays entier.
Il importe donc d’améliorer les connaissances et la compréhension de ces tendances et d’élaborer des scénarios cohérents et plausibles, a-t-il estimé, déplorant le travail insuffisant en la matière, notamment en ce qui concerne les pays en développement. Aussi a-t-il jugé judicieux d’établir des partenariats avec les universités, les incubateurs d’innovation et le secteur privé, et d’appuyer la collaboration internationale dans le domaine de la recherche scientifique.
Partisan d’une « diplomatie scientifique » pour faciliter les échanges entre chercheurs et plaidant pour la création d’académies scientifiques dans les pays en développement, M. Romain Murenzi, Directeur exécutif de l’Académie mondiale des sciences, a souligné que « l’éducation est un secteur qui peut permettre de changer la donne ». Il faut encourager la présence de femmes et de filles dans les domaines scientifiques, a-t-il ajouté, notant que « cela permettrait tout simplement de doubler le vivier de scientifiques du monde ».
L’importance de réformer les programmes scolaires afin de de promouvoir « un grand bond en avant » en matière de STI a d’ailleurs été évoqué à plusieurs reprises, une délégation ayant notamment recommandé d’éviter que seules les élites aient accès à l’apprentissage du code: « Les robots arrivant, il faut faire en sorte que ceux qui les conçoivent ne laissent personne de côté. »
Articulé autour de quatre débats interactifs, les travaux d’aujourd’hui ont aussi mis l’accent sur l’importance des données, « l’or noir » de notre époque. Il a notamment été fait observer que l’accumulation de données avait atteint des niveaux inédits, mais que celles-ci étaient concentrées sur un nombre limité de réseaux et nuages informatiques, aux mains d’un petit nombre. C’est une situation sans précédent qui a des incidences concrètes sur l’utilisation et l’octroi des ressources. De plus, « si on aime dire que les données sont le nouveau pétrole, il faut se souvenir que les économies pétrolières sont à l’origine des changements climatiques et donc se montrer prévoyant », a commenté une délégation.
De son côté, la Chef de l’information de la Banque de Montréal, Mme Claudette McGowan, a constaté que face à la vélocité de ces nouvelles technologies, les hauts dirigeants, qui brassent souvent des milliards de dollars, ont du mal à suivre le rythme.
« On aime dire que les données sont le nouvel or noir, mais la vitesse c’est la nouvelle eau », a-t-elle conclu, tout en appelant à savoir appuyer sur le bouton « pause » lorsque cela est nécessaire. L’idée est d’avancer, mais avec prudence, a-t-elle commenté.
Le quatrième Forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation (STI) se poursuivra demain, mercredi 15 mai, à 10 heures.
QUATRIÈME FORUM DE COLLABORATION MULTIPARTITE SUR LA SCIENCE, LA TECHNOLOGIE ET L’INNOVATION POUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Thème: « Science, technologie et innovation au service de l’inclusivité et de l’égalité - Accent principalement mis sur les objectifs de développement durable 4, 8, 10, 13 et 16 »
Déclarations liminaires
Mme INGA RHONDA KING, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a souligné qu’aujourd’hui, personne ne peut plus nier l’apport de la science dans la vie des humains. En effet, la science, la technologie et l’innovation (STI) permettent de faciliter le chemin vers un développement durable. Par exemple, la téléphonie mobile nous permet de rester en contact ou de transférer de l’argent plus facilement. La télédétection, a-t-elle poursuivi, permet d’aider à retrouver les survivants après les catastrophes. Elle a donc salué les innovations que le monde connaît, même si elle a reconnu que pour certains, ces changements ne sont pas assez rapides pour faire face aux défis. C’est pourquoi il est important d’accélérer le rythme pour riposter aux défis communs, a-t-elle estimé.
Mme King a souligné que les progrès sont impossibles sans une action concrète de terrain et un dialogue entre les parties prenantes. Il faut, a-t-elle ajouté, redoubler d’efforts pour mettre encore plus à profit les STI, qui doivent contribuer ainsi à la réalisation des objectifs de développement durable. Mme King a souligné à cet égard le bien-fondé du Forum de collaboration multipartite sur les STI. Comme il est de coutume, a-t-elle relevé, le Forum va discuter de ceux des objectifs de développement durable qui seront au programme du Forum politique de haut niveau qui se réunira en juillet sous les auspices de l’ECOSOC. Elle s’est félicitée du fait que cette session mettrait l’accent, entre autres, sur les jeunes, les femmes et les peuples autochtones, avant de dire son souhait de voir, au cours des deux prochaines journées du Forum, des délibérations fructueuses et des résultats utiles pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable.
M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a salué l’institution du Mécanisme de facilitation des technologies, et la participation sans précédent de scientifiques et de jeunes, entres autres. Il a noté que l’année 2019 marquerait la fin du premier cycle d’examen de la mise en œuvre des objectifs de développement durable, une date clef qui, a-t-il indiqué, sera marquée par le tenue de plusieurs évènements de haut niveau afin de réfléchir aux enseignements tirés.
