Session de 2018,
20e et 21e séances – matin & après-midi
ECOSOC/6910

L’ECOSOC ouvre son Segment de l’intégration en quête des technologies et d’innovation pour bâtir des sociétés durables et résilientes

« La technologie et l’innovation doivent aider à réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement ».  Tels furent l’appel et le vœu du Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Liu Zhenmin, à l’ouverture, ce matin, de la cinquième édition du segment du Conseil économique et social (ECOSOC) dédié à l’intégration.

Avec pour thème « Communautés innovantes: tirer parti de la technologie et de l’innovation pour bâtir des sociétés durables et résilientes », cette session s’étale sur trois jours, avec des tables rondes, des panels de discussion et un débat général, en rassemblant les principales parties prenantes -États, système des Nations Unies, organisations internationales, secteur privé, universités et société civile-.  Il est question pour eux de discuter de solutions innovantes aux niveaux national, régional et mondial sur les moyens d’améliorer la résilience des sociétés et gérer les risques grâce à la technologie, tout en mettant l’accent sur les plus vulnérables, en droite ligne du Cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015–2030.

Il faut rappeler que l’ECOSOC s’était vu confier un rôle clef dans l’intégration des dimensions économique, sociale et environnementale du développement durable dans le Document final de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20) et dans la résolution 68/1 de l’Assemblée générale. 

Pour contribuer à cette intégration des piliers du développement durable, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales a invité à tirer parti du mécanisme de facilitation des technologies.  Selon M. Liu, ce mécanisme pourrait contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable notamment en soutenant les efforts des communautés locales.  En référence au thème de la session, il a rappelé que la technologie et l’innovation doivent aider à bâtir des capacités de prévention de risques.  Le Vice-Président de l’ECOSOC, M. Mahmadamin Mahmadaminov (Tadjikistan), a même assuré que la technologie et l’innovation sont deux éléments « facilitateurs » dont l’usage approprié, efficace, équitable et durable peut soutenir les efforts de construction et de maintien de sociétés résilientes. 

C’est d’ailleurs ce qui se fait déjà au Tadjikistan.  Son Vice-Ministre du développement économique et du commerce, M. Kamoliddinzoda Ilios Jamoliddin, a expliqué que « dans un contexte de crises, dont la dégradation de l’environnement et une crise alimentaire », le pays se concentre sur des approches novatrices censées l’aider à mieux gérer les conséquences des changements climatiques.  Il a ainsi parlé de la construction d’infrastructures hydroélectriques et bien d’autres, utiles pour le développement et le renforcement de la résilience des communautés.

En outre, les échanges de cette première journée ont permis de noter que les sociétés et groupes vulnérables peuvent gagner en résilience grâce à la technologie et l’innovation.  « Pour parler de groupes vulnérables, regardez tout simplement la situation des personnes handicapées », a suggéré la Conseillère principale à « International Disability » au cours d’une table ronde.  Elle a noté que les femmes handicapées font face à une double vulnérabilité, et qu’une société résiliente se fonde sur des valeurs telles que l’égalité, le partenariat et le respect des droits.  La vulnérabilité se vit aussi en fonction du genre, a poursuivi une conférencière du King’s College de New York qui a parlé d’une recherche qu’elle a menée en Inde, et qui laisse voir que les femmes des villes y sont plus vulnérables à l’insécurité que les hommes. 

Loin de se résigner, les populations ont également « cette volonté de rechercher des solutions à leurs problèmes », ce que la psychologue Rashmi Jaipal a appelé la « résilience psychologique ».  Elles se servent ainsi parfois de la technologie qui est souvent gracieusement offerte par des inventeurs comme le Président-Directeur général de Volute Inc., M. Daniel Recht, qui a souligné que chacun est libre de les utiliser ou non. 

