Déclaration publique du Président du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé
À sa 71e séance, le 4 mai 2018, le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé, dans le cadre de l’examen du deuxième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Mali (S/2018/136) couvrant la période allant du 1er janvier 2014 au 30 juin 2017, est convenu d’adresser aux acteurs ci-après, sous la forme d’une déclaration publique de son président, le message dont la teneur suit:
Au Gouvernement malien
a. Salue l’attachement du Gouvernement malien à la protection des enfants touchés par les conflits armés et l’action qu’il mène à cet égard et qui a conduit notamment à l’adoption, en juillet 2014, d’une politique nationale pour la protection et la promotion de l’enfance et au renforcement de son cadre juridique national, et l’encourage à poursuivre ces efforts et à achever la révision du code de protection de l’enfant, qui érige en infraction le recrutement et l’exploitation des enfants de moins de 18 ans;
b. Accueille avec satisfaction l’étude dirigée par le Gouvernement sur la prise en compte de la protection de l’enfance dans l’application de l’Accord de paix de 2015, y compris la priorité accordée à la question dans la stratégie nationale de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR);
c. Affirme que le rétablissement et l’extension progressifs de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire malien contribueraient pour beaucoup à la stabilité du Mali, souligne que c’est au Gouvernement malien qu’il incombe au premier chef d’assurer secours et protection à tous les enfants touchés par le conflit armé au Mali et constate qu’il importe de renforcer les moyens dont dispose le pays à cet égard;
d. Engage le Gouvernement malien à mettre la protection de l’enfance au centre de ses préoccupations et à faire en sorte qu’il soit pleinement tenu compte, à tous les stades du processus de DDR et dans les programmes de réforme du secteur de la sécurité, des besoins particuliers des filles et des garçons touchés par le conflit armé;
e. Se félicite de la mise en œuvre du Protocole relatif à la libération et au transfert des enfants associés aux forces et groupes armés, signé le 1er juillet 2013;
f. Note avec satisfaction la libération de 72 enfants détenus, encourage le Gouvernement à examiner, en coopération avec l’Organisation des Nations Unies, les cas d’enfants détenus en raison de leur association à des groupes armés et souligne qu’il convient de considérer avant tout comme des victimes les enfants arrêtés au cours d’opérations militaires;
g. Demande au Gouvernement de garantir le droit à une procédure régulière de tous les enfants détenus en raison de leur association à des groupes armés, rappelle que les enfants devraient avant tout être considérés comme des victimes et qu’il faut toujours tenir compte de leur intérêt supérieur, et engage le Gouvernement à respecter les obligations que lui impose la Convention relative aux droits de l’enfant, notamment en ce qui concerne les mesures de privation de liberté, qui ne devraient être utilisées qu’en dernier recours pour les enfants et pour la durée la plus brève possible;
h. Encourage le Gouvernement malien à mettre l’accent sur les possibilités de réinsertion et de réadaptation pérennes pour les enfants touchés par un conflit armé, notamment en sensibilisant les populations et en coopérant avec elles en vue d’éviter toute stigmatisation de ces enfants et de faciliter leur retour, tout en gardant à l’esprit les besoins particuliers des filles et des garçons;
i. Se félicite des mesures prises par le Gouvernement malien en ce qui concerne la formation des Forces de défense et de sécurité maliennes en matière de protection de l’enfance et invite le Gouvernement à poursuivre ces efforts et à intégrer au programme de formation militaire des nouvelles recrues un module officiel obligatoire sur la protection de l’enfance;
j. Se déclare profondément préoccupé de ce que les auteurs de violations et d’exactions à l’encontre d’enfants ne soient pas amenés à répondre de leurs actes et demande au Gouvernement de continuer à lutter contre l’impunité dont bénéficient ceux qui se livrent à de tels actes contre des enfants en temps de conflit armé en renforçant son système judiciaire, en traduisant rapidement les auteurs en justice et en veillant à ce que toutes les victimes aient accès à la justice ainsi qu’aux services médicaux et aux services d’appui dont elles ont besoin;
k. Se déclare préoccupé par les viols et les autres formes de violence sexuelle commis par les forces armées maliennes et exhorte le Gouvernement à enquêter rapidement sur toutes les affaires de ce type et à amener les auteurs à répondre de leurs actes;
l. Demande instamment au Gouvernement de redoubler d’efforts pour prévenir et combattre les violences sexuelles à l’encontre d’enfants, y compris en menant des enquêtes et en contraignant les auteurs de ces crimes à répondre de leurs actes, en éliminant les obstacles à l’accès à la justice et en veillant à ce que les enfants victimes bénéficient d’une prise en charge rapide et adaptée, facilitant pour ce faire la prestation de services de santé aux victimes à l’échelle nationale et améliorant la qualité de ces services dans les zones les plus sensibles;
m. Se félicite que le Gouvernement malien ait adhéré à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et aux Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés et appelle de ses vœux leur mise en œuvre rapide, encourage le Gouvernement malien à veiller à ce que les attaques menées par des groupes armés contre des écoles en violation du droit international humanitaire fassent l’objet d’enquêtes et que les responsables soient poursuivis comme il convient;
n. Salue la création d’une Commission vérité, justice et réconciliation chargée, entre autres, de répondre aux besoins des victimes, notamment les enfants ayant subi de graves violations de leurs droits fondamentaux entre 1960 et 2012, et prie instamment ladite Commission ainsi que la commission d’enquête créée le 23 janvier 2018 de tenir compte des besoins particuliers des filles et des garçons.
