Conseil de sécurité: le Burundi prépare les élections générales de 2020 dans un contexte jugé insuffisamment inclusif par certains intervenants
Cet après-midi, pour la première fois depuis février dernier, le Conseil de sécurité s’est réuni pour examiner la situation au Burundi, plongé dans les préparatifs des élections présidentielle et parlementaires de 2020, qui se déroulent dans un contexte préoccupant à plusieurs égards, selon le Sous-Secrétaire général chargé du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, M. Oscar Fernandez-Taranco.
« L’attention du Gouvernement se porte sur la préparation des élections générales de 2020 et celui-ci continue de mobiliser les citoyens en ce sens. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) poursuit ses efforts pour sensibiliser la population aux valeurs démocratiques, dans la perspective de scrutins pacifiques et crédibles », a expliqué le haut fonctionnaire, tout en précisant que la réunion de la CENI initialement convoquée le 14 juin pour annoncer le calendrier électoral avait été reportée.
Autres développements sur le plan électoral ces derniers mois: le 20 mars, le Congrès national pour la liberté (CNL) d’Agathon Rwasa a été autorisé à tenir son premier congrès ordinaire permettant à ce parti politique d’opposition de désigner ses représentants nationaux. Et le 17 avril, le code électoral a été adopté à une large majorité par l’Assemblée nationale et approuvé à l’unanimité par le Sénat le 24 avril. Toutefois, a indiqué M. Fernandez-Taranco, « certains membres de l’opposition ont dénoncé le processus entourant l’adoption du code électoral. À leur avis, il a été insuffisamment consultatif et manquait du consensus requis par le cadre juridique régissant l’organisation et la conduite des élections en 2020 ».
Le représentant du Burundi a considéré, pour sa part, que les préparatifs des élections de 2020 étaient très avancés. « Les mécanismes nationaux de préparation se mettent en place progressivement alors que les gestes d’apaisement favorisant un climat propice à la tenue des élections se multiplient », s’est-il enorgueilli, en invoquant plusieurs mesures à l’appui de ses propos. Outre la mise en place de la CENI et l’adoption du code électoral, il a cité la décision de financer l’ensemble du cycle électoral à partir des ressources nationales, une volonté d’appropriation saluée par plusieurs membres du Conseil.
S’il s’est félicité de ces mesures du Gouvernement burundais, le Commissaire de l’Union africaine pour la paix et la sécurité, M. Smaïl Chergui, a toutefois relayé les griefs des partis d’opposition, qui se plaignent d’arrestations arbitraires et d’entraves à leurs activités politiques. Il a conclu que le climat politique devient de plus en plus « délicat » et que « l’horizon se ferme à mesure que l’année des élections approche », un sentiment qui contraste avec « l’élargissement de l’espace politique » dont la délégation burundaise s’est faite aujourd’hui l’écho.
En mission à Bujumbura en mai dernier, le Président de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, M. Jürg Lauber, a confirmé les préoccupations de membres de l’opposition relatives à la liberté de réunion et aux restrictions imposées aux médias, accusés d’avoir enfreint la règlementation en vigueur. Le Royaume-Uni a d’ailleurs demandé que soit levée l’interdiction d’émettre imposée à la BBC. « La situation ne pose pas de menace à la paix et à la sécurité internationales et, durant ma visite, aucun incident n’a été reporté », a conclu M. Lauber, en déplorant, toutefois, que des incidents violents présumés et des violations des droits de l’homme n’auraient pas fait l’objet d’enquêtes et de poursuites adéquates.
Des incidents qui « jettent une ombre » sur le processus électoral en cours au Burundi, selon les États-Unis, dont l’inquiétude a été partagée par la Belgique, la France et l’Allemagne, ou encore la Pologne, laquelle a aussi demandé au Burundi de prendre des mesures concrètes pour rétablir sa coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et avec la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Pour la délégation burundaise, soutenue sur ce point par la Fédération de Russie, « il est clair » que la situation dans son pays figure à l’agenda « surchargé » du Conseil de sécurité pour des « raisons politiques » et des « intérêts extérieurs » qui n’ont rien à voir avec le « bien-être » de son peuple. Rejetant l’organisation de « réunions en cascade » sur le Burundi, le représentant a réitéré l’appel « légitime » de son gouvernement pour que soit retiré ce point de l’ordre du jour du Conseil. « La place du Burundi devrait être au niveau des agences et programmes des Nations Unies traitant du développement socioéconomique pour accompagner les efforts nationaux dans la mise en œuvre de son programme national de développement », a-t-il plaidé.
Sur le plan humanitaire, le délégué burundais s’est félicité du retour « massif et volontaire » des réfugiés ayant fui le pays en 2015, en avançant le chiffre de 70 285 rapatriements entre le 1er août 2017 et le 29 mai 2019. « Cela témoigne, selon la délégation, du retour à la paix, à la tranquillité et la stabilité dans le pays, nonobstant les propos de certains acteurs étrangers qui continuent délibérément de gonfler le nombre de ceux encore en exil pour maintenir le Burundi dans une psychose artificielle », a-t-il lancé.