M. Liu a constaté qu’il reste encore beaucoup de défis à relever avant de réaliser les objectifs de développement durable: la lutte contre la pauvreté s’avère de plus en plus difficile, le problème de la faim resurgit, sans oublier les conséquences des changements climatiques. Néanmoins, les maladies infectieuses sont en baisse, les énergies vertes ont le vent en poupe et la reforestation progresse, a-t-il tempéré. Le Secrétaire général adjoint a souligné que les STI étaient nécessaires dans tous les domaines, se disant convaincu que grâce à elles, il serait possible de concrétiser les objectifs de développement durable. Il a aussi mis l’accent sur l’importance des partenariats, raison d’être du Mécanisme de facilitation des technologies, pour ensuite insister sur la nécessité de renforcer la coordination et la cohérence au sein de l’ONU afin de réaliser les objectifs de développement durable.
M. Liu a, par ailleurs, parlé de la tenue, en Jordanie et au Panama, d’ateliers sur les STI ainsi que d’autres initiatives liées au Mécanisme de facilitation des technologies, insistant longuement sur l’importance des partenariats et de l’implication des jeunes. Le développement d’une plateforme en ligne est particulièrement crucial afin de mettre en relation les fournisseurs de ces technologies et les entités les nécessitant, a-t-il expliqué, déplorant les « petits retards » qui entravent l’opérationnalisation de cette plateforme. Il s’est ensuite dit convaincu que le moment était opportun pour accélérer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
M. ROMAIN MURENZI, Directeur exécutif de l’Académie mondiale des sciences, a expliqué que les inégalités dans le monde étaient dues aux inégalités dans le domaine des technologies, voire même à l’absence de technologies. Ainsi, les pays n’ayant pas de STI se développent moins, notamment les pays les moins avancés (PMA) qui ont une faible production scientifique et ne peuvent donc pas générer le progrès. Cependant, on note que les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont à l’origine de plus de 80% de la production scientifique. Il y a donc un fossé entre le Nord et le Sud de la planète. Mais ces fossés peuvent être comblés grâce au renforcement des capacités scientifiques, a-t-il assuré avant de préciser que cela nécessite des politiques adéquates qui renforcent le lien entre l’innovation et le monde des entreprises.
Pour M. Murenzi, de tous les objectifs de développement durable, le plus important est le numéro 4 sur l’éducation, un secteur qui peut permettre de changer la donne. C’est ce que s’attèle d’ailleurs à faire l’Académie mondiale des sciences qui travaille à vulgariser l’éducation scientifique dans les pays en développement afin de réduire les inégalités. Il faut que dès le plus jeune âge, les enfants soient entraînés à penser différemment et à innover. De même, il faut faire comprendre aux enfants que l’échec n’est qu’une étape vers le succès. De plus, il faut encourager la présence de femmes et filles dans les domaines scientifiques, car cela pourrait permettre tout simplement de doubler le vivier de scientifiques du monde. Pour l’instant, a-t-il déploré, les femmes ne représentent que 30% de la communauté scientifique mondiale.
En matière de renforcement des capacités scientifiques, M. Murenzi a suggéré de passer par Internet afin de promouvoir par exemple le télé-enseignement, tout en précisant que cela passe d’abord par un accès au haut débit dans les pays en développement, ce qui n’est pas encore le cas. Dans ces pays, a-t-il remarqué, la politique adoptée par les autorités est cruciale, car de bonnes politiques peuvent avoir une incidence sur la recherche scientifique et l’innovation. Il a donc plaidé pour favoriser les échanges entre scientifiques dans le cadre de ce qu’il a appelé « la diplomatie scientifique ». Il a par ailleurs demandé d’augmenter le nombre d’académies scientifiques dans les pays en développement, rappelant qu’on était passé de neuf académies en 1993 en Afrique à une vingtaine aujourd’hui. Ces académies sont utiles, a-t-il expliqué, car elles rassemblent les scientifiques du pays pour leur permettre d’échanger sur les possibilités d’innovation. M. Murenzi a enfin appelé à promouvoir une nouvelle génération de scientifiques capables de résoudre les problèmes.
Mme CLAUDETTE MCGOWAN, Chef de l’information de la Banque de Montréal, s’est rappelé sa surprise lorsqu’elle avait appris que trois milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à Internet, pour ensuite faire part de son engouement pour l’innovation et la technologie. Elle a parlé de la construction, par la Banque de Montréal, d’un nouveau campus pour accueillir 3 000 membres de l’équipe et de la création d’un programme d’éducation numérique pour améliorer les compétences du personnel en la matière.
Mais face à la vélocité de ces nouvelles technologies, les hauts dirigeants, qui brassent souvent des milliards de dollars, ont du mal à suivre le rythme, a noté Mme McGowan. Elle s’est interrogée sur l’impact de cette situation sur les trois milliards de personnes qui n’ont pas accès à l’outil informatique. « On aime dire que les données sont le nouvel or noir, mais la rapidité c’est la nouvelle eau », a-t-elle commenté. Elle a insisté sur l’importance de la vitesse et sur la nécessité de prendre en compte son impact, tout en sachant appuyer sur le bouton « pause » lorsque cela est nécessaire.
