Coup d’envoi des travaux de l’Instance permanente sur les questions autochtones, dans le contexte de l’Année internationale des langues autochtones
Ouvrant ce matin la cérémonie d’ouverture de la dix-huitième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones, le chef traditionnel de la nation Onondaga, M. Tadodaho Sid Hill, a appelé à « faire de tous nos esprits un seul esprit et à se rappeler que nous n’avons qu’une seule terre, la Terre Mère ». Or, cette terre est négligée et peu à peu empoisonnée, alors « reconnaissons la douceur du vent, faisons de nos esprits un seul esprit, et saluons notre ciel protecteur », a prié le chef en soulignant la responsabilité individuelle et collective de chacun d’entre nous.
Dans la foulée de son élection par acclamation, Mme Anne Nuorgam, Présidente de cette dix-huitième session, a appelé à saisir l’opportunité offerte par le thème de cette session, « Connaissance traditionnelle: développement, transmission et protection », pour partager les innovations et pratiques ancestrales développées par les communautés autochtones. « À travers nos histoires, nos chansons, nos danses, nos sculptures, nos peintures et nos spectacles, nous transmettons ce savoir de génération en génération », a expliqué Mme Nuorgam, pour qui les connaissances traditionnelles sont au cœur de l’identité, de la culture, des langues, de l’héritage et des modes de vie des peuples autochtones.
Saluant la terre ancestrale de la nation Onondaga sur laquelle est bâtie le Siège des Nations Unies, la Présidente de l’Assemblée générale, Mme Espinosa Garcés, a dit espérer rapprocher « notre organisation » de tous les peuples autochtones. Consciente qu’il reste encore beaucoup à faire pour garantir le respect des droits des peuples autochtones, elle a souligné la « grande dette » du monde envers ces peuples qui représentent 15% des personnes les plus pauvres du monde. C’est la raison pour laquelle la Présidente de l’Assemblée générale estime qu’il est essentiel d’inclure ces peuples dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Dans la même veine, la Sous-Secrétaire générale et Secrétaire exécutive du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, Mme Pasca Palmer, a indiqué que la « porte était grand ouverte » pour recevoir les idées des peuples autochtones et celles de l’Instance permanente sur les questions autochtones qui propose de nouveaux éléments de travail pertinents pour ces peuples, de même que de nouveaux arrangements institutionnels pour la participation des peuples autochtones. Elle a en outre relevé le désir des autochtones de passer du statut d’observateurs en vertu de ladite convention à celui de « partenaires » dans la mise en œuvre de celle-ci, qui a un rôle phare à l’échelle internationale pour mettre en avant les connaissances, les innovations et les pratiques des peuples autochtones.
En cette Année internationale des langues autochtones, la Présidente de l’Instance a appelé non seulement à célébrer celles-ci, mais aussi à prendre des mesures concrètes pour les préserver, une question longuement débattue l’après-midi lors des échanges sur cette question. La Présidente a ainsi regretté que de nombreux enfants et jeunes autochtones ne reçoivent toujours pas une éducation dans leur langue maternelle.
Mme Pasca Palmer, a, elle aussi, plaidé pour la préservation des langues autochtones, indiquant au passage qu’il existe en langue sâm plus de 200 mots pour la neige, alors que les Hawaïens, de leur côté, disposent de 40 mots pour la pluie, les Bédouins, de 160 pour le chameau et de plus d’un millier pour le cheval. D’après l’Atlas de l’UNESCO sur les langues en danger dans le monde, « au moins 43% des langues du monde sont menacées de disparition, et avec elles, les connaissances, les pratiques et les expressions culturelles qui préservent la biodiversité », s’est-elle alarmée.
Lui emboitant le pas, le représentant du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, M. Paulo David, n’a pas hésité à affirmer que lorsque les langues autochtones sont menacées, les peuples autochtones le sont également. C’est pourquoi le Haut-Commissariat propose de proclamer une décennie internationale des langues autochtones, une idée reprise par le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones et plusieurs autres délégations. En attendant, il faut, ont recommandé plusieurs intervenants, allouer des ressources suffisantes à l’Année internationale afin de mettre en œuvre intégralement son programme.
Sur le plan national, certains pays, comme le Mexique, ont mentionné leurs plans d’action ou politiques visant à préserver les langues autochtones, tandis que d’autres, dont le Guatemala, ont adopté des lois qui reconnaissent ces langues comme langues officielles du pays.
Outre la Présidente de la dix-huitième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones, le Bureau est composé de M. Phoolman Chaudhary, Mme Lourdes Tibán Guala, M. Dimitri Kharakka-Zaitsev et M. Laltaika, aux postes de vice-présidents, et de M. Brian Keane au poste de rapporteur.
L’Instance permanente sur les questions autochtones a également adopté son programme de travail provisoire*.
Elle reprendra son débat général demain, mardi 23 avril, à 10 heures.
*E/C.19/2019/1
DÉBAT SUR L’ANNÉE INTERNATIONALE DES LANGUES AUTOCHTONES DE 2019 (E/C.19/2019/1 ET E/C.19/2019/L.1)
Déclarations liminaires
La Présidente de l’Assemblée générale, Mme MARĺA FERNANDA ESPINOZA GARCÉS, a commencé par exprimer ses condoléances au Gouvernement et au peuple srilankais.
Saluant la terre ancestrale de la nation Onondaga sur laquelle est bâtie le Siège des Nations Unies, elle a étendu ses salutations à tous les peuples autochtones du monde, et a dit espérer rapprocher « notre Organisation » de tous ces peuples. Consciente qu’il reste encore beaucoup à faire pour garantir le respect des droits des peuples autochtones, elle a néanmoins mis en exergue l’importance du document final de l’Instance permanente sur les questions autochtones de 2014 qui représente une véritable feuille de route et un plan d’action pour surmonter les grandes lacunes de leur mise en œuvre.
Nous avons une grande dette envers les peuples autochtones qui représentent 15% des personnes les plus pauvres du monde, a affirmé Mme Espinosa Garcés pour laquelle l’inclusion de ces peuples est essentielle dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Pour ce faire, la Présidente de l’Assemblée générale a invité les États Membres à étroitement collaborer avec le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones. Mme Espinosa Garcés n’a pas manqué de souligner la situation particulièrement vulnérable des femmes et des filles autochtones.