Selon le Sous-Secrétaire général, au 30 avril 2019, le nombre de réfugiés burundais accueillis dans la sous-région se chiffrerait encore à 352 000. Il a donc encouragé le Gouvernement du Burundi à travailler en étroite collaboration avec ses partenaires pour faire en sorte que l’assistance parvienne aux plus démunis en temps opportun. Mais aussi les partenaires internationaux, priés d’augmenter leurs contributions car « le plan d’intervention humanitaire, qui requiert 106,4 millions de dollars, n’est actuellement financé qu’à hauteur de 24%, tandis que le plan régional d’intervention pour les réfugiés, nécessitant 296 millions de dollars, n’est financé qu’à 17% ».
LA SITUATION AU BURUNDI
Déclarations
M. OSCAR FERNANDEZ-TARANCO, Sous-Secrétaire général chargé du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, a fait le bilan de quelques développements notables au Burundi depuis février dernier. L’attention du Gouvernement est axée sur la tenue des élections générales de 2020 et celui-ci continue de mobiliser ses citoyens pour contribuer à leur préparation, a-t-il dit. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) poursuit ses efforts pour sensibiliser la population aux valeurs démocratiques, dans la perspective d’élections pacifiques et crédibles. La réunion de la CENI initialement convoquée le 14 juin pour annoncer le calendrier des élections générales a été reportée.
Le 20 mars, après bien des atermoiements, a rapporté M. Fernandez-Taranco, le Congrès national pour la liberté (CNL) d’Agathon Rwasa a été autorisé à tenir son premier congrès ordinaire permettant au parti politique de désigner ses représentants nationaux. Le 17 avril, le code électoral a été adopté à une large majorité par l’Assemblée nationale et approuvé à l’unanimité par le Sénat le 24 avril. Certains membres de l’opposition ont dénoncé le processus entourant l’adoption du code électoral. À leur avis, le processus manquait de la large consultation et du consensus requis pour le cadre juridique régissant l’organisation et la conduite des élections en 2020. Dans ce contexte, la situation des droits de l’homme, a constaté le Sous-Secrétaire général, reste préoccupante compte tenu des nombreuses violations des libertés civiques et politiques fondamentales dénoncées par les acteurs politiques, certains médias et des organisations de la société civile. La hausse du chômage et celle des prix des produits et des services de base ont eu un impact négatif sur les droits économiques et socioculturels.
La situation humanitaire n’a pratiquement pas changé, a-t-il poursuivi. Malgré une production agricole relativement satisfaisante cette année, près de 1,8 million de personnes restent menacées par l’insécurité alimentaire en raison de risques climatiques récurrents et dévastateurs. Au 30 avril 2019, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés estimait à environ 352 000 le nombre de réfugiés accueillis dans la sous-région. « Nous encourageons le Gouvernement du Burundi à travailler en étroite collaboration avec ses partenaires pour faire en sorte que l’assistance parvienne aux plus démunis en temps opportun. Nous encourageons également les partenaires internationaux à augmenter leurs contributions car le plan d’intervention humanitaire, qui requiert 106,4 millions de dollars, n’est actuellement financé qu’à hauteur de 24%, tandis que le plan régional d’intervention pour les réfugiés, nécessitant 296 millions de dollars, n’est financé qu’à 17%. »
Par ailleurs, le haut fonctionnaire a fait état du rapport du vingtième Sommet ordinaire des chefs d’État de la communauté de l’Afrique de l’Est, tenu le 1er février à Arusha. Ce document synthétise les cinq sessions du dialogue interburundais ainsi que la feuille de route du facilitateur pour soutenir le Burundi en prévision des élections générales de 2020. Il s’est ensuite étendu sur les échanges entre l’Envoyé spécial M. Michel Kafando et l’Union africaine, et dans la sous-région, dans le but de stimuler les discussions, notamment sur la poursuite du partenariat de l’ONU avec la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE)et l’Union africaine. Dans les efforts collectifs en faveur du Burundi, il a suggéré trois pistes d’action possibles: convoquer une réunion des garants de l’Accord d’Arusha en vue de réaffirmer sa centralité pour la stabilité politique du Burundi; appuyer l’Union africaine et la sous-région dans le cadre des élections dans la sous-région; et poursuivre le groupe de travail technique conjoint (CAE-UA-ONU) à l’appui des efforts dirigés par la région sur le Burundi.
Tout au long des consultations, les interlocuteurs de l’Envoyé spécial ont dit la nécessité de respecter la souveraineté du Burundi, tout en soulignant qu’il importait de poursuivre la coopération entre l’ONU, la Communauté de l’Afrique de l’Est et l’Union africaine pour soutenir le pays, en particulier dans le contexte des prochaines élections de 2020. L’Envoyé spécial Kafando retournera dans la région pour s’entretenir avec le Médiateur sur la meilleure façon pour l’Union africaine et l’ONU de soutenir les efforts régionaux. « Lorsque les consultations de l’Envoyé spécial seront dûment clôturées, les résultats serviront de base au Secrétaire général pour définir et recommander au Conseil de sécurité la voie à suivre », a ajouté M. Fernandez-Taranco.
SMAIL CHERGUI, Commissaire de l’Union africaine pour la paix et la sécurité, a réaffirmé l’attachement de l’Union africaine (UA) à la restauration de la paix et de la stabilité au Burundi. Depuis le déclenchement de la crise en 2015, l’UA est convaincue que seul un dialogue inclusif interburundais peut aboutir à un règlement durable de la crise politique. C’est dans cette optique, a expliqué M. chergui, que l’UA a soutenu la médiation de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) conduite par le Président Ougandais, M. Museveni, et le facilitateur, l’ancien Président Benjamin Mkapa.