À tous les groupes armés mentionnés dans le rapport du Secrétaire général, en particulier ceux énumérés à l’annexe du rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Mali, parmi lesquels Ansar Dine, le Mouvement pour l’unification et le jihad en Afrique de l’Ouest, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad ainsi qu’Al-Qaida au Maghreb islamique et la Plateforme, notamment le Groupe d’autodéfense des Touaregs Imghad et leurs alliés
o. Condamne vigoureusement toutes les violations et tous les sévices commis sur la personne d’enfants au Mali et prie instamment tous ces groupes armés de faire cesser immédiatement et de prévenir toutes les violations du droit international applicable, y compris le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et mutilations, les viols et autres formes de violence sexuelle, les attaques contre des écoles et des hôpitaux, les enlèvements et le refus de l’accès humanitaire, et de s’acquitter des obligations que leur impose le droit international;
p. Souligne que tous les auteurs de tels actes doivent être amenés à en répondre, et note que le 13 juillet 2012, les autorités provisoires du pays ont saisi la Cour pénale internationale, à laquelle le Mali est un État partie, de la situation dans ce dernier depuis janvier 2012, et que certains de ces actes peuvent constituer des crimes au regard du Statut de Rome de la Cour pénale internationale;
q. Prie instamment tous les groupes armés de libérer immédiatement et sans condition tous les enfants qui leur sont associés et de faire cesser et de prévenir les recrutements et l’utilisation d’enfants;
r. Demande instamment à tous les groupes armés de prendre immédiatement des mesures concrètes pour faire cesser et prévenir les viols et les autres formes de violence sexuelle commis sur des enfants par des membres de leurs groupes respectifs, et souligne qu’il importe que les auteurs d’actes de violence sexuelle et sexiste aient à répondre de leurs actes;
s. Se déclare profondément préoccupé par le nombre élevé d’enfants tués et mutilés, y compris par des restes explosifs de guerre, et engage les groupes armés à prendre des mesures concrètes pour en réduire les effets sur les enfants;
t. Se déclare profondément préoccupé par le nombre croissant d’attaques dirigées contre des écoles et leur personnel, qui ont gravement entravé l’accès à l’éducation de dizaines de milliers d’enfants, et demande aux groupes armés de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux, y compris leur personnel, et de faire cesser et de prévenir les attaques ou menaces d’attaques contre ces institutions et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles à des fins militaires en violation du droit international applicable;
u. Souligne la nécessité pour toutes les parties de défendre et de respecter les principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance afin que l’aide humanitaire puisse continuer d’être fournie et en vue d’assurer la sécurité et la protection des civils qui la reçoivent et la sécurité du personnel humanitaire travaillant au Mali, et insiste sur le fait qu’il importe que l’aide humanitaire soit fournie en fonction des besoins;
v. Se déclare préoccupé par les problèmes de sécurité que rencontre l’Équipe spéciale de surveillance et d’information des Nations Unies dans le nord et le centre du Mali et, à cet égard, exhorte les groupes armés à donner au personnel des Nations Unies accès en toute sécurité et liberté aux territoires sous leur contrôle, à des fins de suivi et d’établissement de rapports;
w. Note avec satisfaction que la coalition Coordination et l’Organisation des Nations Unies ont signé, en mars 2017, un plan d’action à caractère contraignant pour tous les membres de la coalition, y compris le MNLA, visant à empêcher le recrutement et l’utilisation d’enfants ainsi que les violences sexuelles à leur encontre et, le cas échéant, à les faire cesser, et demande sa mise en œuvre intégrale et immédiate;
x. Salue le communiqué unilatéral, signé par la Plateforme en juin 2016, sur la prévention des violences sexuelles liées au conflit et encourage les dirigeants de la Plateforme à poursuivre le dialogue engagé avec l’ONU de façon à prendre des mesures concrètes destinées à mettre fin au recrutement et à l’exploitation d’enfants;
y. Exhorte les groupes armés à s’engager publiquement à faire cesser et à prévenir toutes les violations et exactions commises à l’encontre des enfants et à élaborer rapidement des plans d’action à l’intention des groupes qui ne l’ont pas encore fait, conformément aux résolutions 1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011), 2068 (2012), 2143 (2014) et 2225 (2015) du Conseil de sécurité, si leur nom figure à l’annexe I du rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé.
Aux notables locaux et aux chefs religieux
z. Souligne la contribution importante des notables locaux et des chefs religieux au renforcement de la protection des enfants en temps de conflit armé;
aa. Exhorte les notables locaux et les chefs religieux à condamner publiquement les violations et les exactions contre des enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, le viol et les autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux tout en continuant de militer pour les faire cesser et les prévenir, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour appuyer la réinsertion et la réadaptation, dans leurs communautés respectives, des enfants touchés par le conflit armé, grâce notamment à une campagne de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.