Lancement de la troisième édition du Forum multipartite sur la science, la technologie et l’innovation pour la réalisation du développement durable
La science, la technologie et l’innovation au service de la réalisation des objectifs de développement durable, c’est ce qu’examinait aujourd’hui le troisième Forum de collaboration multipartite sur ce thème, réuni pendant deux jours pour partager des expériences et envisager des solutions. L’idée est de relier les progrès dans ces domaines à l’objectif de « ne laisser personne de côté », le leitmotiv du Programme de développement durable à l’horizon 2030, comme l’a expliqué la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme Marie Chatardova.
Cette session se déroule au lendemain du lancement, hier à Gebze (Turquie), de la Banque de technologies pour les pays les moins avancés, un processus qui concrétise la cible 17.8 des objectifs de développement durable.
À cette occasion, la Chef de Cabinet du Secrétaire général, Mme Maria Luiza Ribeiro Viotti, a assuré les États Membres et toutes les parties prenantes que le système des Nations Unies est déterminé à favoriser leur accès à la connaissance et aux nouvelles technologies.
Le Forum, qui va se tenir jusqu’en 2030, s’inscrit dans le cadre du Mécanisme de facilitation des technologies, un processus découlant du Programme d’action d’Addis-Abeba et du Programme 2030. Le Mécanisme démontre que les États Membres ont reconnu l’importance fondamentale du secteur « science, technologie et innovation » pour la réalisation du développement durable, a remarqué le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Liu Zhenmin.
L’économiste en chef du Département des affaires économiques et sociales, M. Elliott Harris, a d’ailleurs présenté les 200 pages de conclusions initiales du Mécanisme, avant que les nouveaux membres du Groupe d’experts chargé d’appuyer le travail du Mécanisme se présentent au Forum en détaillant chacun leurs spécialités et priorités.
L’objectif du Forum est d’identifier les besoins technologiques, notamment en termes de coopération scientifique, d’innovation et de renforcement de capacités, a expliqué la Présidente de l’ECOSOC. De son côté, M. Zhenmin a précisé que le Forum se veut un espace de collaboration, de promotion des réseaux, de discussions et de partenariats. Car la science a toujours transcendé les frontières, a commenté la Ministre d’État pour les sciences avancées des Émirats arabes unis.
Le Groupe des 77 et la Chine a vu le Forum comme une plateforme d’échanges entre les pays développés et les pays en développement. Il a mis l’accent sur l’utilisation de la science, la technologie et l’innovation dans cinq domaines d’action: le renforcement des services sociaux de base, le comblement du fossé numérique et technologique, le renforcement des capacités des pays en développement, les remèdes aux problèmes de structures technologiques de ces pays, et le développement, la diffusion et le transfert de technologies à leur égard à des conditions favorables.
Pour les pays les moins avancés (PMA), qui n’ont pas les capacités pour acquérir des technologies de pointe, il faut veiller à ce que la quatrième révolution numérique n’aboutisse pas à creuser le fossé technologique ni à des pertes massives d’emploi, ce que la robotisation et l’intelligence artificielle pourraient causer. C’est justement une des conclusions du rapport du Mécanisme: avec les changements technologiques, de nouveaux emplois sont créés tandis que d’autres sont abolis.
Mais même si elles posent des risques d’effets négatifs à long terme, les nouvelles technologies représentent un grand potentiel pour la réalisation des objectifs de développement durable dans tous les pays. Cela ressort aussi des conclusions du Mécanisme qui sont le fruit de travaux de plusieurs experts et entités du système de l’ONU. Car dans tout changement technologique, il y a des gagnants et des perdants, comme le confirment les écarts entre pays, entre hommes et femmes, entre groupes sociaux.
Parmi les autres conclusions du rapport du Mécanisme, il y a la nécessité de gérer les avantages et les inconvénients des nouveaux matériaux, des technologies numériques, bio, des nanotechnologies ou encore de l’intelligence artificielle, des outils qui offrent des promesses énormes pour l’eau à haute efficacité et les systèmes d’énergie renouvelable, mais qui consomment beaucoup d’énergie. De même pour la cryptomonnaie qui consomme une grande quantité d’électricité. Le Bitcoin, par exemple, a utilisé 68 kilowatts/heure d’électricité sur un an, ce qui représente la consommation de la République tchèque.
Cette première journée de travaux du Forum a été rythmée par trois tables rondes qui ont examiné la science, la technologie et l’innovation en tant qu’outils au service des objectifs de développement durable relatif à l’eau et l’assainissement; aux modes de consommation et de productions durables; et à la protection de l’écosystème terrestre.
Plusieurs experts ont présenté des projets novateurs, comme FoPo Food Power, une farine faite à partir de fruits et légumes invendables et « SweetSense Remote Water Monitoring Plateform », un système de contrôle à distance de la qualité de l’eau. On a aussi parlé de l’initiative « City tree » qui installe des panneaux de mousse dans les villes pour capturer les émissions de carbone, de la plateforme de covoiturage « blablacar.fr » ou encore du réseau « la ruche qui dit oui » qui relie producteurs durables et consommateurs.
Un avertissement a toutefois été lancé par une experte norvégienne: « notre fascination pour l’innovation nous a conduit à ignorer de plus en plus les connaissances des peuples autochtones en matière de gestion des écosystèmes ». Raison pour laquelle l’UNESCO a lancé un programme qui cherche à pallier les pertes en biodiversité en s’appuyant sur les savoirs autochtones.
Le Forum poursuivra ses travaux demain, mercredi 6 juin, à partir de 10 heures.
FORUM SUR LA SCIENCE, LA TECHNOLOGIE ET L’INNOVATION
Troisième Forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation pour la réalisation des objectifs de développement durable
Thème: « La science, la technologie et l’innovation au service de sociétés viables et résilientes – Focalisation sur les ODD 6, 7, 11, 12 et 15 »
Déclarations liminaires
Pour la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme MARIE CHATARDOVA, de la République tchèque, nul ne peut ignorer aujourd’hui le rôle vital de la science, de la technologie et de l’innovation. Ces domaines façonnent la trajectoire de développement des sociétés, aide le monde à faire face aux défis mondiaux et à réaliser les objectifs de développement durable, participant ainsi au caractère transformateur du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La Présidente a cité en exemple les technologies de l’information et des communications qui ont littéralement transformé le tissu social et la vie économique de tous les pays en donnant un nouveau sens à la notion du village mondial. Elle a aussi parlé des innovations et des produits de haute technologie qui ont aidé à combattre les maladies et contribuent à une vie plus saine, ainsi que des technologies utilisées pour fournir des services énergétiques modernes et qui ont la potentialité d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre.