Pour autant et malgré les efforts de médiation, le dialogue interburundais dont le cinquième tour tenu en octobre 2018 a été qualifié d’échec, n’a pas enregistré de franches avancées. Face à cette situation, le Président de la Commission, M. Moussa Mahamat, a exprimé son regret et sa préoccupation quant à l’impasse persistante dans ce dialogue, ce qui met en péril les gains de l’Accord d’Arusha. Il n’y a pourtant pas d’autre alternative qu’un dialogue interburundais, a estimé M. Chergui, pour lequel cela représente le seul moyen de promouvoir et renforcer la cohésion nationale, qui permettra à son tour de restaurer la paix et la sécurité ainsi que la réconciliation.
M. Chergui a encouragé une mise en place plus rapide de conditions favorables à l’organisation d’une élection libre, transparente et pacifique. Les élections de 2020 ne doivent pas constituer une source supplémentaire de division entre les burundais, a-t-il précisé. Rappelant que l’UA avait salué la déclaration faite par le Président Pierre Nkurunzia en juillet 2018 de ne pas se porter candidat à l’élection présidentielle de 2020, la Commission a été chargée d’accompagner le Gouvernement burundais et les partis politiques en vue de travailler ensemble pour le bon déroulement des prochaines élections. C’est dans ce cadre que M. Chergui s’est rendu à Bujumbura du 5 au 7 novembre 2018 pour une mission d’écoute. Il s’est félicité des mesures adoptées par le Gouvernement pour entamer les processus préparatoires des élections, en particulier la création, le 31 août 2018, d’une Commission électorale nationale indépendante. Les partis d’opposition se plaignent néanmoins d’arrestations arbitraires de leurs membres, a poursuivi le haut responsable, et d’entraves à leurs activités politiques sur le terrain. Il a reconnu que le climat politique devient de plus en plus délicat et que « l’horizon se ferme au fur et à mesure que l’année des élections approche ».
Parmi les autres défis à relever par le Burundi, notamment en matière de gouvernance, le Commissaire a cité la persistance de la violence et des violations des droits de l’homme dans les provinces du pays. Sur le plan humanitaire, c’est la situation des réfugiés et des personnes déplacées qui le préoccupe même si le rapatriement des réfugiés burundais de la sous-région continue. En 2017, 13 176 personnes ont été rapatriées de la Tanzanie et de l’Ouganda, un chiffre qui est tombé à 9 825 en avril 2019.
Sur le plan économique, a poursuivi M. Chergui, la situation reste précaire, et la lutte contre la pauvreté dans le cadre du Programme national de développement 2018-2027 nécessite une attention urgente.
En conclusion, M. Chergui a réaffirmé l’engagement de l’UA à continuer à soutenir tous les efforts visant à trouver une solution durable et consensuelle à la situation dans cette phase critique en vue d’assister le Burundi dans l’organisation d’élections libres et transparentes. C’est dans ce cadre que le Conseil de paix et de sécurité a demandé à la Commission, conjointement avec la CAE, et en coordination avec les Nations Unies et tous les partenaires concernés, de consentir des efforts supplémentaires susceptibles d’accompagner le Burundi dans sa recherche d’une paix et d’une stabilité durables. Une piste à explorer à ce titre serait de réactiver le Groupe des garants de l’Accord d’Arusha de 2005, a-t-il proposé.
M. JÜRG LAUBER, Président de la formation Burundi de la Commission de la consolidation de la paix, a informé le Conseil de sécurité des résultats de sa dernière visite au Burundi du 5 au 10 mai 2019. Il a précisé que sa déclaration a été approuvée par les 54 membres de la Commission y compris le Burundi. La visite s’était focalisée sur quatre points: la situation politique et les possibilités de soutenir le Burundi dans l’organisation d’élections libres, justes, inclusives et pacifiques en 2020, la dimension socioéconomique et l’engagement entre le Burundi et les partenaires internationaux autour des priorités identifiées dans le plan national du Burundi 2018-2027, les initiatives de réconciliation nationale et de résolution de conflit au niveau local et les besoins immédiats et à long-terme du peuple burundais.
Les autorités du Burundi, a indiqué M. Lauber, ont dit que tous les instruments nécessaires au bon déroulement des élections sont en place que le pays financera par ses propres ressources les scrutins. Le code électoral a été adopté par l’Assemblée nationale. Elles ont réitéré que le Président Pierre Nkurunziza ne se porterait pas candidat à ces élections. Elles ont aussi parlé de la nécessité d’appui technique dans le domaine de la formation de la police et de la réforme du secteur de la sécurité. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) devrait inviter des observateurs internationaux et régionaux.
De leur côté, les autres interlocuteurs, dont des partis de l’opposition, ont réitéré leur intention de participer aux élections de 2020, a poursuivi l’intervenant. Ils ont souligné l’avancée des préparations et la nécessité d’un processus inclusif. Certains ont fait entendre leurs préoccupations concernant les difficultés rencontrées par les membres de l’opposition de se réunir librement. D’autres sont préoccupés par les mesures récemment prises contre deux médias étrangers qui auraient violé les réglementations nationales. À Bujumbura, les autorités ont confirmé que la situation sécuritaire dans le pays était calme et stable. La situation ne pose pas de menace à la paix et à la sécurité internationales et, durant la visite, aucun incident n’a été reporté.