Mais attention, la technologie à elle seule n’est pas suffisante pour faire face aux défis auxquels sont confrontées les populations pauvres, a relevé la fondatrice et Directrice de Society for Promotion of Area Resource, Mme Sheela Patel.  Elle a rappelé que plus d’un tiers des enfants de Bombay sont pauvres, sans éducation, sans accès aux soins, sans domicile, mais ils ont pourtant accès à des téléphones intelligents.  Un autre paradoxe a été souligné par la Vice-Présidente de la vingtième session du Comité des politiques du développement.  Mme Sakiko Fukuda-Parr a déploré le fait que des investisseurs privés s’appuient sur les brevets pour contrôler la technologie et l’innovation, alors que ce sont les pays les moins avancés qui en ont le plus besoin pour renforcer leur résilience.

Mme Patel s’est du reste félicitée de la résilience des jeunes, comme cette jeune fille de 14 ans qui a créé une application pour signaler les abus dont sont victimes les filles sur Internet.  La représentante du grand groupe des jeunes et des enfants a assuré que le 1,8 milliard de jeunes du monde, dont 84% vivent dans les pays en développement, ont besoin d’éducation et de capacitation pour résoudre leurs problèmes.  Les obstacles que rencontrent les femmes et les filles pour accéder aux technologies ont été aussi mentionnés, sans oublier le cas des populations autochtones qui, bien que vulnérables, sont « l’exemple vivant de ce que c’est que la résilience », si l’on considère les multiples exactions qu’elles ont dû endurer.

 Cette première journée du segment sur l’intégration s’est achevée par un débat général alors que de courtes vidéos ont aussi permis de visionner le quotidien des populations en proie aux défis de la résilience.

La session de l’intégration se poursuit demain, mercredi 2 mai, dès 10 heures, avec un débat sur les infrastructures et la durabilité.

DÉBAT CONSACRÉ À L’INTÉGRATION

Déclarations

M. MAHMADAMIN MAHMADAMINOV (Tadjikistan), Vice-Président de l’ECOSOC, a souligné que malgré les progrès déjà accomplis en vue de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et modeler « l’avenir que nous voulons », le monde est toujours marqué par des incertitudes économiques, une hausse des inégalités et des conséquences de plus en plus fortes des changements climatiques.  Dans la droite ligne du mandat de l’ECOSOC, qui est de servir de plateforme centrale pour promouvoir le dialogue et explorer des solutions intégrant tout le monde, ce segment 2018 sur l’intégration va réunir, a-t-il relevé, des parties prenantes clefs.  Le but est d’analyser les possibilités de construction de la résilience à travers des politiques intégrées, et avec comme objectif final la réalisation du Programme 2030.  Comment les décideurs peuvent-ils utiliser des politiques intégratives pour renforcer la résilience et l’inclusion dans le but de réaliser le Programme 2030 à tous les niveaux? 

Le segment doit également permettre l’échange des meilleures pratiques sur les technologies et l’innovation pour bâtir un avenir résilient, a ajouté le Vice-Président de l’ECOSOC.  Il est censé en outre présenter des exemples d’instruments politiques et de mécanismes utiles dans la gestion des risques.  Enfin, le segment doit discuter de la technologie et de l’innovation sous l’angle de leur capacité à renforcer les politiques publiques et les structures de gouvernance afin de favoriser des sociétés durables et résilientes. 

Le Vice-Président de l’ECOSOC a ensuite souligné combien la résilience est importante, tant pour les pays développés que pour ceux en développement, tout en remarquant qu’il n’y a pas de programme qui la définisse clairement ni ne prévoie comment y parvenir.  En effet, a-t-il rappelé, les approches et définitions des concepts multidimensionnels de résilience et de vulnérabilité peuvent varier.  Mais les moyens d’avancer ont déjà été identifiés et les outils y afférents sont contenus dans le Programme 2030, a poursuivi M. Mahmadaminov en citant la technologie et l’innovation, deux éléments « facilitateurs » dont l’usage approprié, efficace, équitable et durable peut soutenir les efforts de construction et de maintien de sociétés résilientes. 

