Le Secrétaire général voit dans les avancées de l’Asie centrale et de l’Afghanistan le potentiel de devenir des symboles de dialogue et de paix
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, lors du débat du Conseil de sécurité consacré à l’établissement, en Afghanistan et en Asie centrale, d’un partenariat régional de référence faisant le lien entre sécurité et développement, à New York, aujourd’hui:
Je me félicite du présent débat, convoqué par le Kazakhstan, en tant que signe d’une coopération renforcée entre les États Membres de l’Asie centrale et l’Afghanistan. Je me félicite également de l’appui continu du Conseil de sécurité à l’Afghanistan, comme le démontre la mission récente que ses membres ont effectué dans ce pays.
Toute la communauté internationale a intérêt à ce que la paix, la stabilité et le développement s’instaurent en Afghanistan, et les pays d’Asie centrale ont un rôle particulièrement important à jouer.
Le développement durable est un objectif fondamental en soi, car il permet aux personnes, aux communautés et aux sociétés de prospérer et de s’épanouir. Mais le développement durable et inclusif est aussi un facteur important pour prévenir les conflits ou y mettre fin et pour pérenniser la paix. Ce n’est qu’en nous attaquant aux causes profondes des crises, notamment les inégalités, l’exclusion et la discrimination, que nous construirons des sociétés pacifiques à même de résister au terrorisme et à l’extrémisme violent.
Le système des Nations Unies pour le développement est mobilisé pour aider les gouvernements de toute la région à mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et à investir dans la croissance économique durable, notamment en donnant davantage de possibilités aux jeunes, aux femmes et aux filles. L’éducation, la formation professionnelle et les emplois doivent être une priorité absolue dans la coopération nationale et régionale au service du développement.
L’Asie centrale a fait des progrès notables en matière de développement durable au cours des décennies récentes. Au Tadjikistan, par exemple, le taux de pauvreté a été réduit de moitié, passant de 81% en 2003 à 31% en 2015. Mais les pays de cette région ne pourront jamais réaliser seuls leur plein potentiel. Ce sont tous des pays sans littoral et nombre d’entre eux se sont développés, des décennies durant, en tant qu’éléments économiquement interdépendants d’un ensemble plus large.
La croissance, la création d’emplois et la prospérité y sont tributaires d’une accélération de la coopération économique et de l’intégration. La géographie et l’histoire communes des pays d’Asie centrale et de l’Afghanistan, ainsi que leurs liens culturels solides, recèlent un immense potentiel en termes de projets conjoints, de commerce et d’échanges mutuellement bénéfiques.
Malgré les siècles pendant lesquels la Route de la soie était un des itinéraires commerciaux les plus importants du monde, le commerce entre les pays d’Asie centrale est tombé à de faibles niveaux depuis leur accession à l’indépendance il y a près de 30 ans. Les possibilités de commerce intrarégional sont importantes, et même de modestes améliorations peuvent se solder par des avantages substantiels pour toutes les populations de la région. Je suis encouragé par les signes d’amélioration observés récemment.
Durant la visite que j’ai effectuée en Afghanistan, au Kazakhstan, au Kirghizistan, au Tadjikistan, au Turkménistan et en Ouzbékistan en juin dernier, j’ai été encouragé par les nouvelles connexions bilatérales et régionales et l’amélioration des dynamiques régionales.
Premièrement, de nouveaux efforts ont vu le jour en vue d’améliorer la gestion des ressources hydriques qui sont essentielles au développement économique dans la région.
Ces ressources sont mises à l’épreuve comme jamais auparavant. Comme je l’ai observé durant ma visite, près de 30% des glaciers spectaculaires du Tadjikistan ont fondu rien qu’au cours des 10 dernières années. La mer d’Aral offre un terrible avertissement des conséquences d’une mauvaise gestion. Ces catastrophes écologiques doivent servir d’exemples pour renforcer la coopération et l’action.
Les Gouvernements d’Asie centrale ont récemment commencé à intensifier leur coopération en matière de gestion des ressources hydriques en créant des commissions et des accords bilatéraux à cet effet. Ces évolutions comportent des enseignements importants pour l’Afghanistan, où l’agriculture et l’élevage tributaires des ressources en eau représentent près de la moitié de l’économie.
L’ONU promeut la médiation et le dialogue par l’intermédiaire du Centre régional des Nations Unies pour la diplomatie préventive en Asie centrale. Le Centre est prêt à contribuer à la modernisation du cadre juridique régional pour la gestion des ressources hydriques transfrontières, et il intègre l’Afghanistan aux efforts visant à renforcer les capacités en matière d’hydrodiplomatie.