Toutefois, a poursuivi M. Lauber, des interlocuteurs ont exprimé leurs inquiétudes au sujet d’incidents violents présumés et de violations des droits de l’homme qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes et de poursuites adéquates. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme à Bujumbura a été fermé fin février à la demande des autorités. Le Ministère des droits de l’homme, des affaires sociales et du genre a confirmé sa disposition à s’engager dans une coopération technique avec les organes internationaux des droits de l’homme. M. Lauber a souligné le travail en cours pour la mise en œuvre des recommandations liées à l’examen périodique universel du Burundi au Conseil des droits de l’homme. La Commission nationale indépendante des droits de l’homme s’est également dite prête à coopérer avec les partenaires afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme au Burundi.
Concernant le dialogue socioéconomique, les autorités étaient satisfaites du résultat positif de la réunion de haut niveau sur la nutrition organisée par le Ministère des finances avec les partenaires internationaux en avril à Washington, a rapporté M. Lauder. Pour ce qui est de la mise en œuvre du plan national de développement, elles ont l’intention de mobiliser des ressources extérieures pour compléter les fonds nationaux. Sur le terrain, un projet financé par le Fonds pour la consolidation de la paix a montré l’importance du travail d’un groupe de « femmes médiatrices » pour atténuer les tensions et résoudre les conflits au niveau communautaire. Quelques améliorations ont pu être constatées par rapport à l’année dernière s’agissant de la satisfaction des besoins immédiats et à long-terme de la population. D’importants financements demeurent néanmoins nécessaires y compris le plan de réponse humanitaire.
Fort de l’expérience de cette visite, M. Lauder a formulé cinq recommandations: des élections libres, justes, inclusives et pacifiques en 2020 sont essentielles pour assurer les conditions d’une paix durable; la période électorale ne devrait pas ralentir le développement socioéconomique du pays; les États Membres, les partenaires de l’ONU et le Burundi doivent travailler ensemble pour créer un environnement favorable à la réalisation des droits de l’homme; les initiatives pour promouvoir la réconciliation et le dialogue y compris au niveau communautaire jouent un rôle crucial pour réduire les tensions durant la période électorale; et le retour volontaire et ordonné des réfugiés reste une question fondamentale qui exige un financement supplémentaire afin de leur permettre un retour digne et volontaire et d’aider à leur réintégration durable.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a insisté sur trois points. Tout d’abord, il a estimé que le Burundi ne retrouvera le chemin de la stabilité qu’avec l’organisation d’élections « libres et inclusives » en 2020. S’il a salué l’engagement du Président Nkurunziza à ne pas se représenter et la reconnaissance, en février, du principal parti d’opposition, le représentant a souhaité « des gestes supplémentaires », notamment le libre accès de tous les partis au territoire burundais et le respect des droits des opposants. « La mobilisation de la région est indispensable », a-t-il déclaré ensuite, en saluant notamment le rôle de la Communauté des États d’Afrique de l’Est.
Enfin, M. Delattre a fait valoir qu’à un an des élections, et compte tenu de la remise en cause de certains équilibres prévus par l’Accord d’Arusha, et des préoccupations que suscite la présence de foyers de tensions périphériques à l’échelle de la région, « le Conseil de sécurité ne peut pas se désintéresser de la situation au Burundi ». La France, a-t-il rappelé, apporte un soutien déterminé aux efforts de médiation de l’ONU.
Mme JOHANNA ELIZABETH MARAIS (Afrique du Sud) a dit soutenir la facilitation de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la désignation du Président ougandais comme médiateur pour le Burundi. L’Afrique du Sud est d’avis qu’il faut coordonner les positions du Conseil de sécurité avec celles du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) quand il est question de sujets relatifs à l’Afrique. Dans le cas du Burundi, c’est la CAE qui supervise le processus lié au Burundi, a-t-elle rappelé, avant de demander de « laisser cette organisation et l’UA prendre les choses en main, avec la coordination de l’ONU ». L’Afrique du Sud invite le Gouvernement burundais à créer les conditions d’un dialogue avec les principales parties prenantes du processus de la CAE.