Mme McGowan a ensuite parlé de l’intelligence artificielle et de l’essor des nouvelles technologies au Canada. Le programme « Canada Code » a permis à des millions de personnes d’apprendre à programmer, notamment des filles, des autochtones et des habitants de zone rurale. De plus, un incubateur pour les jeunes appelé « House » vise à mettre à profit la créativité de ces derniers. L’experte a aussi fait observer que la robotique intégrée pouvait aider aussi bien dans les tâches ménagères que pour appuyer l’enseignement des langues ou l’éducation des enfants autistes. Mais si un robot de service peu effectuer une tâche, cela signifie-t-il pour autant qu’on doit la lui confier? a-t-elle lancé, se disant convaincue que l’avenir appellera les humains à intervenir pour compléter et parfaire l’action robotique. Elle s’est aussi interrogée sur l’impact de la 5G, notamment sur le plan des coûts et d’un possible impact sur la santé.
Le facteur « vitesse » du numérique va élargir le fossé numérique, a craint Mme McGowan, en mettant en garde contre « la vitesse à tout prix » et en s’interrogeant sur le comportement des générations à venir. L’idée est d’avancer, mais avec prudence, a-t-elle estimé. Il faut mettre l’accent sur l’éducation, l’élimination des obstacles et comprendre les raisons véritables qui empêchent trois milliards de personnes d’être connectées. Au Canada, 100 projets ont d’ailleurs été lancés dans le but de renforcer la connectivité de 900 communautés rurales, a-t-elle témoigné.
Session sur les nouvelles thématiques liées à la technologie et impact des rapides changements technologiques sur les objectifs de développement durable
Venu faire le point sur les derniers travaux du Mécanisme de facilitation des technologies, M. ALEXANDER TREPELKOV, responsable par intérim à la Division des objectifs de développement durable du Département des affaires économiques et sociales, a fait remarquer que les technologies numériques, l’intelligence artificielle, l’automatisation, la biotechnologie et la nanotechnologie ont un impact fondamental et considérable sur l’économie, les sociétés et l’environnement. « Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas avoir recours à ces technologies », a-t-il souligné. Néanmoins, à moins d’agir de manière proactive, les inégalités pourraient être exacerbées avec le risque que beaucoup se trouvent bloqués, sur le long terme, dans des « pièges de faible technologie », une situation qui va à l’encontre de l’objectif du Programme 2030 de ne laisser personne de côté.
M. Trepelkov a également fait observer que les opinions des experts du Mécanisme divergent sur la question de savoir si les nouveaux emplois créés par ces technologies permettront de « compenser » la perte des anciens. Certains estiment que les ordinateurs et les robots pourraient remplacer jusqu’à la moitié des emplois humains au cours des prochaines décennies, tandis que d’autres avancent que, comme dans le passé, de nouveaux emplois seront créés pour répondre aux besoins et complémenter ces nouvelles technologies. Il a aussi parlé de l’impact sociétal des nouvelles technologies: avoir recours à l’« apprentissage sur machine » pour prendre des décisions risque d’enraciner encore plus les préjugés qui se manifestent déjà dans les données historiques. Il faut se préparer à toute éventualité, a-t-il indiqué.
M. Trepelkov a aussi parlé de l’impact de la production automatisée et de l’intelligence artificielle sur le développement, notant que ces outils peuvent accélérer la tendance à la baisse des coûts opérationnels et du recours à des travailleurs dans un large éventail de secteurs. Dans de nombreux pays, cela pourrait se traduire par une concentration encore plus importante de la richesse et une baisse de la demande pour la main d’œuvre moins qualifiée. Et les voies de développement traditionnelles, qui dépendent de la croissance de la manufacture, risquent de perdre en viabilité. De nombreux pays devront donc repenser leur trajectoire de développement afin d’intégrer ces nouvelles technologies et repenser leurs approches en matière d’emplois, d’inclusion, de distribution des revenus et de contrat social. Cette situation, a-t-il ajouté, présente des défis extraordinaires sur le plan politique et exige un niveau tout autant extraordinaire de coopération internationale.
Pour se préparer à ces impacts, a-t-il poursuivi, les pays devront, par exemple, repenser et réorganiser l’alignement des compétences avec la rapidité de l’évolution des besoins du marché du travail, non seulement au sein du système d’éducation, mais également pendant l’apprentissage tout au long d’une vie. Certains experts ont d’ailleurs proposé de créer des assurances chômage technologique ou des politiques de garantie de revenus.
M. Trepelkov a ensuite fait observer que si les nouvelles technologies permettent de créer des systèmes hydriques ou d’énergie renouvelables plus efficaces, et ce, quel que soit le niveau de développement des pays, elles consomment aussi énormément d’électricité, ce qui a un impact sur le plan des émissions des gaz à effet de serre. En outre, elles produisent des déchets électroniques et chimiques ainsi que des nanodéchets. Cela s’illustre d’ailleurs par le fait que la cybermonnaie entraîne une consommation en électricité digne de celle d’un pays entier.
Le panéliste a par ailleurs appelé à améliorer les connaissances et la compréhension de ces tendances et à élaborer des scénarios cohérents et plausibles, déplorant le travail limité en la matière, notamment en ce qui concerne les pays en développement. Il serait donc judicieux d’établir des partenariats avec les universités, les incubateurs d’innovations et le secteur privé, a-t-il estimé, insistant également sur l’importance de la collaboration internationale dans le domaine de la recherche scientifique.