Consciente également de l’importance des connaissances traditionnelles, de leur développement, transmission et protection, en particulier dans le contexte de la protection de l’environnement et de l’adaptation aux changements climatiques, Mme Espinosa Garcés a estimé que la transmission de ces connaissances de génération en génération était une priorité dans un monde qui bien souvent a perdu le sens de la communauté.
Comme 2019 est l’Année internationale des langues autochtones, et en tant que linguiste et poète elle-même, Mme Espinosa Garcés a fait un plaidoyer en faveur de ces langues « qui sont des outils de transmission de la culture et de l’histoire ». Lorsqu’une langue s’éteint, elle emporte avec elle un patrimoine culturel, une spiritualité, a-t-elle tranché. Pour Mme Espinosa Garcés il faut appliquer le principe indien de la Minga au niveau des Nations Unies « pour faire un travail communautaire au service du monde ». « Nous avons besoin d’une Minga mondiale », a-t-elle conclu.
Dans la foulée de son élection par acclamation, Mme ANNE NUORGAM, Présidente de la dix-huitième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a appelé à saisir l’opportunité offerte par le thème de cette session, « Connaissance traditionnelle: développement, transmission et protection », pour partager les innovations et pratiques ancestrales développées par les communautés autochtones. « À travers nos histoires, nos chansons, nos danses, nos sculptures, nos peintures et nos spectacles, nous transmettons ce savoir de génération en génération », a expliqué Mme Nuorgam, pour qui les connaissances traditionnelles sont au cœur de l’identité, de la culture, des langues, de l’héritage et des modes de vie des peuples autochtones.
La Présidente de la session a, par conséquent, appelé à protéger les connaissances traditionnelles, dont la portée demeure, selon elle, « limitée et sous-évaluée » par l’héritage du colonialisme, de l’exploitation et de la dépossession des peuples autochtones. Nous devons faire en sorte que nos pratiques éducatives, nos langues, notre gestion et protection de l’environnement soient reconnus et respectés dans le monde entier, a-t-elle appelé, « pas uniquement par les gouvernements, mais par tous les peuples ».
Mme Nuorgam a ensuite rappelé que le droit à l’autodétermination des peuples autochtones était reconnu par l’Article 3 de la Charte des Nations Unies. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a, quant à elle, réaffirmé le droit collectif des peuples autochtones à vivre en liberté, en paix et en sécurité, en tant que peuples à part entière, a-t-elle poursuivi. Partant du constat que la terre est au cœur de nombreux, sinon de l’ensemble, des obstacles à la paix et à la sécurité dans le monde, Mme Nuorgam a appelé à redoubler d’efforts pour inclure davantage la question des peuples autochtones au sein du pilier paix et sécurité de l’ONU. C’est d’autant plus important, a-t-elle ajouté, que de nombreux peuples autochtones vivent dans des zones de conflit ou à proximité.
La Présidente de la session a cependant noté la montée des tensions et violences concernant les territoires et ressources traditionnelles des peuples autochtones, en raison selon elle des effets négatifs des changements climatiques, des déplacements de population, de la mauvaise gestion environnementale, du trafic de drogue et des activités d’extraction industrielle. La violence à l’encontre des femmes autochtones, en particulier, est une source de préoccupation constante pour l’Instance permanente depuis sa création en 2002, a précisé Mme Nuorgam, appelant à prendre également davantage de mesures pour protéger les personnes autochtones vivant avec un handicap.
En cette Année internationale des langues autochtones, Mme Nuorgama a par ailleurs appelé à célébrer les langues autochtones, ainsi qu’à prendre des mesures concrètes pour les préserver. La Présidente de la session a ainsi regretté que de nombreux enfants et jeunes autochtones ne reçoivent toujours pas une éducation dans leur langue maternelle. Elle a exhorté les États Membres à allouer les ressources financière et techniques nécessaires pour inverser cette tendance. Parallèlement, l’engagement accru des peuples autochtones dans l’arène intergouvernementale devrait permettre de mieux prendre en compte leurs droits dans les politiques publiques, a-t-elle ajouté. « Nombreux d’entre vous sont venus de loin pour participer à cette session », a dit, en conclusion, Mme Nuorgam. « Travaillons de concert pour que cette session compte pour vous et pour vos peuples. »
M. VALENTIN RYBAKOV, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a souligné le rôle fondamental de l’Instance permanente sur les questions autochtones pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Aux yeux de M. Rybakov, le thème choisi pour cette dix-huitième session de l’Instance permanente, « Connaissance traditionnelle: développement, transmission et protection », tombe à point nommé à l’heure où l’Organisation est engagée dans des discussions sur la réalisation des objectifs de développement durable, notamment au sein du Forum politique de haut niveau pour le développement durable. Le Vice-Président a ainsi estimé que la protection des connaissances traditionnelles, telle que le prévoit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, s’inscrit pleinement dans la mise en œuvre du développement durable. M. Rybakov a, par conséquent, appelé l’Instance permanente, durant cette session, à faire des propositions concrètes pour protéger davantage les connaissances traditionnelles.
Nombreuses sont les idées reçues qui circulent sur les connaissances traditionnelles des peuples autochtones, a cependant déploré le Vice-Président, citant entre autres l’idée selon laquelle les activités traditionnelles des peuples autochtones seraient « sans justification » et porteraient atteinte à l’environnement. En réalité, les pratiques des peuples autochtones sont bien souvent enracinées dans la conservation de l’environnement et des terres, a affirmé M. Rybakov, ajoutant que ces pratiques étaient parfaitement alignées avec les objectifs de développement durable, notamment en matière de lutte contre les changements climatiques. Le lien entre les connaissances traditionnelles et le développement durable paraît même « de plus en plus évident », a-t-il insisté.
En cette Année internationale des langues autochtones, le Vice-Président a par ailleurs souligné la nécessité d’éduquer les populations autochtones dans leur langue maternelle, afin de contribuer à une éducation « de qualité, sans exclusion et équitable ». Saluant, enfin, la coopération accrue entre l’Instance permanente et les différentes instances de l’ECOSOC, M. Rybakov a souhaité à cette dix-huitième session le plus grand succès.
Les sessions annuelles de l’Instance permanente sur les questions autochtones sont les réunions connaissant la plus large participation au sein des Nations Unies, a déclaré M. STEFAN SCHWEINFEST, Directeur de la Division de la statistique, en faisant lecture du message de M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales.