En tant que garante de l’Accord d’Arusha, l’Afrique du Sud se dit prête à apporter son soutien au Gouvernement et au peuple burundais dans le cadre de la démocratisation du pays. La délégation félicite le Gouvernement pour certaines mesures prises comme la mise en place d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI) ou encore l’adoption du code électoral, ainsi que l’engagement des autorités à mettre en œuvre la feuille de route de Kayanza qui ouvre la voie à des élections pacifiques en 2020. L’Afrique du Sud salue aussi la volonté du Gouvernement de financer l’organisation des élections avec des fonds propres, tout en se félicitant de la décision du Président Pierre Nkurunziza de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de 2020. Par ailleurs, la déléguée a invité la communauté internationale à soutenir les capacités burundaises en matière de maintien de la paix, notamment au vu des quelque 6 000 Burundais déployés dans différentes opérations de maintien de la paix de l’ONU. Après avoir prié la communauté internationale et le Conseil de sécurité de redoubler d’efforts pour résoudre la crise humanitaire au Burundi, elle a réitéré l’appel lancé au trente-deuxième Sommet de l’Union africaine pour la levée des sanctions unilatérales imposées par l’Union européenne.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a réitéré la préoccupation de la Belgique par rapport à la situation des droits de l’homme et à la situation socioéconomique au Burundi, ainsi que sa disponibilité pour le dialogue avec les autorités burundaises concernant la mise en œuvre de son Plan national de développement et du Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (2019-2023). Il a souligné l’importance des élections de 2020 et a plaidé pour un processus électoral transparent et suffisamment inclusif pour éviter les contestations. Cela devrait passer, selon le délégué, par une feuille de route consensuelle où les principaux acteurs s’accordent sur les préparatifs et les modalités des élections, mais aussi sur les conditions nécessaires pour garantir des élections pacifiques. À cet égard, il a lancé un triple appel aux acteurs burundais: que l’espace politique et médiatique ne soit pas verrouillé à l’avance; que les élections ne soient pas boycottées; et qu’elles puissent être observées de manière indépendante. Pour la Belgique, l’inclusion signifie aussi la participation des nombreux acteurs politiques pacifiques qui se sont exilés ces dernières années et, « bien entendu », le respect de l’esprit et de la lettre de l’Accord d’Arusha.
Si toutes ces conditions sont réunies, il semble important de réfléchir au soutien à apporter à ce processus, a estimé le représentant, tant sur le plan bilatéral qu’au niveau des Nations Unies. Dans ce cadre, la Belgique se félicite de l’adoption du nouveau code électoral et de l’annonce de la Commission électorale nationale indépendante selon laquelle elle invitera des observateurs internationaux et régionaux à assister au processus électoral de 2020. À l’approche de ces élections, une opportunité se présente, de l’avis du représentant, pour trouver une solution durable à certaines causes ou conséquences de la crise de 2015 qui sont toujours d’actualité. Il a estimé qu’en termes de médiation, les activités de l’Union africaine ainsi que les garants de l’Accord d’Arusha pourraient complémenter et renforcer davantage celles actuellement entreprises par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE).
M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a indiqué que seule l’instauration d’un dialogue interburundais inclusif, dans l’esprit de l’Accord d’Arusha, et bénéficiant du soutien de la communauté internationale, y compris les Nations Unies et l’Union africaine, permettra au Burundi de faire face aux défis multiples qui attendent d’être relevés. La délégation appelle donc à la reprise d’un dialogue « hardi » entre toutes les forces vives burundaises, afin de créer un environnement apaisé, indispensable à la tenue d’élections transparentes, libres, inclusives et pacifiques en 2020.
M. Adom a souligné que la question humanitaire, ainsi que le retour des réfugiés et des personnes déplacées internes doivent, autant que les défis politiques et sécuritaires, demeurer au cœur des préoccupations de la communauté internationale. Il faut donc soutenir le Plan d’urgence pour le Burundi afin de faciliter le retour des personnes déplacées internes dans leur région d’origine, ainsi que celui des réfugiés qui sont estimés à 352 000, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). De même, la Côte d’Ivoire appelle au dialogue entre le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et les autorités burundaises, afin de « dissiper les nuages d’incompréhensions et de méfiance », et faire face aux préoccupations relatives à la fermeture, le 28 février dernier, du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies au Burundi. Enfin, la délégation plaide pour le soutien aux initiatives de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) visant la relance du dialogue politique interburundais.
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a exhorté le Gouvernement burundais à respecter son engagement à mettre fin à la crise politique, et appelé la Communauté des États d’Afrique de l’Est à exercer ses bons offices. Il est essentiel, a-t-il insisté, de garantir la protection de tous les civils, y compris les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme. Il a également évoqué le sort des femmes et des filles réfugiées qui restent les principales victimes de la violence sexuelle et sexiste. Le représentant a salué ensuite la visite récente du Président de la Commission de consolidation de la paix au Burundi et souligné l’importance de fournir un appui financier aux femmes actives dans ce domaine. La République dominicaine, qui a récemment établi des relations diplomatiques avec le Burundi appelle les autorités à protéger la liberté d’expression, la liberté de la presse et l’accès à l’information, et, sur le plan international, à coopérer avec la Cour pénale internationale (CPI) et les acteurs humanitaires. Le représentant s’est également dit préoccupé par les allégations de persécution de minorités religieuses.
Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a salué les efforts déployés par les acteurs impliqués dans le dialogue interburundais, qui ont conduit à l’adoption de la feuille de route de Kayansa pour les élections générales de 2020 et à la nomination des nouveaux membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Dans ce contexte, a-t-elle reconnu, il existe aujourd’hui au Burundi un « retour à la normale ». La délégation a félicité le Gouvernement pour la volonté politique dont il fait preuve en vue de consolider le calme et la stabilité et conduire à bien le processus électoral. Cet esprit de réconciliation s’est illustré, en autres, par le retour d’exil de cinq dirigeants politiques. Soulignant l’évolution « très positive » de la situation, laquelle ne menace pas la paix et la sécurité internationales, la déléguée a souhaité que le Conseil de sécurité retire le Burundi de son ordre du jour et consacre ses ressources à d’autres pays gravement en crise.