« La question qu’il faut se poser est de savoir comment pouvons-nous trouver des moyens pour encourager systématiquement de tels efforts et les relier aux populations vulnérables, notamment à ceux qui risquent le plus d’être laissés de côté? » Mme Chatardova a rappelé que, justement, le Forum devait permettre de partager les idées, susciter une inspiration, trouver des solutions et passer à l’action. Elle a insisté pour que les discussions permettent de trouver des solutions pratiques, en restant concentré sur les actions à mener sur le terrain. Elle a aussi vanté les mérites de la coopération dans les domaines de la science, de la technologie et de l’innovation, qui non seulement est efficace mais aussi permet de décloisonner les disciplines et les différentes communautés.
Les objectifs du Forum sont d’identifier et d’examiner les besoins et les fossés technologiques y compris en termes de coopération scientifique, d’innovation et de renforcement de capacités, a rappelé la Présidente qui a aussi souhaité voir faciliter le développement, le transfert et la dissémination des technologies pertinentes en faveur des objectifs de développement durable. Le Forum doit donc aider à identifier les moyens et les solutions pratiques pour encourager la science, la technologie et l’innovation dans tous les pays. Elle a conseillé d’examiner toute une panoplie de sources de savoir, non seulement les technologies de pointe et l’innovation mais aussi les connaissances et les expériences autochtones et traditionnelles. Renforcer le dialogue entre les parties prenantes, promouvoir le partage d’idées et les réussites ainsi que suggérer de nouvelles initiatives et de nouveaux partenariats sont d’autres tâches importantes du Forum qui doit, en outre, renforcer davantage son rôle de facilitateur de transfert et d’échanges technologiques sur les nouvelles solutions. Enfin, le Forum doit offrir un espace de travail pour le réseautage, pour de nouveaux partenariats et pour de nouvelles initiatives. Le Forum lui-même est un incubateur d’idées, d’initiatives et d’actions.
Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI, Chef de Cabinet du Secrétaire général, a rappelé que le Mécanisme de facilitation des technologies vise à rassembler un vaste éventail de parties prenantes pour promouvoir les objectifs de développement durable grâce à la science, aux technologies et à l’innovation. Les nouvelles technologies, telles que l’intelligence artificielle, la biotechnologie et la robotique, ont un immense potentiel qui peut être utilisé en vue de faire avancer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a-t-elle dit, en soulignant la nature transformatrice de ce Programme. Mme Ribeiro Viotti a fait remarquer que les nouvelles technologies peuvent aggraver les inégalités, d’où la nécessité d’œuvrer en faveur de l’inclusion et la transparence, avec la mise en place de partenariats. Le système onusien, a assuré Mme Viotti, est déterminé à apporter un appui renforcé aux États Membres en vue de favoriser leur accès à la connaissance et aux nouvelles technologies. Le Mécanisme de facilitation a un rôle crucial à jouer à cet égard, a-t-elle déclaré en conclusion.
Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. LIU ZHENMIN, a souligné que ce Forum encourage le partage d’idées et les applications pratiques dans le domaine qui regroupe science, technologie et innovation. C’est aussi un espace pour susciter une collaboration, des réseaux, des discussions et des partenariats, avec pour objectif d’exploiter la science, la technologie et l’innovation pour la réalisation des objectifs de développement durable. Avec le Mécanisme de facilitation des technologies, lancé pour soutenir la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, les États Membres ont reconnu l’importance fondamentale de ces secteurs pour les objectifs de développement durable, a poursuivi M. Zhenmin qui a précisé d’ailleurs que la réunion d’aujourd’hui fait partie de ce mécanisme: elle réunit des experts, des praticiens et des participants qui ont prouvé que l’esprit d’innovation et de coopération est bien vivant.
Le Secrétaire général adjoint a rappelé que la priorité de son département est la coordination, la coopération et la cohérence au sein du système des Nations Unies pour atteindre les objectifs de développement durable. Dans ce contexte, il a attiré l’attention sur l’importance de l’Équipe spéciale interinstitutions pour la science, la technologie et l’innovation, avant de mentionner aussi un autre aspect du Mécanisme, la plateforme en ligne, qui est une porte d’entrée pour les initiatives et programmes de science, de technologie et d’innovation. Son développement permettrait de connecter les fournisseurs de solutions technologiques à ceux qui les recherchent, a déclaré M. Zhenmin en soulignant que « nous faisons des progrès constants sur ce front ». Pour que la plateforme atteigne son plein potentiel, elle nécessite un financement durable et davantage de partenaires, a encore déclaré le haut fonctionnaire qui a sollicité le soutien de toutes les parties prenantes à cet égard.
M. ANDREW KEEN, auteur du livre « Internet n’est pas la solution », a déclaré que la révolution numérique pouvait aggraver le risque que posent les technologies. « Quand neuf multimilliardaires de la Silicon Valley sont plus riches que deux milliards d’individus, quelque chose cloche. » Internet fait ressortir ce qu’il y a de pire en nous, a-t-il poursuivi. À son avis, le scandale qui frappe actuellement Facebook n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il a dès lors plaidé pour une régulation ferme de l’Internet et souhaité que les grandes entreprises œuvrant dans ce domaine soient rendues responsables de leurs actions, en soulignant le rôle clef de l’Union européenne à cet égard. « Nous devons travailler ensemble pour façonner la révolution numérique, afin qu’elle serve les intérêts de la population mondiale et non pas ceux de quelques milliardaires californiens », a conclu M. Keen.
Mme NORIKO ARAI, professeur à l’Institut national d’informatique du Japon, a centré son intervention sur la « viabilité de la société numérique ». Elle a relevé que, selon les géants de la technologie, tout le monde peut maintenant accéder à l’information de manière égale, grâce aux technologies de l’information. « C’est en partie vrai », a-t-elle commenté en disant que même une fille qui grandit dans une zone rurale et qui subit une discrimination basée sur le sexe pourrait en pratique avoir accès à du matériel d’apprentissage, étudier dur et gagner une bourse pour la meilleure université. Soulignant que de tels développements étaient inimaginables il y a 100 ans, elle a toutefois fait remarquer que le monde doit en même temps faire face au côté sombre du nouvel écosystème numérique: les 1% les plus riches de la population mondiale possèdent plus de la moitié de la richesse mondiale. En d’autres termes, seules huit personnes détiennent la même richesse que la moitié de la population du monde. « Ce n’est ni acceptable ni durable. »
Comment en est-on arrivé là? C’est en partie à cause des plateformes numériques, a accusé Mme Arai. Des plateformes qui ont créé des addictions et des monopoles. La professeur a relevé que l’écosystème numérique mondial glisse facilement vers le monopole et que cela renforce le profit pour les gros employeurs. Or les entreprises locales ne peuvent pas rivaliser avec les géants de l’informatique. Mais, a-t-elle observé, il est difficile de sortir du système monopolistique informatique mondial, car les entreprises qui ont le monopole ont pour objectif le profit. Elle a ajouté que l’avènement de l’intelligence artificielle ne fait qu’accélérer ce processus. En conclusion, elle a appelé à agir pour modifier le système économique: il faut que l’intelligence artificielle nous aide et non le contraire.