Il a aussi parlé des défis complexes que posent la technologie et l’innovation, sur les plans de la politique et des ressources, de même qu’en termes de fossé technologique et de capacités.  Des défis auxquels il faut s’attaquer de manière urgente, a-t-il précisé.  Si les politiques et structures nationales vont continuer d’être au cœur des efforts de mise en œuvre, il a recommandé que les actions, à tous les niveaux, soient concertées et cohérentes.  Il faut aussi veiller à la mise en place et au maintien de voies de collaboration solides avec tous les partenaires, sur la voie de la réalisation des objectifs de développement nationaux auxquels chacun adhère.

M. KAMOLIDDINZODA ILIOS JAMOLIDDIN, Vice-Ministre du développement économique et du commerce du Tadjikistan, a rappelé que son pays était recouvert de 93% de montagnes et que celles-ci constituent une source importante d’eau pour toute l’Asie centrale.  Il n’en reste pas moins, s’est-il inquiété, que le Tadjikistan est extrêmement vulnérable car il est exposé aux changements climatiques dont les effets ont provoqué de graves destructions et des pertes financières.  Ce qui n’empêche pas le pays de continuer de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 « dans un contexte de plusieurs crises, dont la dégradation de l’environnement et une crise alimentaire », a-t-il indiqué.

Le Tadjikistan se concentre sur des approches novatrices censées l’aider à mieux gérer les conséquences des changements climatiques, a poursuivi le Ministre.  M. Jamoliddin a ainsi parlé de la construction d’installations hydroélectriques qui doivent contribuer à réduire les menaces liées à l’eau.  Il a estimé que les ressources renouvelables étaient essentielles pour le développement et assuré que le Tadjikistan continuerait à coopérer avec l’ONU et d’autres partenaires pour aller de l’avant dans la réalisation du développement durable. 

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a déclaré que le rythme rapide des changements technologiques et de l’innovation ne permettait pas toujours aux gouvernements de tirer parti des innovations technologiques et d’en faire profiter les plus vulnérables.  Pourtant, la science offre des solutions aux différents problèmes auxquels les pays font face, y compris, lorsqu’ils visent en priorité à ce que « personne ne soit laissé de côté. »  La hausse des émissions de gaz à effet de serre que le monde a connue ces dernières années reste la menace la plus sérieuse, a averti M. Liu qui a appelé à la mise en œuvre de stratégies claires afin de trouver des solutions pour parvenir à un développement plus durable.  La technologie et l’innovation peuvent contribuer à la création d’emplois, a-t-il fait valoir.  Il a ajouté que ces atouts donnent l’occasion de renforcer la durabilité des villes, faciliter la mise en place de moyens de transport, et mieux gérer les ressources naturelles. 

M. Liu a poursuivi en expliquant que si le modèle de consommation actuel menace les océans, il peut être combattu par la pratique de la pêche durable et par la lutte contre la pollution marine.  En définitive, la technologie et l’innovation doivent aider à réaliser le Programme 2030 et le Plan d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, a-t-il souligné en rappelant que ces programmes prévoient la création du mécanisme de facilitation des échanges de technologies.  M. Liu a indiqué trois pistes vers lesquelles ce mécanisme doit s’orienter pour contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable: soutenir les efforts des communautés locales; être inclusive; adopter une approche intégrée.  En dernier lieu, la technologie et l’innovation doivent aider à bâtir des capacités de prévention de risques, a-t-il conclu. 

La recherche de la résilience et de la durabilité: saisir le moment

Animée par M. EDUARDO PORTER, Journaliste au New York Times, cette première table ronde qui portait sur le thème « La recherche de la résilience et de la durabilité: saisir le moment » devait apporter des réponses à trois questions sur le rôle de la technologie face aux changements climatiques, l’accès aux technologies et les défis de l’inclusion technologique, et le rôle de la mobilisation des jeunes autour de la technologie. 