M. DAVID CLAY (Royaume-Uni) a regretté le manque de progrès dans le dialogue interne burundais, avant de demander à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) de faire montre d’un rôle de chef de file dans les efforts déployés pour atténuer la situation dans le pays. Il est possible d’avoir une transition démocratique du pouvoir pour la première fois en 40 ans dans le pays, a espéré le représentant, en faisant référence aux élections qui doivent se tenir en 2020. Il a ensuite regretté les restrictions qui pèsent sur la liberté d’expression dans les médias, y compris étrangers, dont la BBC qui s’est vue retirer son autorisation d’émettre. La délégation britannique s’est également émue de constater qu’au 31 mars, environ 125 000 Burundais étaient déplacés, et a donc salué le rôle joué par le Haut-Commissariat des Nations Unies (HCR) vis-à-vis d’eux.
M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) s’est dit déçu par le manque de progrès depuis le Sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est, le 1er février. Il semble qu’aucune mesure n’a été prise par le leadership régional depuis la dernière réunion du Conseil sur le Burundi, en février, a relevé le représentant, alors que les Burundais continuent de fuir leur pays sous la pression politique. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a noté le représentant, indique que si 8 253 réfugiés burundais ont été aidés à rentrer chez eux volontairement entre janvier et avril l’année dernière, pendant la même période, 2 569 autres personnes ont fui le pays pour la première fois. Le représentant a donc appelé la Communauté d’Afrique de l’Est à redynamiser les pourparlers et jugé important que toutes les parties s’engagent en faveur du processus mené par la Communauté et parviennent à un accord, en prévision des élections de 2020.
L’espace civique et politique est essentiel pour des élections libres et justes, a-t-il insisté, en regrettant les informations continues sur les violations des droits de l’homme qui jettent une ombre sur le Burundi et ses préparatifs électoraux. Le représentant a dénoncé les arrestations arbitraires, les intimidations, les passages à tabac et les enlèvements, du fait, en particulier, de la jeunesse du parti au pouvoir. Ce sont là de graves menaces à la paix et à la sécurité du pays, a-t-il asséné. Une presse libre, a poursuivi le représentant, est indispensable pour la démocratie. Il a appelé le Gouvernement du Burundi à respecter la liberté de la presse et à permettre aux journalistes de travailler de manière indépendante, sans peur de la violence et des menaces de fermeture.
Le représentant a aussi appelé le Gouvernement du Burundi à répondre aux informations persistantes et fiables sur les transferts illicites d’armes, le recrutement de combattants et les activités des groupes armés dans l’est de la République démocratique du Congo, lesquels groupes armés sont liés au Burundi. Il est temps pour toutes les parties au Cadre de coopération de 2013 de respecter leur engagement à ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des pays voisins et à refuser tout appui ou refuge aux groupes armés.
La région des Grands Lacs a une chance de se transformer en réseau interconnecté de paix et de prospérité. En résolvant sa crise politique et en renforçant le respect des droits de l’homme, le Burundi pourrait jouer un rôle central dans cet effort, a conclu le représentant, en se disant préoccupé par l’échec des Nations Unies à présenter les rapports à temps, comme le leur demande le Conseil de sécurité.
M. HAITAO WU (Chine) a estimé que la situation au Burundi s’était améliorée ces derniers mois, en considérant que la communauté internationale devait respecter le rôle de chef de file du Burundi lui-même et soutenir la mise en place d’un environnement favorable à la tenue d’élections en 2020. La création de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) démontre, selon lui, que les autorités du Burundi ont la volonté d’aller de l’avant sur ce point. La délégation chinoise a espéré que les bailleurs de fonds contribueront plus généreusement au plan régional et que les organisations internationales reprendront leur coopération économique en faveur du développement du Burundi.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a pris note des développements récents dans la préparation des élections générales au Burundi dont l’adoption du nouveau code électoral et l’annonce importante du Président Nkurunziza qu’il ne se représenterait pas. Pour le Pérou, le succès du processus électoral dépendra en grande partie de l’accompagnement dont il bénéficiera de la part de l’Union africaine et de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) ainsi que de la communauté internationale. Le représentant a également encouragé la revitalisation du dialogue interburundais et souligné l’importance de la réconciliation nationale et des travaux de la Commission vérité et réconciliation, conformément à l’Accord d’Arusha.
Le Pérou reste également préoccupé par les rapports faisant état de violations des droits de l’homme au Burundi et souligne qu’il faut que ces actes fassent l’objet d’enquêtes et que leurs responsables soient traduits en justice. Le représentant a mis l’accent sur la situation humanitaire dans le pays, et en particulier celle des réfugiés et des personnes déplacées en lançant un appel aux autorités burundaises pour qu’elles fassent preuve de la volonté politique nécessaire pour permettre leur retour en toute sécurité et leur réinsertion dans le tissu social sur la base de normes internationales. Enfin, il a insisté sur l’importance de la mise en œuvre du plan national pour le développement (2018-2027) et du Plan-cadre pour l’aide au développement des Nations Unies (2019-2023).