M. ERIC GARCETTI, Maire de Los Angeles, s’exprimant dans un message vidéo, a affirmé que sa ville est « l’une des plus vertes des États-Unis ». Elle fait en effet partie d’une coalition de villes américaines déterminées à respecter l’Accord de Paris. Ce réseau représente 70 millions d’Américains, a-t-il dit en lançant un appel: « Nous devons nous unir pour façonner un avenir durable. »
M. ARUN SUNDARAJAN, professeur à l’Université de New York (NYU), a souligné le rôle crucial des nouvelles technologies et des plateformes en ligne dans la vie quotidienne, tout en soulignant les dangers qu’elles posent s’agissant notamment du respect de la vie privée. « Nous devons les réguler pour qu’elles soient plus transparentes », a-t-il déclaré.
Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. MOHAMED OMAR MOHAMED GAD (Égypte) a fait part des préoccupations de son groupe face à l’élargissement du fossé technologique qui divise les pays du Nord et du Sud. Il s’est aussi inquiété du manque de capacité des pays en développement et de l’insuffisance des infrastructures en particulier dans les pays africains, les petits États insulaires en développement, les pays à revenu intermédiaire, les pays encore sous le joug de la colonisation et les pays les moins avancés. Le représentant a plaidé en leur nom pour un accès rapide, universel et abordable à la science, la technologie et l’innovation. Il a insisté sur les transferts de technologies à des prix abordables et concurrentiels en faveur de ces pays. Il a en outre réitéré l’appel des Ministres du Groupe des 77 et de la Chine, en 2017, afin que la plateforme en ligne puisse entrer en fonction le plus rapidement possible.
Pour le G77, il est essentiel d’utiliser le Forum comme une plateforme d’échanges entre les pays développés et les pays en développement. Pour le groupe, il est important de mettre l’accent sur l’utilisation de la science, la technologie et l’innovation dans cinq domaines d’action: renforcer les services de base comme l’éducation et la santé, combler le fossé numérique et technologique, offrir une assistance technique et renforcer les capacités des pays en développement, remédier aux problèmes de structures technologiques des pays en développement, et aussi encourager le développement, la diffusion et le transfert de technologies à des conditions favorables.
M. TAREQ MD ARIFUL ISLAM (Bangladesh), qui s’exprimait au nom des pays les moins avancés (PMA), a souligné les investissements accrus des PMA dans les nouvelles technologies. « Quatre personnes sur cinq dans ces pays ont un téléphone cellulaire. » Il a néanmoins déclaré que les PMA n’ont pas les capacités pour acquérir des technologies de pointe. La quatrième révolution numérique, avec la robotisation et l’intelligence artificielle, pourrait aboutir à des pertes massives d’emploi dans ces pays et creuser le fossé technologique, a-t-il averti, en appelant à la mise en œuvre du Programme de développement à l’horizon 2030 pour y remédier. Hier a été une journée historique pour les PMA avec le lancement, en Turquie, de la Banque de technologies pour les pays les moins avancés, s’est-il félicité avant de plaider pour un financement pérenne de cette Banque.
Session 1: Débat interactif sur l’impact des changements technologiques rapides sur la réalisation des objectifs de développement durable
L’Économiste en chef du Département des affaires économiques et sociales, M. ELLIOTT C HARRIS, qui est Sous-Secrétaire général chargé du développement économique, a présenté les conclusions initiales du Mécanisme de facilitation des technologies sur l’impact des changements technologiques rapides sur la réalisation des objectifs de développement durable. Le rapport de 200 pages est la synthèse de 8 réunions et sessions tenues sous les auspices du Mécanisme, 10 rapports récents du système des Nations Unies, des apports de l’Équipe spéciale interinstitutions pour la science, la technologie et l’innovation et du Groupe des 10 membres, ainsi que de 39 dossiers sur les politiques en matière de science. C’est donc le fruit des efforts d’acteurs multiples, a fait remarquer M. Harris en soulignant que cela illustre le pouvoir de rassemblement du Mécanisme. Il a dit être également marqué par le fait que ces contributions viennent essentiellement de personnes de pays en développement et, pour près de la moitié, de femmes. L’Économiste en chef a également souligné que ce document est là pour susciter un débat, les opinions émises n’étant pas toutes les mêmes.
Un premier point mis en évidence dans le rapport est que les nouvelles technologies représentent un grand potentiel pour la réalisation des objectifs de développement durable dans tous les pays. « Les bénéfices attendus sont si grands que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas utiliser les technologies avec sagesse. » En même temps, il y a des risques d’effets négatifs à long terme, car les changements technologiques n’ont jamais été neutres: il y a des gagnants et des perdants, comme le confirment les écarts entre pays, entre hommes et femmes, entre groupes sociaux. Il nous faut donc agir de manière proactive, recommande le Mécanisme, ce à quoi l’ONU peut contribuer.
Un autre point porte sur le coût de plus en plus faible de la production automatisée et ses effets sur le développement. À cela s’ajoute la montée de technologies comme l’impression en 3D et de l’intelligence artificielle. La demande d’employés qualifiés diminue d’autant, a fait observer M. Harris. Si ces progrès permettent d’élargir l’accès aux bénéfices des technologies, ils posent aussi des défis qui exigent un niveau extraordinaire de coopération internationale, a conclu le rapport.
L’impact sur le domaine de l’emploi est une autre constatation qui résulte des discussions avec le Mécanisme. Avec les changements technologiques, de nouveaux emplois sont créés tandis que d’autres sont abolis. Si la création d’emploi peut être supérieure à la perte d’emploi, ce phénomène crée quand même des difficultés qu’il faut surmonter. M. Harris a précisé que, selon les prévisions pour les prochaines décennies, les ordinateurs et les robots pourraient à terme remplacer jusqu’à la moitié des emplois occupés par des humains. Quelles que soient les conséquences, il faut y être préparé, a-t-il dit.
À ce sujet, il a remarqué que les pays doivent repenser et réorganiser la façon dont ils font correspondre l’offre de compétences avec les besoins en évolution des marchés, parlant non seulement des systèmes éducatifs mais aussi des processus d’apprentissage sur le long terme, ce qui va de pair avec la conception des systèmes de protection sociale.