C’est d’abord le Président-Directeur général de Volute Inc., M. DANIEL RECHT, qui a pris la parole pour donner des exemples d’innovations technologiques développées par son entreprise pour faire face notamment aux ouragans ou aux accidents aériens.  M. Recht est aussi Ingénieur en chef d’OtherLab, une entreprise en Californie dont les fondateurs se définissent comme « des scientifiques espiègles, des rêveurs pratiques, qui œuvrent pour rendre le monde tel qu’il doit être ».  Le panéliste a souligné que si la technologie offre des choix et des solutions divers, ce qui manque c’est parfois la volonté de déployer ces innovations.  En d’autres termes, « les inventeurs ne font qu’inventer des solutions mais la suite appartient à tout le monde », a-t-il dit en soulignant que chacun est libre de les utiliser ou non.

De plus, la technologie à elle seule n’est pas suffisante pour faire face aux défis auxquels sont confrontées les populations pauvres, a relevé la Fondatrice et Directrice de Society for Promotion of Area Resource, Mme SHEELA PATEL.  À cet égard, elle a rappelé que plus d’un tiers des enfants de Bombay sont pauvres, sans éducation, sans accès aux soins, sans toits, mais ils ont pourtant accès à des téléphones intelligents.  Dans la recherche de solutions, Mme Patel a suggéré de reconnaître l’apport du secteur informel et du travail non rémunéré, en tenant compte des modes de vie des personnes vulnérables.  Elle a aussi plaidé pour la participation des jeunes aux efforts de développement, avant de dénoncer la division artificielle entre le monde urbain et le monde rural.  « C’est une fiction contre laquelle il faut trouver de nouvelles formes de solution. »  Mme Patel a insisté sur l’importance d’inclure les pauvres dans le processus de développement, tout en montrant du doigt les dirigeants qui en restent à une vision du XVIIIe siècle en prenant les pauvres pour des ennemis.  « Les pauvres font face, au quotidien, aux inondations, aux pollutions et aux crises de toutes sortes, et donc ils ont des solutions », a-t-elle clamé.

« Quel rôle pour les jeunes et comment mobiliser la jeunesse pour faire pression sur les gouvernements afin de trouver de nouvelles solutions pour le développement? » a enchaîné Mme JOLLY AMATYA, du grand groupe des enfants et des jeunes.  Comme les jeunes du monde entier représentent 1,8 milliard de personnes et que 84% d’entre eux vivent dans les pays en développement, il faut faire en sorte qu’ils aient la capacité de résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés, a-t-elle dit.  Selon elle, la situation de fragilité actuelle ne décourage pas mais pousse à trouver des solutions pour respecter les droits de l’homme, investir dans l’éducation et promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie. 

De leur côté, a poursuivi Mme Amatya, les jeunes doivent prendre conscience de leur pouvoir.  Ils ont aussi besoin d’un leadership stratégique à tous les niveaux et de partenariats entre les générations.  Elle a préconisé d’intégrer les jeunes dans les processus de prise de décisions, notamment les jeunes de moins de 30 ans qui représentent la moitié de la population mondiale.  Toutes les plateformes doivent être utilisées en tenant compte de chaque situation spécifique, a-t-elle résumé.  Elle a aussi invité les jeunes à contribuer à réaliser au niveau national les objectifs du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe.  En effet, a estimé Mme Amatya, les nombreux programmes, plans et projets internationaux ne seront efficaces que s’ils sont mis en œuvre au niveau national.  La clef est l’inclusion, a-t-elle fait valoir, car sans inclusion des jeunes vulnérables et des jeunes des minorités, le Programme 2030 ne sera qu’un rêve, et le dividende démographique se transformera en catastrophe démographique.

« Quelle est l’urgence aujourd’hui et maintenant? » a demandé le modérateur aux intervenants.  Pour le Président-Directeur général de Volute Inc., la priorité c’est la généralisation de l’utilisation des énergies renouvelables, tandis que pour la représentante du grand groupe des enfants et des jeunes, c’est le financement qui est le plus important.  Ce dernier a également plaidé pour que les solutions répondent à des besoins concrets, c’est-à-dire qu’elles soient adaptées au contexte et aux besoins locaux.  Par ailleurs, l’ONU doit aussi contribuer à la résilience, a-t-elle souhaité en appelant à une cohésion institutionnelle dans tout le système des Nations Unies, et à la mise en pratique d’une feuille de route aux niveaux national et local.  Pour ce qui le concerne, l’ECOSOC doit continuer de jouer son rôle de plateforme d’échanges de savoir-faire et des pratiques optimales, a estimé la représentante.