La mise en place d’approches conjointes en matière de gestion des ressources hydriques communes, notamment des mécanismes de règlement des différends, renforce la confiance dans le cadre des relations bilatérales et multilatérales. Cela peut permettre d’augmenter les investissements et la prospérité au bénéfice de tous.
Deuxièmement, j’ai été encouragé par les évolutions positives en matière de coopération énergétique, qui est essentielle à la promotion du développement et de la sécurité. Plusieurs initiatives transfrontières sont prévues, ou en cours, notamment le projet de production électrique en Asie centrale et en Asie du Sud, un gazoduc qui reliera le Turkménistan à l’Inde via l’Afghanistan et le Pakistan, et une nouvelle ligne d’alimentation électrique qui reliera l’Ouzbékistan à l’Afghanistan. La famille des Nations Unies se tient prête à appuyer ces initiatives et d’autres initiatives qui pourraient attirer des investisseurs et permettre à la région de prospérer.
Troisièmement, le développement du commerce est une condition préalable à la croissance, au développement durable et au renforcement de la résilience face aux chocs économiques extérieurs. Les contacts personnels développés grâce au commerce peuvent également contribuer à faire tomber des barrières officieuses et à renforcer la confiance. Nous devons faire fond sur les initiatives de la société civile dans ce domaine pour rapprocher les communautés par-delà les frontières, notamment les groupes de femmes qui arbitrent des conflits locaux et développent des projets d’infrastructures conjoints.
Dans ce contexte, je tiens à souligner le programme ambitieux mis en place par le Kazakhstan à l’intention des étudiants afghans. Plus de 500 étudiants afghans ont obtenu des diplômes dans des universités ou des établissements techniques kazakhs au cours des dernières années, et près de 500 autres sont en train d’achever leurs études. Le Kazakhstan a mobilisé 50 millions de dollars pour appuyer cette initiative. L’Ouzbékistan suit le même chemin.
Les pays d’Asie centrale voisins de l’Afghanistan sont en train d’améliorer leurs infrastructures transfrontières, et l’Ouzbékistan a lancé un vol direct entre Tachkent et Kaboul l’année dernière. Plusieurs projets de construction de chemins de fer et de lignes d’alimentation électrique ont permis de créer des connexions physiques entre l’Afghanistan et ses voisins septentrionaux, notamment le chemin de fer lapis-lazuli, qui relie le Turkménistan à l’Afghanistan. Ces projets ont un énorme potentiel en termes de transformation économique. Les problèmes de sécurité continuent d’avoir une incidence profonde sur le débat concernant l’Afghanistan et l’Asie centrale.
La lutte du Gouvernement afghan contre l’extrémisme violent, le terrorisme et la criminalité transnationale organisée a des répercussions pour l’ensemble de la région et pour le monde. La lutte contre ces menaces ne peut être considérée comme relevant exclusivement de la responsabilité du Gouvernement afghan. L’efficacité de la lutte contre le terrorisme est tributaire d’une coopération régionale et multilatérale fermement ancrée sur les droits de l’homme.
Les cinq pays d’Asie centrale ont achevé la deuxième phase du plan d’action conjoint pour la mise en œuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies adoptée en 2011. J’ai eu l’honneur d’organiser le dialogue de haut niveau sur la Stratégie durant ma visite en juin.
Le plan régional réunit les pays d’Asie centrale pour partager leurs meilleures pratiques et les enseignements retenus, reflétant ainsi la détermination commune des cinq pays à combattre et vaincre le terrorisme avec l’appui de l’ONU. La coopération régionale offre la possibilité d’examiner les préoccupations communes, notamment la lutte contre le financement du terrorisme, l’amélioration de la sécurité aux frontières, la promotion du dialogue avec les institutions et les chefs religieux, et la lutte contre la traite des personnes et la contrebande de drogue.
La prochaine réunion du Processus de Kaboul pour la coopération en faveur de la paix et de la sécurité sera l’occasion pour le Gouvernement afghan d’exposer sa vision en faveur d’un processus de paix et de sécurité mieux structuré et coordonné avec les initiatives régionales, notamment les efforts régionaux de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. L’ONU se tient prête à appuyer ces efforts.
Le renforcement de la collaboration et des investissements régionaux pourrait permettre à l’Asie centrale et à l’Afghanistan de devenir des symboles de dialogue, de paix et de promotion des contacts entre cultures, religions et civilisations. Le Centre régional des Nations Unies pour la diplomatie préventive en Asie centrale et la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan coopèrent étroitement et continuent de rechercher de nouveaux moyens de renforcer leur appui.
L’ensemble de la famille des Nations Unies se tient prête à contribuer au renforcement de la coopération et de l’intégration entre les pays d’Asie centrale et l’Afghanistan en vue de réaliser la paix, le développement durable, la stabilité et la sécurité.