Sur le plan de la déontologie, M. Trepelkov a appelé à veiller au déploiement de normes éthiques pour les nouvelles technologies et à prendre en compte les préoccupations concernant les restrictions excessives imposées à l’innovation. Il est par ailleurs essentiel d’adopter une approche multisectorielle et d’engager un dialogue multipartite.
« L’échelle et l’ambition du Programme 2030 constituent une opportunité titanesque pour permettre au secteur privé de démontrer sa capacité, sa volonté et son engagement à appuyer l’humanité », a lancé Mme ABBY SHAPIRO, Vice-Présidente de US Council for International Business (USCIB). Elle a souligné que la réalisation des objectifs de développement durable ne pourra se faire sans la participation du secteur privé. Elle a ensuite appelé à surmonter les peurs et à démontrer l’utilité des nouvelles technologies. Il faut renforcer les cadres politiques pour que le monde des affaires participe aux négociations dès le début. Il faut aussi mettre en place des structures pour permettre à toutes les parties prenantes de travailler ensemble. Elle a ensuite cité en exemple plusieurs initiatives du secteur privé. Ainsi, la société Coca-Cola s’est engagée à restituer un volume d’eau équivalent à celui qu’elle utilise pour la fabrication de ses boissons, et la société PPL promeut des dizaines de projets de recherche sur les technologies propres, dont « Keystone Solar Future ». Un autre projet en Malaisie vise à renforcer les compétences des femmes dans les nouvelles technologies.
Mme ISABEL GUERRERO PULGAR, Directrice d’IMAGO et conférencière à la Harvard Kennedy School, a fait le point sur les activités du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique dont elle est membre, énumérant la tenue de réunions, de consultations et autres évènements. Elle a fait observer que le début des travaux avait été marqué par un engouement pour le recours à Facebook et autres réseaux sociaux, mais que cette tendance était à présent à la baisse suite à l’apparition de « tensions ». Un accent particulier a été placé sur la question de l’inclusion numérique, du fait de l’apparition d’un « bien public numérique ». Il aussi a été recommandé que d’ici à 2030, tous les adultes du monde aient accès au réseau numérique et que des actions soient lancées pour veiller à l’inclusion des femmes en particulier. La question de la règlementation a été soulevée à plusieurs reprises, certains estimant qu’il en va de la responsabilité du secteur privé et d’autres, des gouvernements. L’importance du renforcement des capacités, tant des individus que des institutions, a aussi mobilisé les débats. Pour ce qui est de la bonne utilisation des données, « le nouveau pétrole », des normes s’imposent pour bien réglementer leur collecte, a-t-elle souligné.
M. AMIR DOSSAL, Président de Global Partnership Forum, a estimé que la plateforme en ligne du Mécanisme gagnerait en étant plus facile à utiliser, et en se transformant en une interface plus active. Elle pourrait devenir un portail approprié pour la participation d’une multiplicité de partenaires. Il n’est pas non plus nécessaire de chercher à utiliser les technologies de pointe pour trouver des solutions à tout, car d’autres outils peuvent s’avérer tout autant efficaces, a-t-il relevé. Il a notamment fait observer que la télémédecine, qui nécessite le haut débit, n’est pas disponible dans les pays en développement en raison du manque d’infrastructures. Il a aussi parlé du projet Moonshot Africa, estimant par ailleurs qu’il faut faire davantage pour aider les femmes à intégrer les groupes de chaînes de blocs. Il a aussi parlé d’initiatives lancées afin de créer des coalitions pour lutter contre l’épilepsie et la maladie d’Alzheimer.
Suite à ces interventions, une représentante de la société civile, de la région d’Amérique latine, a constaté que l’accumulation de données avait atteint des niveaux inédits, mais que celles-ci étaient concentrées sur un nombre limité de réseaux et nuages informatiques, aux mains d’un petit nombre. C’est une situation sans précédent qui a des incidences concrètes sur l’utilisation et l’octroi des ressources, a-t-elle alerté. Et si on aime dire que les données sont le nouveau pétrole, il faut se souvenir que les économies pétrolières sont à l’origine des changements climatiques et donc se montrer prévoyant. Pour cette délégation, il importe donc d’élaborer un mécanisme pour donner un « horizon », afin d’identifier et étudier les nouvelles technologies avant leur arrivé sur les marchés, ainsi qu’un mécanisme d’évaluation technologique qui tienne compte de la perspective des pays en développement et des femmes, entre autres.
« On ne peut pas se cantonner uniquement à la réduction du fossé numérique, sans mettre l’accent sur la qualité des réseaux », a commenté la Fédération de Russie, qui a indiqué que 73% de la population russe a accès au haut débit. La Commission européenne a parlé de l’existence d’une interface de recherche commune qui permet de lier la technologie au développement durable. Il faut mettre en correspondance emploi et compétence, a-t-elle souligné. Sans oublier l’éducation, a ajouté le Maroc, qui s’est par ailleurs interrogé sur la manière de préserver la justice sociale.
« L’ONU doit se mobiliser face aux entreprises qui restent les bras ballants face à tout un éventail de problèmes préoccupants », a alors lancé la modératrice, Mme ADA YONATH, lauréate du prix Nobel et Directrice du Helen and Milton A. Kimmelman Center for Biomolecular Structures and Assembly de l’Institut Weizmann pour les sciences. « La prévalence de la maladie d’Alzheimer est en hausse du fait de l’augmentation de l’espérance de vie; la résistance antimicrobienne fait 33 000 morts en Europe; sans oublier le problème gigantesque qu’est la résistance aux antibiotiques ».