Les nouveaux matériaux, les technologies numériques, bio, ou encore les nanotechnologies et l’intelligence artificielle offrent des promesses énormes pour l’eau à haute efficacité et les systèmes d’énergie renouvelable. Et ce, quel que soit le niveau de développement des pays. Cet aspect de la question a aussi intéressé les acteurs de la discussion qui ont évalué le coût sur l’environnement des systèmes d’intelligence artificielle à grande échelle qui nécessitent beaucoup d’énergie. De même pour la cryptomonnaie qui consomme une grande quantité d’électricité. Cela nous rappelle que des technologies qui paraissent surtout « virtuelles » peuvent en fait avoir une énorme empreinte indésirable. On estime que Bitcoin à lui seul a consommé 68 kilowatts/heure d’électricité sur un an, ce qui représente la consommation de la République tchèque. Une consommation en hausse: six fois plus qu’il y a un an. L’augmentation de la consommation en électricité, cela veut dire plus de pollution, des déchets d’équipements électriques et électroniques et des déchets chimiques. Il serait donc judicieux d’intégrer des considérations environnementales lors de la conception de nouveaux systèmes technologiques.
Nous devons améliorer nos connaissances et notre compréhension des problèmes lorsque nous élaborons des politiques, a poursuivi M. Harris, regrettant que cela ne soit pas encore vraiment le cas, surtout dans les pays en développement. Une idée serait donc de forger les partenariats avec des universités, des laboratoires, des incubateurs d’innovation et des entités du secteur privé pour former un « laboratoire de découverte » ou un réseau d’« observatoires », capables de servir d’interface pour les décideurs politiques et ceux qui développent des technologies. Cela permettrait d’échanger des informations en temps réel et de susciter l’engagement.
Du côté des normes et de l’éthique, des appels se sont fait entendre pour faire en sorte que les innovations ne privent pas l’humanité de ses avantages. Enfin, des appels ont aussi été entendus pour demander un engagement multisectoriel et multipartite, l’objectif étant d’arriver à une cohérence et à un dialogue entre les acteurs. Le Mécanisme est particulièrement utile pour cela, a conclu M. Harris.
Le Vice-Président de la Commission de la science et de la technique au service du développement, M. PETER MAJOR, a fait le point sur la vingt-et-unième session de la Commission, tenue en mai à Genève, qui a réuni des experts en matière de données, d’intelligence artificielle et de politique scientifique, technologique et d’innovation. Les changements dans ces domaines ont eu un impact énorme sur la société, a noté M. Major. Ils posent de nouveaux défis aux décideurs, risquent d’exacerber les divisions en termes de compétences techniques et de soulever des questions éthiques. Les discussions ont porté notamment sur l’utilisation de nouvelles applications pour résoudre les embouteillages et sur l’amélioration de la santé publique grâce à la création de médicaments personnalisés.
Comme autre conclusion de la Commission, M. Major a dit que si les progrès technologiques pouvaient avoir un effet positif sur la réalisation des objectifs de développement durable, tous les impacts n’étaient pas connus. Certains pourraient aboutir à l’élimination d’emplois ou avoir des conséquences négatives sur les femmes. En ce qui concerne la protection de la vie privée et la propriété des données, il a souligné le besoin de cadres institutionnels et de régimes réglementaires, ainsi que la nécessité d’aborder les questions d’éthique et de sécurité, notamment en ce qui concerne les technologies de la santé. La session annuelle a également porté sur les capacités liées aux compétences numériques. Elle a souligné l’importance de combler le fossé numérique comme l’ont fait la Bolivie, la Bulgarie, Cuba, l’Allemagne et le Kenya parmi les pays qui ont obtenus des résultats positifs. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et la Chine organiseront des ateliers de renforcement des capacités axés sur la science, la technologie et la politique d’innovation, plus tard en 2018, pour les pays en développement, a annoncé M. Major.
Animé par le Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et droits de l’homme du Mexique, M. MIGUEL RUĺZ CABAÑAS, le débat interactif qui a suivi, devait discuter des incidences possibles de l’intelligence artificielle sur les objectifs de développement durable. Comment l’intelligence artificielle pourrait influer sur les pays de façon précise? a demandé le modérateur.
Avant de répondre à cette question, la Ministre d’État pour les sciences avancées des Émirats arabes unis, Mme SARAH AL AMIRI, a d’abord souligné la nécessité de développer des écosystèmes scientifiques compétitifs pour améliorer la qualité de la vie dans le monde. Elle a aussi appelé à tenir compte de la perspective locale pour trouver les meilleures solutions aux problèmes locaux, arguant que si toutes les technologies sont importées de l’extérieur, on risque de ne pas profiter des progrès technologiques ou de n’être pas à la hauteur de ces progrès. Venant à la contribution de l’intelligence artificielle, Mme Al Amiri a reconnu que celle-ci peut être utilisée comme outil de mise en œuvre des objectifs de développement durable ou les objectifs nationaux de chaque pays. Pour atteindre ces objectifs, la Ministre a préconisé de maximiser l’impact des données obtenues à partir d’expériences scientifiques. Pour faire face à l’épuisement inévitable de ses ressources pétrolières avant 2050, les Émirats arabes unis doivent réfléchir à de nouvelles sources de revenus et de richesses en utilisant les nouvelles technologies, a expliqué la Ministre. Elle a aussi fait remarquer que « la science a toujours transcendé les frontières ».
La connectivité est considérée comme un bien en soi, a enchaîné le Chef des études scientifiques et technologiques du Forum économique mondial, M. THOMAS PHILBECK, en parlant de la quatrième révolution industrielle qui avait été présentée comme un moyen de relier les différents aspects du changement technologique dans le monde. La question aujourd’hui porte sur la façon de gérer les vulnérabilités, a-t-il estimé en soulignant que les technologies posent des risques pour les personnes en termes d’intégrité biologique, neurologique et autres. Il a également souligné que les vulnérabilités ont des aspects positifs, puisqu’elles entraînent par exemple une collaboration au-delà des frontières. « La question est de savoir comment les technologies peuvent nous aider à gérer de tels risques. » M. Philbeck s’est réjoui que les discussions aux Nations Unies se soient propagées à travers le monde et se soient intégrées dans les conversations des peuples. Il a préconisé l’utilisation d’un langage inclusif dans une discussion qui fasse progresser les idées de manière responsable. L’inclusion doit être la voie à suivre, a-t-il conseillé.