« Si les choses ne fonctionnent pas au niveau local, vous pouvez avoir les plus belles technologies, les meilleures innovations, cela ne résoudra rien », a prévenu la Directrice de Society for Promotion of Area Resource pour qui le vrai défi est de traduire les engagements internationaux au niveau local.  C’est ce que fait son organisation qui représente des pauvres urbains. 

Une intervenante de la Banque islamique de développement a demandé à ce que l’on intègre les connaissances et le savoir-faire autochtones pour aider les sociétés à être résilientes, en particulier dans les pays en développement.  Le Président-Directeur général de Volute Inc. a promis d’y réfléchir: « nous devons écouter ce que l’on veut nous dire, et examiner les problèmes pour trouver des solutions ».  Ce n’est pas un hasard si les entreprises de technologie californiennes vont sur le terrain, a-t-il poursuivi, expliquant l’importance de comprendre les réalités.

La représentante du grand groupe des enfants et des jeunes a elle aussi jugé importantes les connaissances autochtones en matière de prévention des risques.  Il faut en tenir compte dans les politiques, dans le cadre d’un dialogue multipartite, a-t-il suggéré.  Pour la Directrice de Society for Promotion of Area Resource c’est aux pauvres qu’il appartient d’exiger pour eux-mêmes la reconnaissance de leurs connaissances et de leurs droits.  « Les autochtones et les populations pauvres doivent se donner la main », a-t-elle ajouté. 

Une représentante de la société civile a demandé à ce que les obstacles que rencontrent les femmes et les filles pour accéder aux technologies ne soient pas oubliés.  Le Président-Directeur général de Volute Inc. a d’ailleurs fait remarquer que de nombreuses femmes travaillent dans les sociétés technologiques et que leurs contributions ont permis de faciliter l’accès des femmes et des filles aux technologies.  Il faut renforcer la résilience des jeunes, les autonomiser, a enfin plaidé le représentant du grand groupe des enfants et des jeunes en soulignant que la résilience et le développement durable ne sont pas deux choses différentes. 

Décoder la résilience et les vulnérabilités: construire des blocs pour 2030

Cette discussion a permis de « décoder » les concepts multidimensionnels de la résilience et des vulnérabilités.  La résilience s’entend ici comme la capacité de récupérer ou de s’ajuster facilement à la calamité ou au changement, ce qui peut avoir un impact significatif sur les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable.  Renforcer la résilience nécessite donc de prévenir et de réduire les risques de catastrophe, les phénomènes météorologiques extrêmes et autres risques naturels, les chocs économiques, les crises de santé publique, l’insécurité alimentaire et les crises hydriques, les lacunes institutionnelles, les dysfonctionnements de connectivité et les cyberattaques, entre autres.

Le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNISDR) souligne que la résilience est la capacité d’un système, d’une communauté ou d’une société exposée à des dangers d’y résister et de les absorber, de s’adapter à leurs effets et de s’en relever rapidement et efficacement, notamment en préservant et en rétablissant ses structures et fonctions essentielles.  Le Cadre d’action de Hyogo définit pour sa part la vulnérabilité comme les « conditions déterminées par des facteurs ou processus physiques, sociaux, économiques ou environnementaux qui accentuent la sensibilité d’une collectivité aux conséquences des aléas ».

Les participants à cette session ont donc présenté divers cas de vulnérabilité, avant de parler de l’importance et des modes de résilience, en soulignant le rôle de la technologie et de l’innovation dans la résilience des communautés. 