Il s’agit en effet de l’espace mondial où convergent les peuples autochtones, les États Membres, le système des Nations Unies et autres partenaires dans un effort commun pour la promotion des droits des peuples autochtones dans le monde entier, a-t-il précisé, rappelant que le thème de cette année incitait à reconnaître la valeur unique du savoir traditionnel de ces peuples et de son « énorme potentiel » en vue de relever les défis importants de notre époque. Parmi ces défis, il a cité la réalisation du développement durable, la maîtrise des changements climatiques, la gestion des zones de conservation et la promotion du développement des nouvelles technologies et des médicaments, en s’inspirant des connaissances et pratiques traditionnelles.
« Les cultures autochtones enrichissent la diversité culturelle mondiale », a ajouté M. Schweinfest en renvoyant à la proclamation par l’Assemblée de 2019 comme Année internationale des langues autochtones: « notre objectif consiste à promouvoir et protéger les langues autochtones pour les générations futures ». Les langues sont fondamentales pour la transmission des systèmes culturels et des savoirs des peuples autochtones, a-t-il souligné, regrettant la « disparition de ces langues à un rythme alarmant ».
Constatant que la perte des langues autochtones implique celle du savoir traditionnel et de la diversité culturelle, M. Schweinfest a mis en avant le fait qu’enseigner aux enfants autochtones leurs langues et modes de vie traditionnels préserve les cultures des communautés, réduit le taux d’abandon scolaire et mène à la croissance économique. Et d’ajouter que cela contribuera également à la réalisation de la Déclaration des Nations sur les droits des peuples autochtones et du Programme 2030, ce dernier contenant une référence spécifique à l’accès des enfants autochtones à l’éducation (cible 4.5).
Après avoir énuméré les jalons franchis grâce au partenariat entre les peuples autochtones, les États Membres et les Nations Unies depuis que ces peuples sont entrés à l’ONU, M. Schweinfest est revenu sur le Programme 2030 qui les mentionne explicitement, de même que les questions et principes de leur plaidoyer, comme l’eau propre, la durabilité et la réduction des inégalités. « La Déclaration fournit un cadre d’intégration des peuples autochtones dans un développement durable axé sur l’être humain, équitable et participatif », a précisé M. Schweinfest qui a également évoqué le document final de la Conférence mondiale de 2014 sur les peuples autochtones et l’Accord de Paris sur les changements climatiques.
Il a enfin remercié les États Membres qui ont généreusement contribué en 2018 au Fonds d’affectation sur les questions autochtones. Beaucoup reste à faire, a-t-il conclu, renvoyant au fait que les peuples autochtones continuent de souffrir de manière disproportionnée de la pauvreté, de la discrimination, du manque de soins de santé et d’accès à une éducation appropriée du point de vue culturel. « Grâce à des efforts concrets, nous pouvons parvenir à des résultats concrets », a-t-il encouragé.
Mme CRISTIANA PASÇA PALMER, Sous-Secrétaire générale et Secrétaire exécutive du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, a souligné le rôle phare à l’échelle internationale de cet instrument concernant la connaissance, les innovations et les pratiques des peuples autochtones. Saluant la présence dans la salle de l’Assemblée générale de nombreuses femmes autochtones fortes « gardiennes des graines et dépositaires de la connaissance traditionnelle », elle a rappelé que sa grand-mère roumaine faisait tout manuellement, cousant des vêtements, parfois pendant des mois, pour produire un beau patrimoine culturel.
Dans le contexte du thème de la présente session de l’Instance permanente, Mme Pasca Palmer a souligné l’importance de la transmission intergénérationnelle laquelle, associée aux innovations et aux nouvelles pratiques, accroît notamment les liens entre nature et culture. « Il n’est pas possible de séparer nature et culture puisque les peuples autochtones des Amériques se considèrent comme les descendants du maïs, ou de la courge », a-t-elle clamé.
À cet égard, elle a plaidé pour la préservation des langues autochtones, indiquant au passage qu’il existe en langue sâm plus de 200 mots pour la neige, chacun décrivant la qualité et l’état de celle-ci. Les Hawaïens, de leur côté, disposent de 40 mots pour la pluie; les Bédouins, de 160 pour le chameau, et de plus d’un millier pour le cheval. Or, d’après l’Atlas de l’UNESCO sur les langues en danger dans le monde, « au moins 43% des langues du monde sont menacées de disparition, et avec elles, les connaissances, les pratiques et les expressions culturelles qui préservent la biodiversité », s’est-elle alarmée.
En conséquence, « nous ne pourrons promouvoir des solutions fondées sur la nature pour résoudre la sixième crise de l’extinction, atteindre les objectifs de développement durable ou mener l’action en faveur du climat, si la culture n’est pas prise en compte et si les langues autochtones ne sont pas en bon état », a argué la Secrétaire exécutive. Du fait même que le Plan d’action de la Convention sur la diversité biologique prendra fin en 2020, les deux années à venir seront cruciales pour réaliser la vision de la Convention qui consiste à vivre en harmonie avec la nature d’ici à 2050.
Mme Pasca Palmer a indiqué que la « porte était grande ouverte » pour recevoir les idées des peuples autochtones et de l’Instance permanente sur les questions autochtones, qui propose de nouveaux éléments de travail pertinents pour ces peuples, de même que de nouveaux arrangements institutionnels de participation des peuples autochtones. Elle a en outre relevé le désir des autochtones de passer du statut d’observateurs en vertu de la Convention à celui de « partenaires » dans la mise en œuvre de celle-ci.
En guise de second message, Mme Pasca Palmer a mis en exergue l’importance de la diversité biologique et culturelle –ou « nature et culture »- pour la résilience de l’écosystème et des communautés, et donc pour la transmission saine et la protection des connaissances traditionnelles, rappelant à cet égard sa proposition faite, en novembre 2018 en Égypte, à l’occasion de la COP14, d’établir une alliance internationale pour la nature et la culture, susceptible de conduire l’Assemblée générale de l’ONU à proclamer, en temps voulu, une décennie internationale pour la nature et la culture (2020-2030).