L’inclusion a aussi été la motivation du Président-Directeur général de la Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet, M. GORAN MARBY, en ce qui concerne l’Internet: « si l’élite peut se permettre de surfer en ligne, des millions d’autres personnes n’y ont pas accès ». Il est vrai que ses fondateurs n’avaient pas prévu que 3,5 milliards de personnes l’utiliseraient aujourd’hui comme un seul réseau. Mais Internet est personnel et il est conduit par chaque utilisateur, a dit le Président de l’ICANN en soulignant qu’il n’y a pas de point focal pour l’Internet. C’est un système distributif qui pose des difficultés aux gouvernements. L’ICANN fournit aux utilisateurs d’Internet le système de noms de domaine et travaille avec d’autres entités fournisseurs d’adresses de protocole Internet, a-t-il expliqué. Pour M. Marby, le temps est venu pour les Nations Unies d’engager des discussions sur l’Internet. Il a regretté que les données et les sites Internet soient plus importants que les personnes. Autre observation de sa part: les gens aiment savoir ce qui se passe dans leur région, raison pour laquelle l’ICANN travaille sur un projet permettant aux individus d’utiliser leurs propres scripts ou leurs propres langues pour naviguer sur Internet.
L’échange avec les délégations a mis en évidence des inquiétudes face au risque d’élargissement du fossé numérique et technologique au sein et entre les pays, un risque que la nouvelle Banque de technologies inaugurée hier tente de pallier. La Turquie a fait valoir cet argument et expliqué que cette banque est une réalisation de la cible 17.8 des objectifs de développement durable. Elle vise à promouvoir le partenariat entre entités publiques et privées. Elle doit jouer un rôle fondamental pour l’élimination de la pauvreté et pour renforcer les capacités technologiques des PMA.
Les États-Unis se concentrent sur les opportunités offertes par la science, la technologie et l’innovation, notamment l’intelligence artificielle, a fait savoir leur représentant en citant aussi d’autres technologies, comme la neurotechnologie, dont on peut tirer des bénéfices. Les États-Unis cherchent avant tout à maximiser les avantages des technologies et à créer un environnement propice au développement de la technologie. Il a estimé qu’il appartient aux États d’aider les personnes à acquérir des capacités pour utiliser les technologies, insistant sur l’importance de promouvoir la confiance du public dans les technologies. Il faut mettre l’accent sur les possibilités et pas seulement sure les défis, a-t-il préconisé.
Un participant de la société civile qui travaille sur la chaîne d’approvisionnement a dit qu’il avait besoin de données analytiques détaillée. Un autre membre de la société civile a révélé qu’Internet est responsable des 3,5% des émissions de carbone, un taux qui pourrait augmenter jusqu’à 14% d’ici à 2030. Les sociétés d’Internet doivent utiliser les énergies renouvelables, a donc recommandé cette représentante en ajoutant que les fournisseurs d’accès à Internet doivent communiquer au public les composantes chimiques qu’ils utilisent.
Si d’un côté l’Afrique du Sud a rappelé que l’Afrique a décidé de créer une plateforme africaine d’échanges et d’innovation, de l’autre, le Brésil a souligné l’importance d’apprendre des obstacles qui avaient empêché la réalisation des 2e et 3e révolutions industrielles. Il a pris l’exemple de la disponibilité de toilettes publiques qui n’est pas universelle. Il faut mettre l’accent sur le court terme, sur ce qui est immédiatement accessible, a plaidé le représentant. « Nous avons déjà défini les objectifs de développement durable, il faut les concrétiser. Nous connaissons les risques et il nous faut agir de manière inclusive et porter l’attention sur la paix, la sécurité, et le développement. »
Le Modérateur a terminé en soulignant le consensus ressorti de la discussion: il faut redoubler d’effort pour adopter les meilleures politiques en vue de tirer parti de la science, de la technologie et de l’innovation, et pour réduire les risques. La solution passe par l’éducation, a-t-il conclu.
Session 2: Dialogue interactif avec les 10 membres du Groupe d’experts chargé d’appuyer le mécanisme de facilitation des technologies
Les participants au Forum sur la science, la technologie et l’innovation ont eu l’occasion de faire connaissance avec les nouveaux membres du Groupe d’experts chargé d’appuyer le travail du Mécanisme de facilitation des technologies, et dont le mandat couvre la période 2018-2019. Ces nouveaux membres se sont engagés à partager leur expérience et leur savoir-faire avec le Mécanisme de facilitation des technologies et partant, avec la communauté mondiale, dans l’optique de la réalisation des objectifs de développement durable.
Le Mécanisme de facilitation des technologies est une émanation du Programme d’action d’Addis-Abeba et a été entériné par le Sommet des Nations Unies sur le développement durable en septembre 2015. Il est destiné à appuyer la mise en œuvre des 17 objectifs de développement durable.
Ce mécanisme comprend une équipe de travail interinstitutions des Nations Unies sur la science, la technologie et l’innovation, qui regroupe actuellement 25 entités des Nations Unies. Il comprend également un forum annuel multipartite sur la science, la technologie et l’innovation, dont la troisième édition a débuté ce matin, et une plateforme en ligne qui sert de passerelle pour l’échange d’informations sur les initiatives, les mécanismes et les programmes existants dans ces domaines.
Le groupe de 10 experts est composé de représentants de la société civile, du secteur privé et de la communauté scientifique. Ils ont pour rôle de conseiller l’équipe de travail interinstitutions des Nations Unies, en particulier sur les préparatifs des réunions annuelles du Forum multipartite et sur le soutien au développement et à l’opérationnalisation de la plate-forme en ligne. La première équipe de 10 experts avait été nommée le 29 janvier 2016 pour un mandat de deux ans.
Au cours de cette deuxième session du Forum multipartite, coprésidée par M. TOSHIYA HOSHINO, Représentant permanent adjoint du Japon auprès des Nations Unies, et M. JUAN SANDOVAL-MENDIOLEA, Représentant permanent adjoint du Mexique auprès des Nations Unies, l’animateur, M. GEORGE ESSEGBY, Directeur de l’Institut de recherche sur les politiques scientifiques et technologiques du Ghana, et ancien membre du groupe d’experts, a rappelé aux experts que le monde attend d’eux des mesures concrètes pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Les experts ont répondu à cet appel par des promesses de participation en fonction de leurs spécialités. « De par mon expérience, je peux apporter des conseils sur les besoins technologiques des pays en développement », a promis la coprésidente du Groupe d’experts. Mme AGNES LAWRENCE KIJAZI, Directrice générale de l’Agence tanzanienne de météorologie, a ainsi suggéré de rendre véritablement efficace tout transfert technologique en l’accompagnant de renforcements des capacités des PMA.
« L’un des rôles du groupe d’experts est de motiver les parties prenantes pour qu’elles s’impliquent, que ce soit au sein des gouvernements qu’en dehors », a renchéri M. VAUGHAN TUREKIAN, coprésident du groupe d’experts et Directeur principal aux Académies nationales des sciences, de l’ingénierie et de la médecine des États-Unis.
