Instance permanente: des mesures urgentes sont nécessaires pour préserver les langues, les savoirs traditionnels et les droits des peuples autochtones
L’Instance permanente sur les questions autochtones a conclu, cet après-midi, sa session 2019 par l’adoption, à l’unanimité, d’un ensemble de recommandations* visant à améliorer la préservation des langues, savoirs traditionnels et droits. Ces recommandations doivent être appliquées « de toute urgence pour corriger l’injustice historique subie par les peuples autochtones », a estimé, dans sa déclaration de clôture, la Présidente de l’Instance permanente, Mme Anne Nuorgam. Elle a annoncé que la prochaine session portera sur le thème « Paix, justice et institutions fortes: le rôle des peuples autochtones dans la réalisation de l’objectif 16 de développement durable sur l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives ».
Plus de 1 000 participants ont pris part aux deux semaines des travaux de l’Instance, qui est l’une des trois entités des Nations Unies chargées des questions autochtones aux côtés du Mécanisme d’experts et de la Rapporteuse spéciale. La session avait pour thème « Savoirs traditionnels: développement, transmission et protection ».
À propos de ces savoirs, l’Instance permanente appelle, dans son projet de rapport (E/C.19/2019/L.5), à un instrument pour combler de toute urgence les lacunes actuelles en matière de protection. Elle demande à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) d’accélérer les négociations sur les textes liés aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et aux folklores. L’OMPI devrait reconnaître les conflits potentiels entre les notions d’« équilibre » et de « domaine public » et les droits et coutumes des peuples autochtones. Pour encourager les changements souhaités, l’Instance invite également l’Assemblée générale à proclamer une décennie des savoirs traditionnels et des langues autochtones.
Préoccupée en effet par la disparition progressive de 6 000 à 7 000 langues autochtones dans le monde, l’Instance recommande à l’Assemblée générale, dans son projet de rapport sur l’Année internationale des langues autochtones en 2019 (E/C.19/2019/L.4), de proclamer une décennie internationale des langues autochtones à compter de 2021 ou dès que possible. Les États devraient pour leur part fournir un appui adéquat à l’enseignement bilingue et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), créer une plateforme pour veiller à ce que les programmes linguistiques apportent des avantages tangibles aux communautés autochtones.
Constatant avec regret les lenteurs dans la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2014, l’Instance permanente demande aux États Membres, dans son projet de rapport (E/C.19/2019/L.7), d’élaborer et de mettre en œuvre des plans d’action nationaux et prie également le Secrétaire général de nommer un ou une envoyée spéciale chargée de faire progresser la mise en œuvre de la Déclaration.
Sur la question spécifique des femmes autochtones, l’Instance se dit, dans son projet de rapport (E/C.19/2019/L.10), troublée par les politiques et pratiques « apparemment généralisées » en matière de stérilisation forcée observées au cours des dernières années. Elle prie le Programme spécial de recherche, de développement et de formation en reproduction humaine de mener une étude préliminaire et de déterminer si cette stérilisation existe. L’Instance invite en outre le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes à adopter d’ici à 2020 une recommandation générale sur les femmes autochtones. Elle recommande aussi au Canada, au Mexique et aux États-Unis d’organiser la réunion d’un groupe d’experts, d’ici à 2021, sur la violence continue, les meurtres et les enlèvements des femmes autochtones.
L’Instance se déclare d’ailleurs préoccupée que les peuples autochtones ne reçoivent pas suffisamment d’informations sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable au niveau national. Elle recommande que le Conseil économique et social (ECOSOC) et l’Assemblée générale s’assurent que ces peuples autochtones participent réellement au Forum politique de haut niveau de 2019, prévu en juillet et en septembre 2019. L’Instance insiste sur le fait que la contribution des peuples autochtones à la concrétisation du Programme 2030 devrait être dûment prise en compte dans le document final du Sommet sur les objectifs de développement durable 2019.
La Banque mondiale, qui a créé un forum inclusif pour les peuples autochtones, devrait, selon l’Instance, élaborer des directives détaillées sur la mise en œuvre, l’examen et le suivi des processus de consentement préalable, libre et éclairé, et veiller à ce que ses projets protègent et améliorent les régimes fonciers coutumiers dans le cadre de l’application de la Norme environnementale et sociale n°7 et du Cadre environnemental et social, approuvés par la Banque mondiale en 2016.
Dans un document officiel, l’Instance invite le Comité préparatoire chargé d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale à assurer la participation des peuples autochtones par la création d’un comité consultatif en 2019 et en 2020. L’Instance a d’ailleurs nommé des personnalités pour mener des études sur « les meilleures pratiques en matière de protection des terres, des territoires et des ressources des peuples autochtones, dans le cas des chasseurs-cueilleurs en Afrique de l’Est », « les peuples autochtones: expériences et perspectives » et « l’élaboration de normes et de mécanismes de recours pour la protection des droits des peuples autochtones en matière de conservation ».
L’Instance recommande en outre que les gouvernements soutiennent les programmes dirigés par les autochtones pour s’attaquer aux traumatismes intergénérationnels comme moyen de progresser vers une véritable réconciliation. Elle demande instamment à la « Conservation Initiative on Human Rights » de commander une évaluation indépendante de l’impact des travaux de leurs organisations sur les droits humains et collectifs des peuples autochtones. Elle demande par ailleurs au Groupe de travail des Nations Unies sur l’utilisation de mercenaires de mener une étude sur l’utilisation d’entreprises militaires et de sociétés de sécurité privées.
Enfin, dans son projet de décision (E/C.19/2019/L.3), l’Instance permanente recommande à l’ECOSOC, auquel elle rend compte, d’autoriser la tenue d’une réunion de trois jours d’un groupe d’experts internationaux sur le thème « Paix, justice et institutions solides: le rôle des peuples autochtones dans la réalisation de l’objectif 16 de développement durable sur l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable ». L’Instance a approuvé l’ordre du jour provisoire de sa prochaine session, qu’elle tiendra au Siège de l’ONU, du 13 au 24 avril 2020.
* Tous les documents adoptés aujourd’hui sont parus sous les côtes allant de E/C.19/2019/L.2 à L.11. Un document informel sur les modifications apportées a été mis en circulation.