L’animateur du débat, M. VINICIUS PINHEIRO, Directeur, Représentant spécial de l’Organisation internationale du Travail (OIT) auprès des Nations Unies, a indiqué que le terme « résilience » est proche des concepts de résistance et de résignation.  En ce 1er mai, jour symbole pour son organisation, il a rappelé que c’est bien la résistance des travailleurs qui est célébrée, ces travailleurs qui ont résisté aux velléités de destruction du patronat et ont su faire respecter leurs droits.  Si la résilience fait plutôt référence aux mécanismes d’adaptation par rapport aux difficultés ambiantes, il a, a contrario, proscrit la résignation qui résulte souvent de l’intériorisation de nos vulnérabilités.

« Pour parler de groupes vulnérables, regardez tout simplement la situation des personnes handicapées », a suggéré Mme ORSOLYA BARTHA, Conseillère principale à « International Disability » (IDA).  Elle a noté que les femmes handicapées font face à une double vulnérabilité.  Elle a aussi parlé des sociétés dans lesquelles on cache les enfants handicapés qui font face à la stigmatisation.  Au contraire, a-t-elle dit, une société résiliente se fonde sur des valeurs tels que l’égalité, le partenariat et le respect des droits.  L’égalité s’acquiert notamment par l’autonomisation de groupes vulnérables et cela permet de renforcer leur participation, a-t-elle ajouté en soulignant qu’il ne faut « laisser personne à la traîne ».  L’experte, a dès lors regretté le manque d’implication des personnes handicapées dans l’élaboration de politiques, ce qui explique, a-t-elle dit, qu’elles soient souvent oubliées dans des situations d’urgence.  « Si vous voulez savoir si une société tient compte des personnes handicapés, a-t-elle indiqué, regardez s’il y a des infrastructures facilitant l’accès des chaises roulantes dans des salles de conférence, regardez s’il y a des documents en braille distribués au cours des discussions, et cherchez des spécialistes du langage des signes. » 

Parmi les populations les plus vulnérables, Mme CARLA MUCAVI, Directrice du Bureau de liaison de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à New York, a parlé des 124 millions de personnes qui ont souffert de la famine l’année dernière.  Ce chiffre était de 108 millions en 2016, a-t-elle rappelé tout en prévoyant que cette tendance se confirme, vu les crises actuelles dans le monde et notamment les déplacements de masse.  Pourtant, « prévenir coûte moins cher que gérer les situations d’urgence », a noté la représentante de la FAO en invitant la communauté internationale à mieux se préparer en renforçant la résilience des communautés. 

La vulnérabilité se vit aussi en fonction du genre, a poursuivi Mme AYONA DATTA, Conférencière au King’s College de New York.  Elle a parlé d’une recherche qu’elle a menée en Inde, et qui laisse voir que les femmes en milieu urbain sont plus vulnérables face à l’insécurité que les hommes.  Ainsi, elles courent davantage le risque de se faire agresser dans leur activité quotidienne de recherche d’un point d’eau.  L’absence d’infrastructures est donc ici également un facteur de vulnérabilité.  Comme parade, les femmes ont la possibilité d’utiliser les réseaux sociaux pour s’informer sur les points d’eau les plus sûrs.  Mme Datta a également donné un exemple de résilience chez des populations urbaines pauvres, vivant dans les bidonvilles, et qui échangent entre elles des informations juridiques afin de se défendre en cas de menace d’éviction.  

Cette volonté de rechercher des solutions à ses problèmes et la confiance en soi font partie de ce que Mme RASHMI JAIPAL appelle la « résilience psychologique ».  Cette dernière tient compte des facteurs tels que l’environnement familial, le milieu de vie, le milieu scolaire et l’environnement professionnel.  Pour la principale représentante de l’Association américaine de psychologie aux Nations Unies et enseignante au Bloomfield College du New Jersey, il est inquiétant de voir que le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes, notamment dans les pays développés, selon des données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). 

