En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/18906-SC/13217-L/3277

Le Secrétaire général appelle les États à embrasser l’esprit de la Charte des Nations Unies et à mettre fin à « l’enfer » dans la Ghouta orientale en Syrie

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, lors de la séance du Conseil de sécurité consacrée aux buts et principes de la Charte des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, qui s’est tenue à New York, aujourd’hui:

Qu’il me soit permis, dans ce débat très important concernant la Charte et le maintien de la paix et de la sécurité internationales, de faire part, avant de lire ma déclaration, d’une émotion personnelle que je ne peux dissimuler.

Je suis profondément attristé par les terribles souffrances endurées par la population civile dans la Ghouta orientale, où 400 000 personnes vivent l’enfer sur terre.  Je sais que des consultations très importantes ont lieu au Conseil de sécurité dans le but d’assurer une cessation des hostilités en Syrie pour un mois, assortie de plusieurs conditions, et bien entendu je soutiens pleinement cet effort. 

Mais je pense que la Ghouta orientale ne peut pas attendre, et donc l’appel que je lance à tous les intéressés est en faveur d’une suspension immédiate de toutes les activités militaires dans la Ghouta orientale, pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire à toutes les personnes qui en ont besoin, ainsi que l’évacuation des quelque 700 personnes nécessitant d’urgence des soins qui ne peuvent pas y être prodigués, et créer la possibilité pour d’autres civils d’être effectivement soignés sur place.  C’est une tragédie humaine qui se déroule devant nos yeux, et je ne pense pas que nous puissions permettre que des faits aussi épouvantables continuent de se produire.

Je remercie le Gouvernement koweïtien d’avoir organisé la présente séance d’information.  Je tiens à exprimer ma gratitude au Koweït pour avoir accueilli, la semaine dernière, la Conférence internationale pour la reconstruction de l’Iraq. 

Je réaffirme l’appel que j’y ai lancé en faveur de la solidarité mondiale avec l’Iraq dans la tâche de la reconstruction.  Qu’il me soit permis aussi de rappeler que la libération du Koweït de la présence des forces de Saddam Hussein a eu lieu il y a 27 ans ce mois-ci.  Cet anniversaire, celui d’une entreprise dans laquelle la communauté internationale a utilisé la Charte des Nations Unies pour défendre la Charte, est une toile de fond appropriée pour le débat d’aujourd’hui.

La Charte des Nations Unies a résisté à l’épreuve du temps.  Élaborée après l’effondrement complet de l’ordre international, elle a aidé à ressouder le monde.  Rédigée au moment où toute l’ampleur de l’Holocauste apparaissait, elle fait aujourd’hui partie du rempart mondial dressé pour prévenir les crimes internationaux.  Mais, bien entendu, les fondateurs de l’Organisation des Nations Unies avaient compris que, pour se relever de la Seconde Guerre mondiale, il ne suffisait pas de prévenir les crimes.  Ils ont placé les êtres humains au cœur de la Charte et ont proclamé que le véritable fondement de la paix devait résider dans la promotion du respect des droits de l’homme et dans l’intention de favoriser le progrès social et d’instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande pour tous.

Aujourd’hui, les principes consacrés par la Charte –le non-recours à la force, le règlement pacifique des différends, la non-intervention, la coopération, l’autodétermination et l’égalité souveraine des États Membres– demeurent le fondement des relations internationales. 

Les valeurs qu’elle proclame –l’égalité des droits, la non-discrimination, la tolérance et les relations de bon voisinage– restent des guides pour l’harmonie mondiale.  Cependant, les difficultés auxquelles nous sommes confrontés ont évolué, les moteurs des conflits sont devenus plus complexes, de nouvelles menaces sont apparues, et les conséquences de l’instabilité se font maintenant ressentir bien au-delà de leur source.  Relever le défi des migrations et contrer les menaces des changements climatiques et de l’inégalité mettra à l’épreuve la Charte et notre capacité à garantir un monde meilleur pour tous.  Ainsi, bien que les principes inscrits dans la Charte soient plus pertinents que jamais, nous devons continuer d’actualiser ses outils, nous devons utiliser ces derniers avec une plus grande détermination, et nous devons retourner aux origines de la Charte pour nos sources d’inspiration tandis que nous nous efforçons d’obtenir des résultats pour « nous, peuples des Nations Unies ».  Ce travail commence par la prévention. 