M. ALEXANDER V. REPKIN (Fédération de Russie) s’est demandé « pour quelle raison certains de ses collègues ont insisté pour la tenue de cette réunion, alors qu’aucun développement sur le terrain ne la justifie et que la situation est en cours de normalisation ». Le référendum constitutionnel s’est déroulé dans le calme, la majorité de la population y ayant pris part. La délégation s’est prononcée contre l’ingérence dans les affaires internes d’un pays, en particulier dans le cadre des élections présidentielle et parlementaires prévues en 2020. Ce qu’il importe, c’est que le dialogue se poursuive, a souligné le représentant, en appelant les autorités et l’opposition à s’abstenir de toute rhétorique incendiaire pour se concentrer sur les préparatifs du scrutin. Après avoir salué le plan national de développement adopté pour la période 2020-2025, le représentant s’est déclaré convaincu que la situation au Burundi ne représente pas de menace pour la paix et la sécurité internationales et que cette question devait être retirée de l’ordre du jour « déjà surchargé » du Conseil de sécurité.
M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) s’est dit préoccupé par la crise politique irrésolue, la situation sécuritaire volatile et les tensions régionales qui en découlent, menaçant la paix et la sécurité dans toute la région. Il a encouragé les acteurs régionaux à jouer un rôle constructif pour imprimer un nouvel élan aux négociations et au dialogue. Il a jugé nécessaire que le pays organise des élections libres, justes et inclusives en 2020 pour stabiliser durablement le pays et rétablir la confiance au sein de la population. Le représentant s’est, d’ailleurs, dit très préoccupé par la situation des droits de l’homme et la crise humanitaire en cours. Il a estimé que l’Envoyé spécial devrait pouvoir venir informer le Conseil de sécurité. Il a encouragé la région à obtenir l’accès de l’Envoyé spécial au Burundi pour qu’il puisse exécuter son mandat. L’Envoyé spécial doit d’ailleurs, dans le respect des mandats, collaborer avec son homologue pour les Grands Lacs et se concentrer sur la situation interne du Burundi, en mettant l’accent sur les élections de 2020, les bons offices et les efforts de consolidation de la paix.
Quant au Conseil de sécurité, a poursuivi le représentant, il doit maintenir le Burundi à son ordre du jour. Les élections de 2020 seront cruciales, a-t-il insisté, en souhaitant des rapports réguliers du Secrétaire général et en estimant qu’il faut travailler à un compromis réalisable pour éviter les discussions répétitives tous les trois mois. Il est temps pour la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) mais aussi pour les membres du Conseil de sécurité, qui ont prouvé leur importance et leurs capacités, de s’engager. Les garants de l’Accord d’Arusha doivent assumer leurs responsabilités.
Qu’est-ce qui vous fait croire au potentiel de la relance du processus mené par le Président Mpaka, sous les auspices du Président Museveni et logistiquement appuyé par les Nations Unies? a demandé le représentant aux intervenants principaux. Est-ce que l’appui des Nations Unies aux élections de 2020 est vraiment réaliste et faisable, compte tenu de l’attitude hostile du Gouvernement du Burundi? Comment peut-on obtenir un engagement plus fort des pays de la région?
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a constaté qu’un calme relatif règne au Burundi, souhaitant que cette tendance se pérennise, avant de saluer la volonté d’appropriation nationale exprimée par les autorités burundaises dans l’organisation des élections en 2020. Selon lui, les organisations régionales et sous-régionales devraient se voir accorder un espace suffisant à l’appui du Burundi, nommément la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’Union africaine. La délégation a également préconisé d’augmenter l’assistance humanitaire au Burundi, 2019 étant une année record pour le nombre de réfugiés de retour dans le pays. Elle a salué les projets transfrontaliers innovants, soutenus par le Fonds pour la consolidation de la paix, qui ont contribué à l’amélioration des conditions de vie de ces populations. « Et pourtant, il est désolant de voir que le Plan de réponse régional pour le Burundi est l’un des moins bien financés au monde », a constaté M. Djani. Enfin, a-t-il dit, il faut éviter à tout prix que le Burundi ne retombe dans la situation qui prévalait auparavant. À cet égard, le rôle de la Commission de consolidation de la paix (CCP) demeure crucial, notamment pour encourager les autorités du Burundi à identifier les formes d’assistance dont elles ont besoin en prévision de l’élection en 2020.
M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a salué les efforts déployés par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) pour faciliter le dialogue burundais inclusif, encourageant tous les partenaires régionaux à s’engager dans le processus de médiation qui pourrait déboucher sur une feuille de route largement acceptée pour la tenue d’élections crédibles. Il a appelé les autorités burundaises à s’engager dans un dialogue véritable avec leurs partenaires internationaux, notamment l’ONU, afin de briser l’impasse politique et à œuvrer à l’amélioration de la situation socioéconomique. « Le risque d’escalade violente et de tensions ethniques persiste au Burundi, bien que la sécurité et la stabilité prévalent dans un certain nombre de régions. Les autorités devraient être rappelées à leur obligation de garantir, protéger, et promouvoir les droits fondamentaux, y compris les libertés d’expression et de réunion », a indiqué la délégation, avant de demander au Gouvernement burundais de prendre des mesures concrètes pour rétablir sa coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et avec la Commission d’enquête dépêchée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a pris note de la décision des autorités burundaises de financer des élections prévues l’an prochain, le fait que l’actuel Président renonce à se présenter étant un gage de sérieux à ses yeux. Sa délégation a ensuite souhaité que le Gouvernement burundais saisisse l’occasion que présente la situation actuelle pour s’engager dans un dialogue constructif avec toutes les parties prenantes en vue de veiller au déroulement des scrutins dans le calme. Saluant les efforts de l’Union africaine et de la Communauté de l’Afrique de l’Est, il a exprimé l’espoir d’un règlement pacifique sur la base de l’Accord d’Arusha, appelant le Burundi à saisir l’occasion qui lui est offerte d’accélérer le processus politique. « Les réformes socioéconomiques sont essentielles pour tout gouvernement afin de garantir un avenir prometteur. Le Plan de développement décennal du Burundi est un pas dans la bonne direction », a dit le représentant.