Pour cette psychologue, cela signifie qu’il y a des facteurs non durables dans le modèle de développement.  Elle a ainsi pointé le fait que l’on utilise de plus en plus les technologies de l’information et des communications (TIC), notamment les téléphones portables et les réseaux sociaux, qui conduisent au raccourcissement du temps de sommeil et la baisse des facultés de mémoire.  L’utilisation des TIC rogne également la confiance en soi et conduit à l’isolement, la solitude, la dépression et l’angoisse, surtout pour les groupes les moins éduqués.  D’autres facteurs de vulnérabilité sont la perte de valeurs de sa culture originelle.  Face à cette déferlante technologique, Mme Jaipal a proposé d’enseigner une bonne utilisation des TIC et des médias sociaux dans les établissements scolaires.  Elle a aussi rappelé les autres dangers que posent les TIC comme on a pu le voir récemment avec la divulgation des données privées des utilisateurs de Facebook.  Elle a salué la résilience de certains jeunes, comme cette jeune fille de 14 ans qui a créé une application pour signaler les abus dont sont victimes les filles sur Internet.

Dans cette même veine, Mme SAKIKO FUKUDA-PARR a souligné que même si on a besoin d’innovation, des accords institutionnels sont nécessaires pour développer en priorité des technologies qui contribuent au bien commun.  Il faut aussi démocratiser l’accès aux innovations lorsqu’il s’agit de produits à l’utilité avérée, a prescrit cette professeure d’université qui est Vice-Présidente de la vingtième session du Comité des politiques du développement.  C’est parce qu’il faut des technologies qui répondent aux besoins du développement inclusif et des pauvres notamment qu’elle a déploré des lacunes dans le progrès technologique, notant que « c’est le marché qui oriente les progrès et non pas les besoins des plus vulnérables ».  Elle a, de ce fait, déploré ces lacunes et contradictions qui font que les investissements privés s’appuient sur les brevets pour contrôler la technologie et l’innovation, alors que les pays les moins avancés en ont le plus besoin, même après leur passage à la catégorie de pays à revenu intermédiaire.

« Même si la technologie est cruciale, n’oublions pas les droits de l’homme », a plaidé M. BRIAN KEANE, Rapporteur de la dix-septième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones.  Il a rappelé l’importance de tenir compte des savoirs endogènes des populations autochtones qui peuvent aider à comprendre et gérer les défis de nos jours, comme elles l’ont fait depuis des siècles avec les écosystèmes et la biodiversité qu’elles ont su conserver.  Il faut donc que ces populations puissent être représentées à la table de discussion.  Pour lui, les populations autochtones sont « l’exemple vivant de ce que c’est que la résilience » car, elles ont été victimes de diverses tentatives d’extermination, mais elles sont toujours là et participent au progrès social et à la construction des blocs pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Technologie et réduction des risques de catastrophe

Cette table ronde animée par la Vice-Présidente de la Commission de la condition de la femme, Mme KOKI MULI GRIGNON (Kenya), devait répondre à deux questions: quelles sont les mesures de réduction des risques de catastrophe prises par les pays et quelles sont les expériences nationales dans ce domaine en prenant en compte, par exemple, l’égalité du genre et les jeunes. 

Le Premier Vice-Président du Comité des situations d’urgence et de la défense civile du Tadjikistan, M. RUSTAM SHOHIYON, a déclaré que le Gouvernement de son pays avait pris des mesures pour mettre en œuvre les recommandations du Cadre de Sendai en utilisant les technologies de l’information et des communications (TIC) et d’autres solutions innovantes.  Le Tadjikistan a aussi mené des initiatives pour la préservation de l’écosystème des régions montagneuses, qui sont les principales caractéristiques du pays.  Ces mesures seront réalisées dans le cadre d’une plateforme nationale de dialogue et d’un groupe de travail en vue d’élaborer une nouvelle stratégie nationale de réduction de risques de catastrophe avant 2030.  M. Shohiyon a réitéré les engagements du Gouvernement tadjik à renforcer les capacités de réduction des risques de catastrophe, mais s’est plaint que les changements climatiques compliquent la situation.  Il a dénombré pas moins de 75 catastrophes naturelles depuis janvier 2018 au Tadjikistan.  En 2015, un nouveau système d’alerte précoce a été lancé qui prévoit notamment de s’équiper contre les catastrophes et qui permet de limiter les pertes agricoles.  Les catastrophes nous coûtent 5 milliards de dollars par an, a indiqué M. Shohiyon qui a insisté sur la nécessité de mettre à jour les technologies pour équiper un centre d’urgence. 