Débat général
Mme AISA MUKAB, Vice-Présidente de l’Instance permanente de l’ONU sur les questions autochtones, a indiqué que la présente session constituait une réunion phare dans le cadre de la célébration de l’Année internationale des langues autochtones. Elle s’est félicitée que la résolution de l’Assemblée générale proclamant l’année ait été le fruit du travail de l’Instance. Le Plan d’action de cette année, préparé par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), les États Membres et les partenaires du système onusien, en coopération avec les peuples autochtones, permet d’évaluer aujourd’hui les résultats: travail visant à l’établissement d’un nouvel Atlas des langues traditionnelles, mise en place de comités linguistiques nationaux, comme en Fédération de Russie, entre autres. La Vice-Présidente a appelé toutes les parties prenantes à organiser des manifestations parallèles sur les langues autochtones et à maintenir l’élan de cette Année internationale. Elle a également recommandé, sous les applaudissements, la proclamation d’une décennie internationale des langues autochtones aux fins d’intensifier les efforts des peuples autochtones et des États Membres dans la préservation, par l’enseignement, des langues autochtones.
Mme IRMGARDA KASINSKAITE-BUDDEBERG, de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a salué la proclamation de 2019 en tant qu’Année internationale des langues autochtones. Cette année a pour but de sensibiliser l’opinion publique internationale à l’importance des langues autochtones à travers le monde, a-t-elle déclaré, estimant que ces langues étaient fondamentales du point de vue de la réalisation des objectifs de développement durable. Les langues sont les dépositaires de connaissances transmises à travers les siècles, a insisté la représentante de l’UNESCO, déplorant le fait que des dizaines d’entre ces langues soient à l’heure actuelle menacées de disparition.
Mme Kasinskaite-Buddeberg a rappelé que l’Année internationale avait été officiellement lancée, en janvier dernier, lors d’une cérémonie spéciale au siège de l’UNESCO, à Paris. Cette année, a-t-elle poursuivi, a d’ores et déjà été citée 1757 fois dans les médias traditionnels et bénéficié de campagnes de soutien sur les réseaux sociaux. Forte d’un calendrier de plus de 400 évènements, dont des ateliers, évènements sportifs et conférences un peu partout dans le monde, l’Année internationale entend générer une participation multiple, afin de maximiser les retombées en matière de promotion et d’accès à l’enseignement dans les langues autochtones, a précisé la représente de l’UNESCO.
Mme NANAIA MAHUTA, Ministre du développement maori et Ministre du gouvernement local, a d’abord présenté ses condoléances au Gouvernement et peuple du Sri Lanka et condamné toutes les formes de terrorisme, tout en appuyant la tolérance et la liberté de religion. Citant un dicton maori « ma langue est mon atout le plus précieux et mon trésor le plus fondamental », elle a prôné la protection juridique des langues autochtones, de même que l’enseignement et le développement de telles langues qui contribuent aussi au développement et à l’innovation. Il faut préserver l’histoire des maoris par le biais de leurs enfants et petits-enfants, a-t-elle conseillé, en expliquant que la Nouvelle-Zélande s’évertue à améliorer la qualité de vie des Maoris et d’appliquer la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones.
Mme DORTHE WACKER de l’Union européenne a déclaré que la diversité linguistique était l’une des valeurs fondamentales de l’Union européenne (UE), qui interdit toute discrimination basée sur des aspects linguistiques. La représentante a également indiqué que le Parlement européen avait souligné à quel point la culture était un vecteur de développement. Dans ce cadre, la représentante a appelé à investir au niveau communautaire, afin de promouvoir le bilinguisme et le multilinguisme. Pour les peuples autochtones, a-t-elle affirmé, il est essentiel de parler la langue nationale du pays, afin notamment de participer au marché de l’emploi, sans pour autant abandonner leur langue maternelle autochtone. Or, dans bien des cas, l’apprentissage de la langue nationale se fait au détriment de la langue autochtone, a regretté la représentante, appelant les États Membres à investir pour remédier à cette tendance.
Mme AILI KESKITALO, Membre du parlement sâm en Norvège, qui s’est exprimée au nom des parlements sâms et arctiques dont les terres sont à cheval sur quatre États différents, a encouragé l’État à appuyer la coopération en apportant un appui financier. Elle les a aussi appelés à pallier le fossé numérique de ces peuples en veillant à la création d’outils numériques créatifs dans les langues autochtones. Les grandes sociétés technologiques doivent intégrer les peuples autochtones dans le développement de nouvelles technologies afin de préserver les langues autochtones, a-t-elle dès lors recommandé.
Mme CAROLYN BENNETT, Ministre des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord du Canada, a indiqué que son pays s’attachait à préserver et revitaliser les langues autochtones, notamment par le biais d’un projet de loi à l’étude pour renforcer leur usage dans le pays. La représentante a ensuite laissé la parole à une chanteuse autochtone canadienne. En pleurs, cette dernière a fait part de ses efforts pour tenter de revitaliser sa culture, dénonçant les actions passées du Gouvernement canadien à l’encontre des pratiques ancestrales de son peuple. La chanteuse a toutefois salué, dans un tonnerre d’applaudissements, les efforts actuels des autorités canadiennes pour redynamiser l’usage de sa langue maternelle.
Mme SEGUNDINA FLORES, Fonds pour le développement des peuples autochtones de l’Amérique latine et des Caraïbes (FILAC) a déclaré soutenir le dialogue et la planification en vue de la mise en œuvre des droits des peuples autochtones, qui croient en l’harmonie. Elle a mentionné en particulier les droits collectifs des peuples autochtones, le droit de défendre leurs valeurs ancestrales dans le cadre de leur cosmovision propre ainsi que le droit de célébrer la Terre par le chant et la danse sacrée. Elle a exhorté les États à améliorer les opportunités et débouchés pour les autochtones, afin de leur permettre d’œuvrer pour le bien de l’ensemble de l’humanité. Des progrès ont été réalisés grâce au Sommet de 2006 lors duquel les chefs d’État et de gouvernement latino-américains avaient décidé de la création de l’Institut ibéro-américain des langues autochtones et mis sur pied un réseau d’alliances entre les institutions financières, la société civile et les organisations chargées de la science et de la culture.
