Armes de destruction massive: António Guterres veut donner un nouvel élan au programme de désarmement mondial, en s’appuyant sur le rôle central de l’ONU
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, lors de la séance du Conseil de sécurité consacrée à la non-prolifération des armes de destruction massive, à New York, aujourd’hui:
C’est un plaisir pour moi de me joindre aux membres du Conseil de sécurité pour ce débat opportun, et je remercie la République du Kazakhstan de l’avoir convoqué. Le Kazakhstan peut s’enorgueillir de sa longue tradition d’appui à un monde exempt d’armes de destruction massive et au régime mondial de non-prolifération. Je remercie le Président Nursultan Nazarbayev du leadership dont il fait personnellement preuve sur cette question vitale. À l’actif du Kazakhstan, on peut citer sa condamnation de la possession d’armes nucléaires et la proclamation de la Journée internationale contre les essais nucléaires.
Le Conseil joue, lui aussi, un rôle déterminant dans la prévention de la prolifération et de l’utilisation d’armes de destruction massive. Comme le Conseil l’a déclaré en 1992, à l’occasion de sa première séance tenue au niveau des chefs d’État sur la question, la prolifération de toutes les armes de destruction massive constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales.
Des mesures de confiance telles les résolutions 255 (1968) et 984 (1995), sur les assurances de sécurité négatives, ont permis d’ouvrir la voie à la conclusion du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et à sa prorogation pour une période indéfinie. Mais, malgré les efforts du Conseil, la menace posée par les armes de destruction massive persiste et semble, en fait, gagner en puissance.
Les inquiétudes dans le monde au sujet des armes nucléaires ont atteint leur plus haut niveau depuis la guerre froide. La situation qui prévaut dans la péninsule coréenne constitue le défi à la paix et à la sécurité le plus grave et le plus dangereux au monde aujourd’hui. Je reste vivement préoccupé par le risque accru d’une confrontation militaire et par les conséquences inimaginables qui en résulteraient.
Je me félicite des décisions fermes que le Conseil de sécurité a prises en réponse aux essais nucléaires et aux tirs de missiles balistiques effectués par la République populaire démocratique de Corée en violation de ses résolutions, lesquelles doivent être pleinement mises en œuvre.
L’unité du Conseil crée aussi la possibilité d’un engagement diplomatique. Comme je l’ai dit cette semaine à l’Assemblée générale, je me félicite de la réouverture des voies de communication entre les deux Corées et, en particulier, entre les responsables militaires. C’est primordial pour réduire le risque d’erreurs d’appréciation ou de malentendus et pour apaiser les tensions.
Je suis encouragé aussi par la décision de la République populaire démocratique de Corée de participer aux Jeux olympiques d’hiver qui doivent s’ouvrir prochainement en République de Corée. Il nous faut faire fond sur ces petits signes d’espoir et redoubler d’efforts diplomatiques pour parvenir à la dénucléarisation pacifique de la péninsule coréenne dans le contexte de la sécurité régionale.
Ailleurs, la confiance concernant la question du nucléaire et d’autres questions entre les États-Unis et la Fédération de Russie continue de faiblir. Les mesures vitales de réduction des armements stratégiques prises pendant et après la guerre froide sont menacées. Il semble qu’il n’y a plus d’intérêt à négocier de nouveaux traités de réduction de l’arsenal nucléaires après l’expiration du Traité sur des mesures visant de nouvelles réductions et limitations des armements stratégiques offensifs, en 2021.
Le Plan d’action global commun, concernant le programme nucléaire iranien, est aussi remis en question. Cet accord multilatéral, qui est dans l’intérêt des Iraniens et de la communauté internationale dans son ensemble, doit être préservé.
Dans le conflit syrien, l’emploi d’armes chimiques lève sérieusement le tabou qui pèse sur ces armes de destruction massive dans le monde. S’il s’avère que des armes chimiques ont été encore une fois employées en Syrie, alors la communauté internationale se doit de trouver le moyen approprié d’identifier les responsables et de leur demander des comptes. Faute de quoi, nous permettrons que l’emploi d’armes chimiques se fasse en toute impunité. J’espère que le Conseil retrouvera son unité s’agissant de cette question.
Les menaces posées par les armes de destruction massive et leurs vecteurs se font jour dans un contexte d’augmentation des budgets militaires et de suraccumulation d’armes – et elles accompagnent un grave regain des tensions régionales. Dans un tel contexte géopolitique, les mesures de confiance en appui à la maîtrise des armements, à la non-prolifération et à l’élimination des armes de destruction massive sont extrêmement importantes.