M. PAULO GADELHA, Coordinateur de la stratégie FIOCRUZ pour le Programme 2030 à la Fondation Oswaldo Cruz du Brésil, a de son côté assuré qu’il allait veiller à ce que la problématique de la santé ne soit pas oubliée. « La santé est un élément très important du développement économique », a-t-il souligné en rappelant que ce secteur représente parfois près de 10% du produit intérieur brut (PIB) de certains pays, comme c’est le cas pour le Brésil.
« Je vais faire parler mon expérience en science de la terre et en télédétection » a annoncé à son tour M. HUADONG GUOHO, Président de la Commission académique de l’Institut de télédétection de l’académie chinoise des sciences.
Le secteur privé est également représenté au sein du groupe d’expert par le biais de M. JOSE RAMON LOPEZ-PORTILLO ROMANO, Président de Q Element, un groupe de réflexion et de conseil numérique composé d’experts en politiques publiques, en affaires et en innovation technologique. M. Romano a promis de partager sa riche et vaste expérience de diplomate, fonctionnaire international, universitaire et entrepreneur.
M. MICHIHARU NAKAMURA (Japon), Conseiller principal et ancien Président de l’Agence japonaise des sciences et technologies, a expliqué que son expérience lui avait enseigné que la science, la technologie et l’innovation peuvent induire des transformations socioéconomiques. Des transformations peuvent également voir le jour grâce aux transferts de technologies, a expliqué Mme ŜPELA STRES, Chef du Centre de transfert de la technologie et de l’innovation de l’Institut Jozef Stefan de Slovénie. La Slovénie a énormément bénéficié de ces transferts au niveau européen, a-t-elle témoigné en promettant de partager cette expérience au sein du groupe des 10 experts. Un groupe d’éminents experts pour lequel Mme ANNE-CHRISTINE RITSCHKOFF, Conseillère principale au Centre de Recherche Technique VTT de Finlande, a dit être honorée de faire partie.
Une participante à cette session a insisté sur l’importance pour le groupe d’experts de s’assurer que la technologie ne vienne pas détruire l’harmonie entre l’homme et la nature. Un de ses collègues a partagé ce vœu, non sans insister sur la prise en compte des savoirs autochtones.
Deux membres du Groupe d’experts n’ont pu assister à la séance d’aujourd’hui. Il s’agit de Mme ADA YONATH, Prix Nobel de chimie et Directrice du Centre Helen et Milton A. Kimmelman pour la structure et l’assemblage biomoléculaires de l’Institut Weizmann des sciences d’Israël, et Mme HEIDE HACKMANN, Directrice exécutive du Conseil international des sciences (ICSU) d’Afrique du Sud.
Session 3: Débat interactif sur la science, la technologie et l’innovation au service de sociétés viables et résilientes – Focalisation sur les objectifs de développement durable sur l’eau et l’assainissement
Cette table ronde a commencé par la présentation de trois projets pour assainir l’eau. Le premier est un produit indien, présenté par M. SREEKUMAR THALIYIL VEEDU et dénommé « Technorbital Drinking systems ». Il sert à remplacer l’utilisation de bouteille plastique pour conserver l’eau. Le traitement de l’eau coûte 0,06 dollar par litre d’eau et le matériel vaut 12 dollars. Le deuxième projet, la « SweetSense Remote Water Monitoring Plateform », de M. DEXTER GAUNTLETT, consiste au contrôle à distance et en temps réel de la qualité de l’eau et des réseaux de distribution des eaux. Le troisième projet, de Mme SYDNEY GRAY, est la « Maji Mamas » qui aide les femmes à construire des réservoirs d’eau à coût réduit et à proximité des habitations.
Il faut rappeler que 1,6 milliard de personnes dans le monde doivent faire 30 minutes de marche à pied chaque jour pour puiser l’eau nécessaire à la vie domestique, a indiqué à ce propos Mme SPELA STRES, animatrice de la table ronde. Elle a souligné en outre que plus de 30% de la population mondiale n’ont pas accès à l’eau potable. Que peut-on faire pour réaliser les objectifs de développement durable relatifs à l’eau et à l’assainissement? a-t-elle demandé pour lancer la discussion.
Il faut développer la coopération dans ce domaine, a répondu Mme KATALIN ANNAMARIA BOGYAY (Hongrie), une coopération qui doit permettre de garantir l’accès de tous à des services d’assainissement et d’alimentation en eau gérés de façon durable. Elle a aussi mis l’accent sur l’importance de la récupération des eaux usées dont le coût pourrait être réinvesti dans la réalisation de l’accès universel à l’eau et à l’assainissement.
Au titre de la coopération entre États, le Royaume-Uni entreprend dans des pays africains divers projets liés à l’eau. Ils visent notamment à gérer les pluies pour aider les cultivateurs à faire face aux changements climatiques, ou à appuyer les partenariats avec les ménages les plus pauvres pour offrir des toilettes à bas coût. C’est ce qu’a indiqué la Conseillère scientifique principale du Royaume-Uni, Mme CHARLOTTE WATTS, en précisant que 6 000 toilettes de ce type sont ainsi utilisées au Kenya, tandis qu’en Gambie, plus de 30 000 familles bénéficient d’une technologie très simple qui permet de réparer les pompes à eaux défectueuses.
D’après le Directeur de l’innovation de Rotoplas au Mexique, M. ERNESTO RODRIGUEZ LEAL, pour atteindre l’objectif de l’accès à l’eau et à l’assainissement, il faut des produits adaptés aux moyens et aux besoins des usagers. Une piste serait de rapprocher le public des universités, car celles-ci ont la capacité de développer des solutions. Il a aussi conseillé d’appliquer des technologies exponentielles, afin de réduire les coûts.
Pour un participant de la société civile de la Bolivie, la priorité est l’adduction en eau dans les zones rurales et maritimes. Le secteur privé a un rôle à jouer dans ce domaine, notamment pour la création d’aqueducs, a-t-il dit. Un autre membre de la société civile a insisté sur le lien entre la fourniture d’eau et les changements climatiques. Elle a estimé que la nature prend soin d’elle-même et fait valoir que ce sont plutôt la science, la technologie et l’innovation qui copient la nature. Enfin, face au risque de manque d’eau, l’Algérie a espéré le développement de nouvelles technologies. Il a parlé des fougarras, un système d’irrigation permettant de récolter les eaux d’infiltration pour les redistribuer aux usagers aux fins d’irrigation.