Mme THINGREIPHI LUNGHARWO ,Pacte des peuples autochtones d’Asie, a rappelé que les deux tiers des peuples autochtones du monde résidaient en Asie et que nombre d’entre eux étaient actuellement menacés. Elle a souligné que le droit à communiquer dans sa langue maternelle était un droit de tous les peuples. La représentante a appelé à promouvoir les langues autochtones, aussi bien à l’école que dans les médias. La représentante a également exhorté les États Membres à entamer des réformes pour promouvoir l’enseignement fondé sur les langues autochtones et à réviser les programmes scolaires en conséquence. Ces États, a-t-elle estimé, doivent également prendre des mesures urgentes pour mettre fin au problème du déplacement des peuples autochtones qui quittent leurs terres ancestrales.
M. KOPENG OBED BAPELA, Vice-Ministre de la gouvernance coopérative et des affaires traditionnelles d’Afrique du Sud, a souligné que la perte des langues autochtones exigeait une réponse rapide. Dans ce pays, leur protection fait l’objet d’un texte législatif qui sera signé sous peu, a-t-il indiqué. La diversité culturelle et la liberté linguistique et religieuse sont consacrées dans la Constitution sudafricaine, laquelle prévoit les conditions propices à la préservation et à l’épanouissement des langues et religions autochtones. Les neuf langues autochtones seront d’ailleurs couchées sur papier pour mieux les enseigner, a précisé le représentant avant de signaler que des émissions radios contribuent à les perpétuer.
M. PAULO DAVID, du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a déclaré que lorsque les langues autochtones étaient menacées, les peuples autochtones l’étaient également. Il a appelé les États Membres à s’inspirer des études disponibles et des conclusions publiées par les différentes instances onusiennes sur la question, y compris le Conseil des droits de l’homme. Parallèlement, le représentant a invité les peuples autochtones à renforcer leur collaboration avec ces instances pour faire face aux menaces qui pèsent sur leurs langues. Cela permettrait aux instances onusiennes de traiter du droit à la langue directement avec les États Membres, a-t-il insisté, avant d’appeler en conclusion au lancement d’une décennie internationale des langues autochtones.
Mme ILIA MATILDE REYES AYMANI Desarrollo intercultural, du Chili, enseignante de langues autochtones de la nation Lickanantay au Chili et éducatrice de langue ckunza, a recommandé la mise en œuvre de la Convention no.169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) préconisant la formation à l’enseignement bilingue et de considérer les enseignants des langues autochtones au même titre que ceux des langues officielles, avec les même droits et prérogatives. Elle a salué l’introduction de l’enseignement interculturel bilingue au Chili aussi bien à la maternelle qu’au niveau de l’enseignement primaire. Si elle a souhaité que les langues autochtones soient enseignées aux enfants autochtones, elle a estimé qu’elles devaient être enseignées à tous les enfants chiliens en général, sur tout le territoire et tout au long des cycles d’enseignement.
M. ROYAL JOHAN KXAO ǀUIǀOǀOO, Ministre adjoint pour les communautés marginalisées de la Namibie, a expliqué qu’en Namibie, pays où toute la population est autochtone, la plupart des gens s’identifient avec des langues autochtones qui sont au nombre de douze et qui se déclinent dans différents dialectes. Même si l’anglais reste la langue officielle, la Constitution prévoit l’utilisation d’autres langues à titre officiel, a précisé le représentant, expliquant que dans l’administration publique les autres langues parlées sont utilisées dans l’interaction avec les citoyens. Malgré tout, trois communautés autochtones restent marginalisées, a-t-il poursuivi, à savoir les Ovatue, les Ovatjimba et les San. Leurs langues sont essentiellement transmises à la maison ou dans la communauté, mais rarement dans le contexte officiel ou dans l’éducation. Le défi consiste donc à assurer l’éducation dans toutes les langues autochtones dès la maternelle et jusqu’au secondaire au moins.
Pour le Gouvernement namibien, les langues autochtones sont la pierre angulaire de l’identité de son peuple. « Elles définissent qui nous avons toujours été et qui nous sommes », a expliqué le représentant, justifiant ainsi l’importance accordée à leur sauvegarde. Le pays connait cependant des problèmes de financement des curriculums en langues autochtones, a-t-il indiqué.
Le représentant du Mécanisme d’expert sur les droits des peuples autochtones, a appelé à prendre des mesures urgentes pour remédier à la disparition des langues autochtones, tout en précisant que ces mesures ne devaient pas être prises sans le consentement préalable des peuples concernés. Le représentant a dénoncé les arguments selon lesquels ces langues menaceraient l’intégrité des États nationaux. Il a également rejeté dos à dos les approches « paternalistes » de défenses de ces langues et le manque de ressources allouées pour les revitaliser. Le représentant a en outre appelé à reconnaître les injustices du passé pour aller de l’avant et à concevoir des programmes d’enseignement bilingue dans les communautés où les langues ne sont plus transmises d’une génération à l’autre. Les instances et programmes des Nations Unies devraient également faire en sorte que les initiatives de l’Organisation reflètent la dimension liée aux langues autochtones. Le représentant a enfin appelé à adopter un document stratégique pour promouvoir la défense des peuples autochtones et à proclamer une décennie internationale des langues autochtones.
M.RON LAMEMAN, International Indian Treaty Council, parlant également au nom de la nation Cree et des alliés du Traité du territoire no.6, a déclaré qu’en dépit de leur importance, les langues autochtones sont menacées du fait de la colonisation et de l’héritage des politiques d’acculturation forcée des enfants. Il a souhaité que l’Instance permanente prie l’UNESCO d’élaborer une nouvelle plateforme de préservation des langues et d’encourager la proclamation d’une décennie internationale des langues autochtones dont le Plan d’action serait élaboré par les peuples du monde.
Mme ANNE KARIN OLLI (Norvège) a indiqué que le peuple Sami en Norvège coopérait au-delà des frontières nationales du pays avec le peuple Sami résidant en Finlande, par l’entremise du Parlement Sami. Forte de cet exemple, elle a appelé les États Membres à adopter une perspective transfrontalière pour défendre efficacement les langues autochtones. La représentante a indiqué que la Norvège avait alloué des ressources pour financer des initiatives dans le cadre de l’Année internationale des langues autochtones. Elle a appelé les États Membres à mieux coopérer entre eux pour défendre ces langues.