Comme je l’ai dit au Conseil au début de mon mandat, la communauté internationale passe beaucoup plus de temps et dépense beaucoup plus de ressources en réagissant aux crises qu’en les prévenant.  Nous devons rééquilibrer notre approche face à la paix et à la sécurité internationales. 

Notre objectif doit être de tout mettre en œuvre pour aider les pays à éviter l’éclatement de crises qui font payer un lourd tribut à l’humanité.  Cette vision d’avenir s’étend, au-delà des guerres et des conflits, aux catastrophes naturelles, à la précarité et à d’autres types de contraintes. 

Notre engagement doit porter sur tous les droits de l’homme –civils, politiques, économiques, sociaux et culturels– et doit viser à éliminer la discrimination basée sur le sexe, la religion, la race, la nationalité et tout autre statut. 

Tout au long de ce travail, nous devons être conscients de la grande puissance de la participation des femmes, qui rend les accords de paix plus solides, les sociétés plus résilientes et les économies plus vigoureuses.  La prévention des crises incombe principalement aux États Membres. 

Le Chapitre VI de la Charte décrit les instruments qui sont à leur disposition à cette fin: négociation, enquête, médiation, conciliation, arbitrage, règlement judiciaire et autres moyens pacifiques de leur choix.  L’Organisation des Nations Unies est là pour offrir son appui aux États s’agissant de régler leurs différends et de prévenir l’apparition de crises.

La Cour internationale de Justice constitue l’organe judiciaire principal des Nations Unies.  J’encourage les États Membres à accepter la juridiction obligatoire de la Cour et à recourir davantage à cette dernière, ainsi qu’à d’autres cours et tribunaux internationaux, pour aider à régler leurs différends et à en éviter l’escalade.

Ces dernières années, les efforts de prévention de l’ONU en Gambie, en Guinée et au Burkina Faso, toujours déployés en coordination avec les activités de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, et souvent pour les appuyer directement, soulignent les circonstances dans lesquelles ces efforts ont le mieux réussi.  Le rôle joué dans ces contextes par le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel souligne l’utilité des présences politiques régionales de l’Organisation, comme le fait, dans d’autres contextes, le travail du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale et du Centre régional des Nations Unies pour la diplomatie préventive en Asie centrale.

La médiation figure parmi les moyens énumérés au Chapitre VI.  Ces dernières semaines, le nouveau Conseil consultatif de haut niveau pour la médiation a entrepris sa première initiative.  Nous avons prévu plusieurs autres missions, avec l’accord des pays concernés, dans des États Membres qui ont beaucoup de mal à préserver la stabilité. 

Mes bons offices sont en permanence à la disposition du Conseil de sécurité pour aider à prévenir, à gérer ou à résoudre les conflits.  Bien entendu, la Charte confère au Conseil de sécurité des pouvoirs et des responsabilités dans le domaine de la prévention des conflits. 

Actuellement, il est particulièrement urgent que le Conseil assume sa responsabilité de réaliser un règlement politique en Syrie, conformément à la résolution 2254 (2015), sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies.

La pérennisation de la paix est un élément clef de la prévention.  Mon rapport sur la pérennisation de la paix (S/2018/43) a maintenant été présenté à tous les États Membres de l’ONU et j’attends avec intérêt de faire avancer l’application des propositions y contenues.  La prévention dépend aussi de façon cruciale des progrès du développement durable et inclusif.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 représente un cadre intégré permettant d’aborder les causes économiques et sociales des conflits et d’édifier des sociétés stables, notamment en mettant l’accent sur les institutions et l’état de droit.

L’expression « maintien de la paix » n’apparaît pas dans la Charte, mais cette activité phare de l’Organisation est fermement ancrée dans les idéaux consacrés par la Charte et démontre la souplesse de celle-ci. 