Session 4: Débat Interactif sur la science, la technologie et l’innovation au service des modes de consommation et de production durables
Ce débat, qui était modéré par Mme ANNE-CHRISTINE RITSCHKOFF, du Centre de recherche technique VTT de la Finlande, a commencé avec la présentation des projets des deux lauréats du « Call for Innovations for the STI Forum ». M. GERALD MARIN, FoPo Food Power, a d’abord présenté une farine faite à partir de fruits et légumes inaptes à la vente. Il a expliqué qu’un tiers des aliments produits à l’échelle mondiale sont gaspillés, dont des milliers de tonnes de fruits et de légumes parce qu’ils sont jugés « pas suffisamment beaux » pour le consommateur. Ces fruits et légumes peuvent être lyophilisés et transformés en farine d’une durée de vie de deux ans. Une farine riche en nutriments qui peut ensuite être utilisée pour faire des smoothies ou pour servir de base à la création d’autres préparations alimentaires. M. Marin cherche à lever 2,15 millions de dollars pour mener à bien ce projet.
Le deuxième produit présenté est une méthode de culture alternée. Mme MARIAN VAN NOPPEN et M. FRED MEYER, Inga Alley-Cropping for Sustainability, ont d’abord rappelé que l’agriculture sur brulis détruit les forêts primaires, ce qui les a poussés à développer une méthode de culture alternée qui permet de réduire le recours à la technique susmentionnée. Son efficacité a été démontrée scientifiquement, ont-ils argué en précisant que la diffusion du système se fait de bouche à oreille. La méthode passe par la plantation de millions d’arbres.
La parole a ensuite été donnée à des experts. M. SHENGGEN FAN, Directeur général de l’Institut International pour la recherche sur la politique alimentaire, a indiqué que les aliments n’ont pas tous la même empreinte sur le plan environnemental. La culture du bœuf génère par exemple 20 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre de plus que la culture de légumineuses. Les pertes et le gaspillage alimentaires représentent 8% des émissions de gaz à effet de serre. En outre, 30% des terres arables sont utilisées pour produire des aliments qui ne seront jamais consommés. Ainsi, une amélioration de la production des aliments permettrait de réduire de 14% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, a-t-il indiqué. Il a signalé que, dans les pays en développement, la majorité des denrées sont gaspillées au niveau de la récolte et de la mise en condition, tandis que dans les pays développés 40% des pertes se font au niveau de la vente ou du consommateur.
L’expert a appelé à appuyer l’innovation technologique pour améliorer les taux de rendement et créer des variétés plus résistantes aux aléas climatiques. Il a aussi invité à revoir les politiques de subventions qui favorisent la production d’aliments ayant une faible teneur nutritive. Il faut aussi fixer des prix qui reflètent le véritable coût environnemental de la production, a-t-il ajouté avant de plaider pour une protection sociale pour couvrir les plus vulnérables et leur permettre d’avoir accès à des aliments sains et nutritifs. Autre recommandation de M. Fan: innover au niveau politique pour taxer les produits ayant un important impact sur l’environnement, comme le bœuf.
Mme ERIKA KRAEMER-MBULA, professeur à l’Université de Johannesburg, a indiqué qu’en Afrique, avec les tendances démographiques actuelles, la population du continent doublera en taille d’ici à 2050, ce qui en fera le continent avec la plus importante main d’œuvre au monde. Des défis notables devront toutefois être surmontés, les trois quarts des jeunes étant actuellement sans emploi ou occupant un emploi précaire. Elle a indiqué que les petites et micro-entreprise joueront un rôle très important en matière de création d’emploi, citant le fait que 75% des travailleurs agricoles sont employés dans le secteur informel. D’ailleurs les économies informelles servent d’incubateurs d’innovations et adhèrent souvent aux principes d’innovation circulaire, a-t-elle remarqué. Elle a souligné également la rapidité de la propagation des idées dans ce secteur, ce qui en fait une plateforme importante pour l’innovation technologique. L’experte a cité en exemple la création de start-ups sur l’accès à la santé et à l’éducation pour les communautés reculées ou encore la livraison de médicaments par drones. Malgré des défis d’ordre financier, de nombreuses petites entreprises ont réussi à survivre en privilégiant la collaboration, a-t-elle précisé.
M. MARCO VAN DER REE, de Climate-KIC de l’Institut européen d’innovation et de technologie, a indiqué que Climate-KIC est une initiative de l’Union européenne rassemblant 300 partenaires, dont des villes, des start-up ou encore des universités, en vue de promouvoir et de mettre en œuvre les idées susceptibles d’atténuer les conséquences des changements climatiques. Des changements graduels ne suffiront pas si l’on veut que l’Union européenne atteigne les objectifs de l’Accord de Paris, a-t-il averti en recommandant plutôt de « brûler les étapes ». Il a noté que l’objectif 12 de développement durable relatif à une production et consommation durables est moins enthousiasmant que d’autres objectifs, notamment parce que « cet objectif touche à notre identité même de consommateur ». Il a cité diverses initiatives appuyées par l’Institut dont le Climathon qui aura lieu le 26 octobre et permettra aux habitants des villes partenaires de rivaliser d’idées « vertes ». Il a également mentionné l’initiative « City tree » qui installe des panneaux de mousse dans 30 villes pour capturer les émissions de carbone.
M. ARUN SUNDARARAJAN, professeur à la Stern School of Business de New York University (NYU) et auteur du livre The Sharing Economy, a indiqué qu’outre l’innovation, la technologie numérique porte aussi sur l’amélioration de l’efficacité. L’économie de partage dans les transports, par exemple, favorise le covoiturage et incite à éviter l’achat d’une voiture. La plateforme « blablacar.fr » permet par exemple au propriétaire d’une voiture de vendre les sièges qui demeurent vacants dans son véhicule à toute personne souhaitant faire un trajet analogue. Ce système, s’est-il félicité, transporte trois fois plus de gens que le réseau ferroviaire américain. Il a également cité le site airbnb.com, et ceux qui établissent des réseaux directs entre les producteurs durables et les consommateurs, comme « la ruche qui dit oui ». Il a prédit que d’ici à quelques années il sera possible de redistribuer l’énergie solaire produite par une maison vers d’autres localités. Il a ensuite fait observer que les systèmes participatifs renforcent la responsabilité des consommateurs, en Inde notamment où une initiative permet de sensibiliser à la consommation en eau. Parmi les obstacles à surmonter, il a mentionné notamment la mainmise des grandes structures sur certaines plateformes numériques. Il a conclu en appelant à élaborer des systèmes cohérents de services gratuits via ces plateformes pour ne pas en faire des modèles qui privilégieraient uniquement les transactions commerciales.
Participant à la discussion, la représentante de l’Université de Rockefeller a fait savoir que cette institution applique en son sein un nouveau modèle de viabilité qui porte notamment sur des projets de recyclage d’eau, la création de systèmes de chauffage et de refroidissement novateurs et le recyclage des déchets, notamment dans ses laboratoires. Le grand groupe des jeunes et des enfants a appelé à privilégier les systèmes économiques durables et à appliquer des règles à cette fin, déplorant les obstacles systémiques et structurels dans les communautés les plus pauvres. Il a aussi insisté sur l’importance de sensibiliser les consommateurs, pour ensuite s’attarder sur l’impact des industries extractives.