Le Mexique s’est par ailleurs impatienté du fait que les États Membres attendent à présent depuis quatre ans la finalisation de la plateforme en ligne sur les pratiques optimales du Mécanisme.
Déclarations de haut niveau: Renforcement des capacités et des politiques pour l’élaboration de feuilles de route de STI
Cette session, animée par Mme ELIZABETH THOMPSON, Représentante permanente de la Barbade auprès des Nations Unies, a permis aux orateurs de haut niveau de présenter des mesures visant à favoriser l’essor de la science, la technologie et l’innovation.
Mme FEDA ABDELHADY-NASSER, de l’État de Palestine, s’exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine (G77), a insisté sur le renforcement des capacités des pays en développement. Pour cela, il faut allouer d’urgence des fonds pour l’opérationnalisation du Mécanisme de facilitation des technologies, tout en veillant à éliminer la fracture numérique entre et au sein même des pays. En outre, le Groupe estime que l’automatisation des emplois et l’intelligence artificielle pourraient avoir un impact négatif sur le marché de l’emploi. Le Groupe appelle donc à promouvoir une innovation qui protège ce secteur, notamment par le biais du renforcement de la coopération internationale visant à minimiser les impacts négatifs des nouvelles technologies. Le Groupe demande aussi de revoir à la hausse l’aide publique au développement dédiée aux domaines des STI.
Il faut des plans nationaux sur les STI pour accompagner au mieux les progrès scientifiques et techniques, a enchaîné M. ADRIAN BONILLA, Ministre de la science, de la technologie et de l’innovation de l’Équateur, ajoutant qu’il fallait aussi de tels plans pour améliorer l’accès à l’éducation. Dans ce cadre, le Gouvernement équatorien a invité l’ensemble des acteurs concernés à se réunir pour tenter de répondre à la demande dans des champs stratégiques prioritaires, tels que la nanotechnologie, la bioéconomie, l’agriculture durable et l’économie digitale. Il œuvre pour que le développement des STI se traduise par un renforcement des synergies entre le secteur public, le secteur privé et les universités. Ces synergies permettront d’accélérer le transfert de connaissances et d’innovations technologiques des universités vers le secteur public et les entreprises privées. Cela suppose, en amont, de procéder à une étude sur les besoins nationaux en accordant la priorité à la démocratisation des savoirs et au travail collaboratif en réseau.
M. VIKTOR NEDOVIĆ, Secrétaire d’État au Ministère de l’éducation, de la science et du développement technologique de la Serbie, a évoqué quelques programmes menés par son gouvernement pour soutenir la recherche et l’innovation, citant notamment l’adoption, en 2018, de la Feuille de route des infrastructures de recherche et de la Plateforme scientifique ouverte. La Feuille de route pose les principes du développement futur des infrastructures de recherche en Serbie et met en valeur les capacités existantes dans le pays. Elle propose des moyens de mieux tirer parti des investissements pour en assurer la pertinence aux niveaux national et international, ainsi que pour garantir leur disponibilité pour l’ensemble de la recherche et des entreprises du pays.
En Éthiopie, c’est depuis 1991 que le Gouvernement a mis en place des politiques de promotion des technologies pour la transformation structurelle du pays. M. JEMAL BEKER, Ministre d’État de l’innovation et de la technologie de l’Éthiopie, a mentionné notamment la mise en place d’un centre d’incubation pour l’innovation technologique. Le Gouvernement a ainsi créé un environnement propice qui incite les investissements étrangers dans les domaines des STI et valorise l’implication des citoyens, notamment la diaspora éthiopienne.
La participation des citoyens à l’économie numérique est également au cœur des efforts du Ministère de la technologie de l’information et de la communication des Philippines, qui a lancé l’initiative « digitalstartups Philippines ». C’est ce qu’a expliqué M. IVIN RONALD ALZONA, Sous-Secrétaire audit ministère, en précisant que son gouvernement encourage en particulier la participation des jeunes dans le cadre du concours « Philippine Startup Challenge » ouvert aux étudiants des lycées et des universités. Les enseignants bénéficient aussi de programmes de renforcement des capacités qui intègrent l’innovation. Enfin, les autorités locales reçoivent des formations et des moyens pour développer et améliorer des écosystèmes qui favorisent le développement de startups.
Mme MOTOKO KOTANI, Membre exécutif du Conseil de la science, de la technologie et de l’innovation au sein du Gouvernement du Japon, a souligné que son pays avait élaboré le concept de « société 5.0 » qui met l’accent sur la résolution de problèmes sociaux par l’usage de technologies. Ce projet est lié à la mise en œuvre des objectifs de développement durable et géré directement par le Premier Ministre. Une feuille de route relative aux STI au service des objectifs de développement durable a été élaborée par le Gouvernement japonais, qui entend partager son expérience avec d’autres pays, a précisé la représentante.