Le maintien de la paix a des états de service solides, marqués par des sacrifices et des succès, et il a pu servir d’instrument pour favoriser le règlement pacifique des différends, ainsi que pour atteindre des objectifs plus substantiels.  Toutefois, le maintien de la paix est actuellement confronté à de grandes difficultés. 

Souvent, les soldats de la paix sont déployés pour une durée indéterminée dans des environnements dangereux où il n’y a que peu de paix à maintenir, où il n’y a pas de solutions politiques en vue, où il existe de multiples groupes armés et où le nombre de victimes augmente considérablement à cause d’attaques contre les Casques bleus.  Pour ces raisons et pour d’autres encore, l’Organisation des Nations Unies devient un surveillant de la crise ou ne se concentre que sur l’endiguement, et cela n’est tout simplement pas viable.

Un plan d’action détaillé pour renforcer la sûreté et la sécurité des défenseurs de la paix est en train d’être mis en œuvre par le Département des opérations de maintien de la paix et par nos missions.  Le Département effectue également une série d’examens stratégiques sous la direction du Conseil de sécurité.  Il n’existe pas de modèle unique d’opération. 

Notre but est de recentrer le maintien de la paix en l’assortissant d’attentes réalistes; en le dotant de forces bien structurées, bien soutenues et bien équipées; et avec l’appui dont nous avons besoin de la part des pays hôtes.  Nous nous tournons vers le Conseil pour qu’il nous donne des mandats clairs et ciblés, et nous demandons une participation accrue de tous les États Membres afin qu’ils nous fournissent du personnel et un soutien politique, matériel et financier.

En même temps, le maintien de la paix n’est pas la solution à toutes les situations de crise.  Différents contextes peuvent requérir d’autres types d’action, y compris l’imposition de la paix et les opérations de lutte contre le terrorisme entreprises par des organisations régionales partenaires ou par des coalitions d’États Membres.  Pour cela aussi, des mandats clairs délivrés par le Conseil de sécurité et un financement prévisible et suffisant seront cruciaux.

Actuellement, nous avons le plus grand nombre de régimes de sanctions imposées par l’ONU dans toute l’histoire de l’Organisation.  Étant donné que leur mise en œuvre concerne d’autres acteurs en plus des États Membres, il se peut que davantage d’attention doive être consacré au secteur privé, en particulier au secteur de la finance.  Nous devons veiller à éviter les conséquences non voulues, notamment les conséquences humanitaires.

Qu’il me soit permis à présent de passer des Chapitres VI et VII au Chapitre VIII.  Avant même que la plupart des régions aient créé des organisations régionales ou sous-régionales, les auteurs de la Charte s’étaient rendu compte de l’utilité des accords et organismes régionaux en tant que premier recours pour le règlement pacifique des différends locaux.  Les points de vue régionaux sont indispensables pour comprendre les défis.  Les capacités régionales sont cruciales pour un déploiement rapide.  L’appropriation régionale est essentielle pour que les solutions puissent prendre racine.

Parmi les partenariats les plus indispensables et les plus dynamiques en place de nos jours, il y a notre collaboration avec l’Union africaine.  Nos organisations ont signé deux nouveaux accords-cadres – sur la paix et la sécurité et sur la mise en correspondance du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 pour l’Afrique.  J’appelle une nouvelle fois la communauté internationale à assurer un financement prévisible et suffisant des forces africaines opérant en Somalie, au Sahel et sur le pourtour du lac Tchad.  Nous sommes également en train de resserrer nos liens avec l’Union européenne et avec plusieurs autres organisations.

Les buts et principes consacrés par la Charte sont aussi pertinents pour les défis d’aujourd’hui qu’ils l’étaient pour les populations tout juste sorties de la guerre la plus atroce que le monde ait jamais connue.  Les réformes dans lesquelles nous sommes tous engagés, qui couvrent la paix et la sécurité, le développement et la gestion, visent à nous permettre de concrétiser plus efficacement la vision de la Charte. 

La Charte est un document vivant qui nous permet de servir les « peuples des Nations Unies ».  Le Secrétariat ne demande qu’à aider les États Membres à faire pleinement leur l’esprit de la Charte et à tirer le plein parti de son potentiel, dans tous les piliers de notre action.

 

 

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