Le représentant de Madagascar a ensuite parlé de sa politique d’agriculture urbaine et de son appui au Pacte de Milan qui porte sur l’approvisionnement des villes en fruits et en légumes. Les entreprises du pays sont incitées à intégrer l’agriculture urbaine dans leurs politiques sociales, a-t-il aussi indiqué, expliquant que cette forme d’agriculture permet de combattre la pauvreté, de renforcer la sécurité alimentaire et de créer des villes vertes.
Session 5: Débat interactif sur la science, la technologie et l’innovation pour les écosystèmes terrestres durables
Cette session a permis aux participants d’explorer le potentiel de la science, la technologie et l’innovation pour la réalisation de l’objectif 15 de développement durable relatif aux écosystèmes terrestres durables.
Le constat est malheureusement peu reluisant, les écosystèmes terrestres sont loin d’être conservés de manière durable. Chaque année, 13 millions d’hectares de forêts sont perdus tandis que la dégradation continuelle des zones arides a conduit à la désertification de 3,6 milliards d’hectares. En outre, le taux de disparition des terres arables est 30 à 35 fois supérieur que par le passé et la dégradation des terres touche 1,5 milliard de personnes dans le monde, dont 74% des pauvres de la planète. Sur 8 300 espèces d’animaux d’élevage connues, 8% ont disparu et 22% sont en voie d’extinction.
Face à ce tableau sombre, « il faut agir pour préserver les écosystèmes terrestres en se servant de la science, la technologie et l’innovation », a plaidé l’animateur du débat, M. HUADONG GUOHO, Président de la Commission académique de l’Institut de télédétection de l’académie chinoise des sciences.
Le sol est la base même de la vie sur terre, a rappelé Mme INGER ELISABETH MÂREN, de l’Université de Bergen en Norvège. Elle a aussi noté que l’homme est à la fois dominateur de la vie sur terre et dans le même temps pratiquement « insignifiant », puisqu’il ne représente même pas 1% de la biodiversité. L’Homme a néanmoins modifié près de 40% de la superficie terrestre notamment pour satisfaire ses besoins nutritifs. Elle a précisé que contrairement aux idées reçues, la plus grande partie de la production agricole mondiale est le fruit du travail des petits exploitants agricoles, et non pas de l’agro-industrie.
Aujourd’hui, la biodiversité est donc menacée principalement par la mauvaise utilisation des sols, et non pas par les changements climatiques. C’est pourquoi il faut changer notre manière de gérer les sols et faire que la science, la technologie et l’innovation permette de gérer durablement la biosphère.
Ce serait très appréciable en Afrique, a plaidé Mme SKUMSA KATHLEEN AUDREY MANCOTYWA, Directrice du Département des affaires environnementales d’Afrique du Sud. L’experte a relevé que cela exige une volonté politique et une mise en œuvre accélérée des cadres et traités internationaux pertinents au niveau de chaque pays. Il faut également veiller à ce que les pays en développement aient accès aux résultats des recherches scientifiques et s’en servent pour établir des politiques appropriées de protection de la biodiversité.
L’approche de l’Afrique du Sud, a-t-elle indiqué, tient désormais compte de la protection de la biodiversité dans les activités économiques, y compris dans les activités liées au secteur minier. Un programme de 100 millions de dollars a ainsi permis la restauration des terres humides dans le cadre d’un programme gouvernemental qui a de surcroît créé plus de 23 000 emplois, s’est-elle félicitée. Relevant toutefois le manque de fonds pour ce genre d’initiatives, Mme Mancotywa a plaidé pour un partenariat public-privé.
C’est également l’engagement de toutes les parties prenantes qu’a demandé M. DIDIER BABIN, le Président du Conseil international de coordination du Programme sur l’homme et la biosphère de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et Président du Comité français sur le Programme sur l’homme et la biosphère de l’UNESCO. Il a averti que les pertes en biodiversité représentent des risques pour les générations futures. « C’est pour cela que le développement durable n’est pas une option, mais une obligation. » Il a expliqué qu’il fallait utiliser le potentiel de la biosphère, en mettant à contribution toutes les connaissances, y compris celles qui sont endogènes, en gardant le souci de la solidarité intergénérationnelle.
Mme MÂREN, de l’Université de Bergen en Norvège, a souligné, dans la même veine, que « notre fascination pour l’innovation nous a conduits à ignorer de plus en plus les connaissances des peuples autochtones en matière de gestion des écosystèmes ». L’UNESCO a pris l’initiative de pallier la perte de la biodiversité tout en s’appuyant sur les savoirs autochtones, par un programme qui a permis de créer des moyens de subsistance pour plus de 250 millions de personnes à travers le monde.
M. BABIN, de l’UNESCO France, a enchaîné en proposant que les instituts nationaux de statistiques puissent également suivre l’évolution de la biodiversité et la chiffrer, en plus de leur fonction traditionnelle qui consiste à mesurer les données démographiques et économiques. Il a également appelé à un partenariat entre le Mécanisme de facilitation des technologies et le Programme sur l’homme et la biosphère de l’UNESCO qui couvre pas moins de 600 aires protégées de la planète. Selon lui, une telle initiative permettrait de « mettre à contribution la science, la technologie et l’innovation pour suivre l’état de santé des écosystèmes et établir des données transparentes qui seraient accessibles à tous ».
C’est l’interaction entre les insectes et les plantes, vieille de millions d’années, qui a intéressé M. SURESH NAIR, Chef du groupe d’interaction plante-insecte du Centre international de génie génétique et de biotechnologie de l’Inde. Il a relevé qu’entre 14 et 18% des plantes sont perdues avant maturité du fait de l’œuvre nuisible des insectes. Des recherches scientifiques se sont penchées sur ce problème et ont permis d’isoler les gènes les plus résistants aux insectes chez les plantes. Cela a abouti à la préservation de terres, car la pratique veut que l’on délaisse une zone peu rentable pour rechercher de nouveaux espaces agricoles, provoquant de ce fait la déforestation. Selon ce chercheur, il est crucial pour la science d’identifier les insectes les plus nuisibles et leur mode opératoire, afin de mieux protéger les plantes utiles à la nutrition de l’homme.
Au cours de cette session présidée par M. TOSHIYA HOSHINO, Représentant permanent adjoint du Japon auprès des Nations Unies, de nombreux orateurs ont également souligné les risques liés au mauvais usage de l’innovation, notamment par des groupes privés mus par la recherche effrénée du gain. Mme Mâren de l’Université de Bergen en Norvège a prévenu que si ce sont les humains le problème, alors ce sont les humains qui doivent être la solution, étant donné que nous n’avons pas de planète alternative.