Le Directeur exécutif de l’Agence de gestion des catastrophes des Caraïbes, M. RONALD JACKSON (Jamaïque), a dit que l’Agence dispose d’une stratégie et d’une feuille de route pour réaliser les objectifs du Programme 2030 et ceux de la réduction des risques de catastrophes naturelles.  C’est le cas notamment du mécanisme d’assurance des moyens de subsistance qui permet de trouver les fonds nécessaires pour le relèvement après une catastrophe.  M. Jackson a aussi souligné l’importance des TIC pour accompagner les mesures de réduction des risques tout en soulignant l’importance des liens entre le développement régional et local et les plans nationaux de développement.  Il a également mis l’accent sur la nécessité de protéger les infrastructures et de renforcer les actions d’urgence au moment des catastrophes.  À cet égard, il faut créer un système fondé sur des données et des informations accessibles à tous, un système qui permette de faciliter à la fois la réduction de risques et la recherche.  L’idée est de créer un centre d’échange d’informations entre les 18 membres de l’Agence, a expliqué le Directeur exécutif.  Il a aussi indiqué que les TIC peuvent être utilisées pour renforcer les capacités, nouer des partenariats avec le secteur privé, et utiliser au maximum le potentiel des universités.  Il a enfin souligné la nécessité des investissements dans les forêts et le besoin d’associer les communautés locales dans la gestion des forêts. 

La technologie aide à parvenir à la résilience, a, elle aussi, souligné la Représentante des jeunes au Comité directeur du Groupe consultatif des organisations non gouvernementales du Centre pour la science et la technique au service du développement, Mme ANNISA TRIYANTI, tout en prévenant du danger de faire de la technologie une fin au lieu d’un moyen.  Puis, elle a attiré l’attention sur l’importance de l’éducation qui est la source de l’innovation et de la technologie.  Elle a réitéré la nécessité de renforcer les capacités des jeunes et d’identifier les compétences nécessaires dans l’utilisation des technologies.  Mme Triyanti a en outre appelé au débat entre les générations pour former les jeunes, prônant une discussion sur le développement durable et le financement des initiatives dans le cadre de réduction des risques de catastrophe.  Dans la réduction des risques de catastrophe, il faut tenir compte des trois piliers du développement, a-t-elle complété.

Si les technologies jouent un rôle central dans la réduction des risques de catastrophe, la prévention se décline dans trois autres dimensions, a pour sa part estimé le Conseiller spécial sur le développement durable, M. YOUBA SOKONA.  La première dimension est la protection des infrastructures physiques; la deuxième concerne les approches, les méthodologies, les processus; et la troisième est l’appropriation et les accords de mises en pratique.  Il faut une bonne coordination pour bien agencer ces trois dimensions, a-t-il ajouté.  Pour M. Sokona, la réduction des risques de catastrophe dépend des contextes, ce qui oblige à développer un éventail de technologies adaptées.  En outre, il faut savoir harmoniser les stratégies de réduction nationales et le Programme 2030, a-t-il ajouté. 

Le Président du Forum des Nations Unies sur les forêts, M. MUHAMMAD SHAHRUL IKRAM YAAKOB (Malaisie), a dit que le Forum avait adopté, en 2017, le Plan stratégique des Nations Unies sur les forêts.  Le Plan, qui s’étalera jusqu’en 2030, se focalise sur l’objectif 5 de développement durable relatif à la « préservation d’écosystème terrestres ».  Il a rappelé que plus de 3,5 milliards de personnes dans le monde dépendent de la forêt pour leurs moyens de subsistance.  Les forêts contribuent au maintien de la biodiversité, a encore déclaré M. Yaakob en précisant l’objectif du Plan qui est d’inverser la perte de terre à couverture forestière d’ici à 2030.  Il n’a pas oublié de dire que la gestion durable des forêts nécessite des financements de la part des États Membres.  C’est là que la technologie peut jouer un rôle, a-t-il conclu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.