M. ALBERT SHINGIRO (Burundi) est revenu sur le Sommet des chefs d’État de l’Union africaine (UA) du mois de février 2019, et ses quatre messages clefs, en reprochant à M. Chergui de n’avoir pas fait référence à ce Sommet et d’avoir basé son intervention sur celui de 2018. « Encore une fois, a-t-il regretté, quelques pays maintiennent des positions figées depuis plus de quatre ans au lieu de faire la lecture de la situation au Burundi avec objectivité et discernement alors que certains de ces pays se trouvent eux-mêmes en crise ». Certains sont allés jusqu’à former une coalition, a-t-il remarqué, pour réclamer une réunion « inopportune » sur le Burundi le mois dernier, comme s’il y avait situation d’urgence dans le pays alors que la situation s’est normalisée depuis 2017.
Même si cette réunion du Conseil « lui a été imposée », M. Shingiro a saisi cette opportunité pour faire un tour d’horizon de la situation générale dans le pays depuis le 19 février, « tout en espérant que ce briefing sera le dernier sur mon pays, qui ne cesse de réclamer légitimement son retrait de l’agenda très chargé de ce Conseil ». Reprenant la position de M. Lauber, il a affirmé que la situation politique et sécuritaire au Burundi est « tranquille, stable et entièrement maîtrisée ». Les préparatifs des élections de 2020 sont très avancés aussi bien sur le plan organisationnel que budgétaire, a-t-il assuré. Les mécanismes nationaux sur la préparation des élections se mettent en place progressivement alors que les gestes d’apaisement favorisant un climat propice à la tenue des élections se multiplient. À ce titre, le représentant a notamment cité l’adoption de la feuille de route de Kayanza pour des élections pacifiques en 2020; la mise en place de la Commission électorale nationale indépendante; l’adoption du nouveau code électoral révisé en avril 2019; la décision de financer l’ensemble du cycle électoral sur les ressources nationales; l’élargissement de l’espace politique par l’agrément du nouveau parti d’opposition CNL; la décision volontaire du Président de la République de ne pas se représenter en 2020, et la libération de plus de 2 000 prisonniers dont des « casseurs et insurgés » de 2015, ce qui s’inscrit dans les efforts de promotion de la réconciliation nationale.
S’agissant du dialogue entre les partis politiques en vue de l’organisation d’élections apaisées en 2020, M. Shingiro a affirmé qu’il se poursuit « normalement » au Burundi dans un esprit d’ouverture et de tolérance, et a indiqué que certains leaders politiques qui avaient fui le pays en 2015 sont rentrés, parmi eux des anciens présidents et parlementaires. Il a accusé « les acteurs étrangers qui semblent vouloir ramener cette question de dialogue hors du Burundi de viser la déstabilisation du pays à la veille des élections, de donner un coup de pouce aux putschistes de 2015 toujours en cavale et qui ne cessent d’agresser diplomatiquement et politiquement le Burundi depuis 2015, et de vouloir détourner l’attention des Burundais de l’essentiel, c’est-à-dire l’organisation des élections de 2020 et la mise en œuvre du plan national de développement ». « Tous ces acteurs exogènes devront assumer leur responsabilité le moment venu de toutes les conséquences de leur ingérence dans les affaires qui relèvent de la souveraineté du Burundi », a menacé le représentant.
Pour ce qui est de la situation humanitaire, il s’est félicité du retour massif et volontaire des Burundais qui avaient fui le pays en 2015, en avançant le chiffre de 70 285 rapatriements entre le 1er août 2017 et le 29 mai 2019. Pour la délégation burundaise, « il est clair » que le Burundi est inscrit à l’agenda du Conseil de sécurité pour des raisons politiques et des intérêts extérieurs qui n’ont rien à voir avec le bien-être du peuple burundais. Selon elle, la place du Burundi devrait être au niveau des agences et programmes des Nations Unies traitant du développement socioéconomique. « La diplomatie des muscles doit céder la place à la coopération mutuellement bénéfique et respectueuse », a tranché M. Shingiro. « Ce ne sont pas ce genre de pressions injustes qui vont nous remettre à genoux 57 ans après la fin de la colonisation dans notre pays, une période cauchemardesque dont le peuple burundais essaie encore de se réveiller aujourd’hui. » « Toute tentative de vouloir créer un nouveau rôle ou de redéfinir le rôle existant des Nations Unies pour s’occuper des élections au Burundi à la place des Burundais serait une atteinte à leur souveraineté et une violation flagrante de la Charte des Nations Unies », a-t-il prévenu.