Dans le cas de la Hongrie, ce sont les politiques favorables à l’industrialisation et à l’innovation, entre autres, qui ont permis l’intégration du pays à l’économie mondiale, a indiqué M. PÉTER SZIJJÁRTÓ, Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie. Les autorités mettent en effet l’accent sur la promotion des technologies. Le Ministre a aussi parlé du taux d’imposition des entreprises qui a été considérablement réduit afin de permettre à celles-ci d’investir davantage dans la recherche et l’innovation. La Hongrie entend porter à 1,8% la part de son produit intérieur brut (PIB) consacrée à l’innovation d’ici à 2020, tout en espérant atteindre une proportion de 3% en 2030. Le pays espère en outre être parmi les premiers d’Europe à adopter la technologie numérique 5G, a encore indiqué le Ministre.
Pour un tout petit État insulaire comme la Barbade, qui a une population d’à peine 280 000 habitants, les perturbations qui affectent l’économie sont ressenties fortement, notamment à cause de son isolement et de sa vulnérabilité aux chocs externes, y compris les changements climatiques, a déclaré Mme ANNALEE BABB, Envoyée spéciale et Conseillère spéciale au Ministère de l’innovation, de la science et des technologies intelligentes de la Barbade. Malgré ces problèmes, la Barbade ne veut pas être considérée comme un simple « consommateur de technologies de l’information et de la communication », a-t-elle dit. Les autorités ont donc adopté une batterie de mesures afin de promouvoir l’innovation, a assuré la Conseillère.
La forte proportion de jeunes dans la population égyptienne -60% a moins de 30 ans– a conduit le Gouvernement à adopter un plan d’action pour promouvoir les technologies dans le secteur éducatif, a dit M. HOSSAM OSMAN, Conseiller spécial au Ministère de l’innovation technologique, de l’électronique et de la formation de l’Égypte. L’ambition de ce plan est d’améliorer la compétitivité nationale et de créer de nouveaux emplois dans le secteur technologique. Dans cette optique, a souligné M. Osman, l’Égypte entend bénéficier de la collaboration et l’expérience d’autres pays.
Dans l’Union européenne, Mme CHARLINA VITCHEVA, Directrice générale adjointe de la Commission européenne, a indiqué que les États membres s’étaient dotés, depuis 2014, de feuilles de route pour les STI, en y consacrant un budget global de 68 milliards d’euros d’ici à 2020. Cette politique se poursuivra de 2021 à 2027, a précisé Mme Vitcheva, avant de préciser qu’il faudra des « stratégies de spécialisation intelligentes pour une transformation socioéconomique axée sur l’innovation ». Plus d’une centaine de stratégies ont d’ores et déjà vu le jour, a-t-elle indiqué. Ces stratégies de spécialisation ont également permis de développer des collaborations interrégionales et internationales, a affirmé la représentante, précisant que 31 partenariats internationaux opéraient à l’heure actuelle sur trois plateformes stratégiques de spécialisation dans 28 pays.
Session sur les STI pour l’éducation et le travail décent: envisager l’avenir (objectifs de développement durable 4 et 8)
Avant d’entamer cette discussion, les participants ont entendu la présentation de projets novateurs. Dans un premier temps, Mme RANA DAJANI, professeur de biologie en Jordanie, a parlé de l’initiative « We Love Reading » par laquelle des bénévoles lisent à voix haute à des enfants défavorisés qui se voient ensuite offrir le livre lu. Elle a insisté sur l’importance de la lecture à voix haute pour l’apprentissage et le développement des enfants, notamment dans un contexte humanitaire difficile. Cette pratique permet aussi d’apprendre à s’exprimer à haute voix, une compétence importante pour les entrepreneurs.
Mme KATE RADFORD, des Pays-Bas, a ensuite parlé de l’initiative « Can’t Wait To Learn » qui permet, grâce aux nouvelles technologies, d’offrir une éducation aux enfants, notamment au Soudan, jusque dans les camps de réfugiés.
Les panélistes ont ensuite pris la parole, à commencer par M. STEFAN SCHNORR, du Direction générale pour la politique numérique et l’innovation du Ministère fédéral des affaires économiques et de l’énergie de l’Allemagne. Il a rappelé que pendant l’ère industrielle, les réfractaires au changement avaient dû se résigner à constater que les machines industrielles contribuaient à créer des emplois. La situation est analogue aujourd’hui, a–t-il estimé: si les robots ont tendance à remplacer la main-d’œuvre, de nouveaux emplois sont toutefois créés grâce à la numérisation. Les robots ne restent que des assistants qui effectuent uniquement les tâches les plus simples, et il en va de même pour l’intelligence artificielle. De plus, en matière de développement, la numérisation a permis à certains pays de faire de grands bons en avant. M. Schnorr a ensuite fait le point sur différente initiatives de son ministère en matière d’appui au développement.
La République de Corée est un exemple de « grands bons en avant » réalisés depuis la guerre, a enchaîné Mme MYUNG JA KIM, Présidente de la Fédération coréenne des sociétés scientifiques et technologiques de la République de Corée, en appelant la communauté internationale à surmonter son inertie et à se libérer des anciens modèles de développement. Elle a ainsi recommandé de créer des systèmes d’innovation afin d’élaborer de nouveaux systèmes de STI, tout en suggérant de réformer les programmes scolaires. Ceux-ci doivent promouvoir le grand bond en avant en matière de STI, a-t-elle notamment recommandé. Elle a aussi préconisé d’utiliser l’aide publique au développement pour transférer les compétences éducatives.