En aidant à mieux comprendre les positions d’autres pays et en procédant à un échange d’informations concernant, par exemple, les budgets militaires, les stratégies arrêtées et les mouvements de troupes, ces mesures peuvent concourir à réduire les tensions et à éviter des conflits. Dans le cas de la Convention sur les armes biologiques, qui n’a pas de mécanisme officiel de vérification, un système de mesures de confiance a permis de renforcer la transparence.
Ces mesures sont destinées à « prévenir ou à lever les ambiguïtés, le doute et les suspicions » via la communication annuelle d’informations sur les programmes nationaux de défense biologique, les laboratoires à confinement poussé, les cadres législatifs et la production de vaccins. Malheureusement, la participation est moins que satisfaisante, avec moins de la moitié de États parties communiquant régulièrement des informations.
Ces mesures ne pourront s’avérer réellement efficaces que lorsque les États tireront pleinement parti des avantages qu’elles offrent. La confiance est essentielle, mais elle peut être minée par des discours belliqueux, des approches hostiles, l’absence de canaux de communication et des positions inflexibles.
S’engager en faveur du désarmement, de la non-prolifération et de la maîtrise des armements est déjà en soi une mesure de confiance. En levant la menace posée par les armes, les mécanismes de maîtrise des armements et de non-prolifération facilitent le dialogue, renforcent la confiance quant à l’intention des parties et ouvrent la voie à l’instauration de la confiance nécessaire pour mettre fin aux conflits.
Nulle part, cela n’a été plus évident que dans les accords historiques sur la maîtrise des armements conclus à la fin des années 80 et au début des années 90, qui ont contribué à mettre fin pacifiquement à la guerre froide. C’est pourquoi il est préoccupant de voir des accords historiques comme le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et le Traité « Ciel ouvert » être remis en question.
Des mécanismes de vérification efficaces se sont révélés être parmi les mesures de confiance les plus fructueuses et les plus durables. Depuis les protocoles historiques de vérification du Traité de réduction des armements stratégiques et jusqu’au précieux travail accompli par l’Agence internationale de l’énergie atomique et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, la vérification engendre la confiance. Je me félicite à cet égard de la création d’un groupe d’experts gouvernemental chargé de vérifier le désarmement nucléaire.
Une vérification efficace requiert que nous appuyions les entités chargées de la surveillance et de la vérification pour leur permettre de s’acquitter de leurs tâches de façon impartiale et professionnelle. Elle exige aussi que nous comprenions que les défis de la non-prolifération ne sont pas statiques. Les mesures que nous prenons pour les relever doivent aller de pair avec la mise en œuvre des engagements pris en matière de désarmement.
Je pense que l’ONU a un rôle central à jouer pour aider les États Membres à définir, renforcer et soutenir des mesures de confiance. Eu égard à sa position de médiateur impartial, l’ONU peut servir d’enceinte où toutes les parties peuvent engager un dialogue, que ce soit pour mettre en place de nouvelles normes et valeurs ou pour régler des différends et promouvoir l’entente entre elles.
Le Conseil de sécurité en particulier peut jouer un rôle de chef de file en faisant preuve d’unité et en continuant à souligner l’importance fondamentale que revêtent le dialogue et la diplomatie pour le renforcement de la confiance.
À cet égard, la mise en œuvre universelle et intégrale de toutes les obligations en matière de désarmement et de non-prolifération constitue l’une des mesures que tous les États Membres peuvent prendre. Je sais bien que, faute de ressources et en raison d’autres contraintes, certains États Membres peuvent avoir des difficultés à s’acquitter de leurs engagements en matière de désarmement, de maîtrise des armements et de non-prolifération. C’est pourquoi j’appelle tous les États qui sont en mesure de le faire à contribuer au renforcement des capacités qui s’impose.
L’adoption de mesures de confiance concrètes est un moyen important de réaliser le mandat de l’ONU, qui est de préserver les générations futures du fléau de la guerre. Toutefois, elles ne sont pas une fin en soi.
Prévenir, atténuer et régler les conflits exige des solutions politiques globales qui passent par le dialogue, la négociation et, dans les cas impliquant des armes de destruction massive, des mesures vérifiables de désarmement et de non-prolifération.
J’estime que la situation internationale d’aujourd’hui montre combien il est important de recadrer et d’actualiser nos priorités de longue date en matière de désarmement et de non-prolifération. Les divisions qui ne cessent de se creuser et la stagnation qui persiste dans ce domaine exacerbent les tensions internationales et créent de nouveaux dangers.
Afin d’inverser ces tendances, j’ai l’intention d’examiner les possibilités qui s’offrent à nous pour fixer un nouveau cap et insuffler un nouvel élan au programme de désarmement mondial. Je me réjouis à la perspective de collaborer avec les parties prenantes sur ces questions dans les mois à venir.