Mme ANNE DENNIS, Conseil des terres aborigènes de Nouvelle-Galles du Sud, a encouragé les États à mettre en œuvre des stratégies nationales à long terme en vue de revitaliser, respecter et préserver les langues autochtones, par l’allocation de ressources prévisibles et durables. Avant l’invasion, ces langues étaient au nombre de 700 en Australie. Aujourd’hui, 110 sont menacées et une centaine d’autres comptent juste quelques centaines de locuteurs. La culture à l’occidentale ne peut se faire au détriment de ces langues, a prévenu la représentante en appelant à la vigilance, en cette Année internationale, pour que les langues autochtones puissent survivre et prospérer.
Mme HELENE ÖBERG (Suède) a constaté d’emblée que partout dans le monde, « malheureusement dans mon pays aussi », les populations autochtones sont toujours victimes de discrimination, de violation des droits de l’homme et d’abus. « En tant que leaders, il est de notre devoir non seulement d’être à l’écoute, mais aussi de nous impliquer et d’agir. Nous devons apprendre de nos erreurs du passé et coopérer sur le plan national, régional et mondial pour un avenir meilleur », a-t-elle estimé.
Pour la Suède, la protection de sa population autochtone, les Samis, représente une priorité. À cet égard, le Gouvernement travaille étroitement avec les membres démocratiquement élus du Parlement Sami ainsi qu’avec la société civile Sami et d’autres parties prenantes, a expliqué la représentante qui, pour la deuxième année consécutive était accompagnée d’un représentant dudit Parlement. Cela s’inscrit dans la volonté de faire participer les Sami aux processus de prise de décisions sur des questions qui les concernent, a poursuivi Mme Öberg dont la délégation milite également pour une représentation et inclusion des populations autochtones ici même, aux Nations Unies, pour que leur voix soit entendue dans le dialogue mondial.
Saluant l’initiative des Nations Unies de proclamer 2019 Année internationale des langues autochtones, la Suède rappelle que la langue de quelqu’un est porteuse de son identité, de son histoire et de ses traditions. Compte tenu de cela, la représentante s’est dit préoccupée par le risque de disparition de près de 40% des 6 700 langues recensées dans le monde par l’Instance permanente, la plupart de ces langues étant des langues autochtones. Nous devons travailler de concert pour protéger la richesse linguistique et la diversité culturelle, a exigé la représentante, ce que la Suède fait déjà pour la langue Sami, notamment en demandant au Parlement Sami de se pencher sur le développement de nouvelles activités du Centre de la langue Sami. La Suède a également postulé pour devenir un partenaire officiel de l’UNESCO dans le contexte de l’Année internationale des langues autochtones. En 2016, le Gouvernement suédois a également lancé une enquête nationale pour identifier des mesures visant à sauvegarder et revitaliser les cinq langues autochtones du pays.
Mme ELIDA ATLASOVA, Communauté ancestrale nomadique des peuples autochtones du Nord, a souligné le lien étroit entre droit à la langue et droit à la terre. Dans ce cadre, elle a condamné les déficiences des systèmes éducatifs nationaux en matière de soutien aux langues autochtones. En Australie, par exemple, la représentante a affirmé que les autorités ne finançaient pas suffisamment les écoles dans les zones reculées, de sorte que de nombreux jeunes sont obligés de quitter leurs communautés autochtones pour acquérir une éducation. Elle a toutefois indiqué que des initiatives de défenses des langues autochtones portaient leurs fruits, comme en Sibérie, où une école du dimanche pour les parents et personnes âgées permet d’apprendre la langue autochtone. Mais le financement de ce genre d’initiative repose majoritairement sur la société civile, a-t-elle regretté, appelant les États Membres à assumer davantage la responsabilité de leur politique d’assimilation et à financer la défense des langues autochtones. Concrètement, la représentante a estimé que les peuples autochtones devraient pouvoir présenter des requêtes administratives et juridiques dans leur langue maternelle. La représentante a enfin appelé le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) à créer un plan d’action pour redynamiser les langues autochtones.
M. IGOR BARINOV, Directeur de l’Agence fédérale des relations intercommunautaires de la Fédération de Russie, a signalé la tenue à Saint Pétersbourg du Forum sur les langues arctiques. Il a indiqué que la législation nationale définit les peuples autochtones comme des sujets de protection particulière. L’expérience accumulée et les efforts étatiques ont permis la préservation de langues menacées il y a déjà 100 ans, s’est-il félicité. D’autre part, le lancement du Fonds fédéral de la préservation des langues des petits peuples autochtones est l’un des fers de lance de la politique de diversité linguistique en Russie. Il a enfin abondé dans le sens de la proposition de proclamer une décennie internationale sur les langues autochtones.
Mme ALUKI KOTIERK, Conseil circumpolaire inuit, qui s’exprimait conjointement avec le Caucus Arctique, a dénoncé le « génocide culturel et linguistique » dont sont, selon elle, victimes les peuples autochtones. Elle a indiqué que l’éducation dans la langue maternelle était le facteur le plus déterminant dans la réussite des étudiants issus de peuples autochtones. La représentante a donc jugé fondamental de protéger juridiquement ces langues et de les redynamiser. Au lieu de se montrer complice du « génocide culturel et linguistique » en cours, la représentante a estimé que l’ONU devrait redoubler d’efforts pour promouvoir la richesse linguistique dans les différentes instances internationales et intergouvernementales.
M. CRAIG RITCHIE, membre de la nation dangarie d’Australie, a estimé que la langue est plus qu’un vecteur de communication: c’est aussi un dépositaire de l’histoire, la sagesse, l’identité et la culture. Les langues autochtones contiennent des systèmes uniques dans le savoir actuel. Or plus de 250 langues d’aborigènes du Détroit de Torres ne sont plus parlées, a-t-il déploré avant d’annoncer que l’Australie entendait mener une évaluation pour faire le bilan. Les premières méthodologies d’enseignement bilingue appuient l’éducation dans les langues traditionnelles, a-t-il par ailleurs salué. M. Ritchie a également cité la production d’une pièce monétaire unique inscrivant le mot « argent » dans 14 langues avec des points blancs symbolisant les langues perdues.
La représentante de la jeunesse de la Fédération Khmers-Kampuchea - Krom et de leur temple, Mme EMILY HANG, a estimé que c’est une chance et une bénédiction pour des jeunes Khmer-Krom comme elle d’avoir la possibilité d’être bilingues et de s’exprimer dans leur langue maternelle sans crainte de représailles, ce qui n’est pas le cas de ses pairs au Viet Nam où la langue officielle est imposée dans l’éducation. Il en résulte la perte des connaissances de la culture et de la langue ancestrale des Khmer-Krom, qui ne peut même plus être enseignée dans les temples bouddhistes. La Fédération appelle donc l’Instance permanente à s’engager en faveur de la sauvegarde des langues autochtones en prévoyant des mécanismes et de fonds à cet effet, mais aussi des mesures pour autoriser les peuples autochtones à s’exprimer dans leurs langues natales en partant du constat que « les langues ne sont pas uniquement un instrument de communication, mais aussi de la transmission des connaissances culturelles et des traditions ».
Rappelant que le Viet Nam avait réaffirmé son engagement en faveur des objectifs de développement durable lors du Forum politique de haut niveau de l’ECOSOC en 2018, la représentante a souligné qu’il y avait également affirmé que, « faute de statistiques régulières et adéquates, il n’était pas possible d’évaluer les progrès en termes d’accès équitable des groupes vulnérables, y compris des personnes handicapées, des minorités ethniques ». Par conséquent, la représentante a exhorté le Viet Nam à réfléchir à de meilleurs programmes pour promouvoir la langue Khmer-Krom sans crainte de discriminations et elle a invité le Gouvernement vietnamien à s’engager dans un dialogue ouvert avec le peuple Khmer-Krom pour veiller à ce qu’il ne « laisse aucun peuple autochtone de côté ».
Mme DEVONEY MCDAVIS (Nicaragua) a indiqué que son pays s’était doté de programmes spécifiques pour garantir la défense des langues autochtones, y compris en adoptant des lois garantissant la non-discrimination liée à la langue. Dans les régions autonomes du pays, a-t-elle poursuivi, les langues autochtones sont également reconnues en tant que langues officielles. L’usage de ces langues autochtones dans la justice et l’administration publique nicaraguayennes est également garanti, s’est enorgueilli la représentante.
M. GUADALUPE ACOSTA, Cubraiti Inc., a fustigé le vol, l’usurpation, la désacralisation des documents et la défiguration du calendrier aztèque, notamment. Il a rappelé que le calendrier aztèque est détenu dans des musées occidentaux et des collections privées alors qu’il s’agit des annales de la civilisation aztèque. Il a demandé au pape de veiller au rapatriement des documents ancestraux aztèques.
M. SAUL VICENTE VAZQUEZ (Mexique) a déclaré que son pays s’attachait à formuler un plan d’action national pour la défense et la préservation des langues autochtones. Dans ce cadre, et alors qu’on célèbre l’Année internationale des langues autochtones, le représentant a indiqué que le Mexique soutenait l’idée d’une décennie des langues autochtones.
Mme DARIA EGEREVA, Union des peuples autochtones de la région de Tomsk, a constaté que l’appui à la langue selkup est totalement inexistant. Il n’existe que trois personnes qui pratiquent cette langue, a-t-il précisé. Des ouvrages ont certes été créés mais faute d’appui financier, ils ne peuvent être publiés. Cette langue est enseignée comme initiative sociale des organisations bénévoles. L’Union des peuples autochtones de la région de Tomsk a aussi regretté l’absence de manuels et de littérature didactique ainsi que d’intérêt des pouvoirs publics. Elle a recommandé la mise en place d’un soutien efficace de résurrection des langues autochtones en garantissant la formation et le salaire des enseignants. La langue est partie intégrante du savoir et de l’innovation des peuples autochtones, a-t-elle conclu.
M. PASCUAL SOL SOLIS (Guatemala) a indiqué que, pour les peuples Mayas du Guatemala, la langue était source de vie. Il s’est par conséquent dit conscient du fait que la lutte pour la défense et la préservation de leurs langues à la télévision, à la radio ou au sein de la justice était essentielle à la survie de ces peuples. Le Guatemala est fortement engagé dans la défense des langues autochtones, a affirmé le représentant, comme en témoigne selon lui la loi nationale, qui les reconnait comme langues officielles du pays. Le représentant a en outre précisé que, dans le cadre de l’Année internationale des langues autochtones, son gouvernement avait pris part au Congrès mésoaméricain des langues autochtones, qui a eu lieu en février dernier. « Une langue qui n’est pas utilisée meurt », a-t-il déclaré en conclusion.
Mme POLINA SHULBAEVA, Centre pour l’appui aux peuples autochtones du nord (CSIPN), a rappelé que la Fédération de Russie avait des politiques différentes pour l’enseignement linguistique selon les régions. Nombre de ses langues autochtones se trouvent dans une situation précaire, certaines n’étant plus parlées que par un nombre très réduit de personnes, a-t-elle relevé. Elle a aussi noté que le fait que la Fédération de Russie n’avait pas encore reconnu la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ce qui à son avis reste un facteur dissuasif. Les normes d’éducation publique des États Membres de l’ONU doivent rendre obligatoire l’enseignement des langues autochtones sur tout le territoire, a-t-elle enfin préconisé.
M. JENS DAHL (Danemark), membre de l’Instance permanente des peuples autochtones, a félicité l’UNESCO d’avoir pris tout un éventail de mesures afin de préserver les langues autochtones. Il a toutefois exhorté l’UNESCO à enquêter sur les politiques nationales qui ont des effets délétères sur les langues autochtones.
M. GERVAIS NZOA (Cameroun), membre de l’Instance permanente sur les questions autochtones, s’est félicité de l’échange d’expérience avec la Fédération de Russie et encouragé à mettre en relief, par le biais de l’UNESCO, les recommandations des participants ayant pris part aux assises de Saint Pétersbourg.
Mme RENA TASUJA (Estonie) a indiqué que la préservation des langues autochtones était une obligation pour tous les États Membres. Elle a indiqué que son pays prenait activement part aux événements organisés dans le cadre de l’Année internationale des langues autochtones, qui a été officiellement lancée au niveau national en février, à Tallinn. La représentante a appelé les États Membres à allouer des ressources suffisantes à cette Année internationale afin de mettre en œuvre intégralement son programme. En conclusion, la représentante a appelé à préserver la « diversité culturelle unique » des langues autochtones.
M. MATTHEW NORRIS, Urban Native Youth Association, a fait une série de recommandations, notamment celle de mettre en œuvre de façon effective la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, son article 8 en particulier. L’Association a aussi préconisé que l’Instance appelle les États à fournir les ressources nécessaires pour réexaminer leurs lois et politiques avec la pleine participation des peuples autochtones en vue de garantir que les communautés urbaines autochtones déplacées soient répertoriées et prises en compte dans la planification. Il a aussi souhaité que la Plan d’action national inclue les réparations et les ressources nécessaires aux Nations autochtones ainsi que le retour des déplacés. Il a enfin réclamé la reconnaissance des droits de l’homme des autochtones déplacés et vivant dans les contextes urbains, avec une attention particulière aux situations des jeunes, des femmes et des personnes âgées.
Pour Mme JOANNA HAUTAKORPI, conseillère ministérielle au Ministère de la justice de la Finlande, l’Année internationale des langues autochtones soulève la question pertinente de savoir ce que l’on peut faire pour éviter que des langues autochtones ne disparaissent. Il y a quelques années, il existait encore 10 langues Sâm, alors qu’aujourd’hui l’une d’entre-elles, l’Akkala Sâm, a disparu avec la mort de son dernier locuteur, a constaté la représentante pour illustrer son propos. En Finlande, se sont trois langues Sâm qui restent parlées en tant que langues maternelles grâce au rôle essentiel joué par la communauté Sami, mais également par le Gouvernement finlandais qui a soutenu la revitalisation de ces langues. Un exemple de mesures prises en ce sens est l’éducation en Sâm et l’apprentissage du Sâm même en dehors des régions autochtones, d’autant plus que la plupart des enfants Sâm n’y vivent plus de nos jours. Il existe même un projet pilote pour enseigner les trois langues Sâm à distance.
Mme JUDY WILSON, Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, a appelé l’Instance permanente à dialoguer davantage avec les États Membres pour parvenir, avec la participation des peuples autochtones, à définir des plans d’action pour la défense écologique des terres autochtones contre les pratiques industrielles. Elle a également invité à mettre en œuvre des mécanismes de préservation et de revitalisation des langues autochtones et à allouer les ressources financières nécessaires pour y parvenir. « Les langues autochtones sont essentielles pour la survie de notre vision du monde », a déclaré Mme Wilson. Les États Membres, bien conscients de l’importance de leurs langues pour les peuples autochtones, ont procédé « intentionnellement » à la destruction de ces langues, a-t-elle dénoncé, appelant les pays à réparer leurs actions.
M. PEDRO VARE (Bolivie) a rappelé que son pays était l’initiateur de l’adoption de la résolution sur l’Année internationale des langues autochtones, et a suggéré de lancer des consultations en vue de la proclamation de la décennie internationale sur les langues autochtones. Il a également mentionné l’établissement de l’Institut ibéro-américain des langues autochtones et apporté quelques informations sur les mesures prises à cet escient. Plus de 15 organismes étatiques ainsi que des organisations non gouvernementales sont impliqués dans ces préparatifs. Il en outre énuméré une série de lois et programmes lancés dans son pays pour tenir compte des connaissances et des langues des peuples autochtones, qui ont été suivis d’un vaste processus de revitalisation. L’important est que la Bolivie, État plurinational, possède sa propre identité, a conclu l’orateur.
En tant que représentante des peuples finno-ougriens dans les territoires du Nord, Mme TATIANA DIATLOVA, Save Ugra, a salué l’Année internationale des langues autochtones. Elle a indiqué que les efforts de préservation des langues autochtones dans sa région s’étaient traduits par une augmentation des locuteurs dans les langues finno-ougriennes ces dernières années. Elle a toutefois appelé à redoubler d’efforts pour redynamiser ces langues, notamment chez les peuples autochtones peu nombreux, qui sont selon elle les plus vulnérables. La représentante a en outre appuyé l’idée d’une décennie des peuples autochtones. Dans ce cadre, elle a appelé à attirer l’attention des gouvernements nationaux sur les questions liées à la préservation des langues autochtones, y compris en poussant au développement des régions dans lesquelles résident des peuples autochtones.
Mme YOLANDA OTAVALO (Équateur) a déclaré que son pays était plurinational et interculturel où, constitutionnellement, l’espagnol est la langue officielle. La Constitution dispose parallèlement que l’État respecte et stimule la conservation et l’utilisation des langues ancestrales. Le Plan national de développement 2017-2021 (Plan Toute Vie) affirme le caractère interculturel et plurinational, revalorise les identités des peuples, garantit la préservation des langues autochtones ainsi que le multilinguisme et le maintien d’un système éducatif interculturel. À cet égard, un tournant a été marqué avec la création du Secrétariat d’enseignement interculturel bilingue, qui est autonome aussi bien du point de vue financier, administratif que technique.
Mme MARIAM WALLET ABOUBAKRINE (Mali), membre de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a souligné à quel point les langues autochtones étaient menacées de disparition. Pour inverser cette tendance, elle a appelé à agir de manière concrète et à ne pas s’en tenir uniquement à l’étude de projets de loi, mais à les voter. Elle a également recommandé de prendre des mesures de long terme. La représentante a soutenu l’idée d’une décennie internationale des peuples autochtones, qui devra, selon elle, comporter un volet sur les langues autochtones. Enfin, la représentante a appelé à accorder davantage d’attention à l’impact des déplacements sur les langues autochtones.
M. LES MALEZER (Australie), membre de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a résumé « la grande interrogation » qui filtre du débat de cet après-midi, en l’occurrence la nécessité de fournir des ressources suffisantes pour accompagner la volonté affichée d’appui aux langues autochtones. Plusieurs recommandations ont notamment suscité un vif débat en Nouvelle-Zélande et en Australie, a-t-il relevé, d’aucuns ayant lancé des mises en garde s’agissant du succès de l’Année internationale des langues autochtones. La décennie proposée sera tributaire des moyens financiers, a-t-il souligné, en conseillant la prudence tant que les recommandations sur les terres ancestrales et la préservation des ressources, entre autres, ne sont pas pleinement mises en œuvre.
M. WILLIE LITTLECHILD, Assembly of First Nations, a appelé à revitaliser les langues autochtones au cours de cette Année internationale des langues autochtones. À cette fin, il a appelé les États Membres à s’inspirer des initiatives législatives canadiennes en la matière. Le représentant a également appelé à ce que cette Année internationale s’achève par l’adoption d’un plan d’action et par la création d’une plateforme continue sur les langues autochtones.