M. ANTONIN FEJFAR, Président du Conseil pour la science de l’Académie des sciences de la République tchèque, a insisté sur l’importance de la recherche fondamentale, évoquant notamment les avancées dans la lutte contre le VIH/sida et mettant en avant les travaux du professeur Antonin Holy, membre de l’Académie des sciences, qui a mis au point un médicament dont bénéficient des milliers de personnes. Autres domaines de recherche de l’Académie: l’énergie solaire photovoltaïque. Les avancées dans ce domaine ont permis de faire chuter le coût de l’électricité. Cette forme d’énergie pourrait même être la principale source d’électricité d’ici à 2020, tandis que la fusion nucléaire pourrait aussi devenir une source importante d’énergie à l’avenir. M. Fejfar a encore parlé de la « fusion par laser », qui est également prometteuse. La République tchèque est d’ailleurs en train de mettre au point le laser le plus puissant au monde.
La robotique a été au cœur de l’intervention de M. CHAESUB LEE, Directeur du Bureau de la normalisation des télécommunications de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Face aux préoccupations que celle-ci suscite, il importe de mettre en avant son impact positif, a-t-il plaidé. « Les nouvelles techniques nous donneront de meilleurs environnements de travail et modifieront notre manière de fonctionner, en nous permettant d’avoir davantage recours au télétravail ou de travailler à mi-temps », a-t-il fait valoir. Au lieu d’un système actuel qui repose sur le principe d’« une personne, un emploi », on passera à un modèle « une personne, plusieurs emplois ». L’expert a aussi insisté sur l’importance de l’élaboration de systèmes d’éducation personnalisée afin de tirer parti des aptitudes de chacun. Les dispositifs d’assistance personnelle et l’intelligence artificielle seront précieux à cet égard, a-t-il relevé. Il a aussi insisté sur l’importance de l’infrastructure en électricité, sans laquelle les nouvelles technologies n’ont aucun sens.
S’engageant dans le dialogue interactif de cette table ronde, un intervenant a fait remarquer que « ce n’est pas l’amour, mais le code qui est le langage universel ». Il a donc recommandé de mettre au moins un système d’éducation à ce langage pour éviter que seules les élites y aient accès. « Les robots arrivant, il faut faire en sorte que ceux qui les conçoivent ne laissent personne de côté. »
Au nom du Groupe des Amis de l’éducation et de l’apprentissage, le Kenya a d’ailleurs constaté que la proportion des jeunes qui ont des capacités en STI varie énormément selon les pays et même en leur sein. La question de l’accès des données à haut débit est également cruciale pour l’inclusion, sans oublier la sous-représentation des femmes et des filles qui constituent uniquement 3% des étudiants dans les filières scientifiques et techniques. Cette situation est particulièrement préoccupante lorsque l’on sait qu’il s’agit là du principal moteur du monde de demain, s’est-il inquiété.
« Nous aurons effectivement besoin de plus de diplômés en science et en génie civil pour réaliser les objectifs de développement durable », a renchéri un participant qui a insisté sur la dimension paritaire, avant qu’un autre appelle à restructurer l’enseignement de l’ingénierie afin de tenir compte des objectifs de développement durable et pour permettre aux ingénieurs de prendre en considération la dimension humaine dans leur travail.
Il ne faut pas non plus négliger la base de connaissances de la société dans son ensemble, a commenté à son tour l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui s’est interrogée sur les mesures à prendre pour favoriser l’innovation. La représentante a aussi fait observer que les travailleurs respectés et dignifiés sont plus ouverts aux possibilités d’apprentissage. Un intervenant a ensuite appelé à tenir compte du bien-être des travailleurs, s’inquiétant de l’impact de la technologie sur les exigences de productivité.
Le Kazakhstan a appelé les pays les plus avancés à partager leurs compétences dans le domaine des STI, jugeant également important de générer plus de chercheurs et de promouvoir leur emploi et mobilité, avant que le Kirghizistan ne parle du Réseau eurasien de coopération technologique et de transfert de connaissances technologiques. « Sans multilatéralisme, rien ne pourra être mis en œuvre », a ajouté l’Iran en se plaignant que celui-ci soit actuellement durement mis à l’épreuve.
À l’instar de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a qualifié l’époque actuelle d’enthousiasmante, plusieurs délégations sont par ailleurs intervenues pour faire le point sur les initiatives lancées au niveau institutionnel ou national. Un autre participant a de son côté attiré l’attention sur les chaînes de blocs.
Le panéliste du Ministère allemand a parlé des opportunités de l’enseignement en ligne, moins coûteux et qui permettent d’atteindre un plus grand nombre de personnes. Il a aussi jugé judicieux d’élaborer des normes pour l’apprentissage tout au long d’une vie, afin que chacun dispose des mêmes compétences. Le panéliste de l’UIT a ensuite attiré l’attention sur la situation des personnes âgées et a appelé à ne pas les laisser de côté.
L’excellence est la voie à suivre, a lancé à son tour le Président du Conseil pour la science de l’Académie des sciences de la République tchèque après que la Présidente de la Fédération coréenne des sociétés scientifiques et technologiques a déploré que seuls 5% de l’aide publique au développement soient consacrés au financement des STI.
Cette table ronde était modérée par Mme ANNE-CHRISTINE RITSCHKOFF, Conseillère principale du Centre de recherche technique VTT de Finland Ltd, qui a insisté sur l’importance d’une éducation souple et personnalisée pour permettre de donner le meilleur de soi-même.
Session sur le thème « Genre; science; technologie et innovation pour les objectifs de développement durable »
Comment attirer et garder les femmes dans les domaines de la science, de la technologie et de l’innovation? Telle est la question posée en début de cette session par Mme ELIZABETH THOMPSON, Représentante permanente de la Barbade auprès des Nations Unies.
Cette quatrième session s’est penchée sur la contribution inégale des femmes et des filles à la science, la technologie et l’innovation. Elle était animée par Mme ŠPELA STRES, membre de l’Équipe de travail interinstitutions des Nations Unies sur la science, la technologie et l’innovation et Chef du Centre sur l’innovation et le transfert technologique de l’Institut Jožef Stefan de Slovénie.
Professeur d’économie à l’Université du Massachussetts, M. JAMES HEINTZ, a relevé que l’accès à ces trois domaines permet aux femmes d’améliorer leur sécurité financière, notamment celles du secteur informel, celles qui se trouvent en bas de l’échelle sociale. Le professeur a donné l’exemple des programmes au Kenya qui ont permis aux femmes d’accéder aux services financiers par le téléphone portable. Un tel service leur évite de se déplacer avec de fortes sommes d’argent et donc de se faire agresser.
M. Heintz a également parlé d’une étude de l’Organisation internationale du Travail (OIT) qui a montré que la population mondiale féminine cumule environ 12 milliards d’heures de travail non rémunéré par jour. C’est une vraie contribution économique dont il faut tenir compte dans la formulation des politiques. Il faut des changements structurels et institutionnels, a renchéri Mme ALICE ABREU, professeure émérite à l’Université fédérale de Rio de Janeiro. La question de la parité des sexes dans la science n’est pas un débat nouveau mais le discours a changé.
Avant, on parlait de la sous-représentation des femmes alors qu’aujourd’hui, on se rend compte qu’il ne s’agit pas forcément d’augmenter le nombre de femmes dans la science mais de changer les règles et les normes du milieu de la recherche pour que les femmes puissent y faire carrière, et surtout accéder aux postes les plus élevés. Si le talent des femmes continue d’être exclu de la production scientifique, c’est toute la société qui est perdante, a-t-elle alerté. Davantage de diversité dans la recherche, c’est davantage de créativité, a affirmé Mme Abreu, qui a proposé de jeter des ponts pour attirer les femmes dans le domaine scientifique. L’une de ces passerelles serait par exemple d’avoir plus de femmes dans un domaine comme le codage informatique, a expliqué Mme ALIZA INBAL, Directrice du Programme Pears pour l’innovation mondiale de l’Institut de recherche sur les politiques de Jérusalem en Israël.
Israël, l’un des principaux écosystèmes d’innovation au monde, vient de perdre sa place dans les classements mondiaux parce qu’il n’a pas suffisamment de programmeurs. Comme quelque 12 000 à 15 000 postes sont vacants, les autorités ont décidé de viser trois groupes: les femmes arabes, les femmes ultra-orthodoxes, les principales sources de revenus dans leurs communautés dont les hommes sont des religieux, et les pauvres des banlieues. Il s’agit d’offrir une éducation spécifique dans les écoles ou dispenser une formation intensive d’une durée plus courte dans des centres spécialisés.
Sur ce même thème de « ne laisser personne sur le côté », le représentant de l’Ouganda a avoué qu’il est difficile pour le monde en développement de suivre le rythme des innovations. La question à se poser est de savoir comment renforcer les capacités des pays du Sud et assurer le transfert de technologie. Il faut d’abord savoir, a estimé le représentant du grand groupe du commerce et de l’industrie, que la majorité des personnes non connectées à Internet sont les femmes, qui ne représentent par ailleurs que le quart des diplômés en technologies de l’information et des communications (TIC). Si on enseignait le codage comme on enseigne l’écriture, on aurait probablement plus de femmes dans les métiers technologiques. La réduction de la fracture numérique passe par l’autonomisation des femmes, a affirmé le représentant du Rwanda dont le Gouvernement recherche des solutions technologiques aux problèmes quotidiens des femmes. Il faut de la volonté politique pour faire bouger les lignes, a-t-il prévenu.
La double barrière du sexe et de la race a été mise en avant par la représentante d’une ONG du Brésil qui a parlé des difficultés des Brésiliennes à se lancer dans la science. Les jeunes filles ont le même intérêt que les garçons pour la filière scientifique. C’est sur le marché de l’emploi que les choses se gâtent, a fait remarquer la représentante du grand groupe des enfants et des jeunes, citant une étude l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Même quand les femmes sont bien formées, a renchéri, la Directrice du Programme Pears pour l’innovation mondiale, elles font encore face à un monde du travail caractérisé par le sexisme. C’est la raison pour laquelle elles sont amenées à faire une croix sur leur vie professionnelle au profit de leur ménage, une « situation de dissonance » que les hommes ne